mercredi, mars 29, 2023
spot_img
More

    Les néo-harkis, Renégats, l’arrogance en plus !

    Date:

    « Je parle. Il le faut bien. L’action met les ardeurs en œuvre. Mais c’est la parole qui les suscite. » (Charles De Gaulle)

    La corruption est un mal endémique en Algérie. Le phénomène n’échappe pas à une fin connaisseuse de la scène et de la classe politique algérienne qu’est l’universitaire américain William Quandt1. Le soir d’Algérie du 15 mars 2011, lui a consacré son entretien du mois.

    A la question sur l’incapacité du pays à décoller malgré les ressources dont il dispose la réponse fuse, impitoyable de simplicité : ″Mauvaise gouvernance, corruption, système d’éducation médiocre″. Corrompus et corrupteurs se délivrent les uns aux autres des fetwas pour s’absoudre de la vampirisation de l’économie du pays. Les deux protagonistes vous expliqueront mordicus que c’est un mal nécessaire, qui permet de lubrifier les rouages de l’économie. Lounis Aggoun, auteur de « La colonie française en Algérie. 200 ans d’inavouable », résume bien la situation du pays dans l’interview qu’il a accordé à Saoudi Rania2 : ″En un mot, ce qui détient le pouvoir en Algérie, c’est « la corruption » ″.

    La connivence entre indus occupants des institutions et la gent compradore a généré un monumental gâchis. Avec la corruption, gâchis et l’autre mot qui revient de manière récurrente à chaque fois que l’on déplore le paradoxe dans lequel le pays s’est englué les ailes. Là où le bat blesse, c’est que la cupidité vorace de ces forces du mal s’est déchaînée pendant que le pays était sous la bourrasque terroriste mettant ainsi en péril toute la nation. J’espère donc que je réussirais à vous convaincre de la pertinence du concept de néo-harkis que je propose pour les désigner. Ce qui du coup, nous donnera l’opportunité d’établir le solde de tout compte avec les harkis de la guerre de libération. A vous de juger.

    Le tableau clinique

    Les métastases giclent du fond des puits de pétrole, ils se répandent tout le long des autoroutes, le pays semble en proie à un mal horrible qui le ronge. Le magma, qui suinte déjà, exhale une inquiétante odeur de cupidité impétueuse. Corruption, détournements de fonds publics et phraséologie colonialistes avec des fragrances nostalgiques en sont les manifestations éruptives récurrentes.

    Les scandales se bousculent sur les unes des journaux, ils sont, chaque jour, plus inouïs que ceux de la veille. Ils éclaboussent le moral des Algériens, gravement atteint, par ailleurs, par l’apathie économique du pays. Avec un pouvoir d’achat qui se dégrade de manière vertigineuse, faire face à une inflation galopante et un chômage effarant devient une gageure. La classe moyenne s’y attèle en ronchonnant avec, pour unique stratégie, la débrouille. Pour les classes les moins bien loties, c’est la quadrature du cercle ; joindre les deux bouts est devenue pour beaucoup une gymnastique périlleuse où il faut veiller constamment à serrer la ceinture.

    Le flegme -pour rester révérencieux- de la justice, la placidité assourdissante d’un gouvernement aux ministres inamovibles et l’autisme de la représentation nationale sont autant d’éléments du tableau clinique. Le syndrome ne laisse que peu de doute sur l’étendue du mal. La tornade terroriste, qui a meurtri le pays, a fait diversion pour permettre à une caste hétéroclite et immorale de mettre le pays, à guichets fermés, en coupes réglées.

    Le consensus sur l’état d’urgence, instituée en mode de gouvernance durable, s’avère inébranlable ; une chape de plomb maintien la vie politique confinée dans un vide sidéral angoissant. L’opposition politique est quasiment laminée, elle reste inaudible. La vie politique est rythmée par les communiqués lapidaires de l’activité officielle. Les Algériens ne vont pas par quatre chemins pour trouver une explication cohérente aux contradictions et paradoxes qui les accablent en bloquant le développement économique et social auquel le pays peut prétendre, eut égard aux moyens dont il dispose. D’aucun vous expliquera que si le train est maintenu sciemment en gare c’est afin que les pillards retardataires puissent se remplir la panse et les poches ; sinon, ils dénonceraient les copains plus dégourdis qui les ont devancés. Les uns étant aussi insatiables que les autres, l’Algérie est soumise à une spirale infernale.

