Lettre a Mr. Mourad Boukhelifa déçu de la décadence sociale de l’Algérie

« L’humanité s’est déshabillée devant mes yeux et j’ai ainsi pu voir sa monstrueuse nudité », Musset

Cher Mourad, j’ai eu l’occasion de voir l’énergie démente que tu as mise dans les élections algériennes de 2014. On sait depuis comment cette élection a été une gigantesque mise en scène où des politiciens, des médiatiques et des activistes ont joué un rôle de marionnettes des Muppets shows pour nous faire sortir les Kermit et Peggy indétrônables. Où sont passés les Baraket, les indignations des médias francophiles, et tous ceux qui ont peuplé nos écrans avec des discours de liberté, prospérité et niaiseries de foutaises ?

J’ai aussi suivi ton parcours de frustration pendant ces années de voir cette Algérie, ton amante maudite, sombrer dans une tragédie kafkaïenne alors que le monde avance dans la modernité, la liberté et la prospérité.

La situation en Algérien reflète bien la société algérienne et sa décadence sociale : économique, politique, intellectuelle, médiatique, éducative, culturelle… alors, pourquoi en être étonné, frustré ou triste ?

Tu me rappelles Cheikh Abdou qui raconte sa répulsion de l’ignorance chez les musulmans à son maître le Cheikh Derwich :

« Je lui confessais mon dégoût pour le monde, mon horreur de me trouver dans la compagnie des hommes, mon chagrin chaque fois que je constate combien ils s’éloignaient de la vérité… ».

Cheikh Abdou se réfugia dans la mystique des soufis pour se retrouver dans un monde imaginaire où il conversait avec les morts. Tout le mouvement existentialiste de Dostoïevski est une réflexion devant l’horreur des guerres, des dictatures, et des injustices. L’apparition du Mal les choque, car ils ont été bercés dans l’idéal humaniste !

Marx souffrait énormément de voir l’idée en retard ou en dehors de la réalité en disant : « Il ne suffit pas d’expliquer le monde, il faut le changer. ». Marx donne la primauté de l’action sur la pensée, mais pour que l’action puisse transformer le monde, il faut qu’elle soit débarrassée de ses mythes. Notre peuple est possédé par ses mythes, ses croyances, ses coutumes finalement par son passé de colonisés, de vaincus, de soumis ! Il a mis 132 ans pour venir à bout de la colonisation pour finalement rentrer dans une autre colonisation plus vicieuse et pernicieuse: la dépendance à la consommation des idées et des produits extérieurs : laïcité et islamisme, car incapable de produire des idées de son propre génie local !

La liberté dont tu rêves en Algérie comme un fruit n’est pas encore mure. Elle n’est pas au rendez-vous, car les Algériens n’ont pas encore eu des générations de pensées et de penseurs capables de saisir le sens de l’histoire et du destin historique de leurs nations au début de ce nouveau millénaire. On a que des débats de pitres : des islamistes en face des laïques où ni l’un ne représente l’humanisme de l’Islam et ni l’autre ne représente la modernité dans toute sa puissance technologique qu’on admire tant chez ces sociétés de savoir-faire qui nous inondent de leurs gadgets de consommation. Nous n’avons pas besoin de savoir-dire francophile qui nous « honore » de prix littéraires à la con juste pour pisser sur soi, son identité, sa foi, son histoire, et ses rêves d’une Algérie authentique ! Un rêve que tu portes dans ton cœur, comme beaucoup d’Algériens, mais que l’ignorance bestiale illuminée n’a pas permis. La laideur déteste à ce point la beauté ! Elle veut pavané toute seule devant les néons.

On a raté les deux siècles passés de révolutions politiques et industrielles dans le monde. Nous avons été colonisés plus d’un siècle et nous sommes restés toujours dans un sous-développement chronique depuis un demi-siècle avec en prime une décennie noire. Que se passe-t-il à ce peuple et ces générations successives de la honte ? Est-il à ce point congénitalement incapable de se libérer des autres et surtout de lui même pour rentrer enfin dans la modernité ?

Nous avions aussi une histoire infinie de colonisations sous des formes diverses. L’Algérie semble ne jamais avoir été libre même quand elle a été indépendante ! L’algérien a toujours été soumis et incapable de prendre son destin local en main. Il préfère la fonction d’esclave à celle de maitre, car la vraie liberté exige un combat de survie perpétuel contre des prédateurs perpétuels.

L’algérien n’a pas l’âme guerrière ; quand il fait un combat, il ne le finit jamais. La guerre d’Algérie n’a jamais été finie. Elle s’est arrêtée dans une indépendance confisquée. Le printemps algérien s’est arrêté dans un bain de sang non pas contre l’étranger, mais contre nous -autres. L’algérien est fatigué, il veut juste survivre sous la douceur d’un maitre compassionnel qui lui promet une sécurité sans paix et une survie sans réelle prospérité.

Et pourtant, nous avions tout pour réussir ; une indépendance, une démographie de jeunes potentiels, des ressources naturelles inimaginables quand d’autres pays sous-développés moins nantis ont réussi leur développement et miracle sud-asiatique ! Il nous manquait des grands hommes d’états, et non de pouvoir, capables d’emmener leurs peuples au firmament de leur destin. Ils nous manquaient des Gandi, des Mandella, et des Churchill et non pas des pitres de pouvoir comme cette classe politique si pathétique !

Que proposent nos intellos médiatiques, politiques ou universitaires devant la mondialisation qui veut réunir les hommes par la fusion, l’annexion et la disparition de l’individu sous le joug d’un modèle artificiel : le marché ?

Les ébullitions politiques de l’histoire sont dues à la propagation d’idéologies et non pas à la réalisation de pures pensées. L’école du droit de la nature et des gens est à la base des trois grandes révolutions ; anglaise en 1698, Américaine en 1774, et Française en 1789. Les idées politiques reflètent le degré de floraison cérébrale (intellectuelle et morale) des sociétés. Les classes dirigeantes échafaudent leur souveraineté sur l’accord présumé de la volonté populaire. L’histoire de l’humanité est celle des relations entre un individu désirant la liberté et un état exigeant une aliénation de l’individu.

Comment un homme si intelligent que toi n’a pas encore compris la différence entre l’idéal humain ou humaniste et la réalité monstrueuse? Comment n’as-tu pas encore compris qu’on ne peut changer la nature humaine, qu’elle est égoïste dans ses gènes depuis l’apparition de l’humain ?

Il y’a juste une loi universelle darwinienne de survie et les masses survivent avec le plus fort. Ils préfèrent la servitude qui leur assure la sécurité à la liberté qui les oblige au sacrifice. La jungle est partout entre des prédateurs et des proies. Tout autre idéal qui prêche le BIEN et le Vrai est une « masturbation » de l’esprit excuse moi !

Le pouvoir machiavélique dit : « il vaut mieux être craint qu’être aimé. Il faut terroriser pour garder son règne, sa sécurité et sa prospérité ». Le pouvoir césarien dit : « malheur aux vaincus ». L’histoire a permis une domination de celui qui est capable de s’adapter à la subjugation de son adversaire, sa neutralisation et sa servitude par l’art de la guerre. Notre Civilisation est celle de la soumission par la terreur de la peur et l’attraction du désir.

Jamouli

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