Je ne veux en aucun cas jouer au trouble fête. Mais il faut se dire les vérités combien même elles sont dures à entendre.
Nous autres les musulmans, célébrons la fin du mois de Ramadan, qui est un mois de piété. Par cet acte, nous rendons grâce à Dieu en respectant ses préceptes et c’est la moindre des choses.Mais- car il y ‘a un Mais- le Ramadan et la fête qui le suit ne sont pas une sinécure. Non, ce n’est pas la faim qui nous serre les entrailles durant le jeûne, car nous connaissons l’épreuve du jeûne depuis longtemps.
Ce qui fait mal, surtout est cette propension à réduire chaque année un peu plus nos envies, qui viennent et qui sont légitimes, d’abord avec la,faim, puis avec nos aspirations à vivre chaque fois un peu mieux, et cela, nous ne pouvons pas y faire face. Pourtant, les statistiques « officielles » nous disent- et c’est nous qui ne le comprenons pas- que notre niveau de vie s’est amélioré d’une manière exponentielle. Oh bien sûr, les rues et les routes sont encombrées de voitures rutilantes neuves et pas n’importe lesquelles. Les boutiques et magasins de smartphones, d’I-Phones pullulent dans les villes et les villages les plus reculés. Mais parallèlement je vois beaucoup de mains tendues sur les trottoirs demander l’aumône.
Les étalages de marchés regorgent de fruits exotiques, de fruits hors saisons, mais à des prix dépassant l’entendement: et le problème est que les étalages se désemplissent et se remplissent, ce qui veut dire que tout cela se vend. Qui les achètent ? Car il y a comme un paradoxe que je n’arrive pas à saisir et c’est le suivant : même si je n’ai pas fait d’enquêtes savantes et scientifiques, les salaires, si on peut les appeler salaires, c’est-à-dire « rémunération d’un travail » ne sont plus au ras des pâquerettes, mais à leurs racines.
Les magasins d’habillement n’exposent plus que des fringues de marques, importés, affichant des prix qui se situent au minimum aux multiples du salaire minimum garanti : une petite robe pour bébé, de quelques centimètres carrés de tissu ordinaire et quelques minutes de travail ouvrier producteur pour deux milles dinars est de l’agression, plus que de l’arnaque et du vol. Sans aucune honte ni aucune retenue.
J’irai encore plus loin au risque d’être traité de jaloux, d’envieux ou de nostalgique. Personnellement, j’ai constaté que ma table, se dégarnit de plus en plus au fil des années. Il y a à peine, une quinzaine d’années, la richesse de la table, au moment du F’Tour n’est pas à décrire et je ne suis pas le seul. Nos femmes font des efforts pour se surpasser dans la cuisine à l’approche de l’Adhane. Les soirées sont gaies, riches en activités et les meidas regorgeaient de friandises de toutes sortes, de la classique zelabia aux baqlaoua, mehencha et qalb ellouz. Nous n’avions pas plusieurs variétés de boissons gazeuses, mais Hamoud Boualem, Gadouche et la fameuse Senia de BGA( pour ceux qui ne le savent pas c’est la boisson gazeuse des Brasseries et Glacières d’Algérie, succulente et à des prix plus qu’abordables).
L’aid était le bienvenu car nos rues et nos quartiers étaient égayés par les bambins habillés de neuf,de tenues chatoyantes et bigarrées. Ils piaillent tous de joie , sans complexes, rivalisant d’ardeur et d’énergie à s’amuser avec leurs jouets, des jouets pas trop compliqués ni très élaborés, mais qui les amusent. Leurs rires et leurs joies nous emplissaient de bonheur.
Qu’en est-il de nos jours ? Y ‘a-t-il de quoi jaser ? Avec tout ce qui nous entoure, personnellement je n’ai aucun courage d’afficher la moindres des joies. Le Ramadan a été plus qu’une épreuve de faim, et n’eut été la prescription divine il aurait été impossible de jeûner. Comme l’a dit un fou de notre village, qui se trouve être de notre famille, et qui ne fait bien sûr pas le ramadan , qui répondit à quelqu’un qui l’a interpellé, parce qu’il était en train de grignoter un croûton de pain : « pour jeûner, il faut d’abord manger ». Quoi de plus sensé comme parole.
Sur le plan religieux, le mois de Ramadan n’a pas empêché certains de continuer à massacrer, au nom de Dieu, leurs proches , leurs frères et leurs concitoyens. Des centaines d’Irakiens, de syriens sont tués dans des attentats aussi lâches que vils. Le summum est atteint par cet attentat dans la ville sainte de Médine, à proximité de la mosquée du Prophète.
Il faut ajouter, que en dépit des discours qui sont diffusés malicieusement, en des occasions officielles, et seulement en ces moments et qui nous font croire et avaler des couleuvres, je ne vois pas encore la moindre lueur, le moindre espoir. Non , je ne suis pas un oiseau de mauvais augure, je suis simplement pragmatique et je tente de décrypter les discours, les messages et les informations qu’on maquille sous le fard de l’assurance. J’expose mon pessimisme parce que je ne vois aucune mesure rassurante nous permettant d’affronter cette crise qui ne fait qu’aggraver nos risques. Nous avons une capacité de résilience grâce à nos réserves financières et au FRR . Mais ces derniers s’épuisent et fondent comme neige au soleil. La production de pétrole a repris en hausse sans dire, que , probablement, grâce à la surexploitation des puits existants. De combien et pour quels prix et quelles recettes ?
Par contre, et je n’aime ni l’un ni l’autre et ce n’est pas le moment d’avoir à expliquer cela, le Ministre de l’Industrie développe tout un génie pour abattre le seul capitaine d’industrie national, digne de ce nom. Pourquoi donc ?
La télévision diffuse en boucle toute la journée des « live » donnant la parole(enfin) à des citoyens pour souhaiter leurs vœux. Puis ce sera au tour des chansons avec en ouverture solennelle et classique , l’éternelle chanson de El Anka « saha aid-koum ». Mais les équipes de télévision, pour ces lives ne vont jamais dans le pays profond, montrer l’aid sous un autre visage, celui de la pauvreté(je ne veux pas offusquer vos chastes oreilles en utilisant le terme de laideur au lieu et place de pauvreté et misère.
Mais nous n’y pouvons rien ? Permettez ce point d’interrogation,car je me répondrai en disant que notre sort, nous y sommes pour quelque chose, au moins.
Je termine en vous disant à tous saha aidkoum en espérant et la répétition est permise, que ce sera l’aid de l’ESPOIR. Espoir pour nos enfants, les générations à venir, la génération actuelle des moins de trente ans.
Quant aux papis, ma génération, rendez vous est pris autour d’un café Dimanche, car le pont est long, très long, même trop long.