« Mahmoud SOBH à Sidi-Bel-Abbès : après 52 ans, « un » de ses élèves exhume son souvenir. »

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Par Mohamed-Senni Al-M’haji (Ingénieur).

                       ( 1)(فالحُسْن يَظْـهَرُ فِي بَيْتَيْنِ رَوْنَقُهُ    بَيْتٍ مِنَ الشِّعْـرِ أوْ بَيْتٍ مِنَ الشَعَـرِ  (أبو الـعلاء المعري)

« La poésie de Mahmoud Sobh, populaire et animée,<….>,  classique et iconoclaste, chaleureuse et inquiétante dans le même temps, nous perpétue dans une jeunesse éternelle de l’amour, la quête d’identité ; la vie comme aventure et la sincérité sont rebelles et références essentielles. » (Incipit de « Mer Méditerranée ». Mahmoud SOBH. Editions Discreet. Alpedretre. Madrid 2005).

« La poésie est l’ambition d’un discours qui soit chargé de plus de sens, et mêlé de plus de musique, que le langage ordinaire n’en porte et n’en peut porter. » (Paul Valéry).

«  Le vers doit faire le ménage dans la tête des populations. A l’école de la poésie on n’apprend pas, on se bat. » (« Préface » de Léo Ferré.)

 « Le poète se souvient de l’avenir. » (Jean Cocteau).

 

                  Sobh.  Le 4 avril 1965   (Huit mois après  avoir quitté S.B.A.) 

1.Préambule.

La tradition, à travers les travaux des plus grands spécialistes, ayant fait unanimité, a irréversiblement établi que la poésie arabe vient en seconde position après la grammaire, quand on appréhende ces deux matières par leur extraordinaire précision et exceptionnelles richesse et portée.

A en considérer de près quelques aspects marquants, on aurait pu les qualifier de sciences exactes. Si la grammaire a commencé à être prise en charge dès le premier siècle grâce à Aboul Aswad Ed-Dou’ali (أبو الأسود الدؤلي), (né en 606 à Koufa et mort  en 69 de l’Hégire – 693-à Bassorah), la poésie ne fut « codifiée », a posteriori, qu’à la fin du troisième siècle comme nous le verrons un peu plus loin.

Venant toutes les deux de temps immémoriaux, elles ont été exprimées en absence totale de règles préliminaires. Chaque fois que je me suis mis à vouloir cerner cette donne, je me suis  perdu en conjectures et finis par admettre que je suis en présence d’un vrai mystère qui sera sûrement percé lorsque la machine à remonter le temps fera partie de nos mœurs. Et c’est ce qui me fascine.

Est-ce là un exemple unique dans la longue marche du savoir humain ? Si j’inclinais à le croire, et loin de moi l’idée de succomber à un quelconque parti-pris ou épanchement, je m’ abstiendrais de penser qu’une éventuelle unicité de cet exemple constitue un postulat que je soutiens car, pour trancher dans ce sens, il faut être au courant de la genèse de toutes les poésies universelles dont je ne connais que quelques bribes au grand maximum autant dire rien, si j’exclus les poésies arabe, française et, à un degré nettement moindre, espagnole.

Cette évocation étant axée sur la poésie arabe, je me limiterai à elle avec cette pleine conviction  que perfection et certitude totale en sont d’ores et déjà exclues.

Tout ce qui suit ne concernera que la poésie classique à l’exclusion de celles, foisonnantes de nos jours, désignées comme telles et qui sont écrites en prose rythmée ou en « vers » à la rime libre véhiculées par le besoin de facilité, constituant un discutable raccourci vers une non moins discutable « modernité » induits par une dangereuse imitation qui met en péril notre patrimoine ou, à tout le moins, l’altère gravement.

Même si ces « poésies » modernes véhiculent des messages très pertinents à travers une esthétique indiscutable frisant parfois le merveilleux, elles ne peuvent émarger à la rubrique « poésie » celle-ci devant se plier à des règles rigoureusement  strictes. « La poésie fait partie des premiers sujets où « le juste milieu » n’a pas sa place. Ou il y a poésie ou il n’y en a point ! » jugement sans appel par lequel répondait récemment mon Maître dans un entretien. Et quand Léo Ferré, dénonçant les travers en définissant le poète, chantait : « Le vers est libre enfin et la rime en congé  on va pouvoir poétiser … »

 

2.Le Poète qui m’a tout appris.

 

Ce n’est qu’avec l’âge, et après bien des hésitations, que je suis parvenu à me convaincre que l’histoire que je vais narrer, mérite, dans une certaine mesure, d’être portée à la connaissance de ceux qui pourraient s’y intéresser. Elle s’est déroulée entièrement à Sidi-Bel-Abbès.

Sa particularité, pour moi en tous cas, est qu’elle est unique puisqu’en cinquante années, il ne m’a jamais été donné de vivre une pareille ni de rencontrer, à travers mes nombreuses lectures ou discussions, une qui aurait pu lui ressembler ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas eu lieu ailleurs, dans le même esprit, sous une autre forme peut-être, pour d’autres thèmes et que sais-je encore ?

Ce qui va suivre est, avant tout,  un témoignage de gratitude envers un homme qui a spontanément, bénévolement, simplement, efficacement et totalement influencé le cours de mes connaissances. Homme de rare conviction, je l’ai perdu de vue depuis plus d’un demi-siècle et je l’ai vainement recherché, sans interruption, surtout depuis l’été 1977, selon mes modestes moyens.

En désespoir de cause, je finis par me résigner et fus habité par de fortes présomptions qu’il avait dû « disparaître » à cause des distances qu’il ne s’est pas gêné d’observer  vis-à-vis des dirigeants arabes, surtout  ceux impliqués lamentablement dans la guerre de Palestine de 1948 (et il s’agit de ceux d’Égypte, d’Arabie Saoudite, de la Syrie de Chaouki El Kouatli, la Transjordanie du Roi Abdellah 1er, le Liban de Michel Sleïman, l’Irak et le Yemen de l’Imam Ahmed Ben Yahya) qu’il a vilipendés par des poèmes – et j’en cite un ci-dessous, publié en Algérie, – poèmes qui allaient faire beaucoup d’émules au Moyen-Orient d’abord et dans le monde arabe ensuite.

Mais voilà que je viens d’apprendre qu’il est toujours vivant, trônant, à presque 80 ans, au summum universel de ce qu’il a porté avec une force intense en lui : l’extraordinaire richesse de la langue et la poésie arabes auxquelles il a pu, au prix d’un effort inouï, ahurissant, titanesque, soutenu et reconnu, adjoindre toute la poésie hispanique (englobant 21 pays !) – excusez du peu – réussissant une miscibilité unique de deux écoles totalement différentes et qui, très proches par l’Histoire (Espagne – Pays arabes), clament toutes les deux leur amour pour cette matière envoûtante.

C’est lui qui m’y a plongé, guidé, conseillé, outillé et armé pour continuer à voguer seul sur les quinze « mers »بحور الشعر originelles  qui constituent des espèces de moules (mètres) dans lesquels doivent se configurer tous les vers d’un même poème que nous verrons par la suite. Un seizième mètre est venu s’ajouter aux quinze ci-dessus cités et nous ne manquerons pas d’expliquer au lecteur son avènement. (Annexe 1).

 

     3.Les prémices.

 

C’était en décembre 1963. J’étais élève en classe de seconde (actuelle première année secondaire) au Lycée El Djala (Ex-Laperrine, aujourd’hui Azza Abdelkader). La langue arabe constituait, particulièrement à cette époque-là, une des plus grosses difficultés pour mes camarades lycéens au point où l’on répétait au lycée et partout ailleurs en Algérie que « la bête noire des Arabes, c’est l’arabe ».

