Si Mokhtar TAÏEB-BRAHIM et Abou Hamid Ghazzali (mort en 1111).

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Si Mokhtar (G) avec Cheïkh Mohamed Kheïreddine, le 3 septembre 1984.

Juste après l’Indépendance de l’Algérie, un ami de mon oncle maternel, Si Mokhtar TAÏEB-BRAHIM, alla passer des vacances en Tunisie. A son retour il vint au Sig pour rendre visite à mon oncle, dans sa confiserie d’olives et lui tend « un cadeau » en lui disant : « Accepte ça de ma part et, toi qui ne rates jamais une occasion de parler de Ghazzali, lis ce que ceux qui savent ont écrit sur lui. »

Plus tard, et grâce au titre du « moins mauvais de ses enfants » qu’il me décerna, il me met dans la confidence et me dit : « Ce qu’il me dit ne présageait rien de bon. Une fois rentré à la maison je pris mon souper et me mis au lit après avoir accompli la prière du Icha. J’ouvris le livre et le lis jusqu’à la fin en soulignant tous les passages sur lesquels je souhaitais apporter mes réponses. Une fois le livre refermé, je pris le téléphone et composai le numéro de mon ami qui habitait à Oran. A la première sonnerie, il décrocha :
– Allô ! Qui est à l’appareil ? Quelle heure est-il ?
– C’est Mokhtar du Sig. Il est quatre heures.
– Alors ça doit-être grave.
– Cela dépend mais je vais être bref : j’ai lu le livre que tu as eu la gentillesse de m’offrir et je voulais simplement te jurer par Dieu que Ghazzali mort depuis bientôt huit siècles sera lavé de cette ignominie.

« Quand j’ai raccroché, je me remis instantanément en question. Si l’ignominie n’est pas lavée, j’aurai commis un acte d’impiété pour avoir sous-entendu un châtiment sur lequel je n’avais aucune prise et qui ne dépendait d’aucune manière de moi. »

En 1966, se tint à Alger un congrès des Chambres de Commerce et d’Industrie Arabes. Mon oncle en fut le Président. A cette époque là les Algériens, parlant très peu leur langue nationale, étaient désignés de la part de leurs pairs arabes par l’expression « Petits Français ». Les délégués commencèrent à interpeller mon oncle par « Monsieur le Président » et finirent par abandonner cette appellation au profit de « Professeur » tellement son niveau était élevé.

Au moment où il allait lever la séance, le délégué de l’Arabie Saoudite demanda à prendre la parole ce qui lui fut accordé. S’adressant aux délégués, il leur dit : « Nous nous sommes rencontrés ici pour participer à un congrès. Or nous avons foulé le sol d’une Ecole insoupçonnée. Notre prochaine rencontre aura lieu l’année prochaine à Baghdad. Au nom de mon pays, je propose que le Président algérien le restera lors du congrès qui se tiendra dans la capitale irakienne. » Les congressistes applaudirent debout.

Une année après, il se rendit à Alger d’où il devait prendre, avec sa délégation, un avion pour l’Irak. En atterrissant dans ce qui fut appelé « aéroport de Maison Blanche », une voiture l’attendait au bas de la passerelle et le déposa au Salon d’Honneur où il retrouva les personnes qui devaient l’accompagner. Parmi elles, celui qui allait être son secrétaire pendant le congrès. Une fois assis, le secrétaire s’approcha de lui et lui remit une enveloppe en lui disant : « Monsieur le Ministre m’a chargé de vous la remettre ». Il prit l’enveloppe, la soupesa et dit au secrétaire : « C’est le discours inaugural ? ». « Oui » lui répond l’autre. Si Mokhtar lui rendit l’enveloppe en lui disant « Partez sans moi. Je vais de ce pas voir le Ministre ».

