Dans l’une de ses dernières sorties, le premier ministre, Abdelmalek Sellal, a carrément bombé le torse et déclamé que « nul ne nous dictait notre politique ». A la bonne heure, qui ne voudrait pas le croire?
Malheureusement il est difficile de ne pas sourire en coin, quand on observe l’état de l’économie nationale depuis plus de 20 ans et que l’on tente de trouver une seule initiative propre, en dehors de l’obéissance zélée aux directives de la Banque mondiale et du Fonds monétaire internationale (FMI). A l’exception de ce qui s’est produit en 2008, lorsque les maîtres du monde, eux-mêmes, se sont mis à faire ouvertement du « patriotisme économique » et qu’ils étaient trop paniqués, devant la crise qui s’abattait sur leurs certitudes, pour être trop vigilants sur ce qui se passait dans leur périphérie. Nous savons ce qu’il est advenu, sauf ce principe de partenariat 51/49%, au profit de l’Algérie, qui a été maintenu.
Le recul sur la question a été très discret et l’Etat a recommencé à jurer qu’il ne remettait pas en cause l’économie de marché. Celle-ci qui fait que les Algériens continuent d’attendre, stoïquement, que les capitaux privés, d’ici et d’ailleurs, viennent faire fleurir leur pays. Parce que c’est ainsi que fonctionne le monde, depuis que le capitalisme international développe ses arguments musclés pour soumettre les nations. Sauf celles qui ont décidé de ne pas se laisser faire et d’user de leur « souveraineté territorialisée », pour reprendre Tony Negri, contre « la déterritorialisation universelle » où ce sont les lois du néolibéralisme qui règnent et que presque tous les nationalismes ont troqué leur souverainisme contre «l’ouverture» au marché et l’adhésion au temple OMC et autres espaces commerciaux vestibules. Ce faisant, un module est fourni avec son mode d’emploi, qui ne laisse rien au hasard, même le fonctionnement politique. L’adhésion au « monde » formaté passe, selon les maîtres de la planète, par une condition : l’instauration de régimes démocratiques. Ce qui signifie aussi et d’abord un désengagement immédiat de l’Etat de la sphère économique. Cette condition n’est, bien sûr, pas énoncée dans les discours officiels. Les dictatures, les plus asphyxiantes des libertés, qui y souscrivent sont décorées du label des bons élèves et les démocraties qui la rejettent sont inscrites au registre des «Etats voyous».
Dans cette seconde catégorie figure, par exemple, le Venezuela dont le régime ne déroge pourtant à aucun des principes connus en matière de démocratie. La démocratie comme système de gouvernement serait donc secondaire, si les intérêts stratégiques des puissances occidentales et si la liberté du marché sont contrariés. La condition figure en tête, ailleurs, dans la liste des clauses du FMI, de la BIRD et des «accords d’association pour les zones de libre-échange». Là où l’opinion populaire n’ira pas fouiner. Si tant est que le niveau culturel des multitudes, noyées dans le quotidien de la survie, peut leur permettre de fouiner, de s’informer justement et de juger.
En attendant, les produits chinois sont les malvenus en Occident et les capitaux arabes perdent leur pouvoir d’achat quand ils s’aventurent dans le patrimoine étatsunien. La Banque mondiale, le capitalisme, le néolibéralisme se posent alors comme le vrai pouvoir, appuyé par la puissance armée, comme en Afghanistan, en Irak et en Palestine, si nécessaire. Cela s’appelle la ploutocratie « ploutos » signifiant «richesse» et «kratos» signifiant «pouvoir». «Les intérêts des Etats-Unis sont définis comme l’accès sans entraves aux ressources naturelles, à la main-d’œuvre, et aux marchés des pays tiers» disait Philip Agee, ancien agent de la CIA.