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 Al – Moutanabbi (915 – 965) / Al – Maârri (973 – 1057) : Y a-t-il préféré et préférable ?

 

Célèbre Boulevard Al-Moutanabbi à Baghdad ou Foire quotidienne du Livre.

Une amie française, rencontrée sur Facebook, a eu, dans le cadre de nos échanges épistolaires, à me poser, le 22 février 2018, la question suivante :
« Quel fut le plus grand poète en langue arabe: Al-Moutanabbi ou Al-Maârri ? »

Simple question qui ne peut s’accommoder d’une réponse avec juste un nom à cause du vaste programme englobant un flot de souvenirs et d’une conjoncture unique qui m’a fait voguer non seulement sur les seize mers de la poétique arabe mais également sur quelque quinze siècles d’une production qui a depuis fort longtemps acquis ses titres de noblesse. Une des preuves ? Cette question qui nous vient du centre de la France.

En lui répondant, tout un flux de réminiscences – au sens aristotélicien du terme – teintées de tendres souvenirs, me renvoie entre ces deux poètes auxquels, immanquablement, se devaient de « resurgir» Abou Firas Al Hamadani [932 – 4/4/968] – (أبو فراس الحمداني), le poète et épistolier en prose rimée et rythmée, Badi’Ezzamane Al Hamadhani [968 – 1007] (بديع الزمان الهمذاني), précurseur du style des « maqamat » dont 52 nous sont parvenues sur les 400 qu’on lui reconnaît selon des sources indiscutables, ainsi que Aboul Faraj Al- Asfahani [897 — 967] (أبو الفرج الأصفهاني) qui mit cinquante ans pour terminer sa monumentale compilation de la poésie arabe « Al-Aghani » ( الأغاني) – débutant par les poètes d’Al-Jahilia et finissant par ceux de son époque –  en 25 volumes. Jacques Berque nous a laissé un choix de poèmes puisés de ce livre et traduits sous le titre de « Musiques sur le fleuve, les plus belles pages du Kitâb al-Aghâni », publié aux Editions Albin Michel en 1996 et dont la vente a commencé un mois après la disparition de cet intarissable, pertinent et grand penseur.

Les trois auteurs précités ci-avant ont vécu sensiblement à la même période, étrennée par Al-Moutanabbi et clôturée par Al-Maârri en précisant d’ores et déjà que les deux derniers ne se sont jamais rencontrés le second étant né huit années après la disparition du premier. Sur un autre plan, si l’on  considère l’aire géographique circonscrite par une ellipse dont le diamètre principal irait de Damas à Baghdad, au moins un millier de noms se doivent de leur être ajoutés. Et s’il fallait étendre cette ellipse à une sphère plus large, essayons d’imaginer ce que celle-ci avait pu contenir sur cet espace qui va de l’Indus au Portugal et je rappellerai à cette bonne amie que, pour partir de Maârra An – Nou’mane (80 kilomètres au Sud d’Alep) vers l’Est, on traverse justement ces espaces où une torrentielle culture a laissé des empreintes indélébiles ce que je sais que cette amie sait parfaitement. Pour ne citer qu’un nom qui est né 13 ans, dans ces espaces, après la disparition d’Aboul-Faraj et décédé 20 ans avant Al-Maârri, je nommerai Avicenne et, un peu plus tard, nous retrouverons les Sohrawardi et tant et tant d’autres sans oublier Ghazzali bien entendu.

Bref rappel du contexte historique.

                                                               Buste d’Al Maarri avant et après le passage de Daech occidental

                          

Nos deux géants ont vécu au cours de la troisième période abbasside qui a duré 109 ans, de 334 à 447 (946 – 1055) avec, à sa tête, les 23ème, 24ème et 25ème Khalifes. La dynastie abbasside, qui en a  connu 37, dura 507 ans de 750 à 1257. Curieusement, le déclin de cette dynastie et son émiettement, intervenus à l’époque qui nous intéresse, connurent une activité intellectuelle intense. Rappelons au passage que la première période abbasside (750 – 847) connut un trio de choc en poésie : le poète Abou Tammam (796 – 843) né de parents chrétiens, premier inégalable critique – salué par Al-Moutanabbi lui-même – où ses apports ne se comptent plus en la matière, suivi par celui que j’ai surnommé – pour son lyrisme – « le Lamartine arabe », Al-Bouhtouri (820 – 897) et Al – Moutanabbi. Les deux premiers cités dans ce trio étaient syriens et avaient des origines «  communes » selon nombre d’écrits ce qui est inexact. Si l’appartenance d’Al-Bouhtouri à la très vaste tribu de Ta’i est confirmée et, sachant que cette tribu a fui le Yémen au 3 ème siècle, il est impossible qu’Abou Tammam, descendant pourtant d’authentiques dynasties ayant présidé aux destinées de la Perse eût pu être Ta’i au même titre que Hatem Ta’i – chef de tribu bien au-dessus des monarques de son temps (2) – ou de Ibn ‘Arabi Ta’i…

Ma réponse et… celles – souhaitables – qui pourraient germer chez d’autres.

