Toujours semblable à ce qu’elle est et à ce qu’elle fut, la ville est particulièrement triste. Pourtant le soleil ne l’a pas quittée. L’astre, malgré la fin de l’été, chaque matin vient l’envelopper de sa lumière. D’abord en jetant des lueurs dans son ciel pour en chasser la nuit, ensuite en émergeant doucement, de la mer, puis tout entier, paré de ses feux qui font éclater la blancheur de ses murs et révéler l’or des feuilles automnales.
D’zayer est triste. Pourtant son ciel est toujours autant bleu que l’est sa mer. D’zayer est triste dans les yeux du poète. Le poète qui ne la regarde plus, qui ne la voit plus, ne l’écoute plus. Le poète s’en est détourné. Le poète, devenu ombre dans les rues grouillantes, parmi la foule qu’il ignore et qui l’ignore, à longer les murs, à descendre les rampes, à traîner sa solitude, par les trottoirs, par les escaliers, qu’ils montent ou qu’ils descendent, au gré de l’errance. Il n’attend rien, ni personne, ni ne semble savoir où aller, pour ceux qui le voit passer.
Depuis des jours, depuis des nuits, dans le cycle implacable du temps qui s’écoule, mourir au présent a été son choix. Mourir au présent, est le choix du poète, quand le présent prend son visage hideux. Fuir dans le beau qui est en lui, immaculé, inaccessible à la Barbarie assassine de vie, mère des malheurs. Le beau qui le console et le laisse construire l’espoir de jours qui chantent.
Parce qu’il est triste, le poète entame un voyage intérieur, à l’abri de tout. Là il peut boire au ruissellement de sa source vitale, la force d’être et de revivre. Ses yeux se rallumeront, au bout de l’exil. Alors, il reviendra le poète. Il reviendra à sa ville, pour la reconnaître, pour la caresser, lui parler, lui chanter ses rêves, lui dire les combats à mener, lui dessiner les horizons possibles, pour l’écouter aussi, sentir ses frémissements et plonger dans sa tendresse. Pour prendre la main des enfants, raconter à leur innocence les futurs qui verdoient.
Dans ces moments, le poète n’est plus seul et son pas n’est plus incertain. Il a le sourire et ses mots vibrent à l’infini pour dire l’humanité, ses mots faits de couleurs et de musiques et de chaleur. Par-delà le présent et sa laideur, par-delà les adversités. Il est mort au présent et il va revenir, renaître à sa ville, à la vie et dire l’amour à ceux qui l’écoutent et à ceux qui devraient l’écouter.
Dire que les humains peuvent inventer le bonheur, être ensemble, peuvent partager la joie, comme ils partagent l’air qu’ils respirent, la féerie des nuits étoilées ou la grâce d’un vol d’oiseau. Construire une conjugaison de destins qui ne soient plus contraires, pour que sur toutes les lèvres s’éclairent un sourire, pour que chaque main tendue trouve une main offerte, pour que chaque détresse se dissipe à la première rencontre.
C’est cet amour absolu, de tous pour tous, que porte le poète, que portent les mots qui se sont emparé de lui, de son être, de sa vie. « J’ai raison !» se dit-il, parfois, quand il s’arrête pour se parler, quand le doute tente de le détruire, quand un sentiment d’impuissance l’envahit. Car, il veut tout simplement accomplir sa vie. La seule vie qu’il connaisse.