« La réglisse de mon enfance » de Djamila Abdelli-Labiod : Un livre authentique

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C’était au mois d'octobre de l'année mille-neuf-cent-soixante-quinze, la saison fanée, tissait son giron d’un camaïeu or, rouge-orangé pour séduire...

Je viens d’ achever la lecture du premier ouvrage de Djamila Abdelli Labiod : « La réglisse de mon enfance ». C ‘est un livre authentique. C ‘est un livre écrit avec justesse et pondération, et nous percevons la profondeur des événement, le gouffre qui parfois s’ ouvre sous nos yeux, tant la délicatesse de la narratrice tend à nous en protéger…

La réglisse a, dans le fond et la forme, beaucoup à dire, à révéler, bien plus que les cris ou hurlements ne sauraient mieux exprimer… et la douceur omniprésente en chaque phrase voile à peine la réalité complexe, tragique des événement.

Depuis quelques années, j’ ai compris que les livres qui m’ appellent sont très généralement des biographies, des autobiographies…je n’ apprécie plus les poètes qui font métier des mots et de leur musique… on ne badine pas avec les mots, et je méprise les hommes qui se veulent poètes .

Djamùila Labiod est avant tout Djamila, une femme avec de grands yeux, elle a le regard clair, et sa plume est limpide, naturelle. Djamila écrit avec ses yeux de onze ans… le temps s’ est pour elle arrêté semble t il, à cet instant de sa vie… du moins a t il été suspendu… dans un vol d’ enfance.

Ce qui nous est nié ou restreint de notre enfance croît alors par un improbable chemin de vie, intérieur et muet… et lorsque vient le jour du « dit », le verbe est puissant.

Nul besoin d’ art formel pour étayer le discours du cœur, la peur des sites françur joies et leurs peines, leurs rires qui s’ envolent… et pourtant, le phrasé de Djamila est celui d’ une majestueuse Mezzo Soprano ; il a son timbre particulier, sa tessiture unique et une amplitude infinie… Où va Djamila notre cœur se porte.

Cheminer en réglisse est simple comme bonjour, agréable comme une promenade champêtre et familiale, goûteux comme seule l’ eau vive ; mais les grands moments de la vie des humbles sont d’ une autre nature que les petites éternités de la vie des grands de ce monde…

Je suis, moi, resté sous la table de la cuisine aux côtés de Djamila, quand le désespoir et la peur emplissait la maisonnée…. je suis resté aux côtés de sa mère évanouie, ne sachant ce qu’ il allait advenir entre l’ effroi et la perte.

Quand Djamila étais assise sur son banc d’ école, j’ étais à ses côtés, car on ne saurais fuir une telle identité.

Quand Dajamila accueillait la réussite, mes bras s’ ouvraient pour recevoir ses fleurs !

Quand Djamila sombrait dans le désespoir de ne plus être autorisée à étudier, ce sont mes entrailles qui se contractaient… et quand elle attendait seule et abandonnée sur le chemin de ses quinze ans, c’ est en moi que sa féminité souffrait.

L’ écriture de Djamila possède cette particularité de susciter la compassion, l’ altruisme, sans pour autant demander ni inviter.

Cette écriture est celle des humbles, comme on pourrait dire des Saints anonymes… ceux qui ne prétendent à rien que d’ être, avant de faire, et parfois même, au lieu de faire. Une bien noble parenté de l’ écriture, qui touche donc plus à la grâce de l’ enfance, à l’ innocence des mots et au verbe créateur…une naturelle bienfaisance dont tous les auteurs ne son pas dotés…

Le chant de Djamila est d’ avant de naître… j’ affectionne cette vision des choses qui prête plus à la bénédiction qu’ a l’ apprentissage la nature et la profondeur des mots . Mais sa pensée est d’ au delà du vivre… car pour penser avec autant de discernement, autant de conscience et d’ intuition, il faut bien reconnaître que les fées se sont penchées sur le berceau de Djamila… et l’ une d’ elle a dû y perdre sa baguette magique !

Cette écriture ne joue pas, ne trompe pas, ne théâtralise pas… mais bien plus, elle ne dramatise ni n’ idéalise, ce qui pourtant pourrait se concevoir…

Lorsque le drame est là, il se suffit à lui-même… et quand l’ amour est là, il se suffit à son devenir…

Djamila écrit en confiance, et nous lecteurs, ressentons cette confiance, nous la faisons nôtre.

L’ intime est partout présent néanmoins nulle part ostentatoire… il est suggéré, effleuré… mais ainsi que ne saurait le dire son auteur, jamais caressé.

Djamila Labiod pense t on , écrit comme une femme ? Non, elle écrit à mon sens comme une dame.. ce qui élève la parole d’ une femme au secret de son intime, sans éprouver jamais le besoin de le dévoiler.

Les passions nous invitent à de somptueuses écritures, lesquelles néanmoins souffrent fréquemment du poids pesant de leurs lourds fardeaux …. Mais en « réglisse », nous sommes bien plus légers que l’ air ; tranquilles et sereins, aériens !

