L’Algérie mise à nu au Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient

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C’est un film courageux, tragique et lumineux, à l’image de sa réalisatrice, née à Alger, en 1964, et réfugiée politique en France depuis 2000. En janvier 2010 – cinq ans avant l’attentat contre Charlie Hebdo – Rayhana a été attaquée dans le même XIe arrondissement de Paris, très probablement par des islamistes en colère contre sa pièce. Alors qu’elle se rendait à pied à la Maison des Métallos où l’artiste présentait À mon âge je me cache encore pour fumer  – qui, à l’époque, n’était qu’une pièce de théâtre – deux hommes ont aspergé son visage d’essence avant d’écraser une braise de cigarette sur sa tête. Par miracle, elle n’a pas pris feu et pu fuir…

« À mon âge je me cache encore pour fumer »

Aujourd’hui, Rayhana raconte cette histoire de femmes dans un hammam à Alger dans son premier long métrage, tourné à Salonique, par crainte de représailles, mais avec une force et une franchise inouïe. À mon âge je me cache encore pour fumer nous plonge dans les traumatismes des femmes dans l’Algérie des années 1990, après la victoire du Front islamique du salut (FIS) aux élections…

Fatima est la patronne du hammam. Pendant que la terreur court la rue, elle transforme l’intérieur de son bain de vapeur en un refuge pour les femmes. Ici, la vie et la parole fourmillent : toutes les générations et classes sociales se rencontrent, échangent sur leurs réalités souvent tristes, mais confient aussi leurs rêves et leurs fantasmes érotiques.

Les corps des femmes rythment le récit

Samia est l’Antigone de cette histoire. A 29 ans, pas encore mariée, elle ose encore à rêver d’un marie émigré doté de lunettes pour regarder avec lui la mer et l’horizon. Pendant qu’elle masse les corps des autres, elle croit encore à la possibilité de créer son propre paradis sur terre.

Dans une esthétique charnelle, imprégnée de la couleur de la chair, les corps des femmes investissent l’écran, rythment le récit. Protégées par les murs du hammam, elles se lavent aussi des humiliations subies : la nuit de noces à 11 ans, les violences quotidiennes, la peur d’être traité de  « pute » ou aspergé de l’acide pour une cigarette fumée, une robe portée ou un voile refusé.

Le voile et la violence

Les yeux dans les yeux, on partage le destin des femmes sous le joug des machistes et fondamentalistes. La caméra regarde franchement, ne tremble pas. Sans fausse pruderie, elle touche les corps, les cœurs et les âmes. Aïcha, Keltoum, Zahia et les autres viennent ici pour respirer, se faire malaxer et, parfois, on y chante et danse, pousse des youyous, par exemple, quand Nadia brandit avec fierté le certificat de son divorce et fête sa liberté retrouvée. Elles s’y disputent aussi, comme sur le port du voile, même si Fatima met les choses au clair : « Pour les hommes, il n’y a aucune différence entre vous deux : Toi, une bâchée. Toi une décapotable. Bonnes à baiser toutes les deux. »

Dans cet univers de corps nus merveilleusement mis en scène surgit la face cachée de la violence faite aux femmes. À l’intérieur du hammam, les fêlures et les faiblesses, les blessures et les bleus prennent corps pendant les bourreaux rodent devant la porte.

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