Après plus de cinquante années, nous ne pouvons plus dire que nous en sommes au même point  puisque « nous » avons assassiné le peu que nous maîtrisions de cette belle langue qui, de  moyen d’expression   qu’elle fut par son rejaillissement sur tout le bassin méditerranéen   et au- delà, a été ravalée au rang d’un lamentable outil   « politicien » par les pouvoirs  démagogiques qui se sont succédé dans  notre chère Patrie et ont, volontairement ou non, dépecé cet acquis  qui a contribué à la richesse universelle.

Ne faisons pas non plus l’erreur de nous illusionner, comme certains, en pensant que le gros de la régression  est à venir puisque nous avons, depuis des décennies déjà, atteint le fond des abysses sans qu’aucun «  responsable » ne tire la sonnette d’alarme. La langue arabe était vouée à partager les heurs et malheurs du Peuple. L’une et l’autre vécurent la même  tragédie, partageant une même mise sous scellés.

Mieux, aujourd’hui nous assistons à un phénomène comme seuls nos « dirigeants » peuvent en être artisans : une seconde mort gratuite, cyniquement planifiée dans les arcanes du « pouvoir », annoncée par les larbins de service, remise entre les mains de bourreaux attitrés et des hérauts dont même le temps n’a pu avoir raison d’eux et qui ont excellé dans les contradictions à travers les médias :  et pour que cette mort  rentre dans la normalité des choses, on a eu recours, pour l’aboutissement de ce machiavélique dessein, à un support sorti droit d’un dépotoir culturel, issu de la faillite, à nulle autre pareille, de l’enseignement dispensé depuis l’Indépendance de notre pays, pour la supplanter définitivement !

Et les chantres d’une Algérie plurielle ont, curieusement perdu leurs voix ! Faillite des faillites, elle fut gratuitement « opposée au français » et le résultat est plus que lamentable : l’arabe ne fut jamais récupérée et le français pour lequel nous avions d’excellentes prédispositions fut sacrifié parce que confié et mis entre les mains d’illustres analphabètes ! Un défunt Président – à l’instar de l’écrasante majorité de ses pairs- la martyrisait au cours de chacune de ses interventions alors qu’en parallèle il était Président du Haut Conseil de la Langue Arabe, la conviction que le ridicule ne tue pas étant passée par là.

Bien qu’une vérité restera toujours une vérité et le bon sens commande de la considérer comme telle, il m’est très douloureux de dire d’emblée que certaines des subtilités de notre langue nous étaient déjà enseignées par la  France en classe de CM(sixième année primaire) par des instituteurs algériens, formés dans des écoles françaises, ces mêmes subtilités, aujourd’hui, totalement inconnues par la nuée de « professeurs universitaires » et je pense surtout à ceux versés dans les Lettres (plutôt sèches que belles).

Je n’évoquerai pas l’excellent niveau de ceux qui ont fait le lycée franco – musulman (tremplin d’où a émergé une bonne partie de l’élite de notre paysage culturel) qu’on appelle « les Méderséens » et que notre pays, quels que soient les efforts «sincères» qu’il pourra déployer, ne réussira plus jamais à atteindre.

A ce niveau, on retrouve l’explication à l’unanimité qui est faite autour de ce triste constat qui veut qu’en Algérie, l’année qui passe est toujours meilleure que celle qui la suit. Et la langue, plus que tout, n’y a pas dérogé.

S’il est amer, ce constat n’émane ni d’un pessimiste ni d’un défaitiste tout entêté qu’il est à croire que le redressement est toujours possible  pour peu que la volonté soit au rendez-vous. Volonté ai-je dit ? Eh oui et ce en dépit de son approche éclectique et à géométrie tant variable que malléable. En attendant cette hypothétique embellie, les maîtres incontestés de cette matière et d’autres évoluent, imperturbables, dans un rejet qui ne dit pas son nom. Ils sont aisément reconnaissables : ce sont ceux qui marchent en rasant les murs et, comme disait Jacques Brel « en s’excusant de n’être pas plus loin. »

Sans être artisan de ma destinée, j’ai eu la chance d’appartenir à une famille rurale conservatrice qui, non seulement a veillé  jalousement à la pratique de cette langue  mais, de plus, n’a jamais hésité à la transmettre à ceux qui voulaient la maîtriser. Des sources reconnues, prouvées et aisément vérifiables ont estimé cet apport étalé sur cinq siècles ! En ce qui me concerne, j’eus un seul maître : mon père et, à travers lui, mon milieu familial.

Tenant une épicerie au centre du douar d’El-Gada (situé à 50 kilomètres au Nord-est de Sidi-Bel-Abbès et au Sud-est d’Oran) où nous habitions, attenante à notre propre maison, c’est lui qui se chargea, selon la méthode traditionnelle, de nous la prodiguer à mon frère aîné, de deux années plus âgé que moi ainsi qu’à moi-même. Lorsque, dans ce douar de  naissance, je pris le chemin de l’école publique française, je lisais et écrivais déjà l’arabe avec en prime trois «ahzeb» أحـزاب (chapitres du Coran qui en compte soixante)  appris par cœur.

Moins de sept ans plus tard, en 1960, je terminais d’apprendre définitivement le Coran. J’étais alors élève en  classe de cinquième au Collège Leclerc puisque, ma mère étant décédée le 1er janvier 1957 à Sig, mon père, remarié à une belabbésienne dont le père tient ses origines de Tessalah, décida de venir s’installer à Sidi-Bel-Abbès en septembre de la même année.

En fin de classe de cinquième, en 1961, il acheva, au bout d’une année, de me commenter la « Alfia » (ألفية)  d’Ibn Malik – grammaire écrite en 1002 vers  que j’avais intégralement apprise en moins de deux mois, l’apprentissage du Coran m’ayant conféré – comme à tous ceux qui le maîtrisaient et ils étaient nombreux – cet avantage qui allait me permettre de continuer toutes mes études avec aisance : un développement  extraordinaire de la mémoire. Et, comme disait  celui que Jacques Berque qualifiait de « philologue et artiste du verbe »  (2), le Tlemcénien Ahmed Al-Makarri (1578 – 1631) : « Nulle confiance en trois : la mer, le Sultan et le temps ». C’est ce dernier qui affectera le premier la mémoire. Ceci pour dire que quels que soient ma volonté et mon modeste talent, ce que je propose risque fort d’être incomplet, l’érosion du temps ayant accompli son implacable besogne.

Le commentaire du Marocain Al-Makoudi sur la Alfia servait de base à mon père mais il préférait l’étayer par le maximum d’exemples puisés du Coran afin d’entrebâiller la porte qui devait me permettre d’accéder à son exégèse et aux sciences qui s’y greffent surtout qu’il avait décidé que je devais terminer  mes études à l’Université d’Al-Azhar, au Caire. Voulant être professeur de mathématiques, mon père ne put réaliser son rêve. Pour mémoire je rappelle à ceux qui s’y intéressent qu’Ibn Malik est né en 600/1203 à Jaén en Andalousie et mort lundi 12 Chaabane 672/21 février 1274 à Damas. Sa Alfia, assez complète, venait après celle écrite par Ibn Mo’ ti le bougiote (né en 564/1168 à Bougie – et décédé au Caire en 628/1230). Au fait qui le connaît ?

J’apporte une précision : pratiquement tous les maîtres coraniques dits « traditionnels », une fois leurs élèves maîtrisant parfaitement le Coran, leur faisaient apprendre d’office les rudiments de la grammaire en s’appuyant sur l’un des résumés suivants : celui écrit en prose par Mohamed Ben Daoud le Sanhadji connu sous le nom de ʽAjroum (672-723/1274-1323) et ce résumé, portant le nom de l’auteur, a été  et reste universellement le plus répandu, et l’autre écrit sous forme de poème – portant le même titre que le précédent – de 254 vers par Yahya Al-‘Amriti (mort en 989).

