Fatiha Benmoumene : sensualité, beauté et volupté de la danse orientale

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Entretien de Fatiha Benmoumene par Jamouli Ouzidane

1- Fatiha, peux tu te présenter un peu au public algérien; ton parcours humain et artistique

Le chapitre de mon parcours est sûrement un peu trop long… mais je te promets que ça ne sera pas le cas pour chaque réponse. Je suis d’origine algérienne, née en France en 1956, mère de 3 enfants vivant en France après avoir vécu quelques années en Algérie, au Maroc.


Comment ma vie artistique et professionnelle a commencé ;

Un jour, une de mes sœurs crée une association qui avait pour objet «échanges de savoirs interculturels» afin de facilité l’échange, entre les habitants du quartier du Sillon de Bretagne à ST.Herblain et mieux se connaitre et surtout d’anéantir les clichés de part et d’autres.

A la demande des femmes du quartier, le bureau de l’asso (Amal) qui veut espoir en arabe, décide de mettre en place des cours de danse orientale. Me connaissant, me voyant danser au moindre son de musique arabe et connaissant mon amour pour la danse, ma sœur me propose d’encadrer le cours de danse orientale au sein de l’asso.

De mon coté, l’idée de danser me plaisait mais de donner des cours m’inquiétait car je n’avais jamais eu de modèle de professeurs ni de cours de danse. je n’ai, en effet, jamais, de toute ma vie, prie un seul cours de danse je ne savais donc pas comment on donnait un cours de danse. alors, j’ai refusé de dispenser les cours. Mais voyant ma sœur dans l’embarras, car elle avait garanti aux adhérentes qu’elle avait dans sa famille une personne pour encadrer le cours, je me suis trouvée dans l’obligation d’accepter son offre.

J’avais la conscience tranquille car j’acceptai qu’à la seule condition que je le fasse bénévolement et que j’acceptais en attendant qu’elle trouve une «vraie» professeur. Le premier jours, je me suis présenté sans rien préparer, j’ai juste emporté 2 ou 3 CD, je voulais d’abord voir ce que pouvait faire de se retrouver devant un groupe de femmes qui attendent de vous un enseignement que je n’avait jamais pratiqué. Danser est une chose, mais transmettre la danse en est une toute autre. J’ai, alors improvisé et ce premier contacte a été pour moi un révélation, une forte conviction de transmettre cet art m’a envahie et c’était un immense bonheur. Cet un fait qu’en terme d’enseignante, mon premier «cours» n’était pas vraiment réussi «techniquement», je me découvrais et quelques mal adresses ont été commises.

Seulement une chose magique s’est produite, les stagiaires ont eu dès notre toute première rencontre une réelle confiance en moi et ont adhéré à mon ma démarche de leur transmettre une authentique danse venue du monde arabe et qui m’habitait au plus profond de mon être et envers laquelle j’étais sincère. Le plaisir était partagé. Au bout de quelques semaines, on avait enfin trouver une «pro». J’ai donc cédé la place. Il s’est produit une chose qui m’a beaucoup touchée, les adhérentes ont cessé au bout de quelques cours, d’assister aux cours avec la nouvelle «vraie» professeur, tant que je ne revenais pas.

Ce n’était, certes, pas très sympa pour la nouvelle, mais les filles ont préféré continuer avec moi, elle trouvaient que ma façon de travailler leur était plus agréable, que je détaillais les mouvements, et que j’arrivai à leur donner confiance en elle sans pour autant leur faire croire qu’elles étaient des «bombes» (je reprends leurs termes) mais que j’arrivais à les convaincre que, comme elles étaient chacune, aussi différentes les unes des autres, était unique dans leur genre et qu’elles étaient toutes différemment belles, et que j’avais réussi à les faire danser sans complexes. Très émue, je me suis encore une fois sentie obligée de continuer. J’avais donc décidé de me convertir en professeur de danse.