    Le pire reste probable

    Où va l’Algérie ? La question n’est pas saugrenue. Elle est d’une cruciale actualité. Le pire est envisageable. Ce qui est probable fini par devenir chaque jour plus que possible ! Et le fil qui tient l’épée de Damoclès au dessus de nos têtes risque de céder à tout instant ! Si le pays vous donne l’impression de tourner rond, c’est que vous êtes anormalement zen, voire anesthésié ; vous êtes surprotégés contre le tournis. Même si le manque de débats a quelque peu dévoyé le bon sens national, je ne crois pas, à écouter les brèves de comptoir, -bien de chez nous et halal- , je ne nourris aucune crainte sur la sagacité populaire.

    Je n’ai quant à moi pas besoin de lire dans le marc de café pour deviner que le pays a pris le chemin pour subir son avenir. La léthargie intellectuelle ambiante n’est certainement pas un contexte adéquat pour permettre toute velléité à mettre en musique notre futur. Le réveil risque d’intervenir dans la tourmente. J’entends bien que, comme beaucoup de mes compatriotes j’aurais tendance, pour la moindre épreuve, à noircir le tableau. J’ai beau avoir conscience de ce travers national qu’est pour nous l’autoflagelation, je ne peux empêcher l’idée, que faire preuve d’optimisme, dans ces conditions est un comble de naïveté. Cette idée est incrustée en filigrane dans mes pensées les plus intimes relatives à l’évolution de mon pays. Les relents qui atteignent l’Algérie d’en bas sont trop nauséabonds pour qu’elle ne subodore pas le tsunami cauchemardesque qui finira par pulvériser ses illusions les plus tenaces.

    Les honnêtes gens, ayant épuisé leur capacité d’indignation avec le terrorisme, semblent immunisés contre l’intolérable. Ils restent abasourdis par le phénomène des harragas, ressenti comme un véritable crève-cœur. La ruée de ces jeunes, au péril de leur vie irrésistiblement attirés par le miroir aux alouettes sur l’autre rive de la méditerranée à la recherche d’un hypothétique ailleurs, est une humiliation collective.

    Une réalité amère qui n’infléchit pas la politique gouvernementale. Elle s’articule essentiellement autour de la judiciarisation du désespoir des jeunes. Leur délit est de ne pas endurer la honte d’étouffer lentement, surement et silencieusement. Ce qui leur impulse une témérité suicidaire. Et c’est bien aller de Charybde en scylla. La seule ambition tolérée, pour les jeunes éjectés du système scolaire, est de s’armer d’un gourdin pour s’approprier la voie publique en rackettant les automobilistes. Quand le ciel azur du pays ne suscite plus de rêves dignes de leur jeunesse, ils se laissent alors prendre par les chatoiements du grand large.

    De l’impunité et ils en abusent en plus !

    L’Algérie est ainsi plongée dans un marasme profond qui contraste avec une insolente opulence financière de l’état. Ce constat occulte cependant un état d’esprit intolérable chez une frange de la classe des plus nantis dont l’enrichissement est, quand il n’est pas illicite, souvent fortement entaché de suspicion. Les sempiternelles palabres de ces citoyens, parfois binationaux, consistent à vilipender l’Algérie dont ils profitent pourtant à plein pot. Dans les années 80, Boussad Abdiche commet un de ses billets d’une remarquable concision pour El-Moudjahid, il relevait déjà que si ça marchait c’était parce que les Algériens se rangeaient dans deux camps distincts. Une Algérie laborieuse qui s’en sort en trimant, et n’avait guère de temps pour se plaindre. L’autre moitié de veinards tire ses marrons du feu. Elle n’avait donc aucune raison de se plaindre.

    Aujourd’hui c’est dans cette catégorie, ramassis de sapeurs du moral national, où se bousculent les plus récalcitrants, les plus aigris des Algériens. Ils se font « prêcheur de vertu » selon l’expression de Camus, pour ramener leur tronche zinguée et abuser de la liberté de débiter des inepties sur le pays. Que ne se contenteraient-ils pas de s’empiffrer impunément ? Ils sèment à l’emporte-pièce leurs opinions évasives et décousues. Ce qui suffit à vous les dévoiler sous leur vrai jour : D’indécrottables fatalistes, incultes et incapables de donner du sens à leur propre vie en la fondant sur des principes d’effort, de mérite et d’authenticité. Leur unique réussite réside dans cette ambiance psychologique et intellectuelle exécrable pour la vie nationale et répulsive pour les partenaires économiques etrangers..

