R.G : J’avoue ma surprise de découvrir que les services de police français sont plutôt en retard dans ce type de domaine, étrange, ils y gagneraient en efficacité non? Manque de formateurs ou bien manque de financement? Ou bien est ce autre chose d’après toi?
JBD : Si ce n’était que ça. C’est l’ensemble du budget de la justice française qui est à revoir. Il faut que tes lecteurs connaissent une donnée que le gouvernement et les médias français n’ébruitent pas. Elle provient d’une discrète enquête de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice: la France ne consacre que 0,19 % du PIB à la justice, ce qui la place au 37 ème rang européen en la matière.
Et les politiques se permettent ensuite de nous donner des leçons de morale sur l’insécurité. Avec 10 juges et 3 procureurs pour 100 000 habitants, et 438 juridictions supprimées sous Nicolas Sarkozy. Le même Nicolas Sarkozy qui va conserver dans son gouvernement pendant des mois un Ministre de l’Intérieur condamné pour injures raciales par un Tribunal Français.
Le sort des policiers est le même que pour nous autres. Aux États Unis, les enquêteurs sont formés au comportementalisme, le métier de profiler est reconnu. Ce ne sont pas les mêmes façons de faire. Nous, nous sommes dans les effets d’annonce ridicules, eux, dans l’efficacité pure.
Prenons par exemple la très récente affaire Strauss Kahn: Président du FMI ou pas, composez le 911, et des les trois heures, l’individu est arrêté et traduit en justice. Réellement, je doute qu’une femme de chambre française placée dans la même situation aurait bénéficié du même respect de la part des autorités judiciaires. Une main courante, un coup de pied au cul, et avec de la chance, la malheureuse évitait le licenciement. Quand je pense que Jean François Kahn a osé parler de troussage de domestique. Dire que j’ai assuré la défense fictive de cet individu lors d’un concours d’éloquence. Sur ce coup là, il a dépassé les bornes. Des excuses s’imposaient. Heureusement qu’il les a présentées. (voir photo).
Je ne compte plus en France les plaignants qui sont invités avec fermeté à transformer leur plainte en main courante par des officiers de police, alors que le Code de Procédure pénale permet à tout individu de déposer plainte, même si les faits dénoncés sont infondés. Je ne compte plus les affaires de viol qui se voient requalifiées en agression sexuelle pour passer en correctionnelle et effectuer ainsi des économies de coût. A la justice ensuite de faire son travail, de ce débrouiller avec cela.
Pauvre France. Quelle hypocrisie des hommes politiques.
Mais, que veux tu……nous avons les résultats équivalents aux moyens que notre gouvernement investit. Et c’est le justiciable, comme d’habitude, qui en paie les conséquences.
Ce qui m’amuse le plus dans tout cela, et qui est une habitude bien française, c’est qu’outre la sinistre situation de la justice française, on se permet encore de donner des leçons aux américains, tout en adoptant à postériori leur modèle (sans les moyens qui vont avec) 20 ans plus tard.
Quelques exemples : la vidéo-surveillance, qualifiée d’horreur totalitaire il y a 10 ans, multipliée aujourd’hui; la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière délictuelle, embryon du plaider coupable à l’américaine, que l’on a tant critiqué; la rémunération des indicateurs de police; la passage progressif vers un système accusatoire; les portiques de sécurité à l’école……et, la réforme sur la présence d’un avocat pendant les interrogatoires durant la garde à vue. Etc…etc….etc….
Néanmoins, Sur ce dernier point, je souris. Comment vont ils faire pour rémunérer l’avocat pendant tout ce temps, lorsque l’on sait que ce dernier touche déjà une misère pour assister un prévenu en garde à vue lorsqu’il agissait en commission d’office pendant une demi heure ? Comment un avocat peut il être réellement efficace lorsqu’il n’a pas accès aux pièces de procédure telles que la perquisition, par exemple ? Lorsque son rôle est limité à poser des questions à la fin de l’audition de son client, et à assister à celle ci ? Là encore, nous nous inspirons des américains, mais le résultat est bâtard. D’où ce communiqué.
