La « crise »
Cela se passe ici et dans le monde…
Partout, ce qui est expliqué, à qui veut comprendre la raison des mesures d’austérité prises par les gouvernements, pour « lutter contre la crise économique », est qu’elles sont nécessaires et obligatoires pour relancer les économies en panne. Parmi ces mesures figurent, en tête, une foule de facilitations accordées aux entreprises, à travers l’amélioration de ce qui est appelé le « climat des affaires », dont un aménagement approprié de la législation du travail vers la plus grande « flexibilité » à l’avantage des patrons.
A tout seigneur, tout honneur, comme ce serait bien les entreprises qui créent les richesses et, ce faisant, créent des emplois, ce sont elles qui doivent être aidées et soutenues, tandis que le reste de la société doit en payer le prix, en se serrant la ceinture. Les employés de ces entreprises sont, bien évidemment, les premiers appelés à le faire : « se serrer la ceinture ». Ils n’ont d’ailleurs jamais le choix et doivent soit se résigner, soit recourir à la grève au risque de se voir licencier, sans préjudice, parfois, de la répression policière pour atteinte à « la liberté du travail ».
Dans les faits le tableau est des plus sombres et la pauvreté ronge de larges pans des populations, donnant un visage à la « crise », avec son lot de chômeurs, de « sans domicile », voire de suicides. Pourtant ce n’est pas le lot de tout le monde et, particulièrement, ce n’est pas du tout le cas dans la sphère des patrons qui semble narguer tout le système, ses discours compassés et tout le tintouin qui est fait pour faire passer la pilule.
Un exemple à généraliser: un rapport du centre d’études britannique, High Pay Centre, publié lundi 17 août, révèle qu’en 2014 le salaire des dirigeants des grands groupes britanniques est 183 fois plus élevé que le salaire moyen. Ce qui devrait étonner le plus est que cet écart s’est creusé durant la « crise », puisqu’en 1998 le multiplicateur, bien que très élevé, n’était que de 47. A côté de ce revenu astronomique, il faut signaler que ces dirigeants bénéficient de divers bonus, de stock-options et de multiples avantages liés à l’exercice de leurs fonctions. Malgré cela, le premier ministre David Cameron, qui ne démord pas de prôner plus d’austérité, de restrictions dans les services publics, de bradages du patrimoine collectif, n’apporte pas la moindre explication qui justifierait un tant soit peu une telle incongruité.
Peut-être parce qu’il n’y a pas d’explication, parce que cela coulerait de source, que ce n’est pas une incongruité et que la chose exprime la nature ordinaire du système qui gouverne le monde. Mais il faut dire que la situation a atteint des sommets, au point que le pape François s’est senti interpellé. Le jeudi 9 juillet, en voyage à Santa Cruz en Bolivie, il a tenu des propos inattendus dans la bouche de l’un des maîtres de l’idéologie des puissants. Il a dit : « Le nouveau colonialisme a plusieurs visages. Il a, parfois, l’influence anonyme des veaux d’or que sont les entreprises, les organismes de crédit…l’imposition de mesures d’austérité qui obligent toujours les travailleurs et les pauvres à se serrer la ceinture. »
Il décrit bien la bête, sauf qu’il semble ignorer qu’elle n’est pas nouvelle ou bien qu’il semble la découvrir.