Frontière algéro-marocaine : SÉSAME OÙ ES-TU?

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« La seule vraie invention de l’homme ? La douleur ! » Léo Ferré. « Ludwig » RCA–Editeur, 1981.                                                                                                                                                                                                                                                   Par Mohamed Senni.

Contact : mohamedsenni@yahoo.fr

  Des articles parus depuis déjà de longues années, à travers la presse et le NET ont soulevé, à divers titres, le problème de la persistance de la fermeture de nos frontières ouest. Les uns esquissant une analyse de la situation actuelle, inscrivent l’éventualité de leur réouverture dans un cadre de « négociations globales » sans en définir le contenu excepté pour ce qui concerne le problème du Sahara Occidental dont nos autorités disent qu’il n’en constitue pas un ce qui a le mérite d’être aussi clair que flou.

 Cette expression, pernicieuse et sibylline, répétée à l’envi, qui traduit tout mais ne dit rien, laisse sous-entendre, faute d’énumération exhaustive de ces problèmes en suspens entre l’Algérie et le Maroc, que le contentieux existant est à ce point lourd qu’il justifierait pleinement le maintien de la fermeture des frontières. D’autres, à titre personnel, ont lancé des cris de détresse à peine voilés pour qu’il soit mis fin aux épreuves qu’ils endurent, tel, entre autres, ce grand-père s’exprimant en 1998 sur les colonnes du «  Quotidien d’Oran » et disant ne pas avoir revu son petit-fils « depuis 33 000 heures ».

 Notre propos, quant à lui s’inscrit dans une tentative de compréhension des faits qui ont généré ce phénomène devenu, au gré de quelques personnes, cyclique. En dépit de difficultés certaines d’information, nous essaierons de mettre à nu quelques uns des mécanismes « accidentels » qui tendent à le pérenniser. Aussi, sera-t-il inévitablement question d’histoire et de politique.

Pour cela, nous avertissons aimablement le lecteur que, n’étant pas historien quoique nous intéressant particulièrement aux XIXe et XXe siècles de notre pays, et n’ayant jamais exercé d’activité politique, ce que nous ne regrettons nullement, notre propos peut lui paraître tronqué et, s’il y voit des maladresses, nous tirerions une grande satisfaction si des spécialistes, historiens, sociologues et éventuellement acteurs voulaient bien nous éclairer sur ces zones d’ombre de l’histoire en dents de scie de ces deux grands pays que tout appelle pourtant à une union rapide, sincère et durable.

Malheureusement, cette histoire ne semble intéresser que les spécialistes étrangers, jamais les nôtres puisque bien qu’ayant vécu une situation torturante pas un seul livre n’a été écrit sur le sujet. Ce silence peut s’expliquer d’une seule manière. Étaient-ils sûrs que leurs éventuels écrits iraient à contresens des déclarations officielles ce qui ne manquerait pas de provoquer leur ire ?

Notre intérêt pour le sujet est motivé surtout par le pénible constat que nous avons été amenés à faire chaque fois que la frontière à été fermée : jamais les aspirations populaires n’ont été prises en considération et seul le peuple, perpétuellement ignoré et plus particulièrement sa frange la moins nantie, a eu à payer les contrecoups de décisions iniques et ne cesse de les payer à ce jour.

Comment pourrait-on s’exprimer autrement quand nous savons qu’à chaque bouclage des frontières, ce sont des dizaines, voire des centaines de milliers d’Algériens qui sont victimes des cruelles séparations, des douloureux déchirements et surtout de l’innommable indifférence outrageante et vexante des responsables vis-à-vis d’eux, indifférence qui les a maintes fois touchés au plus profond de leur dignité ?

Car, n’oublions pas ce nombre impressionnant de nos compatriotes ayant leur origine chez nos voisins et parmi eux notamment ceux qui se sont retrouvés, par le truchement des naturalisations, apparentés à des familles marocaines. A titre d’exemple, nous pouvons avancer sans gros risque d’erreur, que la seule descendance d’Idris, fondateur vers l’an 800 de la dynastie qui allait porter son nom et rayonner quelque deux siècles, se compte dans notre pays à travers des milliers de noms de familles et que chacun de ces noms est porté par des centaines de personnes. Le même scénario existe, avec de légères nuances, de l’autre côté de la frontière. Et l’histoire a voulu que ce problème naisse à la faveur d’événements vécus justement par l’un des plus prestigieux descendants d’Idris : l’Emir Abd-El-Kader.

I.LES ORIGINES (INAVOUÉES ?) DU PROBLÈME.

Nous ne nous situerons pas loin de la réalité en soutenant que le subconscient populaire retient comme origine première de ce phénomène les événements qui se sont passés au début de la colonisation en 1830/31 et ceux qui se sont déroulés au cours du deuxième semestre de l’année 1847, sonnant  le glas de la légendaire et impossible résistance de l’Emir. Examinons de plus près les uns et les autres :

 

 

                                                                  

Émir Abd-El-Kader                                                                                 Moulay Abderrahmane (de 1822 à 1859).

Après l’abandon d’Alger en juillet 1830 par le Dey Hussein qui, outre la fortune qu’il emporta a,  en prime, légué son nom à un grand quartier de la Capitale, des habitants de Tlemcen, Mascara et des Zmala se rendirent à Fès pour prêter serment d’allégeance au Sultan Moulay Abderrahmane. Celui-ci « soumit la bay’a des gens de Tlemcen aux Oulémas de Fès pour qu’ils se prononcent sur sa légitimité. Une nette majorité se dégagea en faveur du rejet […]. Mais le Sultan décida d’aller outre la sentence des Oulémas de Fès et de reconnaître malgré tout l’allégeance des gens de Tlemcen comme parfaitement légitime.[…] Il nomma son propre cousin Moulay Ali, fils du Sultan Moulay Slimane au poste de Wali de la ville.[…] Les soldats se rendirent coupables d’actes de pillage sur les biens de certaines tribus » (1), ce qui contraignit le Sultan « qui avait affirmé au Consul de France à Tanger ses droits sur Tlemcen » (2) à rappeler son cousin le 8 mars 1831 et à le remplacer par le Chérif Mohamed Bel Amri qui entra dans la capitale des Zianides le 16 août de la même année.

La volonté d’occuper une partie de l’Ouest algérien était par ailleurs encouragée par la débâcle de Berthezène à Médéa un mois à peine auparavant.

Au même moment, sollicités par les Français, les Tunisiens occupèrent Oran – ce qui est bizarrement tu par tous nos historiens – avec, à leur tête, le Khalifa Kheïr Eddine assisté – déjà ! – par Ali Ben Tazi (3), originaire des Zmala qui eurent à jouer un rôle déterminant avec les Douaïers, Bordjia et un grand nombre d’autres tribus dans l’issue de la conquête. Les Tunisiens furent renvoyés le 22 août 1831. « En 1832, une délégation conduite par le Comte Mornay parvint à se faire délivrer une renonciation écrite du Sultan à toute prétention sur le territoire algérien » (1). Moulay Abderrahmane n’avait plus alors qu’à rappeler ses troupes.

Nous sommes à quelques mois de l’investiture d’Abd-El-Kader en tant que premier grand chef de la résistance NATIONALE et fondateur de l’Etat algérien… à 24 ans.

