Le nœud gordien algérien
Mustapha Benchenane, politologue, Université Paris-Descartes Sorbonne
Brahim Senouci, physicien, Université de Cergy-Pontoise
Quatorzième partie : Pour un régime politique adapté aux réalités algériennes
Dans une précédente livraison (« Un régime politique marqué par la confusion et l’inadaptation », Le Quotidien d’Oran du 19 février 2015), nous avons noté à propos du régime actuel que, bien que n’étant plus une dictature au sens classique, il n’est pas pour autant devenu une démocratie. Une dictature se caractérise par une absence totale de liberté d’expression.
En Algérie, cette liberté, même si elle est relative, existe. Il est possible de critiquer le régime et de dénoncer ses dérives, aussi bien dans la rue qu’à travers les écrits journalistiques. Toutefois, elle ne constitue pas à elle seule un gage de démocratie. Une démocratie suppose, entre autres, une compétition pacifique pour le pouvoir selon des règles largement acceptées et scrupuleusement respectées, et l’existence d’un véritable Etat de droit, soit un Etat soumis au Droit et respectant l’indépendance de la Justice. Et puis, une démocratie ne peut se construire sans consensus.
Le paradoxe n’est qu’apparent. La diversité des opinions doit être la règle, à condition qu’elles puissent s’exprimer dans un cadre commun, admis par tous les acteurs de la société. On ne peut ainsi bâtir un régime démocratique dans un pays où des oppositions radicales caractérisent les échanges. Il faut en particulier régler la question du projet de société, sans que ce projet soit le résultat d’ un arbitrage entre deux contraires comme c’est la cas dans notre pays depuis l’émergence de l’islamisme, mais d’un échange fécond dans lequel les acteurs ne seraient gouvernés que par le souci de l’harmonie, du vivre-ensemble, de la volonté de développer le pays pour prémunir les générations futures d’éventuelles catastrophes qui seraient des effets retardés de notre incapacité actuelle à les prévenir.
Les régimes politiques peuvent être classés en quatre catégories. Il y a d’abords les régimes totalitaires (Union Soviétique, Chine sous Mao-Tsé-Toung, Corée du Nord), les régimes dictatoriaux (Le Chili sous Pinochet, l’Argentine sous Videla, la Grèce des Colonels, l’Egypte sous Nasser, l’Algérie sous Boumediene…), les démocraties (pour l’essentiels, les pays occidentaux, le Japon…), les régimes politiques en transition (Russie, Tunisie, Algérie…). Nous savons, notamment grâce à Hannah Arendt, que la différence entre dictature et totalitarisme n’est pas une question de nuance. Le nazisme est totalitaire parce que c’est un projet global, porté par des masses qui s’identifient à lui, naturellement porté à la conquête du monde extérieur. Rien à voir avec un satrape local, un tyranneau africain qui s’accapare les richesses de son pays en affamant son peuple, qui ne perdure que par la crainte qu’il suscite, en dépit de la haine qu’il inspire. Le seul projet du tyranneau est de durer et de se réserver des moyens de partir avec la caisse en cas de « malheur ».
Le fait que l’Algérie soit en transition signifie qu’elle est dans un jeu de bascule qui pourrait la projeter vers l’établissement d’une démocratie véritable mais qui pourrait tout aussi bien la renvoyer à la dictature. Retenons l’hypothèse vertueuse que cette phase de transition, en dépit de l’immobilisme qui en constitue le principal caractère apparent, nous permettra de progresser vers plus de maturité, plus de libertés, plus de transparence… Pour autant, la démocratie représentative telle qu’elle est pratiquée en Occident est-elle l’horizon souhaité ? Sinon, quel régime politique conviendrait à notre pays ?
La démocratie représentative, un régime à bout de souffle ?
Winston Churchill disait de la démocratie qu’elle était « le pire des régimes, à l’exception de tous les autres ».