Les connaissant parfaitement, mon père préféra m’enseigner la « Alfia » d’Ibn Malik, la jugeant, à juste titre, autrement plus complète que les deux « Ajroumia » (أجرومية) réunies ce qu’aucun docte en la matière ne conteste. Il me fit parcourir d’autres corpus sur les verbes, la rhétorique et la grammaire et, plus tard – une fois adulte – j’entrepris seul l’étude du « Livre » (الكتـاب) de Sibaouaïh de Chiraz, mort en 796, chef de file des grammairiens de Koufa. Le « Livre » a connu quatre commentateurs. Suivirent quatre autres commentaires de la « Alfia ». A 13 ans donc, la grammaire allait m’ouvrir d’autres perspectives et ce sujet était devenu alors un thème définitivement clos pour moi.

Juste une anecdote  avant de retourner au thème du  sujet abordé. Il y avait sur le trottoir qui menait de la « Tahtaha », ex – Place Bugeaud, aujourd’hui Émir Abd-El-Kader, à l’unique Mosquée de la ville, un magasin qui vendait des livres en arabe tenu par Si Sekkal.

Je m’y rendis  pour demander le prix du fascicule de la « Alfia » : trois nouveaux francs qui allaient devenir  moins de deux années après trois dinars. Mon père ne put l’acheter. Les temps étaient très durs mais les gens n’en avaient cure et en parlaient si peu, toujours avec dignité.

Je me servis alors de ma planche coranique, héritée de l’un de mes cousins paternels, prénommé Dris, tombé en martyr à la fleur de l’âge, pour y écrire chaque jour, sous la dictée – de tête – de mon père, quarante vers ! Pendant presque quatre années ma passion pour la grammaire ne cessait d’augmenter en attisant ma curiosité par ses sublimes subtilités que je partageais avec des proches chevronnés et je ne me voyais pas aborder une autre matière avec autant d’engouement.

Mais, et ce n’était qu’une impression, d’autres fontaines ne cessaient – apparemment – de me chuchoter « Tu boiras bien de notre eau ? ». Et la première fut celle dont je voudrais parler aujourd’hui : la poésie arabe en tentant de rendre un hommage digne à celui qui me l’a  inculquée tout en essayant d’expliquer son essence et l’essentiel de ses règles.

 

4.Ma rencontre avec Mahmoud Sobh

                                                                                                                                                                         Lors d’une récréation dite « celle de 10 heures » qui durait environ dix à  quinze minutes, des camarades d’une autre classe vinrent me dire que leur professeur d’arabe « le Palestinien Mahmoud Sobh » voulait me voir. La raison ? Lors d’une discussion avec ses élèves, il leur exprima, vu leur niveau très bas, son dépit de constater que l’occupation de notre pays qui, plus que sa spoliation,  a visé une déculturation pure et simple de son peuple.

Un de ses élèves lui fit remarquer qu’il y avait nombre de jeunes qui maîtrisaient honorablement l’arabe pour l’avoir étudiée, qui dans les médersas avant leur fermeture par l’administration coloniale en 1956, qui dans les zaouïas, qui dans leur famille, qui dans les lycées franco-musulmans de Constantine, Alger et Tlemcen et qui pour avoir émargé aux enseignements marocain et tunisien durant la guerre de Libération. Le Professeur lui répondit qu’il veut bien le croire mais il souhaitait en rencontrer au moins un. Et c’est ainsi qu’on lui parla de moi et, sitôt la récréation venue, mes camarades vinrent m’emmener à lui.

Quelques instants après j’étais face à celui que j’allais découvrir comme un authentique Maître.

Mais qu’est-ce qu’un maître ? Je crois que si l’on est né sous une bonne étoile, on en rencontre, au maximum, un au cours d’une vie. Plus tard, je découvrirai qu’il fut et demeurera bien plus que cela. Je l’avais au préalable remarqué et savais qu’il était Palestinien émargeant, par ses origines, à une sympathie innée des Algériens.

Dès le contact établi, il me demanda de lui analyser une phrase. Après l’avoir écouté, je lui demandai aimablement de me proposer autre chose. Il apprécia ma demande. Aussi anodin que fût ce contact et, le recul aidant, c’est là que le courant commença à passer entre nous.

Suivirent alors cinq tests tous surmontés allègrement à son grand étonnement. Il me demanda où j’avais appris  l’arabe classique et surtout la grammaire telle qu’il a constaté que je la maîtrisais. (En février 1977, lors de l’inauguration du complexe industriel où je travaillerai, le Président Boukharrouba Mohamed dit Boumediène me posera exactement la même question). Je lui répondis que je les tenais de mon père qui avait veillé aussi à mon apprentissage de bien d’autres matières.

A ma grande surprise, il me demanda s’il pouvait le rencontrer dès le lendemain à la fin des cours. Avant de revenir sur cette rencontre, quelques mots ne seraient pas de trop pour dresser un portrait furtif de cet  homme qui allait laisser en moi des traces indélébiles. De plus, ils constituent un passage nécessaire pour faciliter la compréhension de ce qui va suivre.

 

                                                     

Safed, en Haute Galilée                                                           Lac de Tibériade vu de Safed

Comme Mahmoud Abbès, actuel  Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Sobh est né  à Safed en février 1936, le plus haut village de Palestine (situé à 900m d’altitude), en Haute Galilée. Sur un rayon d’une moyenne approximative de 40 ( ?) kilomètres se trouvent :

1/ la mer de Galilée plus connue sous le nom de lac de Tibériade (بحيرة طـبريا)  bordé par la ville éponyme construite à la gloire de l’empereur  Tibère ; ce lac est   traversé par le Jourdain (ce même lac par où, avant juin 1967, passait un tronçon de la frontière avec la Syrie), le Jourdain finissant lui sa course dans la Mer Morte.

2/ la  plus vieille ville et la plus basse du monde (plus de 200 mètres au-dessous du niveau de la mer : Jéricho (أريـحة) (dix -mille ans avant J.C.) et

3/ Hittin où le kurde Salah Eddine Al Ayoubi écrasa les Croisés en 1187 ainsi que bien d’autres vestiges. Avec plus de 10 000 concitoyens Palestiniens, notre poète dut quitter non seulement tout cet environnement qui incite et invite à la connaissance, à la culture, à la méditation et au maintien intact des repères qui forgent l’identité profonde  mais également sa Patrie sacrée.

Il avait douze ans quand il suivit sa famille fuyant vers la Syrie en 1948 et plus exactement à Damas. N’étant ni enfant ni adolescent, il dut travailler comme receveur dans une société d’autobus pendant que son frère cadet était employé dans une usine de textile. Pour avoir poursuivi ses études à Safed durant cinq ans, il les continua seul en vue de les prodiguer à son tour.

Il raconte que, par habitude, dans les pays méditerranéens, les habitants repassaient une couche de chaux à leurs maisons chaque mois de septembre. Son grand-père le sollicita pour ramener et ranger des bidons de ce produit.

Une fois ceux-ci gerbés, le contenu de l’un d’eux se déversa sur lui. Il essuya la colère de son père et se rendit instantanément compte qu’il ne voyait plus. Tous les ophtalmologues consultés furent unanimes pour diagnostiquer qu’il avait définitivement perdu la vue. Cet acharnement du mauvais sort fut très dur à supporter pour lui. Mais il était,  condamné à faire « à mauvaise fortune bon cœur ».

Avec un bon chien pour le guider, sa famille lui confia un troupeau  qu’il garda près de Palmyre. Sa tante lui nettoyait tous les jours ses yeux avec une lotion et un entêtement à toute épreuve ne voulant jamais admettre que son neveu ne puisse plus voir.

Aveugle, il développa sa mémoire et fut captivé par les chants et les danses des bédouins qu’il devinait, appréciait et s’en imprégnait au point où ils influencèrent ses futurs écrits. Son style venait de naître là (c’est lui qui le dit). Et, au bout de deux années et demie, ô miracle, il recouvra la vue ! En 1952, à 16 ans donc, il parvint à faire publier un long poème dans un journal à grand tirage. La légende naquit là : la machine était irréversiblement lancée.