Ces premiers événements allaient marquer, de façon amère, les consciences  populaires. En témoignent les nombreux poèmes vitupératifs dont certains rapportés par l’Agha Ben Aouda El Mzari dans sa « Chronique d’Oran, d’Alger, d’Espagne et de France jusqu’à la fin du XIXe siècle » (3),chronique qui relate nombre de faits anecdotiques intéressants mais qui gagneraient à être vérifiés pour ce qui pourrait y être considéré comme historique.

La cause en est que l’auteur n’est autre que le fils de l’Agha Mohamed El Mzari lui-même neveu de Mostefa Ben Smaïl et qui furent pratiquement de toutes les batailles que livrèrent les Français à l’Emir. Mostefa Ben Smaïl finira général et sera tué le 15 mai 1843 (3) sur le territoire des Flitas  alors qu’il venait de participer aux côtés du Duc d’Aumale, à la prise de la Smala d’Abd – El – Kader. Il avait alors quatre – vingts ans.

II.LA RETRAITE DE L’EMIR AU MAROC ET SA REDDITION.

Les événements les plus graves allaient se passer en 1847. En effet, c’est au cours de cette année que l’Emir décida de se replier provisoirement au Maroc pour tenter de gagner le Touat (le grand Sud). Mais c’est là que les épreuves les plus pénibles l’attendaient.

En témoigne cette lettre adressée au Sultan (4) auquel il se plaint des mauvais traitements et des provocations « qu’il endure depuis six mois » de la part de ses sujets. Bien que disposant de moyens suffisants et convaincants pour y mettre un terme, il refusait « de faire couler le sang des Musulmans » et s’en remettait au Sultan pour raisonner ses sujets faute de quoi il serait dans l’obligation de « défendre ses droits et de sauvegarder l’honneur de ceux qui l’ont suivi ».

A la même période, il demanda conseil aux Oulémas d’Egypte (4) sur l’attitude à observer vis-à-vis du Sultan qui, « en dépit de ses difficultés avait livré des milliers de bovins à l’ennemi […] intercepté et saisi 1500 fusils anglais […] 400 tenues […] et interdit à ses sujets toute aide à l’Emir ».

La réponse réprobatrice et sans ambiguïté vint sous la plume de l’un des plus grands commentateurs du « Mokhtassar » (Le Résumé) de Sidi Khalil, le grand muphti malékite d’El Azhar, le Cheikh Mohamed Alliche dont le grand-père était … fassi ! !

Mais le Sultan qui avait pourtant apporté toute son aide à l’Emir en mettant en place une logistique importante (5) sacrifia le devoir religieux et la solidarité« pour l’intérêt dynastique ». Il le faisait également parce qu’il gardait un mauvais souvenir des bombardements, par la marine française, des ports de Tanger et d’Essaouira au cours de la première décade d’août 1844 et surtout de la déroute, en une matinée, de ses troupes estimées à 70 000 hommes face à celles de Bugeaud qui en comptaient 11500 (selon Charles André Julien), dans la bataille d’Isly, près d’Oujda, le 13 août  1844.

De plus il devait faire face à des troubles intérieurs et « aux excitations de la population qui réclamait le djihad » (2).

Selon certains historiens et sur la base de correspondances émanant du Sultan lui-même, celui-ci voyait en l’Emir un dangereux rival qui avait les sympathies des populations marocaines (chaque victoire de l’Emir face à l’occupant donnait lieu à de grandes fêtes à travers le royaume). Il représentait également à leurs yeux le modèle, quasi unique dans les temps modernes, du vrai chef qu’il fallait à la tête de la Communauté musulmane et qui pouvait, par ses origines Idrissides, raviver de vieux antagonismes. Le Sultan décida alors de passer à l’action.

Il chargea un de ses chefs militaires, Lahmar, de mettre fin à son entreprise. Parti de Fès – en juin 1847 – à  la tête de 9 000 hommes (3), il se dirigea vers le Rif et campa à Tafersit, l’Emir se trouvant lui, non loin de là, entre Béni Tuzin et Métalsa. Par deux fois, il adressa un message à Lahmar pour le rassurer sur ses bonnes intentions en lui signifiant son désir de se rendre au Sud.

Mais, fort de la supériorité numérique à son avantage et vraisemblablement tenu par les ordres de son Sultan, Lahmar refusa catégoriquement toute discussion. L’Emir prit alors 200 hommes parmi ses redoutables cavaliers rouges et écrasa ses adversaires. Il prit en charge les prisonniers et les fit raccompagner jusqu’à Fès. Cette bataille eut un effet retentissant : d’abord par la qualité de « réfugiés » des Algériens, ensuite par le rapport des forces qui n’était pas en leur faveur et enfin par l’issue de la confrontation et la manière avec laquelle elle se déroula ce qui émut les Marocains qui s’indignèrent de l’attitude du Sultan qui avait osé combattre des « mouhadjirine ».

Deux mois  après (août 1847), les Béni Amer qui s’étaient retirés – ainsi que les Hchem et d’autres tribus – au Maroc où Moulay Abderrahmane les avait accueillis avec bienveillance et grande générosité, écrivirent à l’Emir pour l’informer qu’ils allaient se mettre en route pour le rejoindre. Il sortit aussitôt à leur rencontre mais ne les reverra jamais plus.

En effet, arrivés près de l’Oued Ouargha, ils furent rejoints par l’armée du Sultan dirigée par Ibrahim Ben Ahmed Lakhal qui faillit les exterminer tous. Les femmes et les enfants furent vendus comme esclaves ou pris comme butin. La littérature sur ce funeste épisode abonde. La plus grande autorité religieuse d’Oran du XXe siècle, le Cheikh Si Tayeb El Mhaji (1881-1969) se distingue, dans son autobiographie (6) par les témoignages de deux survivants qu’il a rencontrés en 1315/1898…

Signalons qu’à la même période, les Hchem subirent le même sort près de Zerhoun (3).

Lorsque la nouvelle du massacre des Béni Amer parvint à l’Emir et voyant qu’il n’avait plus rien à faire, il rebroussa chemin vers son campement dans le Rif où il apprit que les Guelaâ l’avaient attaqué durant son absence – en plein mois de Ramadhan (septembre 1847) – et avaient emporté avec eux biens et prisonniers. Quelques jours plus tard, il libéra ses compagnons et récupéra ses biens.

Durant ce même mois le Sultan écrivit aux populations des Béni Snassen et des Angad pour les exhorter à combattre l’Emir sans répit.

Du Rif, celui – ci  descendit sur Zayou (entre Berkane et Selouane) et décida une fois de plus d’expliquer ses bonnes intentions au Sultan. Il délégua alors son célèbre Khalifa El Bouhmidi El Oulhaci auprès de Moulay Abderrahmane. Peu de temps après son arrivée à Fès – en novembre 1847, juste après les fêtes de l’Aïd El Kébir – il fut interné et « empoisonné » (4). L’Emir se sentit alors« bien seul » (4).