La démocratie représentative, telle qu’elle est pratiquée en Occident, est le produit de l’histoire de cette civilisation. Dans cette histoire, il y a les acteurs, et les rapports de force entre eux. Il y a aussi l’émergence puis le triomphe d’une culture, celle qui est née de l’avènement d’une classe sociale, la bourgeoisie. Celle-ci, parfois grâce à son seul pouvoir financier, à d’autres occasions par son alliance conjoncturelle avec les forces populaires, a arraché aux rois une partie de leur pouvoir et à même fini par les en dépouiller totalement.
C’est ainsi que se sont passées les choses, en Angleterre et plus tard en France. Dans ce processus, la bourgeoisie a été capable de développer tout à la fois son pouvoir économique et financier, tout en fondant une nouvelle culture. C’est grâce à la maîtrise de ces deux domaines, que cette bourgeoisie a pu modifier à son profit les rapports de force, tout en nourrissant une très forte méfiance à l’égard du peuple. C’est ce qui explique que le suffrage universel n’a été instauré que par étapes, au terme d’une longue période durant laquelle la bourgeoisie occidentale a assis son hégémonie culturelle sur les autres classes sociales.
Cela explique la mise en place, durant un moment de l’Histoire, du suffrage censitaire, qui n’était ouvert qu’aux personnes disposant d’un certain niveau de revenus. Les électeurs avaient ainsi toutes les raisons d’être attachés au nouvel ordre bourgeois. Ce n’est que lorsque la culture et l’idéologie bourgeoises se sont largement diffusées, jusqu’à leur intégration dans l’imaginaire populaire, que le suffrage universel a été inscrit dans les constitutions. Ce sont les élites, issues de la classe dominante, qui ont constituépour l’essentiel, qui constituent encore aujourd’hui, la « classe politique ».
Ce sont ces élites qui se présentent aux élections et qui s’auto désignent comme « représentants du peuple », comme l’émanation de la « souveraineté populaire ». Il y a eu toutefois des épisodes durant lesquels les classes laborieuses ont pu être avoir des représentants choisis en leur sein. Cela a été notamment le cas dans les périodes où les partis communistes représentaient une vraie force. Il a fallu aussi des circonstances exceptionnelles, telles que la Deuxième Guerre Mondiale et la part prise par l’Union Soviétique et les résistances communistes dans la victoire sur le nazisme.
Mais la classe bourgeoise veillait au grain. Elle a lâché du lest sur les revendications sociales mais restait vigilante sur le fait que la classe dominée na parviendrait jamais à prendre le pouvoir par les urnes… Une illustration en a été donnée par les récents référendums qui ont été organisés il y a quelques années sur la construction européenne. Les organisateurs, expression de la classe dominante, avaient prévu que le « oui » l’emporte. Là où le « non » a gagné, on a fait revoter le peuple. En France par exemple, le pouvoir est même passé outre. Il a « oublié » le résultat des urnes et a choisi de faire avaliser le « oui » par l’Assemblée Nationale et le Sénat réunis en congrès, c’est-à-dire les « élites ». Ces mêmes élites se succèdent sur les plateaux de télévision pour déplorer la perte de crédit de l’Europe !
La démocratie occidentale est à bout de souffle, pour plusieurs raisons. Les dirigeants n’ont pas réussi à régler les problèmes économiques les plus cruciaux auxquels sont confrontés les peuples : l’emploi et le pouvoir d’achat. Ils ont été incapables de renouveler la question essentielle du sens, à un moment où la perte de celui-ci apparaît comme un symptôme majeur de la crise de civilisation que vit l’Occident. Les multiples scandales de corruption qui la secouent ont discrédité la représentation politique dans son ensemble, ce qui a fait le lit de la progression massive de l’extrême droite fasciste et xénophobe.
Parce qu’elle est le produit d’une histoire particulière, la démocratie représentative aurait du mal à s’enraciner aujourd’hui en Algérie. On n’y trouve aucun des facteurs ayant permis son développement en Europe. La bourgeoisie algérienne est embryonnaire. Elle est, dans sa majorité, d’essence prédatrice. Il y a peu de cas de capitaines d’industrie ayant fondé des entreprises ayant permis d’ajouter à la richesse du pays et de donner du travail aux Algériens.