D’emblée, j’ai donné comme réponse à l’amie qui m’a questionné : « Al – Moutanabbi ».  Ce jugement, je l’avais arrêté en 1964 alors que j’avais 17 ans. L’influence positive totale du Maître qui m’a mis, sans que je ne l’eus jamais espéré, sur cette envoûtante voie, ma sensibilité propre, et le fait que ce Maître fut lauréat en 1960 – âgé alors de 24 ans – du concours de poésie arabe tenu à Damas pour son poème dédié à Al-Moutanabbi constituèrent la matrice de mon jugement. Mon Maître, s’adressant au sien, avait écrit, au troisième vers du poème avec lequel il avait concouru :

ونِمْتَ عَنْ شَارِدَاتِ الشـعْرِ فِي ثِقَةٍ       فَأَصْبَحَ الدَّهْرُ يَتْلُوهُ عَلَى الأُمـمِ

« Tu t’es assoupi en toute confiance en dépit des médisants de la poésie    Alors le temps éternel se chargea  de la dicter aux nations. » Et il faut admettre que le temps s’en  est bien chargé.

Je profite de cette occasion qui m’est offerte pour dire, qu’il y a quatre ou cinq mois j’ai appris, par  le plus pur des  hasards,  que le plus grand poète algérien, parolier de notre hymne national, le Mozabite Moufdi Zakaria, avait participé à ce concours !

Donc, pour mon jugement, mon esprit allait, à mon propre insu, épouser la réalité vécue par ces deux Poètes : parlant de l’un, je finissais toujours par évoquer l’autre. Et cela fait plus d’un demi-siècle que ça dure. Que de fois Al Maârri questionné, mettait en avant Al Moutanabbi et l’une de ses réparties – qui déplut au haut personnage à qui elle était destinée-  lui valut de se cloîtrer chez lui 48 années jusqu’à sa mort.

Suite à ma réponse, j’ai jugé utile d’ajouter certains « détails » qui, sûrement avec d’autres éventuellement exprimés par plus versés que moi sur le sujet, pourraient faire émerger une sentence, au « meilleur » des cas, similaire à la mienne ou s’en rapprochant et, « au pire » des cas opposée à la mienne ce qui, loin d’être gênante serait au contraire la bienvenue, croyant pour ma part fermement qu’il n’y a de richesse que par les différences. Je précise que nous traitons de la grande poésie classique qui est la deuxième science de la langue arabe après la grammaire. Examinons de près ces détails :

Son milieu.

Al-Maârri est natif d’une famille très cultivée : son grand-père Soulaïmane ben Ahmed, son oncle paternel Mohammed et son propre père Abdellah ont été tous des Cadis (juges) aussi bien à Maârra qu’à Homs. Quant à ses frères Aboul Majd et Abdelouahed, ils étaient tous deux…poètes ! Le décor étant planté, ajoutons juste que Maarra a été construite par un Compagnon du Prophète, Nou’mane Bnou Al-Bachir qui, comme nous le remarquons, lui a cédé son nom. Il fut le premier né à Médine au cours de l’Islam naissant.

Ses prédispositions particulières.

Aveugle, Maârri s’ouvrit à la lumière par un constant dépassement interne de soi, transcendant toutes les difficultés qu’il débusque dans l’exercice de son activité intellectuelle. Sa mémoire éléphantesque fut sa première arme. Pour en dire quelques mots, nous rappelons que parmi ses élèves, il reçut l’Azerbaïdjanais Abou Zakaria Et-Tabrizi (1030 -1109) qui sera connu dans la postérité par Al-Khatib Et – Tabrizi. Comme élève, il aurait passé six années entre les mains de Maârri sans retourner près des siens. Un jour, alors qu’il était face à son maître, il fut reconnu par un de ses compatriotes de passage à Maârra qui l’interpella. Ayant obtenu la permission de Maârri pour rejoindre son ami, il lui parla en azerbaïdjanais. A la fin de la discussion, son maître qui n’avait rien compris de ce qu’ils s’étaient dit, leur demanda de lui préciser dans quelle langue ils avaient communiqué. Et de leur répéter tout ce qu’ils s’étaient dit sans rien y comprendre lui-même ! Al – Khatib compte, dans son legs à la culture, beaucoup de titres parmi lesquels des commentaires complets sur « le recueil des poèmes d’exaltation » (ديوان الحماسة لأبي تمام) d’Abou Tammam, « Etincelles du silex » (سقط الزند) de Maârri, « Les Mouallakate », « Banet Sou’adou » (بانت سعاد) de Kaab Bnou Zoheïr et le « Diwan d’Al-Moutanabbi ». Des sources rapportent qu’il eut comme élève le prestigieux mystique Sidi Abd-El-Kader al- Jilani qui fonda la Tariqa Qadiriyya.