Mais c’est en décembre 1847 que le coup de grâce allait lui être porté. Le Sultan lève une armée de 50 000 hommes   sous les ordres de ses deux fils : Mohamed – le futur Mohamed IV – et Ahmed qui se dirigèrent vers le Nord – est et campèrent à Selouane, l’Emir n’étant « qu’à trois heures de marche d’eux » (4). Avec seulement 1500 hommes (7), il décida quand même d’attaquer par surprise créant un mouvement de panique dans les rangs des Marocains qui ne l’attendaient pas. Il se retira à l’embouchure de l’Oued Moulouya sur sa rive orientale. Moulay Mohamed rassembla ses troupes, ameuta les tribus avoisinantes et se lança à sa poursuite.

De l’autre côté de la frontière, Lamoricière « avec 50 000 hommes » (4), « informé par les Marocains » (5) garde le col de Guerbouss – à quelques kilomètres de l’actuelle Saïdia – par où l’Emir était susceptible de se retirer.  L’issue de la bataille ne faisait plus de doute mais à quel prix !… deux semaines de combats – poursuite !…

Ahmed En – Naciri de Salé (7) rapporte dans sa chronique qu’à l’issue de la bataille, les pertes marocaines étaient d’environ 1 000 blessés et presque autant de morts, tandis que l’Emir en laissait derrière lui cinquante et « quelques prisonniers qui affichèrent une rare sérénité, au moment de leur exécution, face à leurs bourreaux admiratifs » (7). Cette victoire sans gloire et sans honneur qui fut en réalité une défaite pour les deux camps, acculait définitivement Abd-El-Kader à la reddition.

Dans sa retraite vers l’Algérie où il protégeait de sa personne l’arrière de ses troupes, il tomba sur un poste de garde où vinrent à sa rencontre deux hommes : Mohammed Ben Khououi et Ahmed Ben Hattab (3) le premier des Zmala, le second des Douaïers qui portèrent son message à Lamoricière à qui il se rendit le 23 décembre 1847. Il avait à peine 39 ans.

Ainsi prit fin l’épopée d’un homme qui avait en lui du Khalid Ibn El Walid, du Omar Ibn Abdelaziz, du Salah Eddine El Ayoubi, du Zahir Al Bibarsi…..

Quelques années plus tard, les colons de Sidi-Bel-Abbès, probablement dans un élan de reconnaissance, baptiseront une des principales rues de la ville du nom du Sultan Mohammed IV.

III. LES VRAIES RAISONS DE LA REDDITION

Imputer la reddition de l’Emir aux seuls événements malheureux décrits ci-dessus serait fausser totalement la réalité, car c’est dans les raisons qui l’ont poussé à se réfugier au Maroc qu’il faut chercher la cause principale à l’issue de son combat.

Il dut d’abord faire face à l’une des premières armées du monde de son époque qui, pour l’expédition d’Alger, envoya 768 navires avec 70 450 hommes dont 37 331 militaires (8). Ces effectifs allaient augmenter au fil des mois par des envois supplémentaires de troupes régulières françaises et de volontaires tentés par l’aventure, venant de toute l’Europe.

Dès les premiers mois de l’occupation, ces troupes furent renforcées par des supplétifs fournis par des tribus locales que l’Emir dut combatte de manière tout particulière. En parler nécessiterait des volumes entiers ; aussi nous nous limiterons à une simple énumération bien qu’ayant l’intime conviction que celle-ci sera très incomplète, l’Histoire, après presque 190 ans, n’ayant pas encore tout dévoilé…

Nous avons déjà parlé plus haut des Zmala et des Douaïers mais ils n’étaient pas les seuls. En effet, on rapporte qu’en marge du traité de la Tafna (20 mai 1837), Bugeaud aurait signé un traité secret avec l’Emir dans lequel «  il s’engagea à contraindre à l’exil » outre « Mostefa Ben Ismaïl quinze (15 ! !) Chefs de tribus ».

A ceux-là ajoutons pèle-mêle Ibrahim Bouchnak de Mostaganem, Bel – Aribi «  ennemi personnel et irréductible de l’Emir » (5), Mohamed Tidjani de Aïn Madhi, Cheikh  El Arab Bengana de Biskra, Hadj Moussa Derkaoui, les chefs des Kouloughli Zouatna et tant et tant d’autres. De plus il dut faire face à la tiédeur du Bey Ahmed et, dans un premier temps à celle des Zouaoua ; puis à la versatilité des Hchem, Béni Amer et autres tribus (3) dont les intrigues auraient poussé Mostefa Ben Smaïl à se rallier à la France alors qu’il était aux côtés du Cheikh Mohieddine puis aux côtés de l’Emir dans leurs premières batailles. Enfin de vieilles rivalités tribales resurgissaient de temps en temps ce qui n’était pas sans nuire à la cohésion générale.

Rappelons qu’au moment où l’Emir se réfugia au Maroc en 1847,  les Béni Amer, les Hchem, les Djaafra et le Khalifa El-Berkani s’y trouvaient déjà. S’y trouvaient également Mouloud Ben Arrach et les deux propres cousins de l’Emir : les frères Mouloud et Ahmed Boutaleb (dont la descendance n’a pas trouvé mieux que de faire de la Fondation une institution bicéphale), frères qui auraient proposé à Moulay Abderrahmane de l’aider à se débarrasser de son rival (3).

Au cours de cette même année, le Khalifa Ahmed Ben Salem se rend aux Français à Sour El Ghozlane (février 1847) suivi, le 13 avril suivant, par Bou Maaza.

L’Algérie allait être colonisée et, bien plus tard, la Tunisie et le Maroc mis sous protectorat.

IV.AFFRONTEMENTS EN PÉRIODE COLONIALE ET PRÉMICES DU MAGHREB ARABE.

Quelque 70 ans plus tard, ces espaces durs, fiers et hospitaliers où l’Emir s’était replié allaient de nouveau s’embraser par ce que les historiens appellent le soulèvement du Rif. Le Maroc est alors partagé en deux zones : celle du nord (le Rif) sous domination espagnole et celle du sud sous domination française. Un homme qui allait inspirer plus tard Mao Tsé Toung en matière de guerre populaire, Mohammed Ben Abdelkrim El Khattabi – plus connu sous le nom de son père Abdelkrim – leva l’étendard de la révolte contre le joug espagnol en unifiant toutes les tribus du Rif.

Cette révolte prit un tournant historique avec la bataille d’Anoual – à 25 kilomètres environ au Sud-est d’Al-Hoceima – le 17 juillet 1921 où Abdelkrim, à la tête de 3 000 soldats fit subir une défaite humiliante à l’armée espagnole (avec 60 000 hommes) qui laissa sur le champ de bataille « 18 000 morts, 1100  prisonniers, 19 504 fusils, 352 mitrailleuses, 129 canons » (9).

L’Espagne proposa un pacte d’alliance à la France qui y souscrivit sans hésitation voyant elle – même  que la zone qu’elle occupait était menacée. Ce pacte aboutit à la levée d’une armée composée de 100 000 soldats espagnols – qui auraient été commandés par Franco – et, du côté français, de 325 000 hommes de troupes régulières et  400 000 supplétifs répartis entre 32 divisions dirigées par 60 généraux sous les ordres du Maréchal Pétain : soit un total de 825 000 hommes pour 75 000 partisans d’Abdelkrim…

Parmi les troupes françaises figuraient, en force et en première place, les tirailleurs algériens et, parmi les supplétifs, toute une légion levée par des bachaghas zélés, à leurs propres frais. Une fois de plus, les frères allaient s’entre – tuer. Par le plus pur des hasards, nous avons, il y a quelques temps, écouté le récit d’un ancien administrateur sur les témoignages horribles qui lui ont été rapportés par un volontaire qui a fait partie des troupes du bachagha Bouchenafa de Ksar El Boukhari.

