Guillaume de Rouville à Algerie Network ; Contre le dogme de l’infaillibilité démocratique

Must Read

Covid-19: 287 nouveaux cas, 171 guérisons et 9 décès

ALGER – Deux cent quatre vingt-sept (287) nouveaux cas confirmés de coronavirus, 171 guérisons et 9 décès ont été...

Coronavirus: 276 nouveaux cas, 178 guérisons et 8 décès

ALGER- Deux cent soixante-seize (276) nouveaux cas confirmés de coronavirus,178  guérisons et 8 décès ont été enregistrés durant les...

Covid19: 612 nouveaux cas, 386 guérisons et 13 décès en Algérie durant les dernières 24h

ALGER - Six-cent douze (612) nouveaux cas confirmés de Coronavirus (Covid-19), 386 guérisons et 13 décès ont été enregistrés...

Entretien de Jamouli Ouzidane avec Guillaume de Rouville auteur de la Démocratie Ambigue

1- les printemps arabes se soulèvent contre les dictatures mais on voit aussi des soulèvements dans les pays démocratiques notamment en Grèce, Espagne, Italie, Irlande et jusqu’aux mouvements des indignés, des anonymes et des occupations de Wall Street. Les raisons sont en apparence économiques, mais on voit aussi et surtout qu’elles sont aussi d’autres politiques ; Obama/Bush comme Holland/Sarkosi semblent êtres des faces du même visage. Le jeux semble être bouclé entre deux choix (le cholera ou la peste) sans réelle partie tierce qui n’est finalement la que pour le décors ou l’épouvantail comme le FN en France. Le mythe du choix démocratique en est-il réellement un !

Le choix démocratique est bel et bien un mythe au sein des sociétés occidentales. Les Occidentaux vivent dans des régimes oligarchiques et ploutocratiques qui organisent et orientent le “choix” afin que celui-ci ne contrarie jamais les intérêts du petit clan qui partage le pouvoir économique, financier, politique et culturel. L’absence réelle de choix démocratique se manifeste de plusieurs manières.

En France, par exemple, le système du scrutin majoritaire pour l’élection des députés favorise la consolidation de formations politiques fortes, aboutit au bipartisme, et écrase le pouvoir de représentation des partis secondaires condamnés à le rester. En outre, en fait de bipartisme nous sommes plutôt en présence d’un parti unique au sein duquel il y aurait plusieurs tendances : l’orientation en matière de politique économique et de politique étrangère est sensiblement la même au sein des partis principaux, les différences se font principalement sur des questions annexes.

L’oligarchie en France est pour le libéralisme, pour les traités européens ultra-libéraux, pour le choc des civilisations ; pour la suprématie du dollar ; pour l’hégémonisme américain (ce que j’appelle les fondamentaux de la domination). Vous n’aurez, par conséquent, jamais aucun candidat (que ce soit en France ou dans l’ensemble des pays européens d’ailleurs) ayant une chance de gagner des élections, qui s’opposera à ces fondamentaux. Si vous tentez de remettre en cause l’un quelconque de ces fondamentaux vous serez rapidement présenté par les médias comme un extrémiste et vous serez condamné à jouer le simple rôle d’apporteur de voix pour les partis principaux au second tour des élections.

En revanche, pour faire bonne figure et donner l’impression que vous avez le choix entre des candidats opposés, on laisse les partis s’étriper sur des questions sociétales qui ne remettent pas en cause les fondamentaux de l’oligarchie : les uns sont pour le mariage des homosexuels, les autres pas ; les uns sont favorables à l’avortement, les autres pas. Ces questions sociétales ne touchent jamais au pouvoir oligarchique, elles sont donc librement débattues et donne une caution démocratique à un régime qui ne l’est pas.

Pour ce qui est des États-Unis, on est exactement dans la même situation. Que ce soit Bush, Obama ou tout autre personne, vous verrez toujours les États-Unis recourir aux guerres humanitaires pour faire main basse sur les ressources naturelles des pays récalcitrants à son hégémonisme, vous continuerez à assister à la déstabilisation politique ou économiques des régimes qu’ils ont en ligne de mire (comme le Venezuela d’Hugo Chavez et ses alliés régionaux, ou encore l’Iran et la Russie).
2 – vous avez fait des déclarations jugés très fortes contre la démocratie qui ressemblent un peu à des déclarations qu’on aurait qualifié d’extrémistes comme celle de Tché Guevara, Malcom X, ou Franz fanon en disant ;
il est impératif de s’attaquer avec force à ce dogme parce qu’il est l’un des plus meurtriers qui soit : il permet, avec une impunité déconcertante, les actions les plus criminelles de la part des démocraties occidentales qui sont, si on y prête bien attention, les régimes les plus violents et les plus meurtriers de la planète depuis la chute du mur de Berlin et la disparition de la menace communiste…