    S’il n’y a pas lieu ici de faire le procès d’itinéraires individuels particuliers, il est légitime de dire l’exaspération que suscite en nous l’acrimonie affichée envers le pays par certains concitoyens qui empestent la forfaiture, la félonie et l’ingratitude. Vous avez beau exercé votre perspicacité, vous ne décèlerez pas le moindre effluve de patriotisme chez eux. Ils font penser aux harkis. Mais ils vous inspireront beaucoup moins d’indulgences.

    En comparaison, les harkis la guerre de libération paraissent de pauvres bougres au destin terrible. Bien sûr, ils ont été les supplétifs de la soldatesque coloniale qui a déployé l’une des plus puissantes et cruelles barbaries du XXe Siècle, avec son cortège d’exactions, de tortures, de crimes et d’exécutions collectives. La précarité propre aux populations indigènes et la lâcheté humaine, comme celle d’autres collabos sous d’autres cieux, les rendait plus sensibles à des motivations bassement alimentaires, aux antipodes de préoccupations doctrinales.

    Ce sont des petites histoires pitoyables de cette nature qui furent surprises par une embardée inéluctable de la grande histoire. Ils ne l’ont pas vu venir. Ils furent piégés par leurs désolantes stratégies de survie et se sont retrouvés coincés du mauvais coté. Du coté de la puissance sanguinaire et de l’injustice aveugle. Aujourd’hui, bannis de leur pays d’origine et honnis par les leurs, ils se sont retrouvés ghettoïsés, sans reconnaissance, dans le pays sous la bannière duquel ils avaient combattu les leurs. Si seulement, ils pouvaient demander pardon, si seulement on le leur solliciterait. Afin que leurs enfants et petits-enfants ne subissent plus injustement et indéfiniment le traumatisme de l’infamie. Personnellement, je serais enclin à pardonner. En tout cas, cette repentance m’importerait plus que celle d’un Sarkozy. Il est venu à Alger, nous braver. « Je ne viens pas m’excuser », nous a-t-il lancé avec impertinence.

    Les néo-harkis arrivent

    Cette mafia politico-financière –selon Boudiaf, lui-même- qui, tapie à l’ombre des institutions, régente le pays, est un conglomérat de harkis nouvelle vague. Ces néo-harkis sont autrement plus virulents que les précédents et prolifèrent, le vent en poupe. Ils s’enhardissent chaque jour davantage. Les pestes végétales sont envahissantes surtout si vous leur laisser le champ libre ! Il en va de même pour toute sorte de mauvaises graines ! Je ne sais qui de la France, de l’Algérie ou d’eux-mêmes, ils cherchent à leurrer mais ils déploient des trésors de mièvrerie pour être agréable à l’ancienne puissance coloniale en susurrant aux algériens de réintégrer corps et âmes son giron.

    Opportunistes, ils font allégeance au courant le plus rétrograde en France et évitent minutieusement de se compromettre en ne manifestant pas la moindre velléité de défense de l’Histoire de leur peuple. Il vrai qu’il n’est pas vendeur à Paris de rappeler à la France les histoires pas très glorieuses qui constituent la trame de la colonisation. Oublieux des crimes et des atrocités commises au détriment du peuple algérien durant 132 ans, ils se font complices de la falsification de l’histoire avec une mémoire sélective et prudente. Vils, ils recyclent tous les vieux poncifs et les clichés les plus éculés des occidentaux sur les arabes et sur l’Islam dans leur fol désir de plaire à cette France, écran sur lequel ils projettent leurs utopies les plus mesquines. Certains les ont qualifiés d’escrocs intellectuels, néo-harkis est plus parlant pour moi.

    Dérapages incontrôlés

    La pression du terrorisme avait poussé certains à des dérapages malheureux. Matoub Lounès stigmatisa, sur Canal Plus, « [nos] cinq réunions quotidiennes et [notre] congrès hebdomadaire. ». Rachid Mimouni expliqua à PPDA sur TF1 « que chaque mosquée avait sa liste noire de personnes à éliminer ». Voilà que Boualem Sansal, inspiré par le confort douillet de Paris, qui s’adonne à faire de l’amalgame entre nazisme et Islam. Il n’y va avec le dos de la cuillère. C’est l’archétype du néo-harki. Récemment, Abdou B3 excédé autant par les réminiscences de l’idéologie colonialiste que par le silence de la famille révolutionnaire, dit « Camus Basta ! ». Il a pourtant une largesse d’esprit panoramique. Il épingle cette faune de prétendants pour la mère de Camus qui transforment la caravane littéraire qui lui est consacrée en tribunal anti-ALN.