Ce dernier poète cité a vécu 50 années et Al-Maârri 84 (ou 86 ?), donc 34 ans de plus. J’avais déjà informé cette amie que Tarafa Bnoul ‘Abd, qui fait partie des sept poètes de la « Jahilia »,  pères des « Mouallakate », les célèbres poèmes qui, primés par les maîtres, étaient écrits en lettres d’or – ce qui est confirmé sans le moindre doute – sur une peau animale et accrochés à la Kaaba. Tarafa périt assassiné à l’âge de 20 ans. Qu’aurait-il écrit s’il avait vécu ne serait-ce que 14 ans de plus ? Et qu’aurait écrit Al-Moutanabbi s’il avait vécu 34 ans de plus ? Les « Mouallakate » ou « Suspendues » sont, selon d’autres sources, dix et notamment pour Jacques Berque qui les a traduites et publiées sous le titre de : « les dix grandes odes  arabes de l’Anté-Islam »  publiées aux Editions Sindbad.

Pour avoir une idée sur la particularité du sujet qui est évoqué, je me dois de  signaler que dans la poésie classique, la rime de tous  les vers du poème doit se terminer par la même consonne exception faite pour le premier vers où cette rime doit apparaître à la fin des deux hémistiches. Or, Al-Maârri qui a commencé à écrire la poésie à onze ans – il faut le rappeler avec insistance – a outrepassé cette « contrainte » lui préférant, dans de nombreux cas, une rime uniformément formée par les deux dernières consonnes de chacun des mots terminant les divers vers ce qui n’est pas une mince affaire. De plus, mou’tazilite, déiste, maîtrisant l’Histoire à un degré insoupçonné et y recourant à la moindre occasion, clamant haut et fort que  la Raison est sa seule Religion, farouche opposant à la polygamie tout en bravant les pratiques « religieuses » qui permettent de mettre à l’esclavage les femmes non musulmanes tombées comme captives entre les mains de ses coreligionnaires (1), Ismâ’ilite, philosophe, d’une rectitude morale absolue, ni corrupteur encore moins corruptible, on devine aisément l’implacable logique qui devait prévaloir chez lui et cette rectitude qui lui a causé bien des déboires qui ne semblent pas l’avoir affecté.

Sauf improbable erreur de ma part, il a été le seul poète à écrire ses poèmes en utilisant toutes les lettres de l’alphabet donc en utilisant comme rimes des lettres qu’évitent les grands poètes comme la peste. On peut aisément imaginer que ce « surplus » de « travail » devait lui procurer une légitime jouissance. Et là, il ne s’écarte pas trop de ce qu’écrira Alain : « L’homme n’a d’important à détrôner que lui-même ». Ajoutons son très riche vocabulaire qui nous ramène à l’esprit le style parfait de Jahiz et celui du Tlemcénien Ahmed al-Makarri (1578 – 1631), « philologue et artiste du verbe » tel que le définissait Jacques Berque.  Comme quoi « Pourquoi faire simple quand on peut faire plus compliqué ? » A titre comparatif, il faut noter que cette rime qu’il s’est imposée est  plus riche que la rime française dite double ou léonine.

A ce qui précède, il faut avoir en permanence en tête qu’Al-Maârri, avait définitivement perdu la vue à l’âge de trois ans suite à une variole. De cette terrible épreuve il ne gardera en mémoire que la couleur rouge : celle qu’il a vue sur son visage alors que la variole s’y répandait.  Parle- t – il de choses qui se sont déroulées de nuit, que ses interlocuteurs les découvrent dans une sidérante conformité. Alors que d’autres pensaient qu’il souffrait dans l’obscurité totale de son monde, son itinéraire nous montre qu’il jouissait d’une « lumière » plus éclairante que celle que perçoivent les voyants.

C’est, sans doute cette lumière qui lui fit considérer Al-Moutanabbi comme maître et ce dès le premier contact avec son œuvre. Pour rappel, il acquit la grammaire et la poésie (d’Al-Moutanabbi) auprès du grammairien Abdellah Ben Saad.

Or, il arriva que celui qui est considéré comme le plus grand poète arabe de tous les temps, invité par le prince Seïf Ed-Daoula, à la cour duquel il passa neuf années de 948 à 957, avec d’autres hauts personnages fut piqué au vif en remarquant que le prince ne lui avait pas accordé l’attention habituelle. Il improvisa sur le champ un poème de 38 vers dans lequel il exprima sa déception en disant notamment aux 15 ème et 16 ème :

سيعلمُ الجَـمْعُ مِــمَّنْ ضَمَّ مــَجْلِسُنَا    بِأنِّي خَــيْرُ مَنْ تَسْعَى بِــهِ قَدَمُ

أنَا الذِي نَظَرَ الْأعْـــمَى إِلـــىَ أدَبِي    وَأسْمَعَتْ كَلـِـمَاتِي مَنْ بِهِ صَـمَمُ

« Tout le groupe que compte notre conseil saura que je suis le meilleur que ses pieds ont mené

« Je suis celui dont l’aveugle peut lire la littérature  et dont les paroles sont audibles au sourd ».