Or, s’il y avait un homme que le Ministre du Commerce, tout comme son prédécesseur, ne pouvait sentir c’était justement celui qui s’apprêtait à se retrouver face à lui. Et c’est ainsi qu’en pénétrant dans son bureau, il fut accueilli par deux autres Ministres : le premier était un de ses fils spirituels, le Docteur Ahmed Taleb Ibrahimi – toujours en vie – et son ami Kaïd Ahmed que Boukharrouba Mohamed (Boumédiène) fera assassiner au Maroc après avoir eu confirmation d’un pot de vin de 1 300 000 dollars perçu par le dictateur.

Mon oncle riait de bonne grâce aux plaisanteries de son ami. Celui-ci lui dit : « Mais que nous fais-tu là mon pauvre ami ? ».Lui disant qu’il était venu expliquer au Ministre les raisons du motif de son refus de partir, celui-ci l’interrompt et lui dit qu’il n’avait pas d’explication à lui donner sachant que Boumédiène les attendait tous et, moins d’une heure après, ils étaient en face de lui. Boukharrouba se leva de derrière son bureau, commença par serrer la main de mon oncle pour en faire autant avec ses Ministres. Il l’invita à prendre place sur un large fauteuil où il s’assit lui-même.

  • Pas un mot et c’est le dictateur qui commença à parler en demandant à ce nouveau venu ce qu’il désirait boire. « Une eau minérale ». Elle lui fut servie aussitôt et Boumédiène, prenant un cigare lui demanda si la fumée ne le gênait pas. Répondant par la négative, le Président alluma son cigare et se résolut à rompre définitivement le silence. Parlant en Français, il dit :
    – On m’a signalé un véritable acte de rébellion.
    – Monsieur le Président. La France, avec son code de l’indigénat, n’a pas pu nous faire dire des choses que  nous  ne voulions pas dire. Votre prédécesseur, et vous êtes trop bien placé pour le savoir n’a pas pu non  plus le  faire.
    – Avez-vous lu le contenu du discours ?
    – Je n’ai nul besoin de le lire pour savoir ce qu’il contient.
    – Et qu’est-ce qu’il contient d’après vous ?
    – Le panégyrique du socialisme.
    – Et selon vous le socialisme est incompatible avec l’Islam ?
    – Sans l’ombre du moindre doute. Je peux ajouter autre chose ?
    – Je vous en prie.
    – Je me rends compte, hélas, avec ce que je viens de vivre depuis quelques heures que l’on m’a confondu avec un perroquet et j’ai trouvé cette initiative dégradante. Je sais que vous avez passé au peigne fin le congrès que j’ai eu l’Honneur de présider l’année dernière. Si je suis investi de la confiance de mon pays, je le représenterai du mieux que je pourrai sinon les prétendants au voyage pullulent.
  • -Monsieur ! Vous occupez une dizaine de hautes charges, toutes à titres honorifiques. Mes meilleurs  ministres vous ont en haute estime. Partez et faîtes ce que vous voulez. Toutefois j’insiste : pensez au socialisme.
  • – Sur ce sujet la réponse que je vous ai donnée a quatorze siècles d’âge. Et j’ajouterai ceci : la tombe où je souhaite reposer, je l’ai déjà creusée depuis plus de vingt années et, vu mon âge avancé, je considère que j’y  ai déjà un pied et l’autre ne va pas tarder à le suivre et ce n’est pas au soir de ma vie, que je renierai une  certitude vieille de quatorze siècles.

Le soir, il passa sa première nuit à Bagdad.

Le maréchal Aref inaugurant le congrès. Si Mokhtar au fond portant lunettes noires.

Le lendemain débuta le congrès en présence du Président, le Maréchal Abderrahmane Aref (1916-2007). Mon oncle fut touché par les égards auxquels il eut droit surtout de la part des congressistes ayant participé à la rencontre d’Alger. Le Président irakien, sûrement informé par les représentants de son pays, eut un long entretien avec lui.

