ad feminam ; un regard post shakespearien de Yano Las

Dès la première page, que dis-je dès les premiers mots, on est emporté dans le tourbillon des mots, des sens, des genres, des formes, des espaces et des temps.

On est emporté dans une intimité pudique qui se voile et se dévoile dans des transparences  avec des jeux d’ombres et lumières, des gris sans couleurs, des spleens, des échos et des silences qui mugissent une blessure caverneuse.

Un essai d’exorcisme qui nous emporte dans des possessions shakespeariennes, ce père, ce spectre absent dont on parle pas qui vous hante, vous possède et vous dépossède .

NON! May n’est pas schizophrène, elle est juste possédée ! Ce n’est plus elle qui s’écrit, c’est une autre qui l’écrit.

On assiste à une séance d’auto- psychanalyse à la recherche de sens dans des symboles enfouis, des délires de culpabilités, un viol incestueux. Elle se parle beaucoup pour ne pas se dire. On a affaire à une May qui se divise en deux et ensuite en plusieurs avec le même visage et le même nom. Elle s’invente un univers parallèle, un vide qu’elle veut combler par des esprits, des mots et des symphonies ou le temps et l’espace s’enroulent comme un ruban de Möbius.

Ce n’est plus Mey qui est née d’un père inconnu, mais l’humain qui est né d’un dieu inconnu.  Elle pensait le connaitre ce dieu, mais finalement ce n’est pas lui. Et comme l’humain qui doute de l’existence d’un dieu d’amour, elle se sent violée, perdue, dépossédé de ce qui fait elle ; sa création, son amour son destin ! Tous ses repères et ses croyances s’effondrent dans les abimes sans fond. Tous les autres ont des pères et des dieux mais Mey NON … elle est sans origine, sans source et sans embouchure.

Comme Hamlet, Elle va crier à l’univers sa rage …  mais contrairement à Hamlet  et sa douleur, le père de Mey n’a pas été assassiné, C’était un autre qu’elle n’a jamais vu … qui lui était interdit par un péché de vivre ensemble. Un dieu qui vous crée et qui vous abandonne dans un univers qui devient dépeuplé sans cet amour divin.

Pour Mey, Dieu n’est pas mort. Dieu existe bien de part sa création, il est vivant mais c’est un inconnu. Son absence devient notre angoisse obsessionnelle et mortifère !

La maman toujours présente ne pouvait prendre la place du père; ce complexe œdipien était insensé pour la femme qu’était Mey qui, dans un tic, s’arrachait les cheveux dans l’angoisse de la mort de sa mère.

Après la douleur de la perte de sa mère, vient le plus grand des supplices ; le choc, L’outrage et la rage  ! Quand son père lui avoue qu’il n’était pas son père. Le jour ou on l’a marie sans sa volonté ..le ciel tombe … et elle implore sourat el ikhlas …

”Dis : « C’est Lui, Dieu l’Unique, Dieu le Suprême Refuge, qui n’a jamais engendré et qui n’a pas été engendré, et que nul n’est en mesure d’égaler !» ”.

Elle recherchait alors dans Dieu le père l’ultime père ; celui de l’humanité qui seul pouvait la réconcilier avec elle même !

Sans cet amour, la vie est monotone, sans gout, sans passions et sans caresses. La chimie moléculaire lui procura cette déviation. Seul l’oubli et l’amnésie pouvait enlever cette douleur. Mais la mémoire est toujours là prête à rejaillir et à l’emporter … encore et toujours dans son torrent … son gouffre, sa mélancolie …

Elle va partir dans le monde pour oublier et pour voir les humains et toujours elle rechercha dans leur yeux ce regard paternel. Sa vie sera une quête pour cet homme ; cet amour paternel, de celui qui vous engendre, vous renait à vous même dans le plus grand des amours ; l’amour divin qui descend sur terre !

Mey n’aimait pas dormir dans la nuit, elle aimait vivre dans le jour. Entre solitude, délire et décrépitude, l’entropie la gagne mais la vie doit continuer et sa passion se calme dans l’habitude des jours et du temps qui passe.

Mey est la version féminine de Hamlet qui part à la recherche de son mystère mais sans commettre de crime ou de suicide. Une âme sensible et sensuelle qui part à la quête de soi dans une passion démesurée qui rappelle à l’humain le miracle de la vie, l’angoisse du néant mais surtout la quête de l’autre ; regard, caresse et amour divin . Un amour infini qui donne, qui partage et qui passionne ! Un amour dans le regard de l’autre … qui lui rappelle Dieu !

Jamouli Ouzidane

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