Et c’est le 19 ème vers qui traduit fidèlement la fougue du caractère d’El – Moutanabbi. Il dit :

إِذَا رَأَيـْتَ نُـــيُوبَ الّليْثِ بَارِزَةً    فَـلاَ تَـظـُــنـّنَّ أنّ اللّــيْثَ يَبـْتَسِــمُ

« Si tu vois paraître les crocs du lion      Ne crois pas qu’il te sourit. »

Entendant  notamment le 16 ème vers, Al-Maârri  dit « Ce poème a été écrit pour moi ». Est-ce son ésotérisme qui a parlé ?

Quand il eut fini avec ce que contenaient les bibliothèques d’Antioche, Lattaquié, Alep et Tripoli (Liban) et d’autres, il se rendit à Baghdad pour parfaire ses connaissances. Il avait déjà bouclé son premier diwan « Sakt Ez-Zand » (Etincelles du silex) (سِقْطُ الـزَّنْد) qui compte 111 poèmes pour 3000 vers. En arrivant dans la capitale abbasside, il se dirigea vers le maître Aboul Hassan Ali Ben Aïssa pour compléter ses acquis. Il se fit annoncer et, attendant la personne qui était partie demander l’accord du maître, il entendit celui-ci dire : «Faites entrer l’aveugle ». Il reprit son chemin et aboutit à l’école tenue par la sommité de son temps : Sharîf al-Murtadâ )  الشريف المرتضى) (355-436/967-1044). C’est là où, se dirigeant vers le maître, il heurta un élève qui, ne voyant sûrement pas qu’il avait affaire à un aveugle, lui dit : « Quel est ce chien ? » Maârri lui lança sa savante réplique :

الكلبُ مـَنْ لَا يَعْرِفُ لِلْكَلْبِ سَبْـعِـيـنَ إِسْمًا

« Le chien est celui qui ignore les 70 noms du chien »

Et le hasard voudra  que, dix-sept mois plus tard, Al-Murtadâ, qui n’appréciait pas Al-Moutanabbi eut à débattre à son sujet et profita pour donner libre cours à son inimitié. Al-Maârri intervint dans le débat et dit : « Si toute l’œuvre d’Al-Moutanabbi n’était composée que du seul premier hémistiche où il dit :

لـَكِ يَامَـنَازِلُ فِي الـْقُـلُـوبِ مَـنَازِلُ

(Maisons aimées, vous avez fait des cœurs vos maisons.),

cela aurait suffi à lui conférer sa suprématie. » Cet hémistiche débute un poème de 42 vers dédiés au Cadi Aboul Fadhl Ahmed d’Antioche en Turquie.

Cette intervention déplut au maître qui ordonna, séance tenante, de l’expulser de son école. Il fut traîné par les pieds et jeté hors de l’établissement. Il rentra à Maârra où sa mère venait de décéder et s’enferma définitivement chez lui. Mais la nouvelle de son retour, se répandant comme une traînée de poudre, allait faire de son paisible village un passage obligé pour les assoiffés de savoir jusqu’à sa mort, soit durant environ 48 ans : hommes de science, lettrés, jurisconsultes, vizirs, princes et élèves en différentes matières auxquels il faut ajouter un abondant échange de correspondances venues de lointaines contrées s’y bousculent. Son « boulimique » besoin de savoir lui permit de connaître parfaitement toutes les religions et toutes les croyances en usage dans les lointains pays et il fut particulièrement connaisseur des sectes qui proliféraient çà et là et qui commençaient à faire voler en éclats cet espace qui eut ses heures de grandeur et de gloire.

Son deuxième livre est un gros pavé de quatre tomes de presque 11 000 vers ayant pour titre : « Louzoumiate » ( لزوم ما لا يلزم اللزوميات) qui a été traduit par d’autres par « La nécessité inutile », « Nécessité de ce qui n’est pas nécessaire », « Obligation au non – obligatoire » ou « Engagement à ce qui n’est pas obligatoire ». Il est prouvé par une sommité qui a eu à passer quelques jours chez notre poète que Maârri a eu à dicter 1000 vers en une seule nuit, observant un temps de répit à chaque centaine.

Et il composa un livre en prose, au titre de « Épître du Pardon » ou « Risalat Al-Ghofrane » (رسالة الغفران) qui connut une consécration qui dépassa largement la sphère arabo musulmane. De ce livre s’est inspiré Dante pour sa « Divine Comédie » pendant que Blaise Pascal aligne « son » Pari sur deux vers d’Al-Maârri

          قال المنجم والطبيب كلاهما: لا تُحشَرُ الأجسادُ؛ قلتُ: إليــــــكما

          إن صَحّ قولُكما، فلستُ بخاسرٍ، أو صَحّ قولي، فالخـَسَارُ عليكما

«  L’astrologue et le médecin disent  tous deux :   Pas de résurrection. Je  dis : « C’est votre point de vue.

« Si ce que vous dîtes est vrai, je n’y perds rien    Et si ce que je soutiens est vrai, vous êtes perdants. »

Ces livres, ainsi que d’autres titres constituent  le lot qui nous est parvenu sur la centaine qu’il a eu à écrire grâce à la disponibilité d’un irréprochable script de qualité : Ali Ben Abdellah Ibn Abi Hachim.

