Le premier atlas 3D d’un cerveau

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Le Blue Brain Project vient de publier le premier « Atlas du cerveau de la souris » entièrement numérisé. Modélisé grâce à un super-ordinateur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse), il permet de parcourir avec une grande facilité des zones du cerveau du rongeur, jusque là inexplorées, et pourrait fournir de précieuses indications sur son fonctionnement chez l’humain.

BigBrain, l’atlas 3D haute résolution du cerveau humain  La collaboration entre des scientifiques allemands et canadiens a abouti à une modélisation en 3D du cerveau humain à la résolution record de 0,02 mm, soit 50 fois mieux que ce que l’on faisait auparavant. Ce projet se nomme BigBrain, le voici en vidéo.

« Notre atlas de cellules ressemble à des cartes dessinées à la main, à des versions numérisées d’images satellite de villes et d’entités géographiques nous permettant de naviguer dans le cerveau de la même manière que Google Earth nous permet de naviguer sur Terre ». Responsable de section au Blue Brain Project, Marc Oliver Gewaltig a le sens de la formule.

L’atlas du cerveau de la souris présenté entièrement en 3D permet effectivement une meilleure navigation au sein de la zone intégrale de la souris. Car, si les neuro-technologies sont en plein boom, seuls 4 % des régions du cerveau de cet animal étaient connus jusqu’à présent. « Une énorme lacune », reconnaît ce spécialiste en neurobiotique dans la revue Frontiers, consacrée aux neurosciences.

Consultable en ligne, le travail de l’équipe d’Henry Makram à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse) permet ainsi de visualiser le cerveau en 737 régions ainsi que de consulter la teneur des cellules qu’elles contiennent. Il distingue également les neurones selon leurs types, une information indispensable pour donner aux chercheurs la possibilité de comprendre la structure ainsi que la fonction des différentes régions du cerveau, mais aussi de les classer afin de mieux les étudier. « C’est un excellent moyen d’enseignement : vous pouvez choisir d’afficher uniquement les régions qui vous intéressent et de les parcourir jusqu’à l’échelle des cellules individuelles, qui sont codées par couleur en fonction du type de morphologie », ajoute Marc-Oliver Gewaltig.

Comparé à Google Earth, le Blue Brain Project affiche les cellules par couleur ©  BBP/EPFL

Un outil collaboratif

L’atlas se veut également « dynamique » en offrant la possibilité aux chercheurs de contribuer et de compléter les données existantes en fonction de leurs découvertes. « Nous pouvons maintenant progresser en collaboration dans la quête de vérité au sujet de ce qui se trouve dans le cerveau de la souris », explique Henry Markram qui encourage ses homologues chercheurs en neurosciences à étoffer son travail.

L’amélioration de la connaissance et de l’analyse du fonctionnement du cerveau de la souris sera ensuite un atout précieux pour continuer à faire de nouvelles découvertes sur le cerveau humain comme le souligne Csaba Erö, principal auteur et créateur de l’atlas : « La connaissance des composants des circuits et leur organisation est également un point de départ essentiel pour la modélisation du cerveau, de même que les données démographiques sont essentielles pour la modélisation d’un pays, par exemple ».

Le Blue Brain Project fait notamment partie du « Human Brain Project », un projet ambitieux dont l’objectif est de simuler entièrement le fonctionnement d’un cerveau humain grâce à un super ordinateur, d’ici 2024 et de développer ainsi de nouvelles thérapies médicales plus efficaces sur les maladies neurologiques. Un projet basé sur 10 ans et estimé à plus d’un milliard d’euros qui suscite forcément autant d’espoir que de controverse.

Pour en savoir plus

En vidéo : BigBrain, l’atlas 3D du cerveau à la résolution inégalée

Article de Janlou Chaput paru le 21 juin 2013

Des chercheurs allemands et canadiens viennent de présenter leur atlas en 3D d’un cerveau humain, à une résolution de 20 µm, soit 50 fois plus précis que ce qui se faisait jusque-là. Ce projet, nommé BigBrain, servira de référence pour les autres neurobiologistes, qui pourront ainsi compléter les données manquantes.

Il aura fallu près de dix ans. Entre la décision d’entamer le projet BigBrain et sa réalisation, le travail aura été fastidieux, mais payant. Des chercheurs allemands, du Centre de recherche de Jülich, en collaboration avec l’université McGill de Montréal (Canada) sont enfin parvenus à modéliser le cerveau humain à une résolution record, comme ils le montrent dans la revue Science.