y’a t-il ici un crime contre l’humanité ou des génocides si on prend le cas de l’Irak ou de l’Afghanistan notamment … au même titre des génocide commis par les dictatures en Afrique ou au Moyen orient justement parce que dans ces crimes aussi, ils sont fait avec les armes et la complicité indirecte ou directe des démocraties.
Comment arrive à pervertir tout ce monde des élites politiques, culturelles, médiatiques, économiques…

Mes propos ne sont pas contre la démocratie en tant que telle (c’est-à-dire en tant que système politique), mais contre le dogme de l’infaillibilité démocratique et contre l’instrumentalisation de la démocratie, par les élites des pays occidentaux, notamment à des fins de conquêtes impériales.

Le dogme de l’infaillibilité démocratique est partagé par les élites et les peuples occidentaux : d’après ce dogme, quand une démocratie agit, elle ne peut pas faire ni vouloir le mal, parce qu’elle est une démocratie. Ce dogme est dangereux parce qu’il empêche de juger dans les faits des actions réelles des démocraties qui sont touchées par une sorte de grâce immanente qui transforme le mal en bien. C’est un dogme qui rend aveugle les occidentaux face à leurs crimes, les empêche de juger leurs actes en transformant la mort d’un enfant irakien sous les bombes au phosphore de l’armée américaine en rédemption des fautes de son dictateur ou, pire, en un simple fait divers.

Il est urgent de s’attaquer à ce dogme pour que les peuples occidentaux ouvrent enfin les yeux devant les crimes de masse à grande échelle commis par leurs représentants dans des pays comme l’Irak, l’Afghanistan, la Libye ou même la Syrie. Il n’y a pas d’autres régimes, depuis la chute du mur de Berlin, qui commettent autant de crimes contre l’humanité à une échelle globale que ceux des pays occidentaux. La lutte contre le terrorisme et le choc des civilisations en sont les prétextes faciles vendus à l’opinion publique pour lui faire consentir aux crimes de ses dirigeants.

Aux crimes que nous venons de citer nous pourrions ajouter également les crimes économiques qui permettent à l’Occident de maintenir sous leur coupe nombre de pays en développement : notamment par la dette et les plans d’ajustement structurels (dont les deux instruments principaux sont le FMI et la Banque mondiale).

On a le sentiment que les élites occidentales ont octroyé la démocratie à leurs administrés pour pouvoir se maintenir au pouvoir (on est dans l’illusion que les droits sont le résultat de conquêtes populaires). En échange de quoi les peuples occidentaux ont fermé les yeux sur un certain nombre de crimes humains, politiques, économiques perpétrés par leurs élites. Aux commencements de la jeune république américaine les élites ont dit à leur peuple : vous nous laissez massacrer les Indiens et utiliser le travail des esclaves, et en échange on vous octroie des droits politiques et économiques. En France, au moment de la Monarchie de Juillet (1830-1848) et surtout sous la troisième république, le langage a été le suivant : on vous donne davantage de droits et vous nous laissez coloniser (c’est-à-dire, tuer, massacrer, piller, etc.) à loisir.

D’une certaine manière les élites occidentales ont moins besoin de s’acharner contre leurs propres peuples parce qu’elle s’acharnent contre les ‘autres’. Cela a plusieurs avantages : elles obtiennent le soutien de leurs opinions publiques et peuvent colorer leur action sous un jour moral. Cela affaiblit aussi les voix discordantes qui ont peur d’affaiblir les droits octroyés en contestant la légitimité et les actions de ceux qui les ont accordés.
3- Dans vos études, vous vous êtes concentré uniquement aux 20 dernières années, pourquoi ne pas aller loin dans le temps et aussi l’espace pour voir ; les colonisations,  guerres de religions, les révolutions françaises et russe, les siècles des lumières et de l’humanisme … et peut être jusqu’aux origines de la démocratie grecque …

L’idée est de montrer que les choses n’ont pas changé depuis la disparition de l’ennemi soviétique. On a tendance a penser que les mauvaises actions des Occidentaux appartiennent au passé. Et bien, non, justement, les Occidentaux continuent à commettre de manière régulière et répétées des crimes contre l’humanité. Ils n’ont plus l’excuse (mauvaise) de la menace soviétique. Mais, on le sait, ils ont trouvé, à point nommé, un substitut à cette menace : la menace du terrorisme islamique.
4- Vous mettez en cause surtout des puissances comme les USA et aussi la France, et je suppose aussi l’Angleterre. Pour L’empire US, on pourrait comprendre la politique, mais pourquoi la France et l’Angleterre qui ne sont plus des puissances continuent leur prédation d’anciennes colonies sans jamais apprendre de leur histoire, sans sentiment de culpabilité, sans pudeur et sans dignité. Comment vous expliquez le silence et le suivisme des autres démocraties européennes.

