Lorsque l’on parle de corruption, il y a toujours l’invocation de valeurs sociales immanentes, portées par une morale qui ne souffrirait aucune faille dans leur emprise sur les sociétés humaines. Mais quand il s’agit de constater la réalité, du monde où nous vivons, il est difficile de croire que tout est acquis, sauf si l’angélisme nous étouffe au point de ne rien admettre qui ne corresponde pas à l’image d’une société idéalisée au plus haut point. En matière de fonctionnement économique, sous l’égide de la toute puissante «main invisible», le marché, comme il s’exprime dans son approche poétisée par Adam Smith, la corruption constituerait une «maladie» qui ne trouverait pas ses racines dans les principes qui régissent les rapports établis, par une concurrence acharnée, voire mortelle, entre les hommes pour l’accumulation du capital, à travers la réalisation des profits les plus forts possibles.
Qui ne peuvent être, de toute évidence, sans quelques dérogations aux «règles du jeu» établies par un arbitrage qui n’en finit pas de s’épuiser à rappeler à l’ordre les récalcitrants, qui ne sont pas toujours les plus visibles. La morale n’est pas seule à y voir.
Ce qui importe, le plus et de toute évidence, c’est le respect des règles du marché. Parce qu’il est d’autant plus moral de ne pas voler l’argent du peuple sous n’importe quel système de pouvoir, il en est encore plus quand il s’agit d’asseoir l’économie de marché. Car celle-ci suppose d’autres impératifs, ceux de la libre concurrence qui implique l’égalité des chances entre les opérateurs.
Ces règles se sont avérées nécessaires lorsque les capitalistes ont compris qu’il leur fallait des normes qui les protègent et qui ne fassent jouer que les performances commerciales, chez eux surtout. Dans la périphérie, les plus gros d’entre eux, ont très peu hésité à se tirer dans les pattes, ou à graisser celles des clients pour qu’ils ferment les yeux sur la qualité des prestations fournies. C’est apparemment la fin de la recréation. Il faut arrêter de se servir semblent dire les dernières opérations anticorruption.
Un déballage sans précédent est en train de se produire, qui ne paraît qu’à ses débuts. Si cette campagne est sincère, on peut, au moins, espérer qu’il y aura moins d’argent déversé dans les égouts. Espérer seulement. Quand on sait l’institutionnalisation des lobbies, au sein même des bastions des concepteurs des «règles». Un exemple entre tous. Les assassins de la planète, ceux qui souscrivent à la protection de la nature et à la sauvegarde des espèces.
Les assassins de la vie ont des profits qui dépendent de consommateurs qui dépendent d’un mode de vie. Le mode de vie d’un occidental, s’il disparaît, peut détruire le système économique mondial. Pourtant, pour sauver la Terre, il faut que les citoyens des pays dits développés mangent autrement, se transportent autrement, se chauffent autrement… Eux peuvent faire cet effort, mais ceux qui vivent de leurs achats ne voudront jamais de cet effort. Comme les marchands de baleines norvégiens ou japonais ne veulent pas de moratoire sur la chasse de ces mammifères marins, quitte à détruire cette espèce.
Comme les marchands de phoques canadiens refusent de cesser leur massacre. Comme les défricheurs de l’Amazonie et d’autres forêts font la sourde oreille… Il faut en convenir, un monde libéré du profit ne peut pas se construire avec ceux qui en vivent et dont la morale peut s’accommoder de ce qui arrive à notre ciel, à nos mers et à notre climat. Et le crime passe par la corruption, celle qui ne se voit pas, qui écrit directement les lois et qui élit les dirigeants du monde.