Je ne suis pas certain que simplement l’ idée d’ un résultat ait jamais germé dans l’ esprit de Djamila, la pensée d’ un but absolu… non, aucunement…

Écrire ainsi, c’ est simplement coucher sur le papier les temps de la vie, libres ou complexes, jamais trop libres et toujours trop complexes…comme on parle aux oiseaux, comme François parlait à son loup, Mowgli à son ours et la petite sirène aux poissons…. mais qu’ ont ils trouvé, ces jardinier de la vie, autre que l’ amitié, l’ amour, la vie ?

Si la plume de Djamila fut apprécié et plébiscité par tous, cela tient à l’ humilité première de la personne, et donc de son écriture ; et cette qualité essentielle et innée ouvre toute les portes, y compris celles du paradis.

Nous pouvons alors, dans un tel véhicule, entendre, quelle que soit notre appartenance nationale ou sociale, les tristes réalités de l’ histoire, ébauchées, mais si claires ainsi décrites…

Nous pouvons alors, dans un tel flow d’ innocence réelle, entrer en compassion pour notre prochain, ainsi que notre propre histoire ne nous l’ a jamais ou si rarement permis … car le mensonge et l’ oubli ne servent jamais les grandes causes.

Nous pouvons accueillir, et l’ être, et la double appartenance de l’ auteur, Franco Algérienne…

Nous pouvons reconnaître l’ entière légitimité des familles algériennes, dans leurs quotidien injuste de souffrances indicibles…

Nous pouvons réapprendre à vivre nos voisins d’ en face, qui ne sont autres que par la lumière qui nous manqua tant…

Nous pouvons aussi demander secrètement pardon ; et si cela porte quelque écho, autant qu’ il soit intime mais profond…

Nous pouvons alors apprécier le temps perdu qui aurait tant servi la cause des femmes et celle fondamentale de l’ enfance, ici comme là bas, nous dire que sous notre propre voile se cache une insondable bêtise, et qu’ il est grand temps de prendre soin de ce qui doit l’ être.

La réglisse nous offre une seconde fois la possibilité de rentrer en classe, s’ asseoir aux côtés des petits enfants, le soi-même d’antan, et penser que le camarade voisin n’ est jamais en rien inférieur ni intrinsèquement méprisable… savoir pourtant que cela à été leur pain quotidien, une bien amère communion !

Djamila était heureuse , très heureuse de fréquenter l’ école de la république, et ses mots ne sont aucunement ceux du reproche ou du regret, mais tant de lumière dans les yeux d’ une enfant, tant de désintéressement même sur ses droits essentiels me laissent coât.

Djamila fut de toute évidence une enfant, une jeune fille exemplaire, et son âme est claire, c’ est pourquoi, tout ce qui n’ est pas dit , as revendiqué ni appelé, me vient résonner en moi après cette lecture…

Il reste que le chemin personnel de Djamila fut complexe, et à plusieurs titres douloureux, du moins inquiétant.

Porter une identité double et ne figurant pas sur sa propre carte nationale est difficile à vivre.. c’ est plus qu’ une blessure, c’ est une négation de la personne… Je dirais sans pouvoir comparer les histoires, que les alsaciens de France portent en eux cette même blessure, et leur vie se construit de puis plus de deux siècles sur cette non reconnaissance.

On ne peut que constater que les peuples au service d’ une nation , ayant payé entre autre un lourd tribu en terme de victimes, sont toujours niés dans leur réalité mixte.

Pour revenir à des sujets plus quotidien, je dirais ; Que me reste il de cette réglisse… ? Il me reste chaque souvenir égrainé au fil des pages d’ un temps quoi nous fut commun dans cette école, cette vie d’ écoliers (ères) néanmoins superbe des années 50-60 ; Je garde en mémoire les friandises que nous avons tous convoité, goûté ou dévoré, la saveur d’ une époque douce et heureuse ou l’ enfance était respectée et accompagnée vers la liberté et l’ accomplissement de soi-même.

Et je me dit que cette école , à travers toutes se difficultés avait su contribuer, en partie à la formation d’ enseignants comme Djamila. Ce n’ est pas seulement l’ école d’ hier, elle fût et reste encore pour de nombreux parents l’ école d’ aujourd’ hui, car ses principes essentiels sont défendus par beaucoup, et mis en pratique dans des écoles actuelle fort prisées, aux résultats sans égal. Je pense, bien que les entendement différents doivent être acceptés, que cette école d’ hier sera celle de demain, dans le fond et la forme… et je dirais, hors cela point de salut !

Le livre de Djamila Abdelli Labiod est un humble témoignage de la vie d’ une jeune enfant, puis d’ une adolescence dans la tourmente, mais aussi dans le contentement…et la réalisation.

Sa tourmente était celle incontournable d’ une époque et de l’ histoire…

Son contentement fut celui de l’ espérance chevillée au corps, et sa réalisation le fruit d’ un Vouloir, de l’ amour indéfectible pour les savoirs et l’ instruction scolaire.

La réglisse suave et prégnante de Djamila s’ appelle « éducation ».

Christian Guignard 20-03-2016.

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