Aux États Unis, un commis d’office travaille à plein temps pour l’État et est rémunéré correctement. Les policiers sont formés par des criminologues, entre autres, et dotés d’équipements ultra modernes. La France refuse de mettre de l’argent sur la table, et n’a pas les moyens de ses ambitions. Donc, le système échoue et s’enraye. Logique.
Ce qui est tout aussi logique mais particulièrement pervers de la part des gouvernements qui se succèdent: tenter de trouver la raison de cet échec. Bien sûr, il s’agit de leur propre carence.
Mais, comme l’écrivait jadis Carl Schmitt, en politique, il faut bien trouver un ennemi, une raison qui explique cet échec patent. Alors, on va rejeter la faute sur les autres, et de préférence, une communauté. En l’occurrence, en France, ce sont les musulmans, stigmatisés jusqu’à l’outrance, qui sont devenus instruments politiques contre leur gré.
Et sont ainsi dévalorisés en tant que citoyens, au quotidien. Alors que de nombreuses familles musulmanes ont contribué à la sérénité de la France en versant leur sang. Mon propre grand père lutta avec ses camarades musulmans dans le 3ème RTA. Leur devise: jusqu’à la mort. Et c’est ainsi que l’on remercie ces familles ? En nous sortant tous les quinze jours un fait divers quelconque qui ne peut avoir d’autre objectif que la stigmatisation. Pitoyable.
Car du débat ridicule sur la burqa à des exemples plus quotidiens, les modes de discrimination en tous genres ne manquent pas.
Tout cela pour masquer une mauvaise appréciation des priorités d’équilibrage d’une société.
Stratégiquement: minable, moralement: abjecte.
R.G : Tu fais allusion aux fanatiques dans ton livre, nous sommes dans une époque qui cherche à comprendre leurs raisons, voire à les combattre. Comment faire selon toi? Combat d’idées par le dialogue ou bien combat physique par les armes. Comment éviter d’être manipulé, voir de devenir un fanatique d’après toi?
Utiliser des techniques de déprogrammation mentale. La violence est inutile. Le fanatisme constitue un phénomène non exclusivement religieux, malgré l’utilisation sémantique biaisée que les médias en font. Le fanatisme est le dévouement total à une cause. Le fanatisme est un comportement extrême qui relève de la passion mais surtout dans lequel le détachement et la pondération n’ont plus de place.
Lors de la guerre d’Algérie, par exemple, à un moment les français, dont le général Aussaresses (qui a eu l’honnêteté de le reconnaître), se sont mis à penser que la torture créerait un effet dissuasif suffisamment fort pour affaiblir la révolution nationale.
Or, ce fut l’inverse qui se produisit. En créant un martyr, on en construit des légions. N’oublions pas les principes d’Aristote sur l’imitation, instinct inné de l’homme. L’emploi de la violence va au contraire renforcer l’adhésion à une cause, et générer du fanatisme réactif.
Autre problème, que je développe dans le livre également et que je décrirais brièvement ici. Une personne placée dans une situation de confrontation en raison de son idéologie ne va pas, contrairement à l’idée répandue, endurcir celle ci, qui est déjà bien ancrée, mais va avoir tendance à se rapprocher du groupe qui partage cet idéologie, et de traiter l’entourage par le mépris. Exemple: l’ado révolutionnaire de la France de 68, devenu aujourd’hui bobo, qui traitait à l’époque ses parents de parvenus, lorsque ceux ci tentaient de le contredire, et cela quel que soit l’argument invoqué par ces derniers.
Plus proches de nous, certains intellectuels francophones qui, partant d’une base légitime de combat pour le respect des droits de l’homme en Palestine, et confrontés à la vindicte classique de l’argument reductio ad hitlerum, finissent par une simple réaction psychologique par devenir obsessionnels sur la question.
Ou, plus amusant encore, de se quereller entre eux pour savoir lequel sera « le plus antisioniste ».
Baroque, très drôle, et, in fine, ridicule. Une véritable cour de récréation.