Le 27 mai 1926 Abdelkrim et les siens prirent le chemin de l’exil vers l’île de la Réunion.

Au mois de mars précédant cet exil, fut créée en France l’Etoile Nord – Africaine par des nationalistes maghrébins, réunis pour faire face aux épreuves que leurs pays respectifs enduraient face au colonialisme. Le combat d’Abdelkrim était un des éléments qui furent à l’origine de cet événement. Le Maghreb Arabe des temps modernes était en marche.  21 ans après, au matin du 1er juin 1947, un navire battant pavillon australien faisait escale à Port Saïd en Egypte. Il avait à son bord Abdelkrim et tous les membres de sa famille en cours de transfert pour la France. Des nationalistes marocains, algériens et tunisiens montèrent à bord du navire et firent évader le grand résistant du Rif avec les siens. Les Algériens étaient : Mohamed Khider et Chadly Mekki.

 

                                                                                                                                                                   Abdelkrim El Khattabi (1883-1962)                                                                           Mohamed Khider  (1912-1967)

                                Cette  action maghrébine constituait un véritable symbole. Elle rappelait, à sa manière, la spontanéité de la réaction des populations marocaines et leur soutien, durant douze années, au combat de l’Emir et préfigurait les rôles capitaux qu’allaient tenir nos frères  maghrébins dans notre lutte pour l’Indépendance.

Pour clore ce chapitre, notons au passage cette curieuse coïncidence : Abdelkrim était né l’année de la mort de l’Emir Abd–El–Kader (1883) et décéda moins de cinq mois après l’indépendance de l’Algérie (14 novembre 1962).

V.LA GUERRE DE LIBÉRATION.

Pendant la guerre de libération, le Maghreb Arabe surmonta, avec un succès jamais égalé depuis, l’épreuve de la plus noble forme de solidarité. Nos voisins, tant à l’Est qu’à l’Ouest, nous assurèrent d’un soutien multiforme sans faille. Des centaines de milliers d’Algériens trouvèrent refuge chez eux. Devenus les bases arrière de notre résistance, leurs territoires canalisaient tout : armes, matériels, médicaments et surtout espoir.

Le Maroc, de sa base jusqu’à son sommet, ne faillit jamais au devoir sacré. Les échos du rôle qu’il a tenu se retrouvent jusque dans les discours de nos responsables d’alors et notamment dans ceux des deux présidents qui se sont succédé à la tête du GPRA. Il serait trop fastidieux de s’y étaler et quel que soit le tableau que nous pourrions en rendre, nous resterons très loin de la réalité.

La solidarité maghrébine a été à ce point agissante que certains historiens rapportent que le choix du 20 août 1955,  jour des événements du Nord – Constantinois, a été retenu par les Révolutionnaires qui l’avaient préparé parce que ce jour commémorait l’anniversaire de la déportation du Roi Mohammed V. Sur le terrain des opérations, beaucoup de Marocains, ces fameux SNP (10) vont s’impliquer et beaucoup tomberont sous les coups de l’ennemi, arrosant de leur sang cette terre qu’ils considéraient leur. Il est vrai que la nationalité, legs du colonialisme, n’était pas encore à cette époque, le plus grand commun diviseur de l’ensemble du monde arabe qu’elle allait devenir au lendemain des décolonisations.

 VI.LA GUERRE DES SABLES.

L’inexistence de documentation sur cet événement nous met dans l’alternative de nous limiter à en rappeler certains faits espérant que témoins et acteurs se décideront un jour à nous éclairer davantage.

Le problème du tracé des frontières en est la principale cause. Le Maroc a toujours contesté le principe que l’OUA allait adopter dès sa création :l’intangibilité des frontières héritées du colonialisme. Même durant la guerre de libération ce problème fut soulevé par les autorités marocaines avec le GPRA, le 6 Juillet 1961 au lendemain d’une journée de soutien, organisée à Fès, justement contre le projet français de partition de l’Algérie. Le Gouvernement Provisoire estima alors que « ce problème trouvera sa résolution dans des négociations entre le gouvernement du royaume du Maroc et le gouvernement de l’Algérie indépendante ».

Dès octobre 1962, les représentants marocains à Tindouf sont expulsés par la force. Il y aurait eu quelques morts et blessés.

 

                                                                                                                         

                        Ahmed Réda Guedira                                                                                                                 Abdelaziz Bouteflika.

Le 5 octobre 1963, Réda Guedira rencontre à Oujda Abdelaziz Bouteflika et, en dépit de déclarations de bonnes intentions, des escarmouches sont signalées le 8 octobre entre troupes algériennes et marocaines au Sud (Hassi Beïda et Tinjoub). L’armée marocaine réplique par une action que nos responsables qualifièrent alors  « d’action armée et préméditée du Maroc … condamnable au regard de la morale et du droit internationaux qui la qualifient d’agression ». S’en suivirent alors les fameux « Hagrouna ! » et« Je demande la mobilisation générale ! » de Ben Bella.

Entre-temps, des centaines d’Algériens (500 diront les sources marocaines, le double nous diront d’autres) sont expulsés du Maroc. Les mêmes sources marocaines reprocheront à l’Algérie d’avoir expulsé 6000 Marocains ( ?). Au cours de ce même mois, les Algériens, aidés par les Égyptiens investissent Figuig…

L’OUA naissante se distingue alors par une de ses premières actions d’éclat : les 29 et 30 octobre 1963, à Bamako et en présence de Hailé Sélassié et de Modibo Keïta, Hassan II et Ben Bella (en tenue militaire ainsi que tous les ministres qui l’accompagnaient) signent  l’arrêt des hostilités pour le 2 novembre 1963 en déterminant « une zone au-delà de laquelle les troupes engagées seront repliées  ». Une commission ad hoc désignée trois semaines plus tard  par le Conseil des Ministres de l’OUA réuni à Addis-Abeba et composée de sept pays va, en vain, tenter de régler définitivement le problème. Les relations reprirent et s’améliorèrent sans fait notable. La question du Sahara Occidental, en 1975 allait tout remettre en question.

 

 

(Bamako, le 3 décembre 1963. De gauche à droite : L’Empereur d’Ethiopie Hailé Sélassié, Ben Bella, derrière lui Bouteflika et derrière celui-ci Ahmed Boumendjel avec, à sa droite, Saad Dahlab, le Président malien Modibo Keïta avec Réda Guedira derrière lui et, à l’extrémité Hassan II.)

 VII. DÉCEMBRE 1975.

Au matin du 6 novembre 1975, le Roi du Maroc donne l’ordre du départ de la Marche Verte. 350 000 personnes s’élancent alors vers la frontière de la Seguia El Hamra et du Wadi Eddhahab (Rio de Oro). Le 14 du même mois, l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie signent, à Madrid, l’accord tripartite sur la partition du Sahara…

Chez nous, la panique s’installe dans les familles marocaines et les familles mixtes : des rumeurs persistantes font courir le bruit que tous les Marocains vont être expulsés. La psychose se substitue à la panique dans des milliers de foyers : ceux qui se sentent concernés directement par les mesures d’expulsion, ceux qui s’attendent à être touchés par les dures retombées des séparations imminentes, et ceux, impuissants face à cette fatalité qui s’abat sur leur pays.