Il reprit ses études à l’issue desquelles, avec une licence ès lettres, une en philosophie et un certificat d’aptitude à l’enseignement, il entama la profession d’enseignant participant aux joutes nationales et internationales de poésie arabe.

En 1958, âgé alors de 22 ans – et c’est lui qui le dira à un journaliste – il obtint le premier prix lors d’un concours qui eut lieu au Caire sous le haut patronage du Président Nasser. C’était l’époque de la République Arabe Unie (R.A.U).  Il estime que ce prix rivalisait, sur le plan qualitatif (thèmes, niveau des participants) avec celui des Asturies, décerné sur d’autres bases, par le Prince Héritier d’Espagne. Quand il se présenta, on lui refusa l’accès de la salle de  cérémonie  en lui disant : « Les prix seront remis directement aux poètes, pas à leurs enfants. » Il dut présenter ses papiers pour pénétrer dans l’hémicycle.

Il reçut son prix des mains de Nasser, fit  lecture de son poème à une assistance médusée et finit par être embrassé par le Zaïm. Le poème ne citait pas une seule fois Nasser – crime de lèse majesté ? – car traitant exclusivement d’histoire. Deux années plus tard, en 1960, il fut lauréat à Damas lors d’un concours dont le thème s’articulait autour d’Abou Tayeb El-Moutanabbi (915-965).  Pour lui, le poème primé en 1960 était dédié à « son » grand Maître. J’en livre les trois premiers vers :

                                      ِيَافَارِسًا قَـلَّدَ السَّيْفَيْنِ سَــــيْفُ فَمِ          طَالَ الزَّمَانُ فَأَحْيَاهُ وَسَيْـفُ دَم                    

                                                                    أَوْرَدَتْ نَفْسُكَ خَوْضَ الْمَوْتِ مُبْتَسماً     فَــنَامَ وَعَــنْـــكَ الْمَــجْــدُ لَمْ يَــنَمِ                                                   

                 وَنِمْتَ عَنْ شَارِدَاتِ الشـعْرِ فِي ثِقَةٍ       فَأَصْبَحَ الدَّهْرُ يَتْلُوهُ عَلَى الأُمـمِ

« Chevalier aux deux épées brandies, celle de la langue      qui survit aux siècles et celle du sang.

Ton âme souriante a défié l’épreuve endormie de la mort terrassée      et, pour toi, la gloire ne dormit point.

Tu t’es assoupi en toute confiance en dépit des médisants de la poésie    alors le temps éternel se chargea  de la dicter aux nations. » (3).

Bel homme au teint blanc, avec une fine moustache et très élégamment vêtu, tout le monde se retournait à son passage. Il avait 27 ans quand il arriva à Sidi-Bel-Abbès et parlait un arabe d’une limpidité qui donnait la chair de poule aux puristes. Dès le premier contact nos discussions ne purent se faire qu’en arabe classique.

Le quart d’heure de récréation et les moments passés ensemble en dehors du lycée,   paraissaient une éternité de bonheur à l’adolescent de seize ans que j’étais. Je ne me doutais pas que, dès le lendemain, ce bon « frère » palestinien allait marquer de manière indélébile et irréversible ma passion pour l’arabe pour laquelle mon milieu familial constituait déjà un terreau extrêmement fertile.

Ce poète entra au lycée El Djala le 22 novembre 1963 avec le titre de licencié ès lettres arabes et le quitta, définitivement, le 15 septembre 1964 soit après à peine neuf mois de présence. Ces dates nous ont été aimablement confirmées par les responsables du lycée Azza sur la base du contenu des registres d’entrée et de sortie des différents personnels.

Rentré à la maison, j’en parlai à mon père. Il dissimula assez mal son orgueil de voir son fils susciter l’intérêt des « hommes de science ». A la fin des cours, le lendemain, le professeur m’accompagna pour le rencontrer. Mon père, Imam né,  était vendeur de pain dans la boulangerie de son beau–père à la Rue Ali Ben Abi Talib en plein cœur de ce qui fut la « communauté  indigène ». Ils eurent environ deux heures de discussion autour d’un thé et des gâteaux maison. Un point essentiel fut abordé par eux : la poésie arabe vue par le Coran et notamment les quatre derniers versets de la  sourate XXVI qui a pour titre justement « Les Poètes » et dont  nous  donnons les versets et leur traduction :

وَالشُّعَرَاءُ يَتَّبِعُهُمُ الْغَاوُونَ (224) أَلَمْ تَرَ أَنَّهُمْ فِي كُلِّ وَادٍ يَهِيمُونَ (225 ) وَأَنَّهُمْ يَقُولُونَ مَا لَا يَفْعَلُونَ (226) إِلَّا الَّذِينَا وَعَمِلُوا الصَّالِحَاتِ   وَذَكَرُوا اللَّهَ كَثِيرًا وَانْتَصَرُوا مِنْ بَعْدِ مَا ظُلِمُوا وَسَيَعْلَمُ الَّذِينَ ظَلَمُوا أَيَّ مُنْقَلَبٍ يَنْقَلِبُون (227).

224-Quant aux poètes, ne les suivent que les fourvoyés

225-Ne vois-tu pas qu’ils brament dans toute vallée ?

226-Et qu’ils disent ce qu’ils ne font pas ?

227- Exception faite de ceux qui croient, effectuent des œuvres salutaires, rappellent Dieu   sans  trêve : ils sont secourus après avoir subi l’iniquité, tandis que ceux qui l’ont commise  sauront   quel retournement ils vont subir. »

(Traduction par Jacques Berque dans « Le Coran : essai de traduction ». Edition Albin Michel 2002. Collection Spiritualités vivantes. Page 401.)
Dans la soirée, mon père, convaincu par les exemples que Mahmoud Sobh lui cita, me dit : « Voila un homme qu’il faut bien écouter ».

Pendant leur entretien, je les écoutais respectueusement essayant de déceler-sans grande conviction- lequel des deux ferait une faute de grammaire. Peine perdue.

Avant de se retirer, il demanda à mon père de m’accorder l’autorisation de le raccompagner, ce qu’il accepta fièrement. Nous descendîmes la rue Ali Ben Abi Talib et remontions la rue du Cimetière. Arrivés devant l’ancienne annexe du Collège d’Enseignement Technique, aujourd’hui occupée par la Gendarmerie Nationale, Monsieur Sobh me questionna sur mes connaissances en poésie : je lui récitais quelques poèmes qu’on nous avait enseignés  en fin de primaire et en secondaire.

Il m’arrêta et reprécisa sa question : il parlait de la grande poésie arabe classique et il me cita un chapelet de noms de poètes. Si j’avais entendu parler vaguement de certains d’entre eux, je n’en connaissais aucun  sauf ‘Antar Bnou Cheddad que j’avais vu… en film. A l’exception de ce dernier je ne pouvais pas aligner une phrase sur tous les autres.

Me parlant de mon père, je lui racontai la panique qui s’était emparée de lui le jour où je l’informai qu’on nous avait dispensé notre premier cours d’arabe à l’école publique française. C’était en 1957 et en classe de CM2. Ce premier cours avait pour sujet : « Le langage et sa composition » (الكلام وما يتركب منه). Mon père était pris de panique parce qu’il pensait que le colonialisme était non indiqué pour nous enseigner la langue du Coran. Alors que nous déjeunions, il se leva et ouvrit une valise d’où il retira un fascicule, me demanda de prêter attention et  me lit deux fois ce qui suit :

وقـَـدْ أَوْصَى بَعـْضُ الْعَـرَبِ بـَنِيهِ أنْيَا بُنَيّ ، أصْلِحُوا ألْسِنَتَكُمْ ، فإن الرَّجُلَ تَنُوبُهُ النّائِبَةُ ، فيَتَجَمَّلُ فِيهَا ، فَيَسْتَعِيرُ مِن أخِيهِ دَابَّتَهُ ، ومن صَدِيقِهِ ثَوْبَهُ ، وَلاَ يَجِدُ  مَنْ يُعِيرُهُ لِسَانه  

« Ô fils ! Soignez votre langage, l’homme est sujet à calamité, il s’y complaira. Son frère lui prêtera sa monture et son ami ses habits, mais il ne trouvera pas qui lui prêtera son langage. » Cette sentence serait du cinquième Khalife omeyyade Abdelmalik Bni Mérouane (646 – 705).  (3)

Le Professeur  m’interrogea sur mes lectures de romans arabes  et voulait savoir lequel, parmi eux,  m’avait marqué et pour quelle raison. Je lui disais que j’en avais lu très peu vu qu’ils n’étaient pratiquement pas disponibles sur le marché et, le premier que j’avais lu, m’avait justement marqué.