Des antisionistes qui, pour certains, sans s’en rendre compte, agissent finalement comme des fanatiques puisqu’ils ne raisonnent plus qu’à travers le prisme antisioniste, pensant que le mal absolu viendrait d’Israël. Certes, Israël est le pays, avec l’Iran, le plus impopulaire au monde. Mais il y a bien d’autres problèmes mondiaux, que ce milieu occulte la plupart du temps, pour ne focaliser que sur Israël.
Pourquoi ? C’est tout simple. Leurs principaux rivaux sont les sionistes, donc, plutôt que de se concentrer sur une lutte légitime pour le respect des droits fondamentaux des palestiniens, ils élargissent le problème du sionisme en en faisant le responsable de tous les maux de la terres. En important ensuite le conflit dans des pays tiers. Extrêmistes sionistes et antisionistes, sur ce point, même combat. La France se paupérise gravement, le chômage augmente, les musulmans sont stigmatisés, la société se communautarise, et, comme si cela ne suffisait pas, il faut que l’on importe un conflit extérieur sur notre sol.
Mais dans cette affrontement, d’un point de vue psychologique, l’idéologie sous-jacente n’est pas renforcée pour autant. C’est la perception de l’autre, qui peu à peu, change, jusqu’à devenir une obsession. Mécanisme basique de la psychologie cognitive. D’où la haine respective entre les deux camps. « Antifascistes » et « antisionistes » devraient un jour penser à discuter paisiblement autour d’un bon thé glacé…..dans un endroit neutre, bien français, qui implique de plus en plus de citoyens, un havre de paix et de chaleur humaine……….une salle d’attente de pôle emploi.
Le même système se produit chez ceux qui considèrent l’Amérique comme le centre de l’Enfer. Ah ça, on peut dire que le bon vieux protestant américain d’origine irlandaise, blanc à col blanc avide de fric, est clairement pragmatique, et vise une chose, les intérêts de son peuple.
Mais quand bien même, pourquoi ne pas fonctionner par mimétisme ? Pourquoi ne pas s’inspirer des méthodes ceux qui gagnent pour lutter plus efficacement au profit de ceux qui perdent.
R.G : Tu évoques la suggestion par la privation physique notamment le jeûne à la page 176, notamment en rapport avec la baisse de la création d’insuline qui est un élément influant sur les fonctions neuropsychologiques. Tu prends l’exemple des trois religions monothéistes (Christianisme, Judaïsme et Islam) qui le préconisent. Mais le jeune rituel n’est il pas justement une façon d’entrainer le corps à supporter les privations, et donc réduire la capacité de suggestion des autres sur soi? Il faut aussi noter à ce niveau que les recherches du professeur Gernez (cancérologue réputé mondialement) ont démontrées que le jeûne permet de prévenir de nombreux cancers.
Cette pratique existait bien avant l’apparition des religions monothéistes. Des Upanishads à l’ascétisme bouddhiste, il en est fait mention. Le jeûne est effectivement utilisé comme tu l’indiques, mais il est également employé comme une technique de conditionnement, au même titre que des spots bleus illuminant une foule lors de rassemblement de conditionnement de masse américains, pour renforcer la filia du groupe cible. Outre la création d’insuline, ces méthodes génèrent des ondes alpha, tout comme la télévision. Un sujet évoqué avec bien d’autres techniques dans la partie Brainwashing: lavage de cerveaux. Illustration des spots bleus dont je parlais tout à l’heure: un exemple tiré de notre bon vieux Jordan Chase…..que l’on retrouve dans nombre de séminaires de ce type.
Dans un cas comme dans l’autre, il facilite l’entrée de l’individu dans un léger état de conscience modifiée. Dès lors, oui, scientifiquement, on peut utiliser le jeûne comme une technique de manipulation mentale.
R.G : Racontes nous une expérience personnelle de manipulation qui n’est pas dans le livre.
JBD = Tiens, allez, au hasard, un exemple de travail: un contre interrogatoire de témoin lors d’un procès important. Il s’agissait d’une personne habituée aux médias que je devais contre interroger. Très à l’aise à la barre, cette personne, objet habituellement de toutes les attentions, affichait une prétention sans bornes et une très bonne assurance. Il fallait donc trouver un moyen de la déstabiliser pour atteindre mon objectif: lui faire avouer un mensonge.