Les gens n’ont pas fini de se poser les questions de circonstance que l’implacable machine se met inexorablement en marche, broyant tout sur son passage. Combien de personnes allaient être expulsées ? On avança le chiffre de 45 000. Y a-t-il eu plus ? Probablement. Moins ? Nous l’espérons. Ce n’est sûrement pas en pareilles circonstances que les statistiques sont tenues, encore moins exhibées. Une page que n’auraient jamais pu soupçonner les premiers pionniers du Maghreb commençait à s’écrire dans la douleur.

Ironie du sort, la décision d’expulsion fut prise par un homme qui avait passé, comme des dizaines de milliers d’autres, toute « sa » guerre de libération au Maroc et plus précisément dans sa capitale orientale dont le nom allait définitivement s’apparenter au clan qu’il y créa. En dépit de déclarations tendant à « justifier » l’injustifiable, un climat de malaise, teinté de honte, s’installa dans les couches populaires en véritable état de choc.

Quant aux autorités, réfugiées derrière les raisons de souveraineté, elles nous assènent froidement que tous les expulsés étaient en situation irrégulière. Personne ne s’y trompait d’autant plus que la couleuvre était, pour une fois, trop grosse à avaler ; car parmi eux figuraient des personnes qui avaient passé plus de 60 ans en Algérie alors que d’autres y étaient nées et n’en étaient jamais sorties auparavant.

Des familles entières furent divisées, déchirées, des destins furent brisés, immolés pour des « péchés » qui n’étaient pas les leurs ; des parents marocains ont été séparés de leurs enfants algériens ; la machine aveugle qui se mettait en marche n’épargnait personne : des membres OCFLN, des victimes de la guerre de libération, d’anciens prisonniers de guerre, des proches de cette longue liste de SNP tombés au Champ d’Honneur pour l’Algérie ; une femme enceinte accouchera au cours de son transfert à la frontière… Et tout ceci se déroulait un jour de pardon par excellence : le jour de l’Aïd El Adha.

Les employés des services des Domaines qui ont été chargés de la basse besogne de recenser, au sein de commissions d’évaluation, les biens saisis aux personnes expulsées ont trouvé, au moment  où ils ont pénétré dans leurs maisons, les moutons sacrifiés encore pendants. Y a-t-il eu dépassement, bavure comme certains se sont évertués à le dire par la suite ?  Qui nous le confirmera ? Peut – être que l’Histoire s’en chargera, en tous  cas pas celle qui s’écrit en séminaire…

Nous retiendrons quand même de cette période le refus catégorique de certains de participer à ces commissions d’évaluation ou de les présider. De même, il s’est trouvé, parmi les citoyens, des affectataires de logements spoliés qui avaient refusé de les occuper. L’Algérie allait être réglée sur le conflit naissant.

Tel était le premier effet que nous recevions de l’affaire du Sahara Occidental et le tribut que notre pays se préparait à payer devait inéluctablement s’alourdir : d’abord par la perte d’Algériens tombés au fin fond des sables (Amgala1) puis par la longue détention d’autres dans les prisons marocaines pendant plus de 13 ans, ensuite par l’effort inouï que notre pays s’apprêtait à soutenir.

Comme version avancée  par Alger, Amgala1 était une simple intervention d’aide humanitaire. Pourquoi alors ne fut-elle pas confiée  au Croissant Rouge Algérien mais à l’ANP où elle perdit un certain nombre d’Appelés du Service National ?

Et tout le monde a oublié la rencontre, le 10 novembre 1975 à Béchar, de Boukharrouba Mohamed avec son homologue Mauritanien ; Mokhtar Ould Daddah et où le président algérien insulta son « invité » du jour et le menaça, s’il signe le 14 suivant, l’accord de Madrid. Rentré chez lui, Ould Daddah, avec l’accord de son gouvernement, décida de se retirer de la partie du Sahara occidental qui lui a été dévolue par l’accord tripartite de Madrid. Hassan II n’hésita pas à prendre ce gâteau que le manque de vision politique de Boukharrouba lui servit sur un plateau en or.

Plus grave encore, l’avenir commun de quelque soixante millions d’âmes allait être hypothéqué et dépendre totalement du sort réservé aux revendications de quelques dizaines de milliers de personnes qui pouvait être réglé sitôt apparu. Le Maghreb Arabe reculait par rapport à ce qu’il était aux débuts de ce siècle : de rêve il devint mirage… désert oblige !

Mais il est bien connu que chez nous, les choix qui se confondent avec nos «constantes » ne peuvent souffrir aucune discussion même si, bien après, ces « constantes » deviennent des « variables », la mathématique liant les unes aux autres n’ayant pu aboutir, tout au plus, qu’à une addition consolidée négativement.

 VIII. L’ESPOIR.

Et puis un jour la chape de plomb s’ébranla : une poignée de patriotes avec à leur tête le regretté Ferhat Abbas, le vénérable Cheikh Mohamed Kheïreddine, Youssef Benkhedda, Hocine Lahouel et Kaïd Ahmed (?) (mort à Rabat et, parce qu’enterré au carré des Martyrs à Tiaret, le Wali fut relevé de ses fonctions pour ne pas s’être opposé à ce sacrilège) osa dénoncer, du cœur d’Alger et au grand jour, la fuite en avant dangereuse du pouvoir.

Les quatre premiers mots du manifeste, « halte à la guerre ! », résumaient à eux seuls la gravité de la situation. Le pouvoir de fer qui se croyait incontesté devenait subitement contestable et vulnérable. Seuls une noblesse d’esprit et de cœur, un sens élevé de la responsabilité humaine, politique et historique et une foi quasi religieuse en un avenir à la dimension des peuples de la région pouvaient commander un tel acte qui imprimait au pouvoir absolu une brèche qui ne sera jamais colmatée.

Celle-ci  devait même s’élargir quelques années plus tard. Cet acte d’un courage qu’aucun qualificatif ne peut restituer exprimait haut ce que des millions d’Algériens pensaient tout bas. Suivirent alors une série de prises de position dont une d’un véritable homme – symbole qui s’exilera d’Algérie, ira au Maroc, mourra à Tunis et ne retrouvera sa ville natale  que pour y être enterré. C’était Moufdi Zakaria.

                                                                      

                   

Moufdi Zakaria (1908-1978)                                     Ferhat Abbas (1898- 1985)                                                     Kaïd Ahmed (1921-1978)

                                    

Benyoucef Benkhedda (1920-2003)                           Hocine Lahouel (1917-1995)

A tous ces hommes dont certains avaient milité pour l’Algérie avant même que ne naissent ceux qui faisaient l’événement ci-dessus, l’Histoire a donné raison…

Les historiens et les « politiciens » qui ont vécu cette période le diront certainement  beaucoup mieux que nous : l’expulsion des Marocains était destinée à poser problème au Maroc à ses frontières de l’Est pour l’empêcher de s’occuper efficacement de celles du Sud. Au désespoir de ceux qui avaient pensé cela, la solidarité transfrontière a fonctionné d’une manière insoupçonnée faisant écrire à certains que l’Algérie, par son attitude et son intransigeance, a renforcé les rangs autour du monarque chérifien alors en perte de popularité dans son royaume.