Al Maârri n’a jamais exaucé les demandeurs de panégyriques, et a, toute sa vie, refusé ce que les puissants lui proposaient. Ses intimes convictions et ses profondes certitudes sont d’actualité jusqu’à nos jours. S’affichant végétarien, ne mangeant ni viande, ni œufs,  ni miel, ni lait il fut, pour cela, accusé de transgresser l’enseignement divin qui stipule :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا كُلُوا مِن طَيِّبَاتِ مَا رَزَقْنَاكُمْ وَاشْكُرُوا لِلَّهِ إِن كُنتُمْ إِيَّاهُ تَعْبُدُونَ( البقرة الآية 172 

« Vous qui croyez, mangez des choses bonnes que Nous vous attribuons. Soyez-Lui reconnaissants, pour autant que vous soyez de Ses adorateurs. »  (Sourate « La Vache »II, 172). Pour cela il fut taxé d’hérétique !
Un malintentionné prit part, un jour, au cercle qui entourait Al – Maârri. Le nouveau venu fut prié de psalmodier quelque verset du Coran. Ne se faisant pas répéter l’invitation  et n’espérant pas tant, il récita :

وَمَن كَانَ فِي هَٰذِهِ أَعْمَىٰ فَهُوَ فِي الْآخِرَةِ أَعْمَىٰ وَأَضَلُّ سَبِيلًا.الإسراء آية 72 

« Qui aura été aveugle ici-bas, celui-là le sera aussi dans la vie dernière, et plus gravement encore égaré du chemin » (Le Trajet nocturne XVII, 72). Aussitôt la psalmodie terminée, Maârri lança au nouveau venu
« Ayez pitié d’un aveugle qui passe. Soyez en sûrs, vous qui passez. Soyez en sûrs, vous qui voyez, vous êtes aveugles aussi »

Son unique sortie de Maârra en 48 ans

Une taverne de la ville était tenue par un Chrétien. Ses clients agressent une passante musulmane qui ameute ses coreligionnaires qui saccagent la taverne. L’Emir d’Alep Salah Ibn Mirdas qui gouverna de 1025 jusqu’à sa mort en 1029 fut sollicité et un de ses vizirs, chrétien, l’incita à punir les auteurs du saccage. L’Emir prit position face à Maârra avec de redoutables soldats bédouins. Maârra ferma ses accès et ses habitants supplient Maârri d’intercéder. Le poète accepta et se dirigea vers l’Emir et son armée. Des soldats reconnurent un aveugle. Ibn Mirdas comprenant qu’il ne pouvait s’agir que de Maârri ordonna de le recevoir avec égards. L’Emir lui demande de réciter quelques vers. Le poète s’y prête et entame un poème qu’il termine ainsi :

« Ils m’ont dépêché comme intercesseur auprès de Salah et c’est là, de leur part, une idée saugrenue. De moi, il entendra le roucoulement du pigeon. De lui, j’entendrai le rugissement du lion ».

Salah lui répond :

« C’est plutôt de nous que tu entendras le roucoulement du pigeon et c’est de toi que nous entendons le rugissement du lion ».

On peut aisément conclure que cette entrevue eut lieu quand Maârri était âgé de 52  à 57 ans.

Il eut, au soir de sa vie, à entretenir une correspondance soutenue avec le prédicateur en chef d’Egypte Abou Nasr Al-Mouayyed qui voulait mettre à nu la foi du poète et finit ainsi, dans un ultime message, par lui demander de le rencontrer à Alep. Sachant qu’il allait à sa mort, il mit fin à ses jours.

A son grandiose enterrement, 84 poètes selon son élève Al-Khatib Et-Tabrizi se relièrent pour lire chacun son thrène. Ce même auteur rapporte que, dans son intervention, le poète Ali Bnou Hemmam dit au défunt :

« Toi qui n’as jamais fait couler de sang   Tu le fais aujourd’hui car je te pleure avec des larmes de sang. »

Il fut enterré dans sa maison où une épitaphe, par lui écrite, figure :

هَذَا مَا جَنَاهُ أَبِي عَلَيّ  وَمَا جَنَيْتُ عَلىَ أَحَدِ

« Ceci est ce que mon père a commis à mon égard, et que je n’ai commis envers personne ».

Pour qui veut avoir une idée plus complète sur ce personnage hors du commun, je recommande de lire ce qu’ont écrit sur lui, des plumes éprouvées telles celles du prêtre Melchite libanais Hanna Al Fakhouri, Taha Husseïn, Ibn Kathir,  Ibn Kayyam al-Jaouziyya, Ibn Al-Jouzi quoique ce dernier ait écrit une œuvre « La pensée vigile » (   صيد الخاطر) qui ne le mettrait pas à l’abri de la meute de nos jours.

Abou Tayeb Al – Moutanabbi. (915 – 23 /9/965).