Je ne voulais ma me concentrer seulement sur les États-Unis pour ne pas tomber dans le piège de l’accusation d’anti-américanisme primaire. C’est la raison pour laquelle j’ai tiré de nombreux exemples de crimes des actions passées ou récentes de la France. Je suis en faveur d’un travail d’introspection au sein de l’Occident et également au sein des différentes composantes de l’Occident et non pas seulement de son représentant aujourd’hui le plus puissant que sont les États-Unis. Il est important de montrer que les satellites de l’empire américain agissent selon les mêmes inspirations mortifères que celles de leur modèle imposé. J’aurais pu aussi bien illustrer mes propos avec la politique étrangère ou économique de l’Angleterre, mais je ne voulais pas surcharger un sujet déjà lourd et difficile à digérer.

Si la France et l’Angleterre ne sont plus des grandes puissances comme au XIXème siècle, elles en ont encore les stigmates. Leur pouvoir de nuisance respectif est encore considérable et leurs élites se passent le relais de décennies en décennies pour maintenir leur mainmise sur le complexe militaro-industriel et médiatique de leurs pays respectifs. La culture de nos oligarchies a très peu changé au fils des années : dominer et exploiter semblent encore former la base de leur vocable. Ensuite, en tant qu’auxiliaires de la puissance américaine, l’Angleterre et la France sont utilisés pour accomplir certaines des tâches ingrates de l’empire comme on l’a vu récemment en Libye.

Les élites européennes sont aujourd’hui toutes atlantistes, autrement dit, elles acceptent de se mettre au service de l’empire américain et d’en récupérer les miettes pour elles. L’atlantisme, qui est l’idéologie dominante de l’oligarchie européenne, explique son suivisme et le fait que ne soient jamais remis en cause de manière sérieuse les fondamentaux de la domination américaine :

(1) le libéralisme financier et la puissance des banques,

(2) la prééminence du dollar dans les échanges internationaux,

(3) les guerres de conquête du complexe militaro-industriel ;

(4) l’alliance indéfectible avec l’Arabie saoudite (principal État terroriste islamique au monde) ;

(5) le soutien sans faille au sionisme.

Pour parvenir à imposer cette idéologie aux pays européens, les États-Unis ont utilisés tous les moyens à leurs disposition depuis la fin de la seconde guerre mondiale : la corruption des élites (opération Mockingbird, programme du National Endowment for Democracy), les menaces économiques , les attentats sous faux drapeau (notamment en Italie dans les années 60, 70 et 80) et les coups d’États (comme en Grèce en 1967).

 

5 – Vous dites que ces démocraties ne font pas une politique dans les intérêts de leur propre population et même au contraire de ces intérêts. Comment arrive t-on à pervertir tout un système politique dans son ensemble et surtout comment la classe médiatique et intellectuelle continue à faire l’abrutissement de leur population avec le divertissement et pire la propagation de la haine qui prépare et justifie aux gouvernements leur politique de violence.

Les médias n’étant pas indépendants des oligarchies qui les dirigent on ne doit pas s’attendre à ce qu’ils nous livrent une analyse opposée aux intérêts défendus par l’atlantisme. Les médias font partie intégrante du pouvoir et défendent donc ses préjugés et ses intérêts : il suffit de regarder qui les détient pour le comprendre. En France nous avons à la tête des médias essentiellement de grands industriels de l’armement, du bâtiment et des transports dont le succès économique dépend des commandes de l’État. On retrouve le même phénomène dans tous les grands pays occidentaux. Pour ce qui est des intellectuels, nous sommes dans la même situation que pour les médias : les intellectuels audibles sont ceux qui défendent l’atlantisme et ses fondamentaux, les autres sont condamnés à tenter d’exister sur le net. C’est la raison pour laquelle vous entendrez à longueurs d’ondes radio et télévisées les appels à la guerre lancés par BHL en ce qui concerne la Libye et la Syrie et que seront mis en sourdine les voix discordantes comme celles de Michel Collon ou Rony Brauman.
-6 Quelles sont les failles principales de la démocratie et ou se situe exactement la faille critique. Rousseau nous avait déjà prévenu ; il n’a jamais existé de véritable démocratie, et il n’en existera jamais. Il est contre l’ordre naturel que le grand nombre gouverne et que le petit soit gouverné. Mais sa plus grande réserve était surtout la FORME de représentativité qu’il pense tout simplement impossible.