L’élan de solidarité a été tel qu’il a fait dire à une jeune expulsée : « Que Dieu prête longue vie à Boumédiène pour nous avoir fait découvrir un tel pays ».

Ainsi donc les frontières sont fermées et cela va durer deux fois plus longtemps qu’il n’a fallu à l’Algérie pour mener une guerre de libération et recouvrer son indépendance. Des dizaines de milliers de familles sont séparées ; beaucoup, des deux côtés de la frontière, disparaîtront sans pouvoir jamais embrasser une dernière fois qui un père, qui une mère, qui un proche… Les plus nantis se retrouvaient à Paris, Genève, Madrid, Marbella ou à la faveur de pèlerinage ou de Omra, mais ils ne représentaient qu’une infime minorité.

Quant aux autres, leurs douleurs, leur détresse, leurs prières, exprimées du bout des lèvres, se heurtaient à un mur de silence et d’indifférence méprisante.

IX. LE CHEMIN DE CROIX.

 Maigre consolation : les ressortissants avaient la possibilité de se rendre dans leurs pays respectifs mais au prix d’un visa qui prenait, des deux côtés de la frontière, des mois et des mois pour être établi quand il ne l’était jamais. Que de fois nos concitoyens n’ont-ils pas accompagné les leurs aux postes frontières déserts, témoins froids de la bêtise humaine.

Seuls les coopérants techniques en activité dans notre pays – et un peu plus tard des affairistes tunisiens- profitant de leurs repos hebdomadaires, empruntaient ces lieux devenus pratiquement les leurs pour aller chercher à Oujda ce qu’ils ne trouvaient pas en Algérie pendant que les Algériens les regardaient avec amertume.

Et c’est justement au poste de Akid Lotfi que nous avons assisté un jour à un spectacle saisissant. Un vieux marocain expulsé était autorisé à embrasser son fils, algérien, au poste frontière pour quelques minutes : une scène émouvante qui n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’humanité des responsables. Au moment de la séparation, le vieux Hadj Abdesslam dit simplement : « J’ai laissé en face plus de soixante ans de ma vie et une foule de petits – enfants tous algériens. Je n’en veux à personne car rien ne se serait passé si Dieu ne l’avait Lui – Même voulu ».

Quelques mois plus tard le fils ne pourra même pas aller accompagner son père à sa dernière demeure. Nous sommes très loin du hadith du Prophète qui dit : « Quiconque vit parmi une tribu quarante jours en fait partie ».

Pendant ce temps, nos responsables, devenus maîtres à dispenser des leçons aux autres grâce à un baril de pétrole à 40 $  environ, ne cessaient de claironner que l’Algérie n’était pas en guerre contre le Maroc et que le Maghreb Arabe était une priorité vitale pour eux. Profondément convaincus que le ridicule ne tue pas, ils ont usé et abusé de ce slogan jusqu’à le vider de sa substance, sinon, comment espéraient-ils se faire prendre au sérieux en parlant de Maghreb Arabe – et ils en parlent toujours – avec des frontières volontairement et hermétiquement fermées ?

De plus le matraquage de la propagande devenait tel que prononcer simplement le nom du Maroc revêtait un caractère blasphématoire. Nous ne citerons comme exemple que cette intervention télévisée d’un ancien Moudjahid qui, à l’occasion d’une célébration de la commémoration du déclenchement insurrectionnel du 1er novembre 1954 déclarait : « Le FLN a édité un journal en pleine guerre ; il a même fabriqué des armes et des explosifs (et, après hésitation)… dans un pays voisin ». Il s’agissait, bien sûr, du Maroc. Un tel témoignage, qui se voulait historique est tout simplement honteux ! Les exemples de ce type foisonnent… et là, un comparatif dur et amer s’impose…

La France et sa politique de la terre brûlée, au début et à la fin de la colonisation, avec ses De Boyer, Bugeaud, Pélissier, Saint-Arnaud – qui disait : « j’ai été forcé de faire le Caligula ». – Cavaignac, Salan, Bigeard et tant  et tant d’autres dont les mémoires et les écrits macabres et cyniques donnent des frissons jusqu’à nos jours, la France des enfumades de Ouled Riah, des emmurements, avec des millions d’Algériens tués en 132 ans de «  mission civilisatrice », des milliers d’autres déportés, exilés à vie, morts à Amboise, Cayenne ou en Guadeloupe, la France qui a utilisé nos pères comme chair à canon en 1871, en 1918, en 1925 au Rif, en 39/45, en Syrie, au Liban et à Dien Bien Phu, où des milliers sont morts pour des causes qui leur étaient totalement étrangères, la France et son œuvre de division savamment orchestrée par certains hommes de culte dont les séquelles subsistent jusqu’à nos jours, la France du pillage, des  spoliations, des expropriations, de la torture, des essais nucléaires, cette France – là a quand même eu droit à de bien meilleurs égards. Faut-il alors en conclure que l’adversité ne peut être engendrée  que par la fraternité ? Et celle en Dieu avait-elle un sens ?

A défaut de réponse nous rappelons cette vérité : l’Histoire et les destins des peuples ne s’écrivent jamais d’avance et jamais par des minorités. Et quand celles-ci parviennent à laisser des marques ces dernières sont considérées comme des «accidents de parcours ». Ceux qui veulent façonner les destins de leurs peuples dans l’optique de leurs œillères sont catalogués comme des tricheurs et ceux « qui trichent avec l’Histoire seront fatalement balayés par elle ». (Ferhat Abbas)

X.LA FIN DU PREMIER CALVAIRE.

Au début des années 80, intervinrent des mesures de souplesse : il était désormais possible aux personnes unies par des liens de sang de se déplacer  entre les deux pays. Ainsi, un Algérien ayant une épouse, un ascendant, un descendant ou un collatéral marocains pouvait se rendre au Maroc à condition de surmonter un double obstacle : obtenir un visa des autorités consulaires marocaines – ce qui n’était pas évident – et obtenir ensuite le fameux « message », autorisation délivrée par les services centraux de police sous forme de télex adressé directement par eux à la police des frontières du point de sortie du territoire. Pas de traces de crasse pour ceux qui  redoutaient d’être rattrapés par leur passé!

En 1988 fut prise la décision de rouvrir les frontières avec suppression des visas alors que les raisons qui ont poussé à leur fermeture étaient encore d’actualité et le sont toujours. A qui ou à quoi cela était-il dû ? La transparence étant un vocable non  grata dans notre vie publique, il ne nous est pas aisé d’y répondre avec précision. Toujours est – il que les prix du pétrole chutaient plus rapidement qu’ils n’avaient augmenté ; les rentrées se raréfiaient et l’appareil de production était, dans tous les secteurs, sous perfusion.