Il était d’Ihsane Abdelkouddous et avait pour titre « Je ne dors plus » (لا أنـام ) – et, si mes souvenirs sont bons, il fut adapté à l’écran avec le monument du cinéma arabe qu’était Faten Hamama, épouse de Omar Sharif qui ne se remettra jamais de son divorce d’elle.  Elle disparut au début de cette année 2015. J’ai trouvé ce roman captivant au point où une phrase m’était restée pour la vie et dans laquelle l’auteur dit :

                               إن الرجال لا يقولون لك رأيهم بل يقولون لك الرأي الذي يعتقدون أنك تريده                   

(Les hommes ne te donnent pas leur opinion mais te donnent l’opinion qu’ils pensent que tu souhaites entendre). Je pense que ces deux détails ajoutés à ceux qu’on avait eus la veille au Lycée avaient décidé Mahmoud SOBH à s’intéresser à moi. Il ne m’en dit rien. Je lui posai alors la question : « Professeur, comment faire pour combler mes lacunes en poésie classique ? »  Il me dit : « On en reparlera demain ». Je l’accompagnais jusqu’au petit immeuble où il occupait un appartement au premier étage. Cet immeuble, portant soit le numéro 10 soit le numéro 12 (ils étaient et sont, à ce jour, en 2015, parfaitement jumeaux), se trouve à la rue Oudinot aujourd’hui Gharra Mohamed, la deuxième perpendiculaire au Boulevard de la Macta en venant de l’hôpital.

La fenêtre du premier étage qui ressort fait partie de l’appartement où a résidé notre poète.

En retournant chez moi, je ne cessais de me questionner sur ce qu’il a voulu dire par « On en reparlera demain ». Et demain finit par arriver. J’allais vers lui et lui serrais la main. Il me remit un paquet dans lequel il y avait un livre en trois gros volumes. Il me demanda de le lire attentivement et de lui poser toutes les questions qui pourraient m’interpeller. Très vaste challenge et ô combien excitant.

Le livre relatait l’histoire de la poésie des temps les plus reculés jusqu’au premier tiers du vingtième siècle. La fine fleur des poètes y figurait.

Je sollicitais mon père pour l’explication de nombre de mots. J’achetais deux cahiers : dans le plus gros des deux je consignais l’essentiel du livre et, dans le deuxième, je notai toutes les questions que je voulais poser à Mahmoud Sobh.

Des jours, puis des semaines puis quelques mois passèrent. Je voyais notre poète tous les jours. Nous passâmes des heures attablés à la terrasse du café « La Soummam » au coin de la place Carnot. Et puis un jour il me questionna sur ce que je faisais de son livre et s’étonnait de n’avoir point reçu de questions de ma part. Je lui expliquai comment  je procédais. Il trouva la méthode judicieuse et m’encouragea à persévérer.

Vers la fin du mois de mai 1964, je lui rendis son livre en le remerciant chaleureusement. Je lui remis le cahier des questions. Elles étaient de deux types : celles qui concernaient le vocabulaire et le sens de certains vers et celles composées de seize mots qui étaient placés un à la fois après le titre de chaque poème. Il commença par me donner le sens des quelque deux cents termes que je n’avais pas saisis et m’éclaira sur la portée de plus d’une centaine de vers. Je notais tout : l’essentiel et les bribes.

Quant aux seize mots ci-dessus cités, il m’expliqua que ça allait demander quelques jours. Il me posa des questions sur nombre de poètes auxquelles je répondis toutes et, voulant savoir quels étaient les poèmes que j’avais appris, j’ai hésité avant de lui dire : « tous ceux qui sont dans le livre ». Et ils totalisaient un peu moins de 6 000 vers. Il eut le souffle coupé et j’ai senti en lui un étonnement discrètement contenu. J’étais rassuré pour la suite. Quelle que fût la raison  de son silence je compris qu’elle émanait d’une haute conception de la vraie pédagogie. Il parlait très peu mais parlait juste. Dire peu et signifier beaucoup, tel est l’un des principaux atouts de notre langue. Une poignée de lignes dans le livre de Jahiz (البيان والتبـيــين) corrobore éloquemment ce qui précède.

Les jours qui suivirent allaient être décisifs pour ma totale compréhension de la morphologie, la technique, les pièges induits par certaines facilités imprudemment utilisées par des rimailleurs de la poésie arabe. Le lecteur trouvera, en Annexe 1, comment s’articule la poésie classique pure.

 

5.Diverses anecdotes.

 

 Une fois assimilées les morphologies des « mers » telles qu’elles figurent à l’annexe 1, Mahmoud Sobh, mit à ma disposition tout un arsenal d’astuces pour reconnaître en quelques secondes la « mer » sur laquelle était écrite une poésie et les chemins les plus riches, les plus sûrs et les plus simples pour se lancer dans des applications pratiques.

Il alla plus loin. Un jour, l’ayant raccompagné à son domicile à la rue Oudinot et, au moment de prendre congé, il me dit : « Demain, au lycée, je viendrai vers toi. Tu regarderas bien les élancements de mes jambes et, ma démarche  que tu surveilleras attentivement, aura pour but de te laisser deviner avec quelle « mer » je me serai orienté vers toi. Une réponse juste me remplirait de joie ». Cette nuit-là, je fermai à peine mes yeux car hanté par l’idée de le décevoir et je m’en serais voulu toute ma vie.

Le lendemain, au moment de la récréation, je l’aperçus venant vers moi. Je fixai sa démarche. Ma tête était devenue une centrifugeuse en folie où tournoyaient les seize « mers ». Et c’est la musicalité propre à chaque vers qu’il fallait deviner. Je ne quittais pas une seconde ses pieds. Il s’arrêta à quelques mètres de moi et me lança : « Alors ? ». Je lui dis: «   أجيبك يقينا أنك قصدتني على البحر الوافر» (Je vous réponds avec certitude que vous êtes venu vers moi sur la mesure de la « mer » Al-Ouafir). Il me serra dans ses bras.

 Le samedi suivant nous nous retrouvâmes au café « La Soummam ». Et là il m’expliqua qu’au Moyen-Orient, les férus de poésie se livraient à des joutes poétiques où participaient les connaisseurs de cette matière. Ces joutes portaient le nom de moussajalate (مساجلات.). Comment avaient- elles lieu ?

Les concurrents se mettent par deux. A chaque table  le premier concurrent commence par citer un vers auquel le second répond par un autre à la condition que le vers qu’il cite commence par la lettre de la rime du vers avancé par son adversaire et ainsi de suite. Les pénalités interviennent dans les cas suivants :

  -Il y a faute lorsque le vers prononcé commence et finit par la même lettre.

– Si un concurrent entame un vers et n’arrive pas à le terminer, il y a pénalité.

– Tout vers déjà exprimé par un concurrent ne peut être repris par son adversaire.

– S’il y a cassure d’une scansion, la pénalité s’applique  et la main   passe à son adversaire.

 – Trois pénalités disqualifiaient leur auteur.

Mahmoud Sobh m’informa que lorsque les concurrents connaissaient des vers par centaines, voire  par milliers, la confrontation la plus ardue pouvait exiger trois heures  alors que la moyenne admise est d’une heure. C’est alors qu’il m’en proposa une.