Un système politique ne peut être démocratique que si les personnes qui le font fonctionner partagent les valeurs démocratiques. Autrement dit ce n’est pas le système politique qui fait la démocratie mais les personnes qui ont la charge de le mettre en branle. Ou dit encore autrement, les valeurs démocratiques sont plus importantes que le système dit démocratique, car la démocratie, pour moi, n’est pas tant un système politique qu’un ensemble de croyances en certaines valeurs. Ainsi, vous pouvez avoir un système formel qui s’apparente à une démocratie (existence du droit de vote et liberté d’expression) et pourtant vivre dans un véritable régime oligarchique : parce que le pouvoir est en fait confisqué par une élite, que le vote ne permet jamais de remettre en cause les privilèges de cette élite, et que la liberté d’expression, si elle peut être totale, n’est pas autorisée à changer l’ordre des choses (je parle de “liberté impuissante”).

En outre, comme Rousseau l’avait compris, la démocratie ne peut pas réellement exister dans un système de démocratie représentative. Soit la démocratie est directe (les citoyens sont alors amenés à s’exprimer sur de très nombreux sujets de manière régulière) soit elle est confisquée par une oligarchie qui reçoit à échéance régulière un blanc-seing de la part des votants pour faire, une fois élue, ce qu’elle veut (c’est la situation que nous vivons en Occident, sauf, peut-être, en Suisse). Dans un système de démocratie représentative le citoyen abdique sa propre souveraineté au profit d’une tierce personne qui décidera de tout pour lui.

 

7- Que pensez-vous de cette relation incestueuse entre les démocraties occidentales et des dictature obscurantistes islamiques comme celles du Golfe comme l’Arabie Saoudite et le Qatar contre tous les fondements de la démocratie à savoir les droits de l’homme, ceux de la femme et de la laïcité … quand elles vont bombarder les autres pour ces mêmes valeurs. Quelle magnifique démonstration de valeurs à vitesses multiples et d’hypocrisie au grand jour !

Il s’agit là d’un sujet fondamental qui explique le mensonge de la lutte contre le terrorisme, l’escroquerie qu’est le choc des civilisations et pourquoi les pays occidentaux ne sont pas des démocraties.

Depuis des décennies (avant même la seconde guerre mondiale) les États-Unis ont développé des liens très étroits avec l’Arabie saoudite (et les pays du Golfe) pour des raisons évidentes d’intérêt national et de géostratégie. Mais, se faisant, ils ont accepté de collaborer avec un pays qui se trouve être le principal financeur du terrorisme islamique dans le monde. Les élites américaines et européennes ne peuvent prétendre honnêtement lutter à l’échelle mondiale contre le terrorisme islamique et en même temps collaborer économiquement, financièrement, diplomatiquement, militairement, avec son sponsor principal.

Il y a là un mensonge fondamental des sociétés occidentales qui va encore plus loin : car il ne s’agit pas seulement de fermer les yeux sur les agissement terroristes de l’Arabie saoudite (et du Qatar) pour s’enrichir et faire des affaires (ce qui est déjà très grave) ; il se trouve que les Occidentaux instrumentalisent depuis les années 1980 le terrorisme islamique, l’encouragent, le laisse se développer, lui offrent des moyens techniques pour étendre son emprise afin de justifier la guerre contre le terrorisme islamique et le choc des civilisation dans le but d’étendre le nombre de leurs bases militaire dans le monde, de justifier leurs interventions ici ou là pour s’accaparer, au final, les ressources naturelles et financières (comme en Libye et en Syrie) de certains pays et contrarier les stratégies de développement économiques des puissances montantes comme la Chine et la Russie.

Pour masquer cette connivence entre les élites occidentales et les financeurs du terrorisme qu’elles sont sensées combattre, il faut nécessairement manipuler les médias, ou plutôt, contrôler les médias pour manipuler les opinions publiques qui ne doivent pas comprendre l’importance de ces liens. L’unanimisme des médias occidentaux en faveur de l’intervention en Libye et l’absence quasi totale de critique des méthodes employées pour faire tomber le régime de Bashar-el-Assad illustrent, s’il en était besoin, l’absence de démocratie quant il s’agit de sujets importants qui touchent aux fondamentaux de l’oligarchie. En Europe, la presse atlantiste a bien joué son rôle de gardienne du temple impérial.