 

Après le discours du Président, Si Mokhtar fit le sien où il prit à partie tous les arabes : une véritable bombe. Il dit en substance : « L’Algérie s’interroge sur l’opportunité de la tenue d’un tel congrès. Nous avons pris tant de décisions l’année dernière et aucune n’a été appliquée. Sommes-nous condamnés à n’être que des hâbleurs ? Si nous sommes réunis pour faire le constat de nos faiblesses, alors continuons. Mais si nous devons encore prendre des décisions qui connaîtront le sort de celles prises à Alger, alors il vaut mieux arrêter les frais. Puisse Dieu nous éclairer sur nos tares. Alors, Messieurs, j’attends vos réactions et je les espère éminemment constructives ».

Les participants l’entourèrent et le félicitèrent. Dans la séance de l’après-midi, le Président de la CCI de Baghdad commença par lire un poème dans lequel il appuya mon oncle.Il le termina par ces vers:

  واحــسرتاهُ ولي قَوْمٌ كأنّّّهُمْ لا يسْمَعُونَ وفي آذَانـِـهِمْ صَمـَـمُ

 قُلنا الزرَاعَةُ قَالوا إنّ أنْهُرَنَا للبَحْرِ تَجْرِي فَعِنْدَ الْبحْرِنَحْتَكِـم

  قُلْنا فلسطِينُ قالوا تِلْـكَ تفرِقَةٌ سنسْتَعِين بهل دوما ونعتصمُ                                                

Au cours du souper il fut approché par les représentants du Liban et d’Egypte qui insistèrent pour qu’il visite leurs pays, ce qu’il accepta.

Le lendemain, le congrès se poursuivit dans la ville sainte de Najaf, à 160 km au Sud de Baghdad. Le Président de la CCI de cette ville les reçut avec un long poème.

 

Si Mokhtar, troisième à partir de la gauche. Baghdad.

A la fin des travaux, il se rendit à Beyrouth et se retrouve, trois jours après à Jérusalem où il se dirigea vers la Mosquée d’Al Aqsa. En y pénétrant, il accomplit une prière de deux rogations qui est « un salut à la Mosquée ». Des fidèles, intrigués par son accoutrement en firent part à l’Imam. Celui-ci vint vers lui, se présenta et, aux premiers échanges, comprit à qui il avait affaire.

Mon oncle fit même une intervention sur les grands noms d’Algérie qui officièrent dans cette Mosquée. Il passa deux ou trois nuits chez l’Imam après quoi il fut reçu au Caire où les responsables, harcelés par leur représentant à Alger puis à Baghdad, lui réservèrent un accueil à sa juste mesure.

Le premier jour de son arrivée, il fut reçu par le Recteur de l’Université d’Al-Azhar entouré par tous les membres de son Conseil Scientifique qui furent agréablement surpris par sa question sur les travaux d’embellissement de l’université qui s’apprêtait à fêter son premier millénaire en mars 1969. A la fin de cette fructueuse rencontre, il demanda à visiter une librairie. On l’emmena dans le vieux quartier de « Khan Khalili » qui se trouve en face de l’Université.

Au détour d’une rue, ils virent un homme ivre mort qui peinait à se relever. Le guide les arrêta et leur dit : « Vous voyez cet homme ? C’était un grand écrivain et.. » Mon oncle l’arrêta et lui dit : « C’est untel ? » Le guide lui répond : « Vous l’avez déjà rencontré ? » Si Mokhtar lui dit : « Non, jamais mais depuis que j’ai lu un de ses livres, je l’ai toujours imaginé dans cet état ». L’ignominie était lavée. A l’aéroport du Caire, il remit au guide une dizaine de feuilles dans une enveloppe à remettre à l’auteur.

« Le moins mauvais de ses enfants » – moi – reçut les deux poèmes écrits à Baghdad et quatre titres d’Abou Hamid Ghazzali. J’avais 13 ans quand il m’inculqua les préliminaires nécessaires pour cerner ce grand auteur dont l’oeuvre centrale « La survivance des sciences de la Religion » (إحياء علوم الدين) qui, traduit en latin, sera le premier livre sur notre religion à pénétrer au Vatican.

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