Sachant que je n’avais aucune chance et, par respect, je lui expliquai que la confrontation dont les résultats étaient connus d’avance manquerait de sel. Il insista et je finis par accéder à sa demande. Et c’est ainsi qu’attablé à la terrasse de « la Soummam », je me lançai pour la première et avant-dernière fois dans une moussajala (مســاجلة). Finalement il eut le dernier mot au bout de 2h40 mn.

En me félicitant, il me dit : « J’aurais pu te battre au bout de cinq minutes en utilisant des vers qui se terminent par l’une de ces rimes : ض,  ذ, غ ,   ظ  et ط car, s’il existe des vers se terminant par ces rimes, en revanche, très peu commencent par ces lettres. Mais tu m’as touché en utilisant les plus marquants parmi les vers d’El Moutanabbi. J’ai fait durer le plaisir ».

Nous nous levâmes parce qu’il avait rendez-vous chez lui et, avant de faire nos premiers pas, il me dit : « A partir de cet instant, aucun de nous deux ne parlera avec l’autre. Le silence total jusqu’à la maison. Réfléchis pour me réciter, à l’arrivée, cinq vers sur le mètre et-taouil que tu devras concocter toi-même. » Nous fîmes le trajet dans un silence total et, une fois devant la porte de son immeuble, il brisa le silence en me disant : « Je t’écoute ». Je lui récitais cinq vers tels que demandés et lui en rajoutais cinq : à travers les dix, je  lui exprimais toute ma gratitude.

Il en fut touché et, dès le lendemain, il me tendit une feuille où je reconnus les dix vers me demandant de dire s’il n’y avait pas de correction à apporter. Je refusai de prendre la feuille car j’étais intimement convaincu que sa mémoire d’éléphant lui avait permis de les retenir de tête.

Nous étions fin juin 1964. Le 27 mai  précédent, je venais d’obtenir mon Brevet Élémentaire. Quelques semaines plus tard, l’Algérie institua l’équivalent, en arabe, de ce Brevet : « La Ahlia ». La première allait avoir lieu en novembre 64 à Oran pour toute la région ouest. En dissertation, il y avait le choix entre trois vers d’Al-Moutanabbi  à commenter !! Ce fut un régal ! Mais mon Maître était déjà sous d’autres cieux. Son image ne me quitta pas une seconde pendant que je dissertais. Cet examen était composé d’épreuves écrites et orales et comprenait des matières que je « tâtais » pour la première fois de ma vie en arabe : mathématiques, physique, chimie, sciences naturelles et …musique.

6.Mahmoud Sobh à Sidi-Bel-Abbès.

Je n’étais pas élève en classe avec Mahmoud Sobh et je connaissais suffisamment bien les autres professeurs. Certains, parmi eux, nous rejoignaient à la terrasse du café « la Soummam ». Leur présence m’a toujours gêné parce qu’ils tentaient insidieusement de « ravaler » Mahmoud de ce qu’ils considéraient être son piédestal et qu’il ne revendiquait d’ailleurs jamais. Plus notre poète restait stoïque, plus ils devenaient agressifs. Parmi eux il y en avait deux : un palestinien et un algérien.

A 16 ans, je pensais à tort que le métier qu’une personne pouvait exercer était une fin en soi et je me surpris à caresser l’espoir que j’aurai le bonheur de pouvoir côtoyer  notre poète au moins jusqu’à mon bac donc pour deux années encore. Mais, comme disait Al-Moutanabbi :

                             « ما كل كا يتمنى المرءُ يُدْرِكُهُ  تَجْرِي الرِّيَاحُ بِمَا لاَ تـَشْتَهِي السُّفـُنُ »

(L’homme n’obtient pas tout ce qu’il désire     Souvent les vents soufflent du côté que ne souhaitent pas les navires). (3).

 Je ne pouvais pas imaginer qu’à 27 ans et avec son rarissime niveau, il pouvait cultiver légitimement des ambitions et que l’Algérie n’était qu’une étape pour lui. Par respect, je n’osais pas lui poser des questions qui pouvaient le gêner, provoquer ou éveiller des souvenirs douloureux ou quelque ressentiment. J’aimais parler littérature avec lui et il aimait me répondre. Sa modestie était une vraie matière à enseigner.

Un jour, il me tendit le quotidien arabophone « Echaab ». Il venait d’y publier un poème dans lequel, parlant du sort du Palestinien en général, il s’en prit aux sept Chefs d’ États arabes qui avaient failli lors de la guerre de 1948. Le titre de ce poème était : « السَّبْعُ العِجَافُ  » (Les sept décharnées). Comme il savait que je maîtrisais le Coran, il me dit : « Ce titre ne t’est pas inconnu. » Je lui répondis qu’il s’agissait de vaches selon la signification du rêve donnée par le Prophète Youssef (Joseph) que le salut de Dieu soit sur lui. Je lui disais que, pour moi, le douzième vers était clair mais le suivant l’est moins. Il me dit : « Ayant abandonné leurs frères, c’est comme s’ils les avaient cannibalisés. Et comme je voulais insister sur cet aspect, le treizième vers devait être en continuité et en harmonie parfaites avec celui qui le précède. Et là j’ai recouru à l’esprit d’un proverbe datant de la Jahiliyya (période antéislamique) où il est dit :

« تمُـوتُ الحُرَّةُ ولا تأكـُلُ مِن ثَـدْيَيْها »

« La  femme libre et digne préfère mourir que d’allaiter les enfants d’autrui moyennant rétribution ». (4).

Je livre ci-dessous le poème paru sur « Echaab », avec photo de Mahmoud SOBH le tout  suivi de son écriture vocalisée.

                                                  

 السَّبْعُ العـجَاف

لاَهِـــثًا يَمْـــــضَغُ عَيْـــــنَيْـــهِ الْكَـــلَالْ تــَـاهَ فِي الْقَفْرِ ارْتَمَى فَوْقَ الرِّمَالْ
مَــوْضِــعِ الجُرْحِ وَعَـنْ مَرَى النِّـبَـالْ يـَـدُهُ رَاعِــــــشَةٌ تَبْــــحَثُ عَـــــنْ
مَـا رَأَتْ جُــرْحًا وَلَـْم تَلْـمُــسْ نِـصَـالْ رَاعَـــهَـــا أَلَّا تَــــــرَى غَـــيْرَ دَمٍ
قِــصَّةَ الْـحـَرْبِ حِــكَايَـــاتِ النِّــضَـالْ شـَـرَّدَتْ ذِ كْرَى بِــهِ مُـسْتَـرْجِــعًا ْ
تَـَـتَـَـلَاشَــى بَــيْنَ طَــيَّــاتِ الـــــزَّوَالْ مَـا رَأَى غَـيْرَ طُــيُوفٍ تُمْـــــــحَى
شَـــــــيْءَ لَــمْ يَــبْقَ لَهُ حَــتَّى ظِـــلَالْ كـُــلُّ مَا كَـــانَ كَبِــيـرًا صَـــــارَ لَا
وَالــثَّرَى اِنْهَـــالَ وَنَهْـرُ الْحُزْنِ سَــالْ السـَّــمَاءُ انْــدَثَرَتْ تَحْـتَ الــثَّرَى
إِسْــمُهُ مِـــنْ صَــفْــحَةِ الْأَيَّـــــامِ زَالْ كــُـــلُّ مَــاضِـــيهِ رَآهُ مَـــــيِّــــتاً
عــنْ قَطِيعٍ خَلْفَ رَاعِي الشُّؤْمِ ضــالْ مَرَّ فِي خَاطِــــرِهِ بَعْـــضُ الرُّؤَى
رَاجِــفَ الْخَطـوِ عَــلَى سَفْــحِ الْجِبَالْ كـَـانَ فِي الْقِيــعَانِ مَـوْهُونَ الْقِوَى
يــهتــدي للــمـنبع العـــذب الـــزلالْ لَـيْسَ يَقْتَـاتُ سِـــوَى الـــوهم ولا
فـِي وُحُــولِ العَــارِ جَبَــهَاتِ الرِّجَـالْ وَرَأَى سَــبْعًا عِــجَافـًـا مَـــرَّغَــتْ
حـَـلَّ فِي أَضْلَاعِـهَا الــدَّاءُ الْعُـــــــالْ بـَـقَــــرَاتٌ أَكَــلَــتْ أَثْــــدَاءَهَــــــــا
صـَـدَا الــبُــؤْسِ عَـــلاَهُ وَالْـــخَبَـــــالْ يـَـوْمَهَــا ألْــقِيَ فِــي الــتِّيهِ فَــــتىً
بــِالْخَيَالِ الــبَـلْــدَةَ، اِرْتَــدَّ الْـخَـيَـــالْ وَإِذَا مـَــا اشْــــتَاقَ يَـــوْمًا أنْ يَرَى
يـَـطْوِيــَانِ الجُرْحَ أَعـْــوَامـًا طـِــوَالْ وَجَـــنـَــاحـَـاهُ عـَــــــلَى آلَامِــــــهِ
مــَسْرَحـًـا لِلــبُومِ لِــلْأَفْــعَى مَـجـَــالْ عِـــــشُّهُ خَـــلْفَ الْمَــتَاهَــاتِ بَــــدَا
نـفْـسِــهِ ظِــلَّ لَــيَالِــيــهِ الــثـِّـقـَـــالْ وَتَـــمَـــطّى حَــائِرًا يَــمْسَحُ عـَــــنْ
شـفَــتَيْـهِ أَنْـسَـابُ بعـضِ من ســؤالْ وَرَنـَــا نَــحْــوَ الفَــضَاءِ الرَّحْــبِ فِي
ومـضى يَـسْـبُـرُ غـَـوْرًا لاَ يُطَــال     مــن أنــا؟ رد صـــداه  من أنا؟    