8- Que pensez vous de cette haine qui s’accumulent maintenant dans le sud contre ces démocraties occidentales. N’avez vous pas peur de l’effet boomerang, que la terreur va changer de camps, que ce qu’on a semé on va le récolter … tôt ou tard … avec des effets catastrophiques dont on parle si peu ; la disponibilité d’armes biologiques …

Je pense que nos élites s’accommodent fort bien de la montée des haines. Elle justifie leur prétendue guerre contre le terrorisme et son corollaire qu’est le choc des civilisations. Elles sauront tirer profit, et c’est la leur force, des actes hostiles dont ces peuples pourraient avoir à pâtir. Plus le chaos est fort, plus les oligarchies parviennent à maîtriser les populations, car il est beaucoup plus facile de gouverner par la peur que par la vertu.

En outre, la montée des haines permet aussi aux élites de détourner la colère des peuples contre des bouc émissaires faciles. Plutôt que de se retourner contre l’oligarchie banquière et de lui réclamer des comptes ou des têtes, le peuple est incité à manifester sa colère et ses frustrations contre les Musulmans qu’il est facile d’identifier avec les terroristes islamiques tant nos médias nous répètent à l’envi que le problème de nos sociétés c’est l’Islam. Ainsi, s’il y a un effet boomerang, à mon avis c’est qu’il est voulu, voir aidé par nos élites pour servir leurs intérêts bien compris.

9- Que pensez vous de ces guerres du Moyen orient. Les uns expliquent cela par des guerre de religion ; croisade, colonisation qui se perpétue par des dictatures assistés par les démocraties . D’autre les expliquent cela par juste l’économie; les alliance entre pétrolières, industries de l’armement et les financières. Finalement les darwiniens les expliquent par tout simplement des théories de l’adaptation et de la mutation devant la bifurcation et la complexité (entropie et donc désordre maximum). Le Malheurs aux vaincus des Gaulois (Tite Live) et l’Histoire de l’humanité résumé dans son histoire des guerres (ethnique, nationalistes, religieuses, … ) leur donne raison.

Les guerres aux Moyen orient n’ont rien à voir avec les religions. Les religions sont utilisées pour attiser les tensions et donner de la crédibilité au choc des civilisations qui est l’explication et la justification donnée par les idéologues au service de la vision impériale des États-Unis et de ses alliés. Ces guerres sont quasi toutes le fait de l’Occident qui craint de perdre son influence sur la scène mondiale et, partant, son accès aux ressources non renouvelables de la planète face à la Chine, à l’Iran et à la Russie notamment. Elles sont l’expression de choix géostratégiques clairs. Mais ce qu’il faut bien comprendre c’est que ces choix géostratégiques sont au final réalisés par une toute petite élite pour son propre intérêt. Ce n’est pas l’intérêt de l’Occident que les élites occidentales défendent en envahissant des pays qui ne les ont pas agressés, ce sont leurs intérêts pécuniaires personnels et leur propre volonté de puissance.

Les guerres sont le résultat de choix effectués par des hommes ; elles ne sont pas une fatalité inscrite dans le désordre du monde. Il serait trop facile de dire qu’elles sont le résultat de mutations inévitables qui les rendraient elles-mêmes inévitables. Cela enlèverait, d’une certaine manière, toute forme de responsabilité aux démocrates aux mains sales qui poussent à ces guerres et au chaos qui en émerge pour accomplir leurs ambitions mortifères. Les guerres répondent à des stratégies ; elles ne sont que l’expression de la volonté de certains groupes humains. Et ces groupes humains sont relativement bien identifiés.

10 – Pensez vous que le conflit du proche orient entre Israël et le monde arabo-musulman a une solution. Pensez vous que les démocraties vont continuer a soutenir avec leur argent et leur sang Israël pour des raisons de démocratie ou de culpabilité historique et contre leurs propres intérêts surtout avec ce problème avec l’Iran qui semble être critique.

Pour trouver une solution au conflit entre Israël et le monde arabo-musulman il faudrait que les hommes impliqués soient raisonnables et qu’ils aient un intérêt personnel à la paix. Or la paix n’apporte pas autant de dividendes au complexe militaro-industriel des États concernés que la guerre et le chaos pour avoir une chance d’apparaître. Il n’y a pas de raison de penser que la paix soit à portée de mains.

