Nous sommes sûrs à 99,9999 % que c’est bien lui : le boson de Higgs. Et même s’il ne s’agissait « que » d’une de ses variantes, la trouvaille est formidable. Explications de Mossadek Talby, enseignant-chercheur au Centre de physique des particules de Marseille et responsable dans ce laboratoire du projet ATLAS pour le LHC (une des deux expériences indépendantes sur la recherche du boson de Higgs).
Le Cern a découvert une particule « compatible » avec le boson. La fin d’une longue quête ?
Cela fait plus de 30 ans que nous, scientifiques, lui courrons après : le boson de Higgs. Cette particule est prédite par le Modèle Standard de la physique des particules, qui décrit le monde de l’infiniment petit et la composition de notre Univers à ses débuts. Ce modèle décrit la matière, ainsi que les lois fondamentales qui la régissent au début de l’Univers, c’est-à-dire environ 10-10 secondes après le Big-bang.
Le boson de Higgs est en fait un sous-produit d’un mécanisme de brisure spontanée de symétrie qui, dans le Modèle Standard, décrit comment les médiateurs de l’interaction électrofaible entre particules de matière acquièrent une masse et comment ces particules de matière deviennent massives à travers leur interaction avec le boson de Higgs. Ce dernier est donc la clef de voûte de la structure fondamentale de la matière.
Les conséquences à court terme
Découvrir le boson de Higgs, c’est tout simplement valider le mécanisme qui décrit comment les particules ont pu acquérir une masse au début de notre Univers. C’est la pièce manquante du puzzle.
Le Modèle Standard a été testé pendant plus de 30 ans, par plusieurs expériences auprès de collisionneurs de particules. Il a prouvé qu’il marchait très bien et a parfaitement confirmé tout ce que nous avons observé et mesuré à ce jour. Il n’a jamais été mis en défaut. Nous avons pu découvrir toutes les particules prédites par le Modèle Standard, sauf le boson de Higgs. Or c’est la pièce maîtresse du Modèle, la particule fondamentale qui signe le fait que le mécanisme par lequel les particules acquièrent une masse est le bon.
C’est donc une étape extrêmement importante que nous venons de franchir. Nous avons découvert une particule qui a toutes les chances d’être le boson de Higgs. Le travail qui reste à faire, c’est de la caractériser : est-elle réellement le boson de Higgs du Modèle Standard (MS) ou est-ce une autre variante prédite par d’autres modèles alternatifs au MS ? De nombreuses données devront être recueillies, après l’arrêt programmé du LHC (Large Hadron Collider, un accélérateur de particules) en 2013 et 2014, pour parvenir à cette caractérisation et déterminer ses propriétés.
Les conséquences à long terme
Cette découverte, qu’il s’agisse du « vrai » boson de Higgs ou d’une variante, va permettre d’ouvrir d’autres voies pour la recherche en physique des particules, à savoir celles d’une nouvelle physique au-delà de celle prédite par le Modèle Standard.
Nous savons en effet que si ce modèle marche très bien, c’est aussi une théorie avec des faiblesses conceptuelles. Pour faire simple, il n’est pas le dernier mot de l’aventure : il montre ses limites à très haute énergie. Comme nous le disons dans notre jargon, le Modèle Standard est une approximation à basse énergie d’une théorie qui reste à découvrir à plus haute énergie.
La découverte du boson de Higgs peut donc être un pont vers cette nouvelle physique qu’on espère découvrir et qui va nous permettre de comprendre encore mieux notre Univers à ses débuts. Pour nous, c’est une étape importante qui vient d’être franchie, je dirais même la première étape d’une longue aventure qui ne fait que commencer.
Nous avons à peine, à travers cette découverte, levé le voile sur un monde que nous allons maintenant explorer. Nous ne sommes qu’au début de l’aventure, partie pour durer un certain nombre d’années.
Propos recueillis par Hélène Decommer.