    Écrivaillons et intellectuels de pacotilles rivalisent d’indécence pour exprimer leur vassalité à l’ancien colonisateur. Est-ce de l’ingénuité ou de la débilité qui leur fait croire qu’il suffit d’épouser les thèses de Camus pour s’approprier son aura. Beaucoup ont indubitablement appris à parler et à écrire avant d’apprendre à penser. Sans contradicteurs, ils s’adonnent corps et âme à une surenchère révisionniste, une sorte de quête effrénée pour séduire les tenants de la pensée coloniale dans l’hexagone.

    Leur petitesse atavique

    Tout un chacun a croisé, un jour, ce genre de personnes. Elles sont si arrogantes que l’on devine très vite qu’elles ont un problème à régler avec elles-mêmes. Travaillés par d’inavouables remords notamment celui de s’être sucré sans vergogne sur le dos de leur pays, elles s’érigent en patriotes zélés donc forcément redoutables. Infatués de leurs toutes petites personnes mais n’ayant pas d’arguments à faire prévaloir, ils vous soûlent de paroles en pérorant des mérites indus qu’ils s’attribuent allègrement.

    Démunis de la moindre qualité qui accrocherait l’esprit le plus magnanime, ils ressassent inlassablement l’histoire mytho maniaque d’une vague saga familiale qu’il cherche à embellir désespérément. S’hab’ Kheïma K’bira ! Tôz ! Leur persévérance à tenter d’effacer les traces de l’ignominie qui entache souvent leur nom est sidérante. Cependant, à affabuler de façon aussi immodérée, ils réussissent la double prouesse de vous endurcir, à force de mettre votre patience à rude épreuve, et de repousser l’impudeur la plus outrancière aux confins du ridicule. Il est vrai qu’une fois les bornes dépassées, ils n’ont plus de limites à respecter. M. de Lapalisse n’aurait pas mieux dit !

    Un individu de cette nature commencera par vous expliquer qu’il ne descend pas de m’importe qui. Evidemment, à sa dégaine aussi peu avenante qu’apprêtée, pas de la cuisse de Jupiter ! Seriez-vous tentés de penser. Lisant dans vos pensées, votre impudique interlocuteur vous décoche un sourire condescendant. Il s’attellera aussitôt à vous rappeler pour la énième fois que son père, déjà du « temps de la France », c’était quelqu’un. Même si votre sagacité est en veilleuse, vous déduisez que là, il ne raconte pas n’importe quoi mais qu’il est en train de vous résumer sobrement le passé indigne de son géniteur.

    Le père fut donc un Algérien pas ordinaire que les bienveillantes sollicitudes de la puissance coloniale lui ont permis de prospérer. La compromission, hier comme aujourd’hui, est un bon fumier pour que s’érige d’insolentes fortunes. Les lignées lamentables finissent toujours par vouloir se fabriquer des destins fabuleux. Mais biens mal acquis ne consolent jamais de la médiocrité ni d’une basse extraction ! En les écoutants, l’idée, qu’un sort besogneux est plus enviable que celui que veut se donner un verbeux, s’impose à vous.

    C’est Engels qui l’a dit !

    Je ne veux pas jeter l’opprobre sur toute richesse patiemment constituée. Je conçois que d’honnêtes récipiendaires de bienfaits célestes en ce bas monde peuvent légitimement arborer la satisfaction pour leur sort. Ils sont d’autant plus respectables qu’ils s’assument. Mais, généralement, ils sont si occupés à profiter de la vie et à rendre grâce au ciel qu’ils n’usent pas leur existence à justifier leur bonne fortune aux yeux de leurs semblables ou à s’inventer une bonne étoile. On peut se fier au discernement de Friedrich Engels pour commettre quelques entorses à la présomption d’innocence en toute bonne conscience.

    En effet, pour le théoricien allemand et ami de Marx, il n’est point d’enrichissement fulgurant qui ne soit suspect, surtout s’il est adossé à un pouvoir quel qu’il soit. Ainsi, il ne va pas par quatre chemins pour expliquer l’émergence du capitalisme primitif : le vol et le détournement. La chose serait tellement évidente que sa compréhension est à la portée d’un enfant.