Je ne vois pas ce qui pourrait changer l’attitude de l’Occident par rapport à Israël. Les États-Unis, pour des raisons de géostratégie et en raison de l’influence des néoconservateurs et de l’AIPAC n’ont pas de raison de mettre fin à l’alliance avec Israël. Les européens ne faisant en cette matière, comme en beaucoup d’autres, que suivre les directives de Washington, ne changeront pas plus de position. La culpabilité de l’Europe par rapport aux événements de la seconde guerre mondiale est évidemment entretenue et utilisée par les États-Unis et Israël pour maintenir le statu quo en cette matière. Cette culpabilité est entretenue par les nombreux films et livres qui mettent au centre du débat moral contemporain la question de la Shoa et marginalisent la colonisation, l’extermination des Indiens d’Amérique, la traite des noirs ou la responsabilité de la France dans le génocide rwandais.

11- Pensez vous qu’il faut juste rénover la démocratie ou rechercher une autre forme de systèmes. Que proposez vous. Faut t-il changer le système, l’homme ou l’humanité ! Vous parlez de vote influence par Howard Zinn (et surtout de son expérience au Vietnam), préconisez vous alors donc une solution pacifique (il a écrit ; Désobéissance civile et démocratie) et que pensez vous de tous ces mouvements d’anarchies. ou pensez vous que le problème peut être résolut par un autre concept ou paradigme a imaginer et produire.

Je pense qu’il n’est pas utile de se battre pour un système puisque je crois dans les valeurs démocratiques et non pas dans la forme politique qui les porte. En revanche, je ressens une obligation morale de porter les valeurs démocratiques au cœur de l’Occident qui les bafoue tous les jours. Il faut donc se battre pour mettre fin à l’impunité dont jouissent les démocrates aux mains sales. Pour se faire il faut tenter de fédérer toutes les forces démocratiques anti-oligarchiques.

Je ne me fais pas d’illusions sur la très grande difficulté qu’il y a à faire tomber les oligarchies occidentales et à créer un mouvement unifié et puissant capable de renverser le mauvais ordre des choses. Mais, il me semble, on n’entreprend pas une lutte politique parce qu’on est certain de réussir, mais parce qu’on est poussé par une nécessité morale.

La vraie question, pour tous ceux qui s’indignent chaque jour de voir leurs représentants approuver des crimes que leur conscience réprouve est de savoir comment faire pour mettre fin à ces crimes ? C’est à la fois la seule question qui vaille et la plus difficile à résoudre. Il ne peut y avoir de solution que collective. On se doit de partir à sa recherche tout en sachant qu’elle n’existe peut-être pas, qu’elle peut apparaître pendant un instant et s’évaporer dans le chaos de l’aventure collective. La seule chose que nous puissions faire c’est de tout tenter : des actions de désobéissance civile à la contestation plus radicale ; des actions d’information à l’engagement syndical ; des manifestions des Indignés à l’organisation d’une résistance sur le modèle du commandant Marcos au Mexique par exemple, etc.

J’admire Howard Zinn pour son érudition mise au service de la défense des plus faibles. Avec son “Histoire populaire des États-Unis” il renverse la perspective historique traditionnelle et décrit l’histoire de ce pays du point de vue de ses victimes et non plus de ceux qui en ont le plus profité. Son engagement en faveur de la désobéissance civile est important et est également une voie à suivre.

Mais je pense, que face à des crimes contre l’humanité commis par nos représentants il faille aller un peu plus loin que la désobéissance civile qui ne fait pas bien peur à nos dirigeants. J’évoque la notion de contre-violence (ou d’alter-violence) qui autorise à recourir à la violence comme moyen de légitime défense dans le cadre de crimes odieux et inacceptables.

La notion de légitime défense renvoie à la proportionnalité des moyens employés pour faire cesser une agression : plus l’agression est violente et plus l’usage de la violence en retour, pour se défendre, est autorisée. La contre-violence n’est pas aveugle et ne vise pas à la domination ; elle se contente de répondre à une attaque pour empêcher la commission d’un crime contre l’humanité. Comme nous sommes tous visés par un crime contre l’humanité, chaque citoyen, même s’il n’est pas une victime directe du crime, peut recourir à la contre-violence pour stopper l’innommable ou l’inavouable.
12- Quand vous parlez de l’ambigüité en politique, je trouve cela assez pertinent car c’est la première que j’entend ce terme qui a été très utilisé par les post moderne avec abus si on voit l’affaire Sokkal. Quel est le lien avec les théories de complexité et de chaos très utilisées maintenant en sciences humaines et politiques car le chaos n’est que l’accumulation de l’ambigüité jusqu’a un point critique qu’on appelle d’ailleurs la lisière du chaos ou le chaos émerge. A mon avis vous êtes le premier écrivain à donner la source du chaos en politique. Pouvez vous élaborez avec plus de précision ce lien ente ambigüité et chaos. comment résoudre l’ambigüité qui est intrinsèque à la communication et aux langage …

Il y a deux sortes d’ambiguïté. Il y a celle qui porte sur la nature de la démocratie occidentale, c’est son caractère schizophrène. Et il y a celle propre au langage politique de nos représentants.