C’est plutôt une classe attentive à capter des parts plus ou moins importantes de la rente, et donc pas vraiment inscrite dans le développement et la durée. Il ne faut donc pas s’étonner que ce conglomérat n’ait pas réussi à créer une culture, à donner naissance à des élites susceptibles de servir de modèles aux autres classes sociales. En l’absence d’une telle classe, l’Algérie ne dispose pas de ce vecteur de dynamisme et de progrès qu’a été la bourgeoisie européenne, sans omettre le fait qu’elle a été aussi le fer de lance d’une politique de puissance à travers l’impérialisme et le colonialisme dont notre pays, et bien d’autres, ont connu les affres. Si la démocratie représentative est dans l’impasse en Occident, quel régime politique faudrait-il pour l’Algérie ?
Un régime politique répondant aux besoins des Algériens :
Dans bien des domaines, le mimétisme est une absurdité, résultant d’une aliénation et d’une défaillance de l’intelligence. Cela est vrai aussi en politique. C’est ainsi qu’ont fait preuve d’aveuglement et d’incompétence les dirigeants de pays anciennement colonisés qui ont fait appel à des constitutionnalistes européens pour rédiger, au profit de ces Etats « nouveaux, des constitutions « clés en mains », alors que ces experts ne connaissaient rien des peuples concernés.
Comme ne pas se souvenir des mots d’Ibn Khaldoun, et qui s’appliquent si bien ici, ainsi que dans bien des domaines dans lesquels la haine de soi exerce son impitoyable magistère : « Et le vaincu
toujours imite le vainqueur… On voit toujours la perfection (réunie) dans la personne d’un vainqueur. Celui-ci passe pour parfait, soit sous l’influence durespect qu’on lui porte, soit parce que ses inférieurs pensent, à tort, queleur défaite est due à la perfection du vainqueur. Cette erreur de jugementdevient un article de foi. Le vaincu adopte alors tous les usages du vainqueur
et s’assimile à lui : c’est de l’imitation (iqtidâ) pure et simple. » ?
Ibn Khaldoun s’inspirait d’Al Farabi, lui-même s’inspirant d’Aristote, notamment de l’une des leçons principales de la pensée de celui-ci : Il n’y a pas de constitution parfaite (comprendre « pas de régime politique parfait ») : il convient que chaque peuple trouve la constitution qui lui convient. Or, ne peuvent convenir que des institutions nées des « entrailles d’un peuple, de son histoire, de sa géographie, de son tempérament, de sa culture, de son imaginaire, des leçons qu’il a su tirer de ses expériences, heureuses et malheureuses.
Al Farabi professait que le meilleur régime politique est celui dans lequel les âmes de ses habitants sont aussi saines que possible. Ses traités politiques accordent une très grande part à la question de l’âme humaine. Au début de ses « Aphorismes choisis », il va jusqu’à définir ce qui constitue selon lui la santé et la maladie de l’âme et du corps. Ainsi, la santé de l’âme consiste en ce qu’elle est telle qu’elle peut toujours choisir de faire ce qui est bien et de mener des actions nobles. À l’inverse, la maladie de l’âme consiste en ce que celle-ci n’est capable que d’actions mauvaises. La pensée d’Al Fârâbî définit la santé et la maladie de l’âme d’un point de vue avant tout moral. Il est frappant de voir que la santé et la maladie du corps sont définies dans les mêmes termes, à une exception près, de taille : le corps ne peut rien faire s’il n’a pas été activé par l’âme. Ainsi, nous retrouvons la primauté de l’âme sur le corps, héritée d’Al-Râzî.