Au plan régional, les retraits des reconnaissances du Polisario, même par des pays « amis traditionnels » de l’Algérie s’intensifiaient à tel point que la télévision et la presse de l’époque, qui en tenaient pourtant une  comptabilité rigoureuse, au  jour le jour,  cessèrent de le faire. Enfin les Sahraouis qui rejoignaient le Maroc étaient de plus en plus nombreux et venaient de toute la hiérarchie du Polisario. Hakim Ibrahim, Ministre des Affaires Etrangères de la RASD était de ceux-là … Autre époque, autres mœurs. Pour le compte de la seule  année 1988, deux faits marquants sont à retenir :

– Le premier concerne l’accueil spontané et unique en son genre auquel eut droit le Roi du Maroc le 07 Juin 1988 quand il débarqua au port d’Alger. Aucun des chefs d’Etats arabes qui étaient venus, à la même période, au Sommet de l’Aurassi, n’a eu droit à pareil accueil.

– Le deuxième concerne ce raz de marée humaine qui s’est rué vers les postes frontières et sur les deux aéroports d’Alger et d’Oran (une liaison Oran-Fès allait être ouverte). Que peut-on en conclure si ce n’est que ces deux faits se voulaient un désaveu cinglant à tous ceux qui ont de tout temps ignoré les sentiments profonds du peuple en allant sciemment à contre courant de ses aspirations ?

Et tous ceux qui, hier vilipendaient le régime voisin par des diatribes acerbes, tous les faux zélateurs, les contempteurs et les encenseurs, tous ceux qui avaient applaudi à la fermeture des frontières quand ils n’y avaient pas participé, tous ceux-là  furent les premiers à aller se pavaner chez nos voisins en épousant des discours nouveaux pour nous rappeler les vertus du Maghreb Arabe, de la fraternité agissante et du destin commun …

Ainsi, après 13 années d’injuste séparation, des milliers de personnes pouvaient s’embrasser de nouveau. Ce furent des retrouvailles à tous les niveaux saluées par tous ceux qui croyaient à ce grand Maghreb, à l’image de ce vieux marocain qui, voyant côte à côte, à la télévision, les ministres de l’intérieur des deux pays (Driss El Basri et Hadi El Khediri) sur le front de la lutte anti acridienne, s’exclama : «  Dieu ! Inondez-nous de sauterelles si cela peut nous aider à nous unir  ».

Nous disions plus haut que l’ouverture des frontières s’était faite alors que les raisons de leur fermeture demeuraient entières. En d’autres termes, des dizaines de milliers de personnes, ruinées moralement et matériellement, ont été expulsées   pour …rien ; des dizaines de milliers de nos concitoyens ont connu les affres de la séparation pour …rien ;  le devenir du Maghreb fut totalement compromis pour …rien. A croire que les uns et l’autre ne représentaient justement … rien.

XI.LA  SITUATION  ACTUELLE.

Septembre 1994. L’attentat de Marrakech provoquant un vent de panique chez nos voisins, allait remettre cela. Le Maroc ordonne, manu militari et sans préavis, l’expulsion de tous les Algériens se trouvant en visite  sur son territoire.

L’excès de précipitation ne peut, à lui seul, expliquer une telle décision. Ce qui fut en revanche difficile à admettre c’était le zèle affiché par les autorités marocaines et une partie de la population dans la chasse à l’Algérien. Après une embellie de six ans nous revoilà à la case départ ! Réinstauration  des  visas pour tous nos compatriotes. L’Algérie réplique par réciprocité et va plus loin : fermeture définitive  des frontières.

L’aéroport d’Alger restera, telle une soupape, la seule porte ouverte sur le Maroc. Une deuxième fois, en presque 20 ans, seuls les nantis vont être favorisés. Quant à l’écrasante majorité, c’est-à-dire la plus concernée par les visites familiales, celle dont personne ne va se soucier une fois de plus, sa situation va s’empirer. Un  père de famille nous disait à l’époque : « Avant, pour aller voir les miens à Fès, j’avais juste besoin d’un plein de mazout. Aujourd’hui, je suis obligé de débourser pour mon épouse et mes quatre enfants plus de 120 000,00 dinars en billets d’avion, de train et d’hébergement pour aller de Tlemcen à Fès via Alger et Casablanca  ».

Une vieille, venant de Tindouf  et devant se rendre à Figuig (à 12 Km de Béni Ounif) a dû faire le périple suivant : par avion, Tindouf-Oran, Oran-Alger, Alger-Casablanca puis par train : Casablanca-Oujda (11 heures de voyage) et enfin en taxi ou en bus : Oujda –Figuig, soit plus de 4000 Km en aller simple c’est-à-dire, en aller-retour, le cinquième du tour de la Terre ! !

En ajoutant à la somme exorbitante nécessaire aux titres de voyage, les désagréments pour obtenir les visas et les incontournables et éternels problèmes posés par Air Algérie on comprend mieux pourquoi les passeurs de Maghnia (voir le Quotidien d’Oran du 23 août 1998) ont monté une filière spéciale « visites de familles » pour venir au secours des ces milliers de malheureux obligés par les devoirs du sang à commettre de vrais délits malgré eux. Quand pensera-t-on résolument à eux en dehors d’une campagne électorale ?

Dans un pays qui se veut de justice, la solution qui s‘impose d’elle-même consisterait soit à ouvrir les frontières au moins pour cette catégorie si ce n’est pour l’ensemble (ce qui serait plus juste), soit à les maintenir fermées mais en suspendant parallèlement tous les vols sur le Maroc. L’égalité en droits sera sauve.

    XII. ET MAINTENANT ?

 Nous n’apprendrons rien ni à  personne en disant qu’il n’y aura  jamais de Maghreb Arabe  sans l’Algérie et /ou le Maroc. Or ce besoin de Maghreb Arabe a été d’abord une émanation populaire. C’est  par la suite que, pris en charge par les Etats, il est devenu un outil politique que des calculs étroits ont affecté et dévié de sa trajectoire. La crédibilité du vieux rêve s’en est trouvée alors compromise.

Et c’est ainsi que dans les rapports qu’ont les peuples entre eux, en dehors des circuits officiels, l’idée du Maghreb Arabe sonne juste. Les discours officiels la rendent fausse. Nous en relevons que sans l’association spontanée, libre et naturelle des peuples, le Maghreb  Arabe restera un rêve sans attraits et n’aura aucune chance d’aboutir.

Certains analystes subordonnent son devenir à des chiffres et à des balances commerciales en occultant totalement la perspective unique offerte par un marché de soixante millions de consommateurs. Cette approche est née au lendemain du spectacle offert par la réouverture des frontières en 1988 et la création de l’UMA.

. Un appareil de production pratiquement en panne, une agriculture moribonde, un marché régi par des lois inadaptées, une population qui voulait voir cette « vie meilleure » dont on ne cessait de lui parler et un lot d’anachronismes économiques ont naturellement fait que nos voisins ont été les seuls bénéficiaires de cette réouverture. Les causes étant cependant strictement endogènes, la responsabilité  du décalage nous incombait pleinement.

Nous avions naïvement cru, il y a quelques années que le Maghreb Arabe se réaliserait avant l’U. E parce que nous disposions d’atouts que les Européens n’avaient pas : même langue, même religion, etc. Nous nous sommes trompés. En effet, malgré l’adhésion sans réserve de tous les régimes des cinq pays de l’UMA au vieux rêve, le poussin est, pour ainsi dire, mort dans l’œuf.