La démocratie occidentale est ambiguë en ce sens qu’elle revêt des caractéristiques contradictoires, qui devraient être incompatibles entre elles : ainsi, elle peut être douce avec la plupart de ses citoyens qui ont la liberté de vote et d’expression (dans des limites bien comprises : celles qui ne permettent pas de remettre en cause les fameux fondamentaux de l’oligarchie), par exemple, et impitoyable avec  les ‘autres’ qu’elle va bombarder, massacrer assassiner sans se poser de question morale, sans s’interroger sur le droit des populations cibles à exister et à être respectées. Elle peut être aimable pour certains et tyrannique pour d’autres. Et cela, au sein même de ses frontières politiques : comme on l’a vu par exemple avec le traitement des populations noires soumises en esclavage pendant près d’un siècle aux États-Unis, tandis que les notables blancs bénéficiaient de tous les privilèges de la citoyenneté.

Comme je l’ai dit dans un article récent, “la démocratie est à la fois le meilleur régime et celui qui permet le mieux de faire la guerre au nom de la paix, de tuer au nom des droits de l’homme, de persécuter au nom de la liberté individuelle, de conquérir des pays au nom des peuples à disposer d’eux-mêmes”. L’ambiguïté crée dans les esprits une sorte de confusionnisme, de chaos intellectuel, qui empêche de bien appréhender la réalité politique qu’on nous propose. La psyché humaine ne sait pas traiter facilement les situations complexes ou confuses ; elle est plus à son aise dans les oppositions simples, noir-blanc, bien-mal. Face à des situations où se mêlent à la fois le bien et le mal, à des comportements complexes où se marient les contraires, il est difficile de se positionner moralement, et partant, pour les habiles manipulateurs (qu’il s’agisse de structures ou d’individus) il devient aisé d’imposer et de maintenir leur pouvoir sur les masses perdues dans le chaos de leur jugement moral dérouté.

Le parallèle avec la théorie du chaos, qui est appelée aujourd’hui émergence, peut être fait avec la manière dont l’oligarchie agit. L’oligarchie est un ensemble de groupes d’individus influents dans leur domaine d’évolution/de compétence (industrie de l’armement, industrie du pétrole, la finance, le milieu politique, culturel, etc.) dont les membres ne décident pas individuellement de l’orientation du système oligarchique, cette orientation émergeant du cerveau collectif comme l’ordre du chaos des impulsions de chacun. Les contradictions et les oppositions des différents membres s’estompent pour donner un sens à leurs actions au niveau collectif qui définit le pouvoir de l’oligarchie et son unité. C’est la force de l’oligarchie, car elle n’a pas une tête bien identifiée qui décide pour l’ensemble de ses composantes ; ce sont ses composantes qui forment une sorte de cerveau commun d’où émerge un sens, une direction commune. Partant, il est très difficile de combattre l’oligarchie, car on ne sait pas où frapper ; c’est une hydre à mille têtes et non pas un monarque absolu dont il suffirait de couper la tête pour mettre fin à la tyrannie.

L’autre aspect de l’ambiguïté dont je parle concerne le langage politique. Les hommes politiques doivent répondre aux désirs contradictoires de leurs multiples cibles ; il leur faut donc adapter leur discours en fonction de leur auditoire ; ils finissent donc pas dire tout et son contraire et par développer une ligne politique faites d’incohérences et de confusion. Chacun des auditoires entend ce qui lui convient et met de côté les contradictions du discours politique. Cependant, là encore, à l’incohérence intrinsèque du discours politique correspond une ligne directrice de l’action politique : l’incohérence apparente est rattrapée par l’impossibilité de dévier des fondamentaux de l’oligarchie. L’ambiguïté ne déborde pas hors des limites de l’ordre oligarchique.

Le rôle de l’intellectuel, du journaliste est de pointer du doigt cette ambiguïté, de la décortiquer et d’aider à comprendre ce qui ce cache derrière pour que les citoyens puissent commencer à prendre leur distance par rapport au discours oligarchique et puissent commencer le travail d’introspection dont je parlais plus haut.