Depuis 1962, l’Algérie vit à côté de son histoire, dont le peuple a été expulsé. Cette expulsion n’a pas commencé avec la colonisation. Elle remonte loin dans le temps puisque l’Empire Ottoman a exercé sa souveraineté en Algérie sous couvert de Califat. Même s’il n’a pas laissé une trace globalement positive dans le pays, on ne peut mettre sur le même plan la manière dont il a administré l’Algérie et les horreurs qui ont été la marque de la colonisation française…
Le peuple algérien a été en certaines circonstances acteur de son destin, d’abord en résistant à l’invasion coloniale, puis à la domination française, enfin en menant une guerre de libération couronnée de succès en 1962. Peu à peu, il a été dépossédéde sa victoire par une minorité qui a pris le pouvoir par la force en prétendant savoir, pour lui et à sa place, ce qui lui convenait. Cette minorité a surtout brillé par son incompétence et par l’indigence de sa pensée. Il est vrai qu’il y a une énorme différence entre le peuple algérien de la période de la guerre de libération et celui d’aujourd’hui. Constat amer : sans ignorer le contexte ni la longue chaîne des échecs qui ont mené l’Algérie au désastre à la fin des années 1980, le peuple a manqué un rendez-vous crucial avec l’Histoire en choisissant un parti, le FIS, qui n’était rien d’autre qu’une version « islamisée » du FLN qui a ruiné le pays. Ce faisant, le peuple avait choisi de demeurer hors de l’Histoire. Il avait préféré la férule d’un père plutôt que l’émancipation et la responsabilité pour lui-même. Ce choix s’est révélé d’autant plus tragique que ses conséquences ont conduit à la décennie noire, et à la paralysie actuelle de la société, effrayée par la possibilité d’un mouvement, attentive à ne surtout rien changer par peur du retour des amants de l’apocalypse.
Ces constats nous mettent face à une vérité douloureuse : d’un côté des dirigeants incompétents et de l’autre, un manque de discernement de la part du peuple. Il y a au moins un espoir, c’est que la tragédie des années 90 fasse progresser la lucidité et la maturité et qu’elle cesse de constituer un blocage mental. Comme disait Malraux, « il faut transformer l’expérience la plus large en conscience ».
La nécessaire séparation du politique et de la religion
Le peuple algérien est musulman dans son écrasante majorité. Cela veut dire que l’Islam est très présent dans la vie de la société. Que l’on soit fervent pratiquant ou tiède, voire mécréant, nous avons les mêmes coutumes, la même façon de traiter nos vieillards, nos malades, la même manière de nous marier, d’enterrer nos morts, la même mémoire des légendes que portent à travers les siècles la mémoire de notre peuple.
Ce sont des faits sociétaux, qui n’ont rien à voir avec la pratique politique. D’ailleurs, la pratique politique n’a pas à s’en saisir. C’est la société qui définit son mode de vie. Aussi, quand la politique se mêle de convoquer le sacré, le plus souvent de façon inopportune, elle n’est pas dans son rôle. Elle est chargée de veiller aux intérêts du peuple, à son éducation, à sa protection, à sa promotion, tâches dont elle s’acquitte pour l’heure bien mal. Serait-ce la raison pour laquelle nos dirigeants font assaut de démonstrations de religiosité ? Serait-ce pour faire oublier tous les échecs, tous les reniements, les mensonges, la corruption ? Croient-ils vraiment que le peuple est dupe ?
Le mot « politique » n’existe nulle part dans le Coran. En revanche, on y trouve des recommandations abondantes qui doivent permettre aux musulmans de vivre ensemble : l’équité, la justice, le primat de la consultation, l’honnêteté… Voilà des recommandations d’essence divine qui ne trouvent guère d’écho aujourd’hui. Il vaudrait bien mieux que nos gouvernants satisfassent à ces obligations plutôt que de faire assaut de religiosité dans l’espoir de complaire à leurs administrés. Nous aussi, citoyens Algériens, quelle que soit l’état de notre croyance, devrions nous en inspirer…
Le souvenir de la décennie noire, l’équipée sanglante de Daesh, les exemples qui abondent dans le passé de régimes « religieux » ayant commis des massacres contre leurs propres peuples devraient inciter à l’interdiction pure et simple de tout parti politique se réclamant explicitement de la religion…
Sans doute est-il nécessaire de parvenir à une forme de sécularisation. John Locke, dans une déclaration au bon sens bienvenu, souligne dans son « Traité sur la tolérance » que « tout le pouvoir du gouvernement civil n’a rapport qu’aux intérêts civils, se borne aux choses de ce monde et n’a rien à voir avec le monde à venir. »
La Charia est souvent présentée, à tort, comme étant la loi divine. C’est oublier qu’elle a été élaborée deux siècles après l’avènement de l’Islam. Certes, elle s’appuie sur le Coran mais elle n’en constitue qu’une lecture possible, qui a donné lieu à un texte ressortissant à 95 % du droit positif (lois, règlements, jurisprudence à partir des décisions de tribunaux et, en particulier, de cours suprêmes, de doctrines à base d’écrits de théoriciens du Droit…).