Tout d’abord, pour transmettre la danse orientale professionnellement, j’ai du étudier ma façon de danser, décortiquer tous les mouvements que je faisais naturellement et «instinctivement».

Jusque là, je dansais sans réfléchir, mais dès lors que j’étais devenue un professeur, je m’efforçais à «intellectualiser» cette danse qui faisait partie de mon patrimoine culturel, et mon «corps esprit» est devenu l’acteur principal et est entré en scène, la scène de l’intellectuel. J’ai du aussi, revisiter mes tréfonds pour exprimer avec des mots, le plus naturellement et clairement possible, ce que mon âme exprimait.

J’ai procédé aussi en scrutant les plus infimes recoins de la mémoire de mon corps. Et à chaque cours que je donnais, j’étais toute ouïe, je regardais toutes ces femmes beaucoup d’attention pour arriver à les comprendre, elles qui se ‘livraient» à moi afin que je leur donne ce qu’elle étaient venues chercher et apprendre.

J’étais très attentives à leurs remarques et leurs questions. Et chaque fin de cours je leur demandais de me faire part de leur ressenti et de mon coté, je prenais le temps de leur parler, sur les grandes lignes, la conception de la femme arabe, comment elle est considérée dans la société, dans la famille, dans le couple etc… pour leur expliquer plus clairement ma «démagogie» et mon «enseignement».

Je leur demandais surtout de me dire franchement, comment elle me percevaient et de me faire des remarques, aussi bien es bonnes que des mauvaises. Et nous échangions des discutions très intéressantes et instructives pour moi. j’ai acquis avec elles des connaissances précieuses de professeur de danse.

Ce sont, finalement toutes ces stagiaires qui m’ont appris à «enseigner» la danse. Je mets le mot «enseigner» entre guillemets car cette danse se transmet avec son histoire, et les ressentis des femmes arabes elle ne s’enseigne pas comme une danse technique seulement.

C’est une danse qui est née du comportement des femmes arabes, elle est vécue instinctivement, on ne l’a pas apprise. Je suis l’exemple même d’une femme arabe qui danse sans que cette activité lui est été «enseignée» .

L’année qui a suivi, je me suis lancé, j’ai postulé dans différentes structures pour encadrer des cours et très vite, j’ai obtenu des créneaux (un, deux, trois…..) et aujourd’hui je donne des cours du lundi au samedi dans différentes communes des pays de la Loire. Mais, depuis que j’ai professionnalisé ma passion, je me suis rendu compte combien la danse orientale était mal connue, mal interprétée et surtout très mal enseignée.

Ceci est dû à la méconnaissance de cet art millénaire, on en a fait un fantasme, une danse sexy, sans intérêt, légère et sans aucune notion culturelle, artistique ou spirituelle, alors que c’est tout ce qui fait la danse orientale. Cette danse est certes une expression très féminine, mais féminin n’est pas synonyme de sexy!!! tout ce que l’on a retenu de cette danse c’est le style cabaret, une danse lascive est destinée à des ambiances érotiques, on a complètement occulté la racine et le vrai sens des danses arabes.

La sensualité, la beauté et la volupté de la femme sont effectivement mises en avant dans cette expression, mais sans tomber dans la vulgarité, la décadence, le manque de pudeur et respect de soi! Les femmes sont beaucoup plus belles, délicates et élégantes que ce que la danse orientale (style cabaret) offre et exprime. Je suis très en colère, je suis même indignée de constater à quel on a dévalorisé et bafoué, cette danse qui est issue d’une culture et qui exprime la femme orientale.

Détrompez-vous le comportement et l’attitude de la femme orientale est plus digne, beaucoup plus puissant et beau. Je me sens poussée par mon sens du devoir en tant que femme, et femme orientale à corriger l’idée de cette danse dans les esprits.