    A l’appui de son affirmation, Engels verse cette adorable anecdote. Dans une classe du cycle primaire, l’instituteur demande aux élèves de remplir la traditionnelle fiche de renseignements. Il s’étonna qu’un des écoliers, l’esprit sans doute encore en vacances, écrivit dans la case réservée à la profession du père le mot « riche ». Amusé, il fit reprendre le môme en lui expliquant qu’une activité lucrative serait forcément à la base de l’enrichissement de son père. Imperturbable l’enfant répond :

    – « Non monsieur ! Il a hérité de mon grand-père ! »

    – « Soit, mais alors ce grand-père avait une profession ! » Rétorqua le maître avec une certaine assurance.

    – « Non monsieur ! C’est l’arrière grand-père qui lui a légué sa fortune. »

    Un tantinet excédé mais s’efforçant de rester pédagogique, l’enseignant insista en faisant remarquer au charmant garçon qu’il doit bien existé dans son ascendance un arrière grand aïeul qui fit fortune en exerçant une profession. Acculé dans les cordes, l’enfant ne se départit pas de sa superbe. Sa parade fusa comme un uppercut décisif :

    – « Mon arrière grand aïeul a volé, monsieur ! »

    Cette logique juvénile imparable fit jeter l’éponge au maître.

    Notre capitalisme ne serait-il pas encore sorti de son ère primaire ou primitive ? C’est concevable. Les journaux nous abreuvent quasi-quotidiennement d’inquiétantes informations sur la rapine dont est victime l’économie nationale. Détournements colossaux, abus sociaux démesurés en passant par les accaparements de la rente nationale sous forme d’énormes crédits octroyés au mépris des règles prudentielles les plus élémentaires, sans oublier les gigantesques faillites organisées constituent les ingrédients de la ratatouille au menu quotidien des Algériens. Les masses d’hier, devenues ghâchis, aujourd’hui, en voient de toutes les couleurs. L’économie du pays s’est définitivement forgé une devise : le travail- quand il y en a – aux travailleurs, le profit aux profiteurs.

    Le diagnostic de Ahmed Benbitour

    C’est surtout donc au niveau du discours véhiculé par cette engeance que le bât blesse davantage ! Une idéologie, que l’on croyait révolue, emprunte d’une tendre nostalgie pour la nuit coloniale est insidieusement distillée dans la société. Dans cette fange sociale, on rencontre aussi bien des personnages relevant de la bourgeoisie compradore, d’obscurs apparatchiks que des intellectuels autoproclamés et en mal de reconnaissance.

    Leur dénominateur commun est qu’ils vampirisent leur pays tout en dilapidant les ressources des futures générations. Le dénigrement de son histoire et le reniement de ses valeurs ponctuent leurs efforts pour exposer leur médiocrité sous les feux de la rampe. C’est, sans doute, partageant ce constant – au moins partiellement- qu’Ahmed Benbitour, développant sa vision pour une sortie de crise en 2004 devant les membres du Comité d’Initiatives et de Vigilance Citoyennes d’Oran (Civic), soulignait la nécessité sine qua non de l’émergence d’agents et d’entreprises économiques patriotiques pour l’Algérie puisse décoller vers une destinée digne des attentes du peuple.

    La bénédiction de Jean Daniel

    Est-il moral de continuer à ne pas dénoncer l’indignité portée par cette caste néfaste composée de suppôts aussi serviles que cupides des manipulateurs « du choc des civilisations ». Leur propension à pleurnicher sur l’Algérie d’antan, c’est-à-dire celle de Massu et d’Aussaresses, tend à faire accroire qu’hier était meilleur qu’aujourd’hui. Le phénomène est si répandu qu’il n’a pas échappé à Jean Daniel du nouvelobs. il profite pour enfoncer le clou ou peut-être remuer simplement le couteau dans la plaie. Il aurait constaté, lors de son dernier séjour en Algérie, qu’ « au-dessus de 50 ans, on aime à se souvenir des Français, et au-dessous de 30 ans, on ne rêve que de venir en France ». « …nombre de jeunes gens, qui constituent 75 % des 35 millions d’habitants, tentent de se débrouiller pour traverser la mer ».