13- Avez vous des difficultés avec le système ( médias, journaux, tv, éditeur) pour promouvoir votre livre pour plus de visibilités. Que pensez vous de ces nouveaux modes de communication comme les réseaux sociaux et l’internet en général. Sont-il une liberté ou plutôt une déviation car on est tous noyés maintenant par la pensée de tous et finalement c’est Goggle et Facebook qui vont décider de la voie de son maitre .; la visibilité !

J’avoue que ne cherchant pas la reconnaissance du milieu médiatique dominant je n’essaie pas de promouvoir le livre à travers ses relais. Le livre se vend quasi exclusivement grâce au site d’information l’Idiot du village que j’anime depuis dix ans et au site de l’éditeur (Éditions Cheap). C’est la même raison qui m’a fait choisir un éditeur indépendant (je n’ai même pas tenté de contacter d’éditeur de la place). Le pari semble d’ailleurs réussir, puisque que nous en sommes à la deuxième édition (revue et augmentée, fin novembre) après trois mois seulement !

L’avenir de l’édition indépendante passe sans doute par internet. Dans le domaine de l’édition traditionnel il est très difficile d’avoir accès aux réseaux de distribution pour un jeune éditeur. Pour pouvoir être distribué il faut être reconnu et pour être reconnu il faut être distribué. Sur internet on peut arriver, à force de travail et de patience, à atteindre un certain public qui cherche des informations moins formatées que dans les médias sous contrôle.

Je ne me fais cependant pas trop d’illusions sur la liberté du net. Je crois que cette liberté ne sera pas éternelle, ou que si elle demeure longtemps ce sera parce que l’oligarchie se sera rendue compte qu’elle n’a pas grande valeur contestataire (je parlais plus haut de « liberté impuissante »).

Les réseaux sociaux sont à la fois un outil utile de partage des informations mais aussi le meilleur moyen pour la puissance dominante de contrôler et de manipuler les opinions de chacun. Là aussi on retrouve l’ambiguïté au cœur du système. Ainsi l’internaute donnera facilement et volontiers l’ensemble de ses données personnelles à cette machine orwellienne qu’est Facebook alors qu’il l’aurait sans aucun doute refusé si c’était l’État qui le lui avait demandé. C’est, ainsi, par l’usage de votre propre liberté que l’on peut désormais vous surveiller au plus proche ; vous vous soumettez volontairement à un ordre de plus en plus orwellien, et c’est par l’exercice de votre liberté que vous cédez aux injonctions du contrôle.

Il semble d’ailleurs que les principaux investisseurs de Facebook appartiennent aujourd’hui au milieu du renseignement américain. Ils disposent là d’un outil de surveillance et de manipulation (par la censure ou en impulsant des idées) extraordinairement puissant que l’État américain saura mettre à profit.

On le voit, l’ambiguïté, le confusionnisme, sont au cœur de la machine à contrôler les foules contemporaines. Confronté à l’ambiguïté d’une situation l’individu perd une partie de ses repères moraux qui lui permettraient d’agir sur le réel avec force et conviction.

Entretien de Jamouli Ouzidane avec Guillaume de Rouville auteur de la Démocratie Ambigue

- Advertisement -
- Advertisement -

Latest News

Covid-19: 287 nouveaux cas, 171 guérisons et 9 décès

ALGER – Deux cent quatre vingt-sept (287) nouveaux cas confirmés de coronavirus, 171 guérisons et 9 décès ont été...

Coronavirus: 276 nouveaux cas, 178 guérisons et 8 décès

ALGER- Deux cent soixante-seize (276) nouveaux cas confirmés de coronavirus,178  guérisons et 8 décès ont été enregistrés durant les dernières 24 heures en Algérie,...

Covid19: 612 nouveaux cas, 386 guérisons et 13 décès en Algérie durant les dernières 24h

ALGER - Six-cent douze (612) nouveaux cas confirmés de Coronavirus (Covid-19), 386 guérisons et 13 décès ont été enregistrés ces dernières 24 heures en...

Karim Benzema peut-il prétendre Ballon d’Or ?

Le Real Madrid a remporté, ce jeudi, son 34ème titre de champion d’Espagne après une lutte acharnée face au FC Barcelone. Grâce à sa...

Algérie-Turquie : L’opportunité historique pour une alliance stratégique

« En toute période de transition, on voit surgir cette racaille qui existe dans toute société et qui, elle, non seulement n’a aucun but, mais...
- Advertisement -

More Articles Like This

- Advertisement -
Translate »