La notion de totalitarisme renvoie, invariablement, à celle d’un ordre qui dénie, là où il règne, toute pensée contraire à ses propres conceptions de la société et du monde. Il faut préciser que l’autoritarisme, à lui seul, ne suffit pas s’il n’y a pas une pensée dominante qui règne et qui constitue le seul référent intellectuel, culturel, moral et politique, dont l’autoritarisme sera le bras armé. Comme le gendarme joue celui de la justice, quand sont transgressées les règles admises par la majorité des gens.
L’illustration du totalitarisme, dans la pédagogie régnante, est d’abord le communisme, présenté bien sûr dans son expression stalinienne et non dans sa réalité économique et sociale. Le nazisme vient en seconde position, surtout pour dénoncer ses crimes contre l’Humanité. Le message délivré étant que, depuis la chute des bureaucraties staliniennes, ne doit plus subsister sur la face de la Terre que la « démocratie », la « libre entreprise » et l’économie de marché. Ce qui implique l’exclusion de toute velléité de « protectionnisme » de la part d’éventuels candidats à la résistance à la libre circulation des marchandises et des capitaux. Le modèle proposé est celui des Etats-Unis. Un modèle qui s’est ainsi mis sous les projecteurs de l’observation et à l’épreuve des faits. Le constat n’est guère reluisant quand il s’agit de mesurer ses apports aux libertés, tant chantées.
Tomislav Sunic, un dissident du « communisme » qui a trouvé refuge aux Etats-Unis, nous en parle dans son livre « l’homoamericanus », en décrivant les effets du système sociopolitique étatsunien, sur la société: « Il en résulte une glaciation des libertés réelles au profit d’une « liberté » incantatoire et fantasmatique. » Il est même plus clair :« l’américanisme est un système idéologique fondé sur une vérité unique ». On est pourtant dans le temple de la liberté, quand on nous décrit les manifestations du totalitarisme. C’est même effrayant, car comme le rapporte l’auteur, « Dans le système atomisé de l’américanisme, la dispersion du pouvoir conduit inévitablement à une terreur dispersée dans laquelle la frontière entre la victime et le bourreau ne peut que disparaître ».
Le passage de Bush fils a beaucoup servi à révéler au monde l’ampleur de la chose. Peut-être pas par ses discours, mais sa politique dévastatrice sur certains peuples qui a dévoilé la signification du concept de mondialisation. A ce sujet, le principal idéologue de Bush ne mâchait pas ses mots, dès 2001, Michael Ledeen (World Jewish Review), préconisait un chaos généralisé comme « seul moyen d’instaurer un gouvernement mondial ». D’autres plus subtils préconisent de reconsidérer l’acception actuelle de la démocratie (vers une « postdémocratie »), en s’appuyant sur l’usure qu’elle est en train de subir, selon le principe, en marche, du néolibéralisme qu’il n’y a pas besoin d’arracher aux peuples leurs droits, quand ils les abandonnent eux-mêmes, un à un. L’esprit critique évacué, le matraquage de plus en plus féroce, la discréditation systématique de tout discours contraire, le totalitarisme nouveau est bien installé. Il se passe juste qu’il détient encore le droit de la force, les clés de l’emprise médiatique universalisée et qu’il a toujours le pouvoir d’étouffer, de confiner ou de détruire la contestation de son hégémonie, encore… « démocratique ».
Ahmed Halfaoui