Auteure : Keltoum Deffous
Titre : Pauvre petit frère.
Edilivre. 147 P.
Genre : Poésie.
Le livre s’ouvre sur le poème prêtant son titre au recueil qui passe en revue les grands et douloureux problèmes de la planète. La poétesse s’y questionne et questionne le monde à travers des noms de capitale ou de pays : « Le ventre de Paris » « La Tunisie de mes enfants » de personnalités politiques « Casse-toi pov can ».
Elle s’installe au sommet de sa tour d’observation avec « citoyen du monde » ou tient la main d’un enfant pour traverser les dédales des douleurs que cette catégorie de l’humanité connaît.
Tous les thèmes brûlants y passent, une revue n’abandonnant rien au hasard.
Le premier poème intitulé « Pauvre petit frère » présente l’enfance prise entre un passé infernal et un enfer en attente. Le thème de l’enfance et repris tel un rappel, un leitmotiv un peu plus loin avec « Aylane et les autres ».
C’est une sale guerre !
Immenses, très douloureuses sont mes blessures
Entrailles profondes sur les vieilles pierres des murs
Emmaillotée dans la poudre de guerre, mer drapée
Des turbans de mes aînés tachés de leur sang
Ma petite personne tressée de sanglots et de frissons.
Les enfants du monde sont enduits de poudre de talc et autres produits lénifiants tandis que l’enfant du poème se protège des escarres par de « la poudre de guerre » et se fait emmailloter dans des turbans tachés de sang.
Le quatrième vers est d’une force et d’une beauté à afficher en hauts reliefs au fronton de L’UNESCO.
Keltoum Deffous n’oublie pas les harragas. Dans le texte « Testament d’un harraga » ces vers magnifiques :
Je ne voulais pas noyer ce rêve précieux
C’est l’océan qui l’a trouvé prétentieux.
Croire au chant des vagues fut mon seul tort
Splendide métaphore du gigantisme du rêve face à la précarité des moyens de la traversée. Le troisième vers, élude le mot « sirène » pour celui de « chant des vagues » pour apporter un surcroit de réalisme et de connaissance du danger.
Le mot « Testament » du titre nous prévient déjà de l’imminence de la mort.
A relever aussi ce quatrain du « Déclin de l’humanité »
Sur les rails de ma solitude
J’ai entrepris mon voyage
Par crainte ou par habitude
Ma volonté en seul bagage.
Bien que les rails du chemin de fer mènent d’une gare vers une autre, d’un lieu de départ connu, vers une destination tout aussi connue et qu’un wagon soit une voiture de cohabitation temporaire souvent conviviale, la poétesse voyage seule bien qu’elle précise : « par contrainte ou habitude », contraintes sociales, familiales, professionnelle ou habitude de changement de lieu. Cependant, le voyage peut être métaphorique puisque le bagage à le nom de « volonté ».
Ce voyage de la vie et dans la vie nous rappelle que l’humain a perdu le sens de la solidarité.
Recueil de la douleur, du désespoir mais aussi de l’exhortation à la résistance et au combat, « Pauvre petit frère » est bien l’expression de la difficulté de vivre dans un monde où les grands n’ont aucune pitié des petits.
Pauvre, ayant souvent le sens d’indigent de la bonté, de l’attention, de l’affection des autres. Celui de l’insignifiance encourageant l’indifférence des sans coeur.
Petit, est souvent à l’usage dans l’expression du mépris.
L’auteur nous prend à contresens pour libérer les deux sens de « Pauvre petit » : Insolence/ commisération, auquel elle ajoute « frère » pour nous rappeler à la fraternité.
Tout le recueil traite de ce mépris de l’humain face à la détresse de ses semblables et de l’indifférence face à la détresse qu’il provoque.
Très peu métaphorique à propension hautement pédagogique pour ne pas dire didactique « Pauvre petit frère » est un état des lieux lucide de l’humanité à l’échelle planétaire ou régionale.
Fateh Bourboune.