On ne badine pas avec l’Histoire (Troisième partie).

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Par Mohamed-Senni El-M’Haji.

 Contact : mohamedsenni@yahoo.fr

« Il suffit de dire le vrai d’une manière étrange, pour que l’étrange finisse par sembler vrai à son tour. » (GOETHE in « Les affinités électives », 1809. Editions 10/18. 1963)

3.2 ÉLÉMENTS DE LA GENÈSE DE LA VISION STRATÉGIQUE DE L’UNIVERSALISME DANS L’ŒUVRE SPIRITUELLE DE L’EMIR ABD-EL-KADER.

 

Les 23, 24 et 25 novembre 2004 a été organisé, à Oran, sous l’égide de la Fondation Émir Abd-El-Kader, un colloque ayant pour thème « l’Emir Abd-El-Kader : source d’authenticité, précurseur de modernité » où, selon le programme distribué, quinze conférences étaient prévues.

Le premier jour six conférenciers se sont succédé. Une intervention portant sur le titre 3.2 ci-dessus fut lue, en arabe exclusivement, par un conférencier qui répondait au nom de  Monsieur Baghli annoncé comme étant de Tlemcen.

A l’époque où nous rédigions le présent document, nous ne pouvions dire s’il s’agissait de celui dont nous venons de parler précédemment ou d’un simple homonyme. Le recueil des conférences lues au cours de ce colloque ne nous est parvenu que 5 années plut tard alors que les conférences programmées devaient être remises à la Fondation quelques semaines avant les assises du colloque.

Notre première remarque est que le texte du recueil est différent de celui qui a été lu au cours de la conférence et la Fondation n’y a vu que du feu ! Nous n’avions suivi que les  six intervenants du premier jour  et le contenu de leurs ondoyantes conférences nous a acculé à décider de ne pas assister les deux jours suivants. Après lecture de la conférence de Monsieur Baghli et, à travers le style utilisé nous arrivons, aujourd’hui seulement, à la conclusion qu’il s’agit du même auteur dont nous avons parlé dans nos deux précédents articles  parce qu’animé par les mêmes motivations. Il fera même école.

Le recueil des conférences se présente en deux volumes de format 14/20 l’un de 171 pages et l’autre de 90 pages.

3.2.1. Examen du contenu du texte de Monsieur Baghli.

 Celui-ci se divise en deux parties : une en français, (et l’auteur n’a jamais utilisé cette langue dans son intervention) d’un peu plus de trois pages comprenant au total 106 lignes. Aucune information  sur « la vision stratégique de l’universalisme dans l’œuvre spirituelle de l’Emir Abd-El-Kader » ne transparaît. Le contenu de sa conférence, n’effleurant à aucun moment ce qui est annoncé dans le titre, devient ainsi totalement hors sujet.

En revanche, 31 lignes – presque le tiers –  seront consacrées à Tlemcen, 9 à une citation qui serait de l’Emir et 23 sur des informations largement connues du grand public. Ces chiffres veulent dire tout simplement que  si le reste de l’intervention avait été totalement réservé au titre annoncé-ce qui ne l’est pas- il n’aurait pas occupé plus de 40% de l’intervention.

Est-ce une manière de se servir de l’Emir pour la finalité de l’intention? Tout indique hélas que oui.  Quant au texte en arabe il consiste, à travers quatre pages, en une reprise intégrale du Mawquif (halte) 371 où l’Emir cite un vers du Saint Sidi Boumédiène. Pas un seul mot de commentaire ! (Est-ce la qualité première du copier-coller?).

Sesame 1                       

           L’Émir Abd-El-Kader                                                         Sidi Boumédiène

Les annotations, en bas de page, de l’auteur sont au nombre de quatre en ce qui concerne ce texte. La première rajoute six vers – que tous ceux qui sont versés sur le sujet connaissent – à celui de Sidi Boumédiène cité par l’Emir, les trois autres donnant les noms des sourates desquelles l’Emir a puisé des versets. Donc ces annotations  n’émanent aucunement  du «  génie » propre du conférencier.