                                                    Al – Moutanabbi.

Commentaire de l’œuvre d’Al – Moutanabbi par son ami  le grammairien et linguiste Ibn Janni (934 – 1002). Sur la page de droite le document reproduit annonce qu’il débute la deuxième partie de l’ouvrage qui termine les poèmes ayant pour rime la huitième lettre de l’alphabet : د correspondant au « d ».

S’il fallait prendre un raccourci pour  resituer la dimension d’Al – Moutanabbi, nous rappellerions que :

Le Sévillan Ibn Hani’ Al – Andaloussi, mort assassiné le 24 avril 973 à Bréga dans le golfe de Syrte en Lybie alors qu’il se  rendait au Caire, était surnommé « le Moutanabbi occidental ».

Le poète persan Saâdi de Chiraz, mort en 1292, fut surnommé « le Moutanabbi perse ».

Le poète hindou Rabindranath  Tagore (1861 – 1941) fut également surnommé « le Moutanabbi de l’Inde ».

Quand on examine le cas d’Ibn Hani’, on remarque qu’il est mort huit années après Al-Moutanabbi ce qui permet de soutenir que les poèmes de celui – ci étaient connus en Andalousie du vivant de ces deux poètes. On en conclut aisément que les distances n’étaient pas un obstacle à la circulation rapide de la connaissance.

Nous avons eu sous les yeux deux exemples sur cette rapide circulation des connaissances que nous livrons aux aimables lecteurs : Ibn Khaldoun (1332 – 1406) cite, alors qu’il était en Afrique du Nord, Ibn Hicham Al Ansari (1308 – 23/9/ 1360) et parle, dès son arrivée au Caire, de la précieuse contribution du Perse Saad Eddine Taftazani (1322 – 1390) dans de nombreuses matières. Deux mots sur cet auteur : Ibn Hajar al-Askalani, qui nous a légué – entre autres – le plus complet commentaire du « Sahih de Boukhari » aurait écrit que « la science a atteint sa limite avec lui dans l’Orient » et que « personne ne pourra jamais le remplacer ». Toute la génération de mon propre père connaissait à fond cet auteur qui était la plus grande référence en linguistique et d’autres matières dans mon pays. Son nom est hélas aujourd’hui inconnu si ce n’est par ceux dont les pères se sont chargés de le faire connaître à leurs enfants. J’avais longtemps pensé que je disposais de l’intégrale de son œuvre quand je suis tombé sur  son « Sharh al Maqasîd » (Compendium de métaphysique et de théologie) écrit en 2000 pages à Samarcande en 1323 et s’articulant autour de « علم الكلام  » ou théologie dialectique, science de l’Unicité etc.

Pour permettre une compréhension correcte de ce qui va suivre et pour contribuer à chasser certains stéréotypes une fidèle image des courants de pensée de l’époque s’impose.

  Rappels historiques.

Al – Moutanabbi a vécu au cours d’une période émaillée de troubles dans laquelle il lui arriva même d’y participer.

Rappelons que la Chi ‘a ismaïliyya est une fraction de la Chi ‘a ithna achariyya –  les duodécimains – qui comptaient douze Imams (les chiffres entre parenthèses indiquent l’ordre chronologique de l’avènement de ces douze Imams bien que certains furent insérés bien après leur passage en ce bas monde)  : Ali (1), El Hassan (2), son frère El Housseïn(3), Ali Zine El Abidine (4), Mohamed  El Bakir (5),  Jaâfar Es Sadek (6), Moussa El Kadhim (7), Ali Ben Moussa Er Rédha(8),  Abou Jaâfar  Mohamed (9),  Aboul Hassan Ali (10), Abou Mohamed  Hassan (11),  Abou El Kassim El Mehdi (12).  A la mort de Jaâfar Es Sadek (6), il y eut une scission où des adeptes  refusèrent de suivre Moussa au profit de son frère Ismaïl d’où est issue la dynastie fatimide appelée aussi Ismaïlia. Les quatorze khalifes Fatimides [(dénommés aussi Er-Rafidha (الرافضة), El Batiniyya (الباطنية) et El Oubeïdiyyine (العُـبَيْدِيّـين)] disparaîtront définitivement  en 567 / 1171 sous les coups du Kurde Salaheddine – Al-Ayoubi (Saladin). L’Ismaïliyya connut un éclatement qui vit l’émergence du mouvement Qarmate qui, dès son émergence refusa de reconnaître le premier Khalife Fatimide Obeïd Allah Al-Mahdi installé en Tunisie. Al-Moutanabbi suivra ce mouvement qui activa durant un siècle pour connaître une  hibernation de plusieurs autres pour « relever la tête » dans ce terrible début de millénaire.

Son milieu.

Celui qui composa ses premiers poèmes à neuf ans, Abou Tayeb Al-Moutanabbi, est né à Koufa (Irak) en 915 dans la tribu des Kinda.