Tentative de traduction (Les chiffres renvoient aux débuts des vers).

« 1.Perdu dans la désolation, il se laisse choir sur le sable, haletant, la faiblesse dévorant ses yeux.                                                                   2. Sa main tremblotante cherche l’impact de la blessure et les traces des dards.                                                                                                   3. La peur l’envahit, sa main ne ressent ni présence de sang et ne touche nulle pointe                                                                                      4. Il s’effaroucha par la réminiscence des récits de guerre et des litanies du militantisme                                                                                  5.Tout ce qui était grand n’est que néant et il ne lui reste même pas d’ombrage.                                                                                                  6. Il ne voit rien d’autre  que des spectres qui disparaissent, évanescents, dans les antres du déclin.                                                              7. Le ciel disparut sous la terre, la terre frémit et le fleuve, débordant de peines, jaillit en long cours.                                                            8. Tout son passé s’anéantit et son nom, de la page des jours, disparut.                                                                                                             9. Son âme fut traversée par la vision d’un troupeau derrière un berger du Mal gardant des buissons  épineux.                                           10. Il était faible, sur la terre plate, fiévreux dans sa démarche au pied des montagnes                                                                                       11. Il ne se nourrissait que d’utopies et ne put atteindre nulle source d’eau douce et limpide                                                                            12. Alors il vit sept décharnées, vautrant dans la fange de la honte, les fronts des hommes.                                                                           13. Vaches se nourrissant de leurs mamelles ignorant le mal incurable se propageant en elles                                                               14.En ce jour-là un jeune homme fut jeté dans le désert  avec  la misère corrodée  s’élevant pour                                                                   15. Et s’il désire un jour, par son imaginaire, revoir son village, alors l’imaginaire s’en détourne.                                                                     16. Ses ailes sur ses maux se rabattent, refermant la blessure pour de longues années                                                                                  17. Son nid, par delà le désert, devint théâtre pour les hiboux et parcours pour les serpents.                                                                       18. Il s’allongea, perplexe, essuyant l’ombre de ses lourdes nuits,                                                                                                                       19. Regarde l’immensité de l’espace avec au bout des lèvres des bribes de question.                                                                                     20. « Qui suis-je ? ». Son écho lui répond : « Qui suis-je ? » Et il se résolut à ne plus évaluer la profondeur qu’il ne pourra toucher. » (3).

Un jour, lui rendant visite, je le trouvai entrain d’écrire un poème. Il me dit : « J’ai reçu une lettre d’un ami de Palestine qui me demande d’y retourner pour me « battre » avec eux. » Je lui dis : « Et vous allez y retourner ? » Il me répondit : « Non, car le combat doit être multiforme exige notre présence sur chaque parcelle arabe et l’Algérie en fait partie. »

Le poème d’une soixantaine de vers était destiné à cet ami. Ecrit d’une traite, il me le remit pour le lire. Considérant que c’était un sujet privé, je n’osai, malgré une envie folle, lui demander de me laisser le recopier. Mais les vers qui suivent restèrent figés dans ma mémoire :

أخــــــي فــــــــي جــُـــوش أمــــــس

قــــــــذفـــــت الحــقـــدَ مــن نـــفـسي

وأفرغـْـتُ على عَـــدُوي رَصَـــــاصِي

رأيت بوجهه شبها لآخرَ كان بالقـُدْسِ

أخي لا فرقَ بينهما: يهودي أو إفرنسي

أخي إنـا حـصدنـاهـا  ومـا كــنا زرعـناهــا

وشَّبتْ في تَشَرُّدِنا  وَطُولَ العُـمْرِعٍشْنَـا هَـــا

هـَـزِيــمَتُنَا تُطارٍدُنَا وَإِنْ تَـمْـضِ تَـبَعْـنَـاهـَـــا

A la fin des grandes vacances, nous nous sommes retrouvés début septembre 64 et, lui montrant la liste des livres que j’avais acquis, il sortit une feuille de sa poche où étaient consignés des titres qu’il me conseilla d’acheter dans l’ordre où il les avait notés et de les lire dans le même ordre. Il me questionna sur ma préparation à l’examen d’Al-Ahlia qui allait se dérouler  le 5 novembre. Dix jours plus tard, je me rendis à Oran chez mes oncles maternels et paternels et ne revins que le jeudi 17 septembre.

Une fois mes bagages déposés à la maison, je me dirigeai vers la sienne. Je frappe à la porte. Pas d’écho. A la deuxième tentative, sa voisine de palier, une coopérante française avec laquelle j’avais eu déjà  l’occasion d’échanger des propos me dit : « Votre ami est parti et ne reviendra plus ».

J’étais désarçonné, désemparé devant ce vide sidéral qui s’ouvrait brutalement devant  moi. Je compris alors que la liste des livres qu’il m’avait remise début septembre avait été établie parce qu’il savait d’une  part qu’ils me seraient utiles et que, d’autre part, il s’apprêtait à quitter les bords de la Mekerra. Délicate attention.

Je ne tentais aucune supputation car je savais que mon Maître avait ses raisons pour ne pas m’avoir informé de son départ et jugeait que je n’avais pas à savoir vers quelle destination il se dirigeait. Était-il tenu par quelque secret ? Je l’apprendrai cinquante-une années plus tard.

Sentant  mon abattement, sa voisine de palier m’invita chez elle pour prendre un café avec son mari. Tous deux me parlèrent de ce que mon Maître leur disait de moi. Cela me consola et, en les quittant, j’eus l’impression que Sidi-Bel-Abbès n’était absolument  plus la même ville.  Pendant 48 ans je ne pus remettre pied à la rue Oudinot jusqu’au jour où je pris la décision de consigner ces souvenirs et une prise d’une photo de l’appartement devenait nécessaire.

J’acceptais difficilement mon sort et espérais que le Professeur Mahmoud qui avait tant et tant souffert au cours de son itinéraire n’avait pas cédé à quelque fatalité et devait sûrement répondre à l’appel de son destin.

Dès lors, son image ne me quitta plus, plus de cinquante années durant. Celles-ci s’égrenaient de manière implacable. Quelques jours après son départ, je traversais la place Carnot et fus interpellé par le Professeur palestinien qui s’attablait de temps à autre avec nous.