Alors, rien de novateur dans ce que l’on peut considérer comme annotations explicatives et enrichissantes du texte. La fin du Mawquif- qui n’est même pas analysé et tout indique que l’auteur n’avait pas la moindre compétence pour le faire – est suivie d’un encadré dans lequel on lit un extrait du Mawquif 231 sans aucune explication sur sa présence. Quant à l’approche spirituelle de ce qu’a voulu dire l’Emir : c’est le silence total !

Notons que le vers de Sidi Boumédiène cité par l’Emir n’est pas « unique » puisque, sans faire de recherches spéciales sur le sujet, nous sommes déjà tombé sur un  autre vers du Saint cité, lui, au Mawquif 319.

L’auteur écrit tout au début du troisième paragraphe : « l’Emir avait été un des derniers disciples du Cheikh Sidi Mohammed  ben Youssef Es-Senouçi  (de Tlemcen). On peut être disciple d’un grand maître de deux  manières : avoir été directement son élève ou épouser intégralement ses idées même des siècles après sa mort. L’auteur ne nous dit pas où il classe l’Emir dans ces deux cas de figures.

Ceci semble lui importer peu car le plus important à ses yeux était de faire passer la pilule qui consiste à placer l’Emir comme un des derniers disciples de Sidi Essanoussi, (732 /1428 – 895 / 1490) qui, soit dit pour la précision, a été, entre autres, le maître de Sidi Abdelkader Ben Khadda, personnage d’un rayonnement exceptionnel et père de la septième  génération ascendante de l’Emir. Nul n’est en mesure de soutenir, à quelque titre que ce soit, que l’Emir est l’un des derniers disciples du Cheïkh Essanoussi.

De nos jours ils sont des milliers et l’œuvre de Sidi Essanoussi qui les «rassemble » tous est « Oum  El Barahine » (أم البراهين), un authentique bréviaire sur les dogmes de l’Unicité divine. Ce qui ressort du texte lu, c’est – hélas ! encore une fois – cette obsession de mettre en valeur Tlemcen vaille que vaille.

Ainsi Sidi Boumédiène qu’Ibn Arabi reconnaît  comme « Cheïkh Echouyoukh » (le Maître des Maîtres) est présenté comme étant « le maître commun » du Cheïkh El Akbar (Ibn Arabi) et de L’Emir Abd-El-Kader. Le premier nommé a bien rencontré, en 1194, Sidi Boumédiène à Bougie sur sa route pour l’Orient. Or les Saints cités dans  les Maouaquif pour les besoins des commentaires, et ils sont nombreux, peuvent prétendre, par l’entremise d’auteurs qui leur sont géographiquement proches, à cette même filiation d’école.

Ainsi on retrouverait toute une légion de maîtres communs à Ibn Arabi et l’Emir ! Quelque solide que puisse être le fil d’Ariane, il ne nous permettrait pas de nous en sortir. Jamais pareille allusion, pour des maîtres qui en avaient les atouts n’a eu d’antécédent dans le très riche patrimoine de la mystique musulmane qui a, de nos jours, très largement débordé le monde musulman.

Un exemple : Ibn Arabi ayant composé un poème dit « Etta-iyya) (التائية), c’est-à-dire un poème dont la rime se termine par la lettre « t », a demandé à Ibn El Faridh l’égyptien d’en faire un commentaire. Ce dernier répond au Cheïkh Al Akbar : « Le  commentaire que vous voulez de moi se trouve dans votre livre El Foutouhate » (الفتوحات المكية). Seule une haute prise de conscience sur les limites de  sa propre dimension spirituelle, ajoutée à une reconnaissance implicite de la suprématie du Cheïkh El Akbar dictaient à Ibn El Faridh sa réponse.