    Si malheureusement le phénomène des harragas est indéniable, il faut tout de même savoir raison garder. Laisser entendre que tout un peuple n’a d’autre aspiration que de se jeter à la mer pour les beaux yeux de Marianne, faisant abstraction du combat exemplaire pour conquérir sa liberté et reprendre la maitrise de son destin. L’exagération est suspecte et, à l’évidence, tendancieuse. Ce n’est pas la haine pour leur pays qui fait tourner le dos aux jeunes algériens au beau ciel de leur pays, d’aller égrener leurs jours dans la précarité, dans la froidure et sous le mépris.

    C’est plus le désespoir de ne pouvoir l’aimer qui les fait partir vers l’inconnu. Ils fuient plutôt ceux qui, en confisquant toute démocratie authentique, les condamnent à crever la dalle sur un matelas de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Le manque de perspective interdit à beaucoup de jeunes la possibilité de conjuguer rêve et amour de la patrie. Un hadith de Omar, le juste –Que Dieu l’agrée- ne laisse t-il pas entendre explicitement que la pauvreté est le terreau fertile pour la mécréance. Ce que Boumediene avait traduit, au deuxième sommet des pays islamiques de Lahore (1974) qui s’est particulièrement penché sur l’aide au développement des pays islamiques les plus pauvres, que l’on n’accède pas au paradis le ventre creux. Le pavé jeté dans la mare – de pétrole- éclaboussa les riches monarchies. Certains ignorants s’en offusquèrent et crièrent au scandale, accusant Boum de koufr ! Pas moins !

    Le discours ânonné par les néo-harkis a pour corollaire celui entonné par les théoriciens de la mission civilisatrice de la colonisation. Le plus consternant est qu’il fasse des émules au sein même des élites sur cette terre d’Algérie sanctifiée par le sang des chouhadas. Ce révisionnisme éhonté qui a culminé avec le vote du parlement français de la loi du 23 février 2005 sur le rôle positif de la colonisation n’est pas nouveau.

    Les quinquas se rappellent probablement du porte-drapeau de cette doctrine qu’était Raymond Cartier de l’hebdomadaire Paris-Match des années 70. Evidemment, en Algérie le discours n’a pas la structuration d’une pensée assumée. Les propos, en apparence décousus et anodins, convergent néanmoins à dédouaner la colonisation pour ses crimes. Ils reflètent une certaine irresponsabilité, elle-même générée par une indigence intellectuelle certaine. Ils participent à installer une sorte de pensée politiquement correcte désastreuse pour la nation

    Les faits sont pourtant têtus. La France a occupé l’Algérie, pillé ses richesses, massacré ses populations et a fini par être vaincue ! Nul besoin de se tortiller le cul pour chier droit ! Nonobstant cela, Avoir cette réalité historique présente à l’esprit n’est pas antinomique avec le sentiment d’amitié envers le peuple français. Refuser la logique de la confrontation et affirmer l’estime et de la considération pour la belle culture et la grande civilisation françaises ne déprécient aucunement nos valeurs ; Ils en soulignent l’universalité. Ma conviction est que les peuples français et algériens ont à se donner et à prendre l’un de l’autre beaucoup plus que ne le laissent supposer les préjugés générés par les vicissitudes de l’histoire.

    JFK ne fait pas d’émules

    À coup de petites phrases douteuses, ils tentent de s’offrir une bonne conscience en mettant de la véhémence à jouer aux rebelles en défendant les jeunes et à condamnant les dirigeants. Ils s’évertuent plutôt à justifier leur trahison, leur vilenie et leur rapacité. Versant des larmes de crocodiles, ils prennent les jeunes en otages par leur discours qui a pour effet d’attiser le désespoir. Ils ameutent tous les saints pour attester de leur bonne foi pour vouloir mais qu’à leurs corps défendant ils n’ont pas le pays qu’ils mériteraient. Ils sont à des années-lumière de faire la leur l’exhortation d’un John Fitzgerald Kennedy à la jeunesse américaine, en l’appelant à réfléchir chaque matin à ce qu’ils peuvent offrir à leur pays, et non l’inverse.

    Font-ils seulement semblant de ne pas s’apercevoir de l’inanité de leur efforts à vouloir passer pour ce qu’ils ne sont pas. Quand ils se mettent à remuer beaucoup de vent en s’agitant tel des cabris, c’est signe qu’ils sont pris d’un irrépressible besoin de lâcher des choses bien nauséabondes. Encouragé par la mansuétude de celui qui leur prêterait l’ouïe, ils décuplent de verve et d’audace. Ils pensent «[Échapper ainsi] au ridicule par une affectation de gravité »(Georges Bernanos). Le seul mérite qu’on serait enclin à leur concéder sans chipoter c’est celui de l’aplomb avec lequel ils assument leurs niaiseries.

