Zineb Azouz: Lettre ouverte au nouveau Recteur de l’université Mentouri-Constantine 1

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Sous d’autres cieux et n’occupant aucune fonction administrative, c’est avec beaucoup de sincérité et de déférence que je t’aurais adressée un petit mot-type :
‘ Cher El Hadi, Mabrouk pour ton élection au poste de Recteur ! ‘
Près de sept mois après l’immense mouvement populaire appelé Harak, les convulsions du pouvoir et ses inepties démocratiques font loi, et face aux revendications des étudiants qui sortent chaque Mardi, vous serez chargé de prohiber toute forme d’organisation et d’expression, oui me diriez-vous, mais laissez l’université en dehors de la politique ! Argument hélas qui ne tient plus la route, l’université étant ostentatoirement une annexe politique et sécuritaire où l’on peut décider en un temps record, pour vider les lieux et ‘calmer’ les étudiants, de changer les dates et surtout la durée des vacances, de décréter le taux de reçus et comme l’avait si bien fait l’actuel ministre, alors recteur à Batna, d’inaugurer carrément des campagnes type- 5 ème mandat !
Hélas, dans le contexte que nous connaissons, à savoir le Gouvernement Bedoui et surtout le régime toujours dirigé par l’armée, votre nomination et celles de vos collègues ailleurs au même titre que la mise à la retraite de votre prédécesseur et ex supérieur, ne sont que la projection et les sinistres signes de la volonté d’une nouvelle confrontation avec les citoyens et à leur tête les jeunes et les étudiants.
En cette rentrée universitaire ubuesque puisque la précédente n’a pas pu être clôturée en Juillet, l’université reste pourtant l’un des rares lieux pouvant éviter au Harak de sombrer dans l’inefficacité et vous êtes, Monsieur le Recteur, le mieux placé pour le savoir, car c’est loin des partis, des associations estudiantines-maison et des loges de privilèges que les étudiants s’émanciperont et constitueront une force alternative et un modèle de lutte ; les compétences libératrices ne risquant aucunement d’émerger des laboratoires de recherche budgétivores et hauts lieux de débauche scientifique morale et économique.
Je suppose que comme moi des amis vous ont fait parvenir ce ‘courageux’ mail d’enseignant(s) anonyme(s) qui se moque de la Vice-Recteur, suite à sa missive relatant les ‘grandes réalisations’ de votre prédécesseur et qui a tout même le mérite d’être signée.
Dans ce mail où l’on prend plus plaisir à salir une femme qu’autre chose, vous l’aurez compris on vous présente comme le fruit ‘béni’ du Harak (in extenso : Heureusement le Hirak est passé par là et a fait chuter les « Irremplaçables », dont ce petit baron local au nom de Djekoun.)
Haine, règlements de comptes et au détour allégeance à votre personne, et au nom du Harak en prime, le décor est planté et rien ne pouvait mieux nous et vous plonger Monsieur le Recteur, dans l’ambiance d’une université où tous les diagnostics sont permis mais où tout bilan digne de ce nom, surtout financier, est prohibé, un espace universitaire où en revanche la porte est grande ouverte aux acteurs de l’ombre, aux alliances, soumissions et délations.
Et c’est au citoyen-étudiant méprisé et désespéré, qu’incombera le rôle bon gré mal gré de s’interroger sur le budget, les dépenses, la corruption et le gaspillage, sur ses droits, sur vos bilans successifs, et sur tous les mécanismes de contrôle et de contre-pouvoir, même si tous les acteurs des logiques rentières et clientélistes donnent l’impression de ne plus avoir rien à craindre à l’université et ailleurs.
Et c’est pourquoi, votre mission et votre ‘longévité’ seront tributaires de la seule gestion autocratique et policière de l’université.
Pourtant j’ai failli croire qu’en 2019 et alors que vous même et vos proches avez surement du au moins murmurer ‘Basta, non au 5 ème mandat ! ‘ , le déclic de la rupture allait enfin se déclencher, et j’ai même naïvement cru que vous et tous nos ainés qui ont assisté au déclin de l’université, à la sale guerre, à l’arbitraire, aux réformes universitaires suicidaires, à la précarisation de l’étudiant, et à toutes les fameuses et fumeuses tentatives de changer le système de l’intérieur, et malgré nos divergences, alliez nous faire le bonheur et l’honneur de refuser tout simplement d’être les instruments et les arguments d’un pouvoir qui au delà de toutes ses violences, interdit de penser.
Vous voilà donc Recteur d’une université vidée de toute substance et de tout projet, vous serez chargé entre autres de faire tourner la machine du haut de cette tour, de continuer de dresser des bilans très positifs, d’appliquer les directives pour ne pas dire d’exécuter les ordres, de faire croire au changement voire à la rupture avec El 3issaba et surtout de dompter ces milliers d’étudiants.
Ces étudiants, ces chérubins qui crient leur soif de liberté et de dignité, qui veulent juste espérer, débattre de justice et d’égalité, sont-ils des ‘Chirdhima’ et des égarés à vos yeux aussi ? Au fond, ne méritent-ils pas nos et vos excuses ?
Monsieur le Recteur, tout ce que je vous souhaite, est que du fond de cet immense bureau si bien gardé, vous réalisiez qu’en acceptant ce poste, vous choisissez d’être contre votre peuple et vos étudiants.
Vous ayant connu amateur de littérature, permettez mois de conclure par cette citation :
« La conscience ? Elle n’empêche jamais de commettre un péché. Elle empêche seulement d’en jouir en paix ! » T. Dreiser
Zineb AZOUZ.
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