Après 65 ans et 4 mois, l’Egyptien Mohamed Fawzi « reconnu » officiellement en Algérie.
Le 20 octobre 2017 se sont écoulées 61 années depuis que nous a quittés le compositeur, chanteur et acteur égyptien Mohamed Fawzi. Né le 15 août 1918 à Tanta, d’une famille pauvre qui comptait 25 frères et sœurs, il partit pour le Caire en 1938 où, après d’immenses difficultés, il arrivera à s’imposer comme chanteur et acteur. Au cinéma il débuta à la même époque que Omar Sharif. Il fut l’initiateur des chansons pour enfants dont la célèbre مـــامـــا زمانهــا جـــايــة. (Maman sera bientôt de retour).
Petit rappel.
Dans les années 1980, et à la veille de la commémoration d’une date historique nationale, la « Une » invita un musicien algérien qui faisait partie de la troupe qui composa la musique du poème « Kassaman ». Cette troupe se trouvait alors à Tunis. L’invité raconta au cours de son intervention que les dirigeants FLN le chargèrent d’aller en Egypte pour faire écouter l’enregistrement à la Délégation du Caire. Sitôt arrivé, il rencontra par hasard Mohamed Fawzi qu’il connaissait. Le mettant au courant de sa mission, la Star égyptienne lui demanda de lui faire écouter l’enregistrement. Pour mémoire, à l’époque, l’Egypte avait adopté, comme hymne national, une chanson d’Oum Kalthoum : والله زمــان يـــاســلاحي » écrite par Salah Jahine et mise en musique par Kamel Ettaouil. Cet hymne a été à l’honneur de 1961 à 1971 et fut changé deux années après la mort de Nasser.
Comme Mohamed Fawzi avait composé pour d’autres chanteurs dont Oum Kaltoum elle-même, il était en avance sur nombre de compositeurs qui allaient émerger par la suite. Il demanda à l’Algérien de lui laisser l’enregistrement qui était, pour lui, totalement à revoir. Le délégué du FLN lui dit : « Je ne peux pas vous le laisser car nous n’avons pas les moyens pour vous payer. » Mohamed Fawzi répond : «Refuses-tu de m’accorder une petite chance de participer à votre combat ?» Et c’est ainsi que vit le jour cet hymne qui nous fait battre le cœur et fait couler les larmes avec l’air que nous lui connaissons et dans lequel nous nous reconnaissons.
Pour ceux qui étaient jeunes pour le savoir, Ben Bella, au lendemain de l’Indépendance, avait lancé une consultation pour changer l’air. Pourquoi l’a-t-il fait et pourquoi ce projet n’a-t-il pas abouti? Personne ne peut y répondre. S’agissant de « Kassaman », interprété tous les jours que Dieu fait, à travers les 2 300 000 km² sur lesquels s’étend notre belle patrie depuis plus de 65 ans, on arrive avec peine à supputer une raison qui fait de cet oubli un oubli criminel.
Il est vrai qu’une tentative fut lâchée pour mettre un nom à la place de celui de Mohamed Fawzi et qui fut abandonnée sans doute parce que des patriotes veillaient. Les loups, à qui on avait ouvert largement les portes de la bergerie, sont alors restés sur leur faim.
Notre pays qui a su remarquablement remercier presque tous les non algériens qui l’ont soutenu pendant la guerre de Libération a occulté, entre autres, cet auteur et, – jusqu’à plus ample informé – pas d’institut de musique ni de conservatoire, ni un édifice culturel ni une école ni une rue ou une place baptisés à son nom.
Le lever du voile.
De retour d’une mission de Syrie et, à la faveur d’une escale au Caire où je passais trois jours, j’ai soulevé ce « problème » avec des Egyptiens. C’était en août 1977. Et depuis ce jour, je n’ai cessé de le soulever chaque fois que je tombais sur des personnes « haut placées » chez nous et qui pouvaient attirer l’attention des autorités : Quatre ministres, six députés et…rien.
Maigre consolation, je publiais sur Facebook, en février de l’année dernière, un hommage à ce grand compositeur qui nous a quittés le 5 juin 1966 à 48 ans. Je fis deux dernières tentatives auprès de deux députés de la ville de Sidi Bel Abbès….Et toujours rien!
Or voila que le 25 novembre 2017, on nous annonce que l’Institut de Musique d’Alger portera désormais à son fronton le nom de Mohamed Fawzi.
Ce chanteur qui livra, sur trois continents une lutte implacable contre une maladie inconnue nous a bercés avec un répertoire de qualité et une série de films, tout comme le firent ses deux sœurs, Hind Allam (1916 – 1997) et Houda Soltane (1925 – 2006) qui connut cinq mariages dont l’un durera quinze années avec l’un des géants du cinéma arabe : Farid Chawki.
D’autres grandes figures ont pris cause et fait pour notre lutte de libération : Il s’agit de trois syriens qui, abandonnant richesses et fructueuses grosses affaires dans leur pays, choisirent de se joindre à leurs frères algériens
Tous les trois étaient chirurgiens : Noureddine Atassi (1929 – 3/12/1992), Youssef Zouayyine (1931 – 10/1/2016) et Ibrahim Makhous (1918 – 2013). Ils activèrent dans les hôpitaux du FLN le long de la frontière algéro – tunisienne et rejoignirent leur pays dès l’Indépendance acquise. En 1966, le premier cité fut Président de la Syrie, le deuxième Chef du Gouvernement et le troisième Ministre des Affaires Etrangères. Ils furent jetés en prison après le coup d’Etat de Hafedh Al-Assad en fin de l’année 1970. Et il y eut un génie pakistanais qui fut de toutes les causes justes et qu’Edward Saïd reconnaissait en lui un de ses deux mentors. C’était Ahmed Eqbal ((1933 – 1999) qui fit partie de la délégation FLN aux accords d’Evian. Et enfin le plus antisioniste des antisionistes, le Juif égyptien Henri Curiel (né le 13 septembre 1914 au Caire et mort assassiné à Paris le 4 mai 1978).
Remarque importante.
Ayant parlé de la musique de notre hymne national, j’aborde un aspect qu’il est de toute première instance de corriger. Presque la totalité des compatriotes qui l’interprètent commettent l’erreur suivante : dans le vers qui suit
نحن ثرنا فحــيا ةٌأو ممات
ils disent فحياةٍ alors que c’est faux. Combien de millions d’élèves commettent, chaque jour, cette bourde parmi les neuf millions que compte le secteur de Madame Benghebrit ?