    Versatiles, ils ont déserté le camp éradicateurs pour rejoindre sans états d’âme celui des réconciliateurs dès qu’il s’est avéré que le revirement leur valait les bonnes grâces du pouvoir. Ils ne s’embarrassent pas de scrupules pour tancer le « système » le matin et manifester, le soir, un enthousiasme débordant pour tout ce qui le pérennise. Le ventre en Algérie, la tête en France. Le cœur ? C’est vrai, le cœur ! Dieu n’ayant plaçait dans aucune poitrine deux cœurs, pour qui de Nedjma ou Marianne, le leur, bat-il ? La réponse coule de source.

    Question de poids

    La crainte de commettre le péché de vanité et l’humilité naturelle induisent chez beaucoup d’Algériens authentiquement patriotes une attitude circonspecte. Ce qui ouvre la voie devant l’effronterie de cette minorité à grande capacité de nuisance. Ils profiteront de la moindre de votre expectative pour escalader le tas d’ossement qu’ils auront constitué avec les dépouilles de leurs ancêtres et vous toiser en affichant une impudente gloriole. Vous vous effrayerez certainement à découvrir combien des hommes ont l’âme si hideuse qu’ils hypothéqueraient l’avenir de leur nation pour se goinfrer, se gaver à ne savoir où mettre leurs boyaux tellement leur voracité est débridée.

    Un triste personnage de cet acabit, criant sur tout les toits qu’il avait voté pour le bienheureux élu du 08 avril 2004, désireux qu’il était de convertir son bulletin de vote en fiche communale, vint me toiser, histoire de savourer avec ostentation la victoire, somme toute attendue de son candidat, m’intimidant presque « tu sais, moi, je pèse lourd ! » ; l’image est si hilarante de vérité qu’il obtint ma capitulation immédiate en m’arrachant un sourire jaune. J’ai même du abonder dans son sens en lui assurant que c’est certainement plus vrai avant qu’il ne prenne tout son temps dans ses lieux d’aisances ! Et même là, il ne manque pas de signaler très bruyamment sa présence !

    De Kateb à Zabana

    La pensée islamique affiche sur son fronton que la vérité est porteuse de sa propre lumière. C’est donc aussi niais et grotesque de vouloir l’éteindre que de souffler sur une lampe. Kateb Yacine du haut de ses dix-sept ans entama sa conférence sur l’Emir Abdelkader et l’indépendance algérienne, à la salle des Sociétés Savantes à Paris, le 24 mai 1947, par cette magnifique phrase : « je veux, pour commencer, vous citer une parole del’Emir lui-même, tirée de son livre : « Rappel à l’intelligence » : « C’est par la vérité qu’on apprend à connaitre les hommes, et non par les hommes qu’on connait la vérité « . Et il conclut  » quant à moi, j’aurais accompli ma plus mission si je gagnais de nouvelles sympathies françaises à la cause de l’indépendance de mon pays »

    C’est donc très naturellement que je fais mienne la sagesse de Léon Tolstoï (Guerre et paix) :  » la vérité doit s’imposer sans violence ». Et malgré l’empressement de la voir surgir, je n’oublie pas que  » c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ».

    Afin de gérer les petites impatiences qui vous ruineraient de grands projets, (Confucius), je me ressource en lisant la lettre d’Ahmed Zabana. Mon Dieu, quelle émotion ! Quelle leçon d’amour pour cette belle idée d’une Algérie libre et démocratique ! Quel homme ! Il a cru à un destin pour son pays digne de la tendresse qu’il avait pour sa mère, il s’est attelé à le rendre possible. Simplement. Il est parti sous la lumière de la vérité de sa foi, fier de mourir pour une cause juste. De sa prison, il eut une pensée presque compatissante pour ceux dont l’ignorance, en les poussant à s’écarter des chemins qui montent et à savourer l’humiliation des bas-fonds, les conduits à « une longue mort ».