Au nom de quoi cette production humaine a-t-elle acquis ce statut qui lui confère une autorité absolue, et, surtout, suscite le rejet par avance de toute autre interprétation ? Comme le signifie Mohamed Talbi, pour les musulmans, « Seul, le Coran oblige ! ». A titre indicatif, les châtiments tels que la lapidation des femmes adultères ou l’amputation de la main pour les voleurs ne figurent nulle part dans le Coran. La Charia se prêt donc tout à fait à un effort d’adaptation aux nécessités du temps, au nom d’une modernité bien comprise.
Par ailleurs, quelle peut bien être la nécessité d’inscrire la référence à la religion dans la Loi Fondamentale, dans un pays à 95 % musulman, au moins de culture ? Est-ce que les rédacteurs de la Constitution pensent vraiment que cette inscription est de nature à protéger l’Islam ? C’est d’autant plus ridicule que la Constitution elle-même, celle qui est censée couler dans le marbre les « constantes » de la Nation, est foulée aux pieds par les pouvoirs successifs. Elle a perdu son caractère « sacré » depuis qu’elle s’est ajustée aux prolongations de mandats présidentiels successifs et qu’on songe à les torturer une nouvelle fois pour remettre la clause de limitation de ces mêmes mandats !
D’une manière générale, il faut en finir avec la matrice de la contrainte exclusive. Il n’est pas inutile de rappeler que la liberté de conscience est reconnue dans le Livre : « Croit qui veut, mécroit qui veut ». Il n’est donc pas dans les attributions d’un gouvernement, quel qu’il soit, de faire régner un prétendu « ordre moral ». Bien entendu, il ne s’agit pas non plus de laisser libre cours à des comportements qui provoquent la traditionnelle pudeur, liée à l’éducation que nous avons reçue depuis l’enfance. Il s’agit de laisser la liberté à chacun de se déterminer, tout en imposant à tous les règles de civilisation que nous avons en partage.
Songeons qu’au Moyen-Age coexistaient en terre d’Islam musulmans, juifs, chrétiens, agnostiques, Arabes, Berbères, Chinois, Perses…. Cette période correspond à l’âge d’or de l’Islam, quand il illuminait le monde. Cette diversité a disparu pour faire place à une société monocolore, intolérante, régie par la contrainte. Cette même société a abandonné depuis des siècles toute prétention à dire quelque chose au monde, à participer à sa marche en contribuant à son développement économique, politique, artistique. Relation de cause à effet ? Sans nul doute.
Le rôle de l’Etat est de garantir à tout un chacun sa sécurité, son éducation, l’accès aux soins, une citoyenneté qui ne soit pas nécessairement d’essence religieuse… Il n’est surtout pas celui d’un gardien de la morale. Il est au service de tous les citoyens, indépendamment de leur religion ou de la profondeur (apparente !) de leur foi. Qu’il s’acquitte de ses obligations et qu’il laisse la société régler les questions qui la concernent. Cela fait si longtemps que le peuple a été privé de son droit à la parole, si longtemps qu’on décide pour lui… Nous nous garderons de tomber dans ce travers en lui apportant des « solutions toutes faites du haut de notre « expertise ». Redonnons-lui la parole, invitons-le à débattre de son avenir…
Pour notre part, nous avons fait des propositions, sur deux points notamment : impossibilité de transposer la démocratie représentative occidentale en Algérie, séparation réelle entre politique et religion. Il faut, à notre sens, rendre la parole au peuple, non pour un référendum mais l’inviter à débattre, à faire des propositions. Il y faut une organisation pour que cette parole circule du douar jusqu’à la ville. Inspirons-nous du précédent du débat sur la Charte Nationale de 1976, à ceci près que, cette fois, il ne doit pas être question d’instrumentalisation ni de déni de la parole populaire.
Brahim.senouci@hotmail.fr