J’ai donc ostensiblement mangé des sucreries, en faisant mine de ne pas prêter une once d’attention à sa déclaration. En audience, cela ne se fait pas.
Le témoin s’est donc demandé dans un premier temps comment ce qu’il considérait comme un insignifiant avocat trentenaire pouvait oser se déguster des bonbons alors que lui, célébrité nationale, prenait la parole. Première objectif rempli: témoin en colère. Deuxième objectif, faire durer le plaisir, pour arriver à l’autre phase, importante: le mépris. Le témoin commençait à me mépriser du regard alors que je continuais ce jeu de nonchalance. Troisième et dernier objectif: l’oubli. Il fallait que ce témoin oublie ma présence, me classe verticalement comme on le fait avec un individu que l’on a finit de mépriser.
C’est au moment précis où il m’a oublié que je me suis levé et collé à deux centimètres de son visage pour le confronter pièces en main. La déstabilisation était dès lors acquise, et, surpris, il ne put trouver de réponses crédibles à mes questions, ce qui affaiblit considérablement son témoignage. Parce qu’il avait oublié ma présence, volontairement. Parce que cette présence le gênait. Prends cette gêne initiale, multiplie la par dix, et tu auras une idée de son état d’esprit lorsque je me suis jeté dessus. Il s’agit d’une modération de la vigilance de la cible, qui réagit à des stimuli.
Colère / Mépris / Oubli puis, attaque. Manipulation que je recommande à quiconque cherche à mettre quelqu’un en difficulté. Mais là encore, tout dépend des conditions.
La même mécanique peut d’ailleurs être utilisée lors d’une opération de séduction, de drague.
Nous restons des animaux.
R.G : Que conseillerais tu à tes lecteurs après lecture du livre?
Continuez l’expérience sur le site http:secretsmentalistes.com , et patience, le suivant arrive.
R.G: Le suivant arrive ?
JBD: oui.
R.G: Peux tu nous en dire plus ?
JBD: dans le premier, j’analysais les méthodes énoncées plus haut, principalement pour que le lecteur apprenne à les détecter, et le cas échéant, à les utiliser à son profit, grâce, notamment, à des techniques de mentalisme, ou issues du monde policier, de la justice, de la psychologie ou du renseignement humain.
Le second ouvrage sera encore plus interactif que le premier, et concernera cette fois ci des techniques d’attaque, offensives, de conviction, de manipulation et surtout de séduction. Dans tous les domaines (professionnels, personnels, sociaux, etc…) Beaucoup plus technique, je compte pousser l’expérience à son maximum.
Un autre projet me conduit à travailler plusieurs heures par jour depuis la sortie du livre. Je souhaite franchir un cap supplémentaire de taille à partir de janvier 2012. Sur la même thématique. Mais en poussant encore plus l’aspect technique et en y adjoignant du spectaculaire. Je ne peux en dire plus pour le moment, tu sais que j’aime les surprises. Comme d’habitude, chaque année, un étape supplémentaire sera franchie.
RG: Jusqu’où ?
JBD: Jusqu’à réaliser mon objectif final, qui n’a rien à voir avec l’avocature.
RG: Et qui est ?
JBD: son prénom est « Comment ». Son nom: « No ».
R.G : Que dirais tu pour inciter les gens à acheter le livre?
JBD: Lisez l’interview de Rachid Guedjal.
R.G : La synthèse de toutes ces connaissances, des témoignages n’a pas du être facile à faire. Tu as du sacrifier beaucoup d’éléments pour rendre ce livre abordable au lecteur lambda. Comment fait tu pour conjuguer toutes ces activités en même temps ?
JBD: d’une part je suis mon propre patron donc j’organise mon temps comme je le souhaite. D’autre part j’emploie dans ma vie courante des techniques d’optimisation de temps qui seront décrites dans le prochain ouvrage.
R.G : Au fait, tu es plutôt Cal Lightman ou Patrick Jane?
Mon parcours d’illusionniste mêlé à celui de criminologie, renseignement, pour arriver in fine à l’avocature, me conduit naturellement plus vers le personnage de Patrick Jane.
Rachid Guedjal pour Algerienetwork
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