Aussi, apprendre à écouter les musiques arabes car la danse orientale est intimement liée à la musique; écourter et à comprendre ce que la musique arabe “demande” à la danseuse et comment la danseuse doit lui “répondre” et saisir la subtilité des sons et ses instruments de musique fait partie de l’apprentissage de la danse. découvrir la notion du mouvement, le comprendre, comment “doser” l’énergie pour une gestuelle qu’elle soit lente, énergique, ou aérienne, comment se déplacer et bien d’autres choses…

Mon mot d’ordre est : ‘AUTHENTICITÉ. Je me bat pour rendre à la danse orientale ses lettres de noblesse. Au delà du geste cette danse est emprunte de spiritualité et témoigne à la fois d’une culture et d’acquis artistiques forts porteur d’histoire. une fois dans le «milieu» de la danse, j’ai été frappée par grande déception. Une très désagréable surprise m’attendait.

En effet, colère et tristesse m’ont envahirent lorsque j’ai constaté combien cette danse était mal connue et surtout très mal interprétée et ressentie par une grande majorité des gens.

D’où ma nouvelle démarche : combattre le cliché dévalorisant de la danse orientale, vilainement appelée «danse du ventre». Au début de ma carrière j’étais heureuse et insouciante. Mais j’ai rapidement déchanté, et je me suis senti seule à essayer de rendre à la danse orientale ses lettres de noblesse.

Sans aucune prétention et en toute humilité, je n’ai jamais, à quelques rares exceptions, rencontré des danseuses ou professeurs de danse à la hauteur de cet art. Toutes les professionnelles de cette danse se sont laissé, soit par intérêt ou par méconnaissance de la culture arabe, embarquer par le cliché d’une expression décadente, sexy et légère, aucunement porteuse d’histoire culturelle et du «comportement» de la femme arabe.

Je me suis retrouvée confrontée à un cliché monstrueusement répandu de la danse du ventre aguicheuse, provocatrice et suggestive.

Aujourd’hui, je pense que j’ai atteinds une maturité artistique, de part mon expérience de vie de femme, de mère, et d’artiste, je peux alors me permettre à tirer de mes connaissances un constat et donner des explications et des moyens d’accéder à la danse orientale, en occurrence à l’épanouissement et l’affirmation de la féminité.

2- peux tu nous dresser un peu l’histoire de cette danse et comment elle est venue en occident et en France

La danse orientale que nous connaissons aujourd’hui, est née dans les années 30 au Caire lors de l’ouverture du premier cabaret arabe dirigé par BaBadiaa Masabni, elle a réactualise les ambiance que l’on pouvait trouver dans les palais d’Orient, notamment en Turquie à l’époque de l’empire Othoman.

Je te joints le portrait de Badiaa Masabni : Badiaa Masabni, la marraine de la danse orientale, est née au Liban, qui faisait à ce moment-là partie de la Syrie. Elle s’installa au début du XXème siècle en Egypte où elle a très bien gagné sa vie en tant qu’actrice et danseuse. Quelques années plus tard au Caire – à cette époque le centre de l’industrie du divertissement dans le Moyen-Orient – elle a créé le premier music hall égyptien en 1926. Badiaa a appelé son cabaret l’ «Opéra Casino» mais on l’a également connu sous le nom de Badiaa’s Casino ou de Madame Badia’s Cabaret.

Cette boîte de nuit a offert toute une variété de divertissements, tels que chant, danse, magie, etc. Badiaa l’a conçu d’après le modèle des cabarets européens afin d’attirer tout autant le public du Moyen-Orient et que le public Européen visitant de plus en plus l’Egypte. Son casino a en effet à attiré un public varié provenant du monde entier. Mais il était plus qu’un cabaret ordinaire, il était le lieu de ralliement de tout le beau monde du Caire. Sans compter qu’il a offert des spectacles seulement ouverts aux femmes, permettant ainsi que le divertissement pour les dames musulmanes ne soit plus un privilège.