Avant d’aller plus loin, nous précisons que notre poète fut prénommé « Ahmed ». Abou Tayeb était sa « kinya » qu’on peut traduire par « surnom » qui est toujours composé de : Abou (Père) suivi du prénom de l’un des enfants fût – il femme (et le meilleur exemple est la  « kinya » du grand-père de Kaab Bnou Zoheïr Bnou Abi Salma) ou homme. Reste Moutanabbi qui veut dire littéralement « celui qui a prétendu être prophète (nabi) ». Or très peu de gens savent dans quelles circonstances cette appellation lui a été collée. Il eut à écrire ces vers :

أَنَا تِرْبُ النَّدَى وَرَبُّ القَوَافِي   وَسِمَامُ العِدَى وَغَيْظُ الحَسُودِ

أنـَا في أمـَّــةٍ تَدَارَكَـهَا الــــَّـــلهُ  غَرِيـبٌ كَـصَــالِحٍ فيِ ثَمـُـودِ

Je suis l’ami de la rosée, maître des rimes     Venin de la nullité et dévoreur des envieux

(Tirb,  ترب : ami de même âge).

Je suis étranger dans une nation que Dieu a comblée de Ses bienfaits,   tel Sâlih avec Thamûd. »

(Sâlih, descendant de Noé était Prophète de la tribu de Thamûd, les Thamoudéens. Non seulement son histoire est citée  vingt-six fois dans le Coran mais une cité, Hijr, qu’ils édifièrent, deviendra le premier site d’Arabie classé au patrimoine mondial de l’Unesco.)

Ayant usé d’une comparaison qui n’était pas moins idoine, il n’en fallait pas plus pour que notre Ahmed se voie taxé de s’être comparé aux Prophètes ce qui constitue un authentique blasphème !

Son père était porteur d’eau ce qui constituait une basse extraction. Ahmed la traînera comme une tare toute sa vie. A neuf ans, il suivit des Qarmates après leur attaque contre Koufa en 924. Vivant dès lors dans un milieu bédouin, il enrichit sa connaissance de la langue arabe qu’il maîtrisera à un degré difficilement concevable. Il épousa les idées des Karamitas. A 17 ans (en 932 donc), il leva des troupes et les dirigea contre la ville de Lattaquié. Il fut fait prisonnier et détenu dans la ville de Homs pendant deux ans à l’issue desquels il fut libéré. Il avait 20 ou 21 ans.

A cette époque, tout ce qui constitua l’âge d’or des Abbassides était entrain de s’effriter inexorablement et une multitude de « principautés » virent le jour partout dans la péninsule arabique avec, à leurs têtes, d’anciens ministres, princes, chefs militaires et bédouins. Toutes s’évertuaient à se distinguer par leurs intérêts à la poésie. Les poètes se précipitèrent pour louer les chefs. Le panégyrique était un style qui devenait la seule voie pouvant mener à la suprématie et assurer des moyens de subsistance confortables. On peut avancer qu’Al-Moutanabbi était déjà convaincu dès, 13 ans, qu’il se savait au-dessus de cette mêlée.

Il parcourut ces vastes espaces pour étaler son talent : toutes les villes de Syrie, Péninsule arabique, Irak, Palestine Egypte, Perse, furent visitées.

Avec Ali Seïf Ad-Dawla.

En 948, Al – Moutanabbi rejoint l’émir Seïf Ad-Dawla, dont l’Emirat fut fondé quatre années plutôt à Alep pendant que celui de Mossoul fut gouverné par le propre frère de Seïf Ad-Dawla, Nasir Ad-Dawla. Dès le contact, le poète et l’Emir s’apprécièrent : le poète reconnaissait en l’Emir les qualités chevaleresques des anciennes grandes épopées arabes, chantait ses dures batailles face aux Byzantins auxquelles il participait lui – même et l’Emir reconnaissait au poète la magie de ses vers. Lors de leur contact, les deux hommes avaient sensiblement le même âge : 33 ans. La cour de l’Emir regorgeait d’hommes de culture et surtout de poètes qui comptaient à leur nombre le cousin et beau-frère de l’Emir, Abou Firas Al Hamadani. Tous remarquèrent que, contrairement à eux, seul Al-Moutanabbi ne déclamait pas ses poèmes debout et ce qu’il percevait de l’Emir « dépassait l’entendement ». Notre poète savait qu’il était dans une poudrière tant son entourage le jalousait. Il vécut cette ambiance durant neuf années au point où la situation échappait à l’Emir qui, face à des attaques que subissait Al-Moutanabbi, s’abstenait d’intervenir. L’intelligence du poète, reconnue par tous, a dû lui dicter la suite à donner à ces évènements : changer d’air.

En 957, Al-Moutanabbi, mit sa plume au service du gouverneur d’Egypte, Kafour Al Ikhchidi mais sans enthousiasme. Bien que lui ayant promis de lui donner le gouvernorat de Sidon (actuelle Saïda / Tyr – Liban),  le poète comprit qu’il était mené en bateau et composa un pamphlet d’une virulence et violence comme la littérature arabe n’en produira plus. En 961, il quitta l’Egypte pour la Perse où il resta  quelques mois puis rejoignit l’Irak et en plein mois de Ramadhan 965, il décida de rentrer avec les siens en Syrie.