    Aujourd’hui, cette longue mort recrute chez les nantis véreux, les gouvernants félons ; elle ne fait pas la fine bouche, elle embauche aussi dans le tout-venant corruptible, ces petites mains qui se croient futés en parasitant les grosses légumes et autres huiles. En réalité, elles se font asservir pour des clopinettes. Elles endossent le châtiment pendant que leurs profits restent à la mesure de leur bassesse. Tout ce beau monde est affairé à dépecer frénétiquement le pays en échange de châteaux en Espagne ou à faire des plans pour aller boire et manger en suisse !

    A la gloire de mon père

    Mon père dont le parcours royal – une grande école – tout de droiture et pavé d’un solide et profond sentiment de satisfaction pour ce que la vie à bien voulu lui accorder : un bonheur simple à l’abri du besoin. Tendrement amusé, Il se délectait souvent d’un morceau de galette enduit d’huile d’olive ; et rien ne le révulsait plus que de voir quelqu’un préférer à cela de tremper son pain blanc dans l’ignominie. Un jour, voulant me faire délicatement comprendre combien il rendait grâce à Dieu pour avoir atteint un âge vénérable en grand seigneur, il me rapporta la confidence que lui fit son propre père : « à partir de l’âge de 32 ans, lui dit-il, j’ai toujours obtenu ce que j’ai désiré en ne désirant que ce que je pouvais obtenir ». Il m’a légué une sagesse en héritage.

    Il convient de prier Dieu afin qu’IL exauce les vœux des méchants pour qu’ils fassent de vieux os. Ainsi, ils vivront cernés par le remords d’avoir démérité vis-à-vis de DIEU, du Pays et d’eux-mêmes ! Vautrés sur un lit de roses dans leur tour d’ivoire, « Là, [où] tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme [peut-être pas intérieur] et volupté » (Ch. Baudelaire) ; l’esprit accroché aux basques de Marianne et rêvant de voir son nombril, ils sont tout de même taraudés par la phobie de se mirer ailleurs que dans ses yeux. Ils sont habités par la peur que la limpidité impitoyable d’un miroir ne leur renvoie la vérité de leur inéluctable destin les menant aux abysses de l’enfer. Leur posture hautaine de renégats ingrats n’est qu’un puéril déni de ce qui les attend. Un homme qui se noie ne chercherait-il pas à s’agripper même à une paille … de riz ?

    Si d’aventure comme le proverbe, il serait aussi chinois. Vivre si bien pour mourir si mal, sans l’estime de soi, en s’offrant l’enfer à coups de milliards détournés et de biens communs dilapidés, n’est-ce-pas le pire des gâchis ? Heureux les gens honnêtes, ils pourront toujours rendre grâce à Dieu pour la justice immanente, inscrite dans la légende des siècles passés et à venir.

    A l’adresse d’éventuels détracteurs qui aurait la sévérité de juger mon propos trop oiseux, je plaiderai n’avoir fait qu’obtempérer à cette injonction bien raisonnable de Jacques Derrida : « Ce qu’on ne peut pas dire, il ne faut surtout pas le taire, mais l’écrire. ». Mon propos s’adresse aux renégats de tout genre et de toute espèce. Sucer le sang …bouh !…sucer le pétrole du peuple, beurk ! leur sera amnistié, gâcher le potentiel d’intelligence et de créativité de la jeunesse en lui interdisant de colorer ses rêves aux couleurs de liberté et de démocratie, rouge, blanc, vert est, en revanche, un crime imprescriptible. Dans le premier cas il y a, tout au plus, mort d’homme ; dans le second cas il y a assurément mort d’âme. Il s’agit donc bien d’un crime que seul Dieu saura en infliger le châtiment juste. Avant d’en arriver à ces extrêmes, les portes de la rédemption sont grandement ouvertes ! Ne vous bousculez pas ! Faites la queue SVP ! Il y’en aura pour tout le monde In Chaä Allah !

    Dr. Mokhbi Abdelouahab

    Share post:

    Subscribe

    spot_imgspot_img

    Populaire

    + d'articles
    Related

    ’Amir NOUR “L’Islam et l’ordre du monde: le testament de Malek BENNABI”,

    FICHE DE LECTURE du livre d’Amir NOUR “L’Islam et...

    Les droits de l’homme selon le libéralisme

    Pour appeler l’OTAN à bombarder la Libye, il y...

    Ce que Yasmina Khadra doit à Tahar Ouettar

    Reçu, ce 10 avril 2010, de Jonathan Klein, professeur de littérature...

    Charlie-Hebdo : le départ de quelque chose ?

    L’épouvantable choc provoqué, au sein de la société française,...
    Translate »
    error: Content is protected !!