Pour cela, ils ont dû s’armer de patience, mais surtout d’un cerveau. Une femme décédée à 65 ans et ne présentant aucun signe de démence a fait office de donneuse. Conservé dans la paraffine, l’organe a été découpé très précisément à l’aide d’un outil appelé microtome, permettant d’obtenir 7.404 coupes fines de 0,02 mm, soit l’épaisseur d’un cheveu.

Placées sur des lamelles, chacune de ces coupes a été numérisée en haute définition (13.000 x 11.000 pixels) et un superordinateur s’est chargé de reconstituer l’intégralité du cerveau. Malgré tout environ 1.000 heures (soit l’équivalent de près de 42 jours) de calculs ont été nécessaires pour atteindre l’objectif. Du fait de la fragilité du tissu cérébral, les échantillons étaient un peu déformés, et il a fallu retoucher les images pour corriger les anomalies en se basant sur des résultats d’IRM réalisées avant les opérations de découpage.

Une cartographie du cerveau d’une précision inégalée

Finalement, les scientifiques ont obtenu leur BigBrain dans un fichier qui pèse environ 1 téraoctet (To), une taille que nos ordinateurs personnels sont désormais à-même de supporter. Autrement dit, les neurobiologistes du monde entier pourront désormais travailler avec cet atlas de cerveau 50 fois plus précis que ceux déjà réalisés. D’autant plus que les auteurs comptent le rendre accessible gratuitement, à travers un portail Web baptisé CBrain, et hébergé par Alan Evans, l’un des auteurs travaillant à l’université McGill.

BigBrain fait partie de l'Human Brain Project, visant à mieux comprendre notre cerveau. Il a été réalisé grâce à la découpe de fines tranches (0,02 mm) du cerveau d'une femme de 65 ans, qui ont ensuite été numérisées afin de permettre à un ordinateur de reconstruire une image de l'organe dans son intégralité et en très haute définition. © Amunts et al., Science

Les atlas précédents, d’une résolution trop faible de l’ordre du millimètre, ne permettaient qu’une observation globale (les réseaux de neurones) ou au contraire trop localisée (images très précises de neurones et de leurs connexions). Cette cartographie du cerveau vient combler ce fossé d’échelle. En théorie, il est possible d’atteindre des niveaux de résolution encore inférieurs de l’ordre du micromètre, mais les estimations considèrent qu’il faudrait stocker ces données dans un fichier 21.000 fois plus imposant, ce que ne permettent pas les ordinateurs personnels actuels.

Désormais donc, les plis, les replis et les structures internes du cerveau humain sont révélés à un niveau de détail sans précédent. Tel quel, cela peut servir aux neurobiologistes pour mieux localiser les observations faites par imagerie cérébrale, ou pour positionner plus précisément les électrodes dans le cas d’une stimulation cérébrale profonde, un traitement parfois utilisé contre la maladie de Parkinson ou la dépression.

Comment exploiter le cerveau de BigBrain ?

Mais à terme, cet atlas demande à être complété au fur et à mesure par les découvertes à venir. Par exemple, il pourrait s’agir de superposer l’activité génique des afin de déterminer les mécanismes et fonctions reliant les cellules nerveuses et les neurotransmetteurs.

D’autres projets de cartographie à haute résolution du cerveau humain sont en cours, et pourraient atteindre un degré de précision encore plus important. Pour David Van Essen, de l’université Washington à Saint-Louis (États-Unis) et interrogé par Nature News, l’atlas fourni par BigBrain est seulement équivalent à ce que les meilleurs cartographes de la Terre avaient pu réaliser au XVIIe siècle. Preuve qu’il est possible d’améliorer la technique, bien que l’essentiel y figure déjà.

Pour les auteurs, l’objectif désormais est de recommencer la démarche avec un nouveau cerveau, d’un homme de préférence, de manière à mieux caractériser les différences interindividuelles et liées au sexe. Le but étant d’obtenir, à force de répéter l’expérience, un cerveau humain moyen. Bien qu’il ait fallu plusieurs années pour accomplir ce premier atlas, ils espèrent qu’avec le savoir-faire acquis, ils parviendront au même résultat dans des délais bien plus courts. Un peu comme ce fut le cas lors du projet Génome humain.

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