Un autre exemple : Ibn Arabi a composé un livre sur tous les mystiques d’Andalousie et un autre exclusivement consacré à Dhou Noun Al Misri. Aucune autorité spirituelle à travers les siècles ne s’est permis de décréter que les mystiques étudiés par Ibn Arabi étaient ses maîtres communs surtout avec le sens que lui donne le conférencier. Pour soutenir ce que ce dernier a avancé, il faut au préalable connaître parfaitement l’œuvre d’Ibn Arabi, celle de l’Emir n’en étant qu’une forme d’exégèse particulière et indispensable ou un prolongement avec certaines spécificités. Mais avant de poursuivre, nous rappellerons aux aimables lecteurs intéressés de se reporter à l’article consacré à un aspect identique à celui auquel nous nous consacrons ce jour pour connaître le sommaire de l’itinéraire de Sidi Boumédiène.

Ainsi, si le titre de la conférence peut« coller» au thème du colloque, le contenu, lui va exactement à contre sens et même trop loin. Nous profitons de cette occasion pour attirer l’attention de certains qui pensent « maîtriser »  l’oeuvre d’Ibn Arabi ou celle de l’Emir que le thème majeur qui les lie est (وحدة الوجود) Wahdat El Wujûd (l’Unicité de l’Etre) et, l’aborder, nécessite impérativement de connaître :

– le concept de Wahdat Ech – Chouhoud (وحدة الشهود) prônée, avant Ibn Arabi,  par Abou Hamid El Ghazzali (450 / 1057 –  555 / 1111) entre autres.

Fusûs el Hikam (les lobes de la sagesse) du Cheïkh al Akbar en recourant aux grands commentateurs de ce livre qui souleva des tempêtes après la parution de « Fadhihatoul  Moulhidine wa Nasihatoul Mouahhidine » (La honte des athées et le conseil des monothéistes فضيحة الملحدين ونصيحة الموحدين) de ‘Alaa Eddine El Boukhari.

« Charh el Maqasid » (شرح المقاصد) de Saâdeddine Taftazani (1312 – 1390) maître du précédent.

– d’ « El Wujûd el Haqq (الوجود الحق والكلام الصدق) de Abdelghani En – Naboulsi (1050 / 1641 – 1143 / 1731).

– «  Kitab el Maouaquif » (كتاب المواقف) (le livre des Haltes) de l’Emir auxquels il faut obligatoirement adjoindre une vue globale sur la philosophie de l’andalou Ibn Sab’in (612 / 1216 – 669 / 1270) (إبن سبعين ) et les virulentes attaques du grand polémiste hanbalite Ibn Taïmiyya même si leur impact reste très limité.

Ces auteurs et leurs multiples œuvres doivent être parfaitement  connus en plus d’une totale maîtrise  du Coran, de ses exégèses les plus autorisées, du Hadith et du fiqh pour parler ensuite de l’approche qu’a faite l’Emir du livre-clé du sujet (Fusûs el Hikam) (فصوص الحكم ) écrit en plus, par son Maître spirituel auprès duquel, à sa demande, il fut enterré.

Nous allons tenter d’apporter quelques éléments qui, nous l’espérons, éclaireront sur la difficulté, voire l’impossibilité, qu’il y a, aujourd’hui, à saisir le « style » Ibn Arabi et particulièrement celui  des «  Fusûs ».

L’Algérien El Makarri (mort en 1631) rapporte, dans une biographie consacrée au mystique andalou que, lorsqu’il prit connaissance des « Fusûs », le Cheïkh el Islam, l’Imam Afif Eddine al–Yafi’ le Yéménite (mort en 768 / 1376), adepte de la Kadiryya et de la Chadhilyya, recommanda que l’on s’abstienne de lire ce livre.

Sans être catégorique, il semble que ce soit également lui qui  adressa une lettre à tous les grands maîtres théologiens, de l’Indus au Portugal, pour leur demander de s’abstenir de le lire  car ils comprendraient exactement le contraire de ce qu’a voulu dire Ibn Arabi.

 A suivre…

On ne badine pas avec l’Histoire. (Première partie)

On ne badine pas avec l’Histoire. (Deuxième partie)

On ne badine pas avec l’Histoire. (Troisième partie)

On ne badine pas avec l’Histoire. (Quatrième partie et fin)

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