Les occidentaux ont par la suite, propagé cette danse aux Etats Unis et en Europe. A mon humble avis, je pense que la soif d’exotisme et le fantasme ont fait de cette danse ce que, l’on connaît aujourd’hui à savoir une danse sexy, lascive dénuée de message culturel, artistique et spirituel. Par amour pour la danse, style du Proche Orient, et en toute honnêteté, j’essaye avec mes petits moyens de rendre à cette danse ses lettres de noblesse.

3- quelles sont tes influences et modèles pour cet art tant dans la musique que dans la danse.

Les influences musicales pour cette danse (du moins pour celle que je pratique) sont les musiques classiques et traditionnelles du Proche Orient, les modèles sont Samia Gamal, Tahia Carioca et Naïma Akef, qui certes, représentaient un style cabaret (qui est d’ailleurs un style à part entière et notable), car elles étaient de vraies danseuses, douées de beaucoup de talent. Parmi les danseuses nouvelles génération, je déplore la légèreté avec laquelle (pour certaines) elles se proclament danseuses orientale.
Alors que, même si cette danse est donnée à toutes les femmes, elle demande du travail, de l’entraînement et surtout une connaissance de la place et la notion de féminité en Orient et connaître les codes du comportement de la femme arabe dans la société arabe et dans les esprits.

4- comment t’est venu cette idée de faire une école de danse et comment cela se passe

L’idée de mettre en place des cours de danse orientale m’a été en quelque sorte « imposée » (voir « mon parcours professionnel ») et en voyant combien cette danse a été victime de clichés dévalorisant et constatant la méconnaissance de la culture arabe, j’ai décidé de monter une association artistique et culturelle, au sein de laquelle sont mis en place des cours de danse, de chant arabe et de langue arabe dialectale et littéraire. Ponctuellement, nous organisons des spectacles et soirées discussion et débat sur un thème précis concernant la culture du monde arabe.

Cela se passe relativement bien, notre public est satisfait de nos prestations et en sorte surpris (agréablement) et ému par la découverte et la grandeur de la culture de cette partie du monde criblée de clichés…

5- que rapporte vraiment cette danse à la femme en général et a la femme algérienne en particulier.

La danse orientale apporte à toutes les femmes origines confondues ( culturelle, sociale et intellectuelle), un bien être et une certaine affirmation de leur féminité, spirituellement elle leur donne une notion de grandeur, artistiquement, elle les incite à découvrir et à vibrer aux sons des différents instruments de musique(car on est pas sans savoir que la danse orientale est intimement liée à la musique), physiquement elle tonifie le corps, l’assoupli et lui donne une certaine prestance. Toutes les femmes du monde ont les même attentes quant à s’épanouir et prendre conscience de leur rôle dans la vie…

6- qu’est ce qui te différentie par rapport aux autres écoles et qui fait ta valeur rajoutée

Ce qui me différencie des autres écoles de danse, c’est que je ne vise pas un public suffisant ( et oui! ça peut paraître prétentieux, mais je l’assume) je ne fais pas du commercial, et je ne suis pas tomber dans les clichés (sexy et provocant) ma devise est l’authenticité, je pratique la danse arabe de « madame tout le monde » en y rajoutant un zeste d’artistique selon mon inspiration.

Dans mes chorégraphies, je mets en valeur la douceur, la beauté et la dignité de la femme. je ne place pas la représentation de la femme dans le sexy. Mes danseuses, ne sont jamais découvertes on ne verra jamais un nombril ou des seins débordant des soutien gorges… je en suis pas adepte des costumes 2 pièces. La danse orientale, n’est pas le swing du nombril…

7- quelles sont tes perspectives futurs pour cet art

Mes projets ?… Je rêverai dêtre la chorégraphe de troupes de danseuse et danseurs professionnels localisées en Algérie, aussi de contribuer à des spectacles dans mon pays d’origine. J’ai envie de m’exprimer devant un public averti, connaisseur et sensible à la culture du monde arabe.

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