 Et curieusement chez nous, nul n’a pointé son doigt accusateur vers l’auteur traditionnel de nos déboires et de nos faillites : la fameuse « main de l’Etranger ». Est-ce là une reconnaissance implicite de notre part de responsabilité dans l’échec ?

Il faudrait dès lors s’interroger sur ce qu’il y a lieu de faire. Certes des pages noires ont été écrites entre nos deux pays. Et pourtant l’Histoire retiendra qu’il en a été écrit une, au cours de notre guerre de libération, tellement sublime et tellement belle qu’à elle seule elle doit nous commander d’absoudre tous les « péchés » passés, présents et futurs.

Avons-nous une mémoire si hémiplégique ou sommes-nous frappés d’amnésie ou d’anathème pour être à ce point incapables d’en écrire d’autres à la mesure de nos rêves les plus légitimes et de nos aspirations les plus intimes ?

Au lieu de persister  dans des comportements négatifs imposés par des susceptibilités qui ne traduisent pas la grandeur des Etats, il faudrait que de chaque côté, l’ensemble des décideurs maghrébins se rappellent que l’Histoire de l’Europe est jalonnée de pages horribles, écrites durant des siècles, entre pratiquement tous les pays.

Une guerre entre la France et l’Angleterre a duré, à elle seule, cent ans. Et les deux pays devaient s’affronter une infinité de fois. Des fleuves de sang ont coulé entre l’Allemagne et la France, entre l’Allemagne et presque tous les pays européens faisant des dizaines de millions de morts sur au moins trois continents.

Et pourtant ces pays ont eu ce trait de génie de comptabiliser leurs divisions du passé au profit d’un avenir commun. Celui-ci est très vite devenu une réalité tangible les uns et les autres ayant fait les sacrifices nécessaires pour créer un espace unique avec une seule frontière, une seule monnaie… La  prouesse n’a été possible que parce que les arrières – pensées, les susceptibilités et les calculs chauvins ont été irrévocablement bannis des rapports qu’ont les uns avec les autres.

Nous tourner mutuellement le dos est le meilleur moyen de perdre contact avec eux et avec les autres blocs qui s’érigent çà et là. Pour le moment ne perdons pas de vue ce Hadith qui dit : « Celui qui se repent d’un péché vaut mieux que celui qui n’en commet point ».

Cet article a été rédigé à la fin de l’été 1998 et publié sur le Quotidien d’Oran. J’ai remarqué, par la suite, au travers de divers commentaires parus sur les supports informatiques exerçant à Sidi-Bel-Abbès que tout a été mis en place, volontairement ou involontairement, pour que le citoyen Lambda épouse les thèses pseudo-officielles et politiciennes.

Suivre ou ne pas suivre, y croire et y souscrire, ou rejeter en espérant que la sagesse reprendra ses droits, relève du libre choix de chacun. Il y a juste une question à se poser : à qui profite la fermeture ? Non seulement elle profite à certains mais également à toute une autre région du pays. Le tout est de faire l’effort de comprendre pourquoi.

Admettons que nos voisins aient l’entière responsabilité de la situation, que nous ont-ils fait exactement par rapport à ceux qui, à longueur de journées, ne cessent de seriner à nos compatriotes, outre méditerranée : « Vous avez voulu votre Indépendance ? Vous l’avez obtenue alors restez chez vous, étudiez chez vous, soignez-vous chez vous » et tout cela après nous avoir laissé un pays exsangue et … « deux milliards dans les caisses du Trésor de quoi tenir alors deux jours ! » au lendemain de l’Indépendance.

Quant à ceux  qui lient  tous les trafics à nos voisins qui sont connus de tout le monde, il ne faut pas oublier que c’est le demandeur qui provoque l’offre. Enfin ce qui m’a surpris à travers certains écrits c’est la fausse analyse qui est donnée par eux concernant le déséquilibre des « échanges ». Il en est ainsi de celui qui en a fait un  sur les nombres de touristes des deux pays alors que nous savons que le touriste est attiré par ce qui n’existe pas chez lui.

Des centaines de milliers d’Algériens se rendent annuellement en France, en Turquie qui nous a colonisés pendant plus de trois siècles, en Tunisie et en Espagne pour ne citer que ces pays. Qu’ils nous disent combien de leurs ressortissants viennent chez nous. Nous savons qu’ils le font au compte-gouttes et s’ils ne le  le font pas c’est à cause de l’indigence de nos infrastructures touristiques et de l’absence d’une politique cohérente, constante et attractive dans ce domaine.

Les hôtels cinq étoiles qui ont bien été construits chez nous n’attireront jamais les touristes. Nos compatriotes partent par dizaines de milliers par semaine en Tunisie que sa révolution a asphyxiée. Qu’en est-il en retour ? Rien ou presque ! Plus éloquent constat que tout reste à faire dans ce domaine et dans d’autres, sincèrement, je n’en vois pas. L’opacité dont on parle tous les jours à travers la presse  serait-elle l’esquisse d’une réponse ? Un proverbe chinois dit : « Le poisson pourrit toujours par la tête ».

Or la «tête» a saigné à blanc le pays, appauvri son peuple au point ou ses enfants défient la mort pour ne plus y rester. Combien nous revient l’aide au Polisario qui a rangé unilatéralement ses armes? A ses enfants les meilleures universités espagnoles, de splendides logements à Tindouf.

Si le Maghreb arabe ne se fait pas -et sans plus attendre- il y aura certes beaucoup de pots cassés sauf que les plus nombreux seront les nôtres.

XIII. SOURCES.

(1)    : Zohra TAMOUH : « Le Mémorial du Maroc ». Tome 4 (Sur 9) Ed. Nord –Organisation. 1982.

(2)    : Histoire de l’Algérie contemporaine. Tome 1 (1827 – 1871) par Charles André JULIEN. Ed. PUF-Paris 1979.

(3)     : Tulu’Sa’ad Assu’u’d. (طلوع سعد السعود) (Chronique d’Alger, d’Oran…) Tome 2. Présenté par Y.BOUAZIZ Ed. Dar El Gharb El Islami. Beyrouth – 1990.

(4)     : Tuhfat Ezza’ir par Mohamed Ben Abdelkader (Fils de l’Emir). Dar El Yaqza El Arabia – 2 ème Ed. 1964 Beyrouth.

(5)     : Le Maroc face aux impérialismes – Charles André JULIEN. Diverses Editions.

(6)     : Anfass Edhakhaïr (أنفس الذخائر وأطيب المآثر في أهم ما اتفق لي في الماضي والحاضر)   par le Cheikh Tayeb El Mhaji – Ed Société Algérienne d’Edition – Oran,

(7)     : Kitab Al Istiqça … (كتاب الإستقصى في أخبار دول المغرب الأقصى)  par Ahmed En-Naciri Ed. Maison du Livre Casablanca 1956.

(8)     : L’Algérie Ancienne et Moderne. Par Léon GALIBERT. Ed. Furne et Cie Libraires – Editeurs. Paris 1844.

(9)     : Mohamed ZNIBER « Le Mémorial du Maroc » Tome 5 Ed. Nord –  Organisation. 1982.

(10) : SNP : Sans Nom Patronymique.

 

 

 

 

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