On attira son attention sur la présence de brigands sur la route et il refusa de recourir à l’assistance d’une garde. Il fut massacré avec toute sa petite troupe…

Son apport.

Son œuvre dont l’encre n’avait pas séché intéressa des commentateurs de renom et nous avons vu que Maârri en fut un.

Nous nous limitons à donner quelques rapides exemples, complètement déformés par les traducteurs :

فالــمَوْتُ آتٍ وَالنُّفُوسُ نَفائِسٌ   وَالــمُسْتَـعِزُّ بــِمَا لَدَيْهِ الأحْمَقُ

وَالمَـرْءُ يأمُلُ وَالحَيَاةُ شَهِــــيّةٌ    وَالشّيْبُ أوْقَرُ وَالشّبــيبَةُ أنْزَقُ

« La mort vient, les âmes sont  précieuses  N’est stupide que celui qui est fier de ses possessions.

L’homme espère, la vie est attirante  La vieillesse est plus digne et la jeunesse frivole ».

فاطلُبِ العِـزَّ في لَظَى ودَعِ الذُّ    لَّ ولوْ كانَ في جِـناَنِ الخُــلُودِ

« Exige la dignité en Enfer et refuse   L’humiliation même si elle émane du Paradis ».

مَانَالَ أَهْلُ الَجاهِلِيَّةِ كُلّهُمْ مِنِّي .. وَمَاسَمِعَتْ بِسِحْرِي بَابِلُ
وَإِذَا أتَتْكَ مَذَمَّتِي مِنْ نَاقِصٍ.. فَهِيَ الشَّهَادَةُ لِي بِأَنِّي كَامِلُ

« De la Jahilia, nul n’a eu (quoi que ce soit) de moi    Et, de ma magie, Babylone n’a pas entendu parler

« Si un taré me dénigre à toi    Tu auras la preuve que je suis parfait ».

Quelques précisions :

Bachar Bnou Bord : (714 – 784). De descendance royale perse, né aveugle, exécuté à 70 ans à coups de fouet pour « hérésie ».

Badi’ Ez-Zaman Al-Hamadani, précurseur «  des Maqamate » décédé à presque 40 ans. Il fut enterré et, une fois la nuit tombée, on entendit ses cris. On se pressa, en vain, de le déterrer, il fut trouvé mort, « ses mains accrochées à sa barbe ». Les auteurs qui épousèrent son style furent : Al-Hariri (1054 – 1112), Az-Zamakhchari (1075 – 1132), Suyyuti (1445 – 1505) dont les Maqamate n’ont concerné que les plantes.

Au colloque de Bordeaux, tenu les 15, 16 et 17 décembre 1989 consacré à Taha Husseïn, un document ayant sanctionné les travaux, rédigé par J. Langhade (ancien Directeur de l’Institut Français des Etudes Arabes de Damas-IFEAD) et Abdellah Bounfour relève des appréciations diverses faites par Taha Husseïn sur Al-Moutanabbi. En voici quelques passages :

A propos du poème composé après la bataille livrée par Seïf Ad-Dawla aux byzantins :

« Un esprit pur et singulier qu’il n’est pas aisé de décrire, ni de représenter, mais qu’on ressent avec beaucoup d’intensité. Qui mieux est, en lisant cette ode, cet esprit accède à l’âme, plus vite que les expressions et les significations pour y répandre de subtiles émotions qu’on ne rencontre guère quand on lit toute autre ode d’al – Mutanabbi ».

Sur le poème où il décrit la fièvre saisonnière dont il a été victime en Egypte :

« Cependant, quand je [dis] aimer cette ode et m’en préoccuper, il me semble que je fais grand cas de cette maîtrise artistique car l’affliction de ce poète est par son intensité, son impact et son accessibilité aux âmes et aux cœurs bien au-delà de l’art [ tifice]  ».

Sur le style :

« A – t – on jamais vu des paroles aussi belles, des images aussi parfaites, des significations aussi accessibles aux profondeurs des âmes et aux intimités du cœur. Ce sont des mots doux, suaves, féconds et mesurés qui pourtant satisfont le goût sans lui faire violence, subjuguent l’oreille sans la heurter. ˂ …˃ a coulé les maximes dans un moule à la fois de précision et de concision. Il les a (ainsi) propulsées pour devenir des proverbes courants, formules de condoléances, de réconfort et de résignation à l’usage de tout homme en tout lieu et à tout moment ».

Je signale à ce propos que ses vers expriment des sentences consacrées, et certains vers comptent un proverbe par hémistiche. Enfin je répondrai à l’amie de la rive Nord que si ma réponse à sa question n’a pas varié, je lui dirai que si Al-Moutanabbi était jugé inapte à être le plus grand de nos poètes, il est impossible qu’il puisse y en avoir de plus grand.

Fait à Sidi-Bel-Abbès, le 8 mars 2018. Alors bonne fête !

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