Arborant un large sourire qui frisait l’ironie, il me dit : « Alors, ton ami Mahmoud est parti ? Excuse – moi mais je voulais toujours attirer ton attention sur le fait qu’il n’était pas si poète qu’il le disait. Je lui dis : «  pourquoi ne lui as-tu pas dit en face ? ». Aussi étrange que cela puisse paraître j’éprouvai de la pitié pour lui.

Il me tendit une feuille me demandant  d’apprécier un « vrai poème » de sa composition et qui avait pour titre : «  عين الوريث) ou « La Source de L’Ourit ». Il s’agit de superbes cascades situées à moins de cinq kilomètres de Tlemcen sur la route nationale qui mène à Sidi-Bel-Abbès. Après lecture je lui remis  sa feuille et, tenant à tout prix à savoir ce que j’en pensais, je lui dis que ce n’était pas de la  poésie parce qu’aucune « mer » ne transparaît bien qu’il eût  pris la précaution de terminer chaque ligne par la même « rime » pour leurrer ses vis-à-vis et qu’il s’agissait là d’une simple  prose « rythmée » où quatre fautes de grammaire impardonnables dominent.

En me retirant, je lui signifiai toute ma réprobation pour avoir médit sur son compatriote qui n’aurait – peut-être – même pas admis qu’il fût au nombre de ses élèves si tel aurait pu être le cas. Je pris alors congé de lui tout en lui citant ces deux vers d’Al-Moutanabbi :

ذو العَقْلِ يشْقَى في النَّعيمِ بِعقْلِهِ    وأخُو الْجَهَالَةِ في الشَّقاوَةِ يَنْعَمُ              

فــقْرُ الْجهُولٍ بِلا رأْسٍ إلَى أَدَبٍ    فقْرُ الْحِمَارِ بلا رَأْسٍ إِلى رصَنِ               

 « L’homme d’esprit trime dans le bien-être   et l’ignorant se délecte dans la peine ». (Premier vers).                                                     « Le besoin en littérature exprimé par l’ignorant étêté   est tel celui du baudet qui aspire au mors alors qu’il n’a  pas de tête ». (3)

Treize ans après son « départ » et, du 26 juillet au 9 août 1977, je fus chargé de représenter la Société Nationale qui m’employait, à la Foire Internationale de Damas où je passais quinze jours.

Je me rendis au lycée où il avait enseigné avant de venir à Sidi-Bel-Abbès. Le Proviseur, de passage dans son établissement, me reçut et, dépité, me fit savoir  qu’il ne savait pas ce qu’il était advenu de lui. Pour des raisons que

je comprenais parfaitement,  je ne l’ai cru qu’à moitié. Dès le lendemain, je me rendis au camp des réfugiés palestiniens pour questionner les anciens. Un véritable coupe-gorge. Je ne dus mon salut qu’à mon passeport algérien, à l’arabe que je maîtrisais et, surtout, à la présence à mes côtés d’un palestinien qui travaillait chaque année au stand de l’Algérie à la Foire. Des palestiniens âgés me furent présentés. Ils  connaissaient bien  mon Maître mais ne savaient pas ce qu’il était devenu. On me conseilla d’aller à la ville de Homs où des membres de sa famille vivaient et étaient fort bien connus.

Or, la veille, je m’étais rendu dans cette ville pour me recueillir sur les tombes de Khalid Ibn Al-Walid et de son fils Abderrahmane pour assouvir un rêve que je caressais depuis que j’avais 14 ans (Photo ci-contre face à la Mosquée).  Le père et le fils étaient enterrés côte à côte dans la salle de  prières de la mosquée qui porte le nom du grand Général arabe.

Le Directeur du stand algérien m’avait accordé une journée pour ce pèlerinage. Je ne pouvais lui en demander plus d’autant  plus que les délégués des autres Sociétés Nationales comptaient sur moi pour leurs besoins d’interprétariat.

En 1992, je me trouvais en mission à Castellon (Espagne) pour le compte de mon employeur privé algérois. Au cours de mes investigations commerciales, je tombe sur un dynamique Directeur des Ventes de l’une des toutes premières usines de céramique d’Espagne « Todagres » auquel je posais, dès le premier contact la question suivante en arabe : « Ne seriez-vous pas Palestinien ? » Il me répondit que oui. Je saute sur l’occasion et lui expose mon problème. Avec toute la certitude voulue, il me confirma que Mahmoud Sobh était bien en Espagne et qu’il était constamment en déplacement en  Amérique latine et certains pays arabes. Il me promit de faire les recherches nécessaires et ne manquerait pas de me tenir au courant. Je n’eus jamais de suite.

Cinq années plus tard, en juillet 1997 (soit vingt ans jour pour jour depuis ma participation à la foire), je rencontre par le plus pur des hasards, à Damas, deux algériens- mes cadets de plusieurs années- spécialisés dans la traduction des textes anciens, de leurs commentaires et de leurs traductions. Fascinante rencontre. L’un d’eux faisait des recherches dans le prestigieux « Institut Français des Études Arabes de Damas (IFEAD) où je fus reçu le samedi 2 août 1997 par son responsable commercial puis le Directeur-tous les deux français- et la secrétaire de l’Institut, syrienne et nièce de l’ex-Président Atassi.  Quand je fus dans le bureau du responsable commercial, nous échangeâmes nos cartes de visite et je pus lire sur la sienne « Jacques Picard ». Je savais que l’IFEAD ne procédait pas à la vente directe de ses publications. Jouant le tout pour le tout je lui lance deux vers de la première scène des « Plaideurs » de Racine :

« Tout picard que j’étais, j’étais un bon apôtre

« Et je faisais claquer mon fouet tout comme un autre. »

Et le sésame fonctionna. Son visage se décrispa et je savais qu’il me restait à parcourir juste la moitié du chemin. Ayant bien préparé ce voyage, j’avais prévu de prendre  avec moi un lot de livres algériens sachant d’avance que l’IFEAD n’en disposait pas dans sa bibliothèque privée. En contrepartie ses responsables consentirent à me vendre douze livres dont la liste traînait depuis des années dans ma poche. Cet Institut a mis à jour des trésors arabes mais ses éditions n’étaient disponibles qu’à Chypre ou en France où la distribution était exclusivement assurée par les Editions « Adrien Maisonneuve » mais à des prix exorbitants. J’avais réalisé ce jour-là un rêve fou : visiter ce prestigieux Institut dont la seule lecture des titres sur son catalogue me donnait des palpitations et acquérir une liste de livres rarissimes. Au moment de mon départ, la Secrétaire Générale m’informa que, lors de ma prochaine visite à Damas, une chambre d’hôtes serait gracieusement mise à ma disposition au sein de l’IFEAD.

Une amitié se noua avec mes deux jeunes compatriotes. Avec le développement d’Internet, le plus jeune des deux préféra retourner à Alger et continuer son travail par les moyens modernes de communications. Comme il  avait une maîtrise parfaite de l’outil informatique je le mis à contribution. Deux jours après, il m’adressa une moisson d’informations. Ouf ! Le Maître est toujours de ce monde. J’en rendis grâces à Dieu.

7.Mahmoud SOBH : El Palespañol.

Interrogé s’il se sentait espagnol ou palestinien il répondit par cet idiome qu’il créa lui-même : « Je suis El Palespañol ». Et depuis, le terme consacré, veut tout simplement dire qu’il était les deux à la fois.

Restituer l’homme qu’il devint n’est pas chose aisée surtout que j’étais convaincu qu’il avait « disparu » comme je l’ai dit plus haut en croyant, de surcroît, que cette disparition figurait au nombre de celles dont il faut éviter de parler dans nos sociétés. Aussi me limiterai-je à rendre son itinéraire sur la base de ce qu’en rapportent les journaux et les revues spécialisées. C’est en fouinant  que j’appris que, de Sidi-Bel-Abbès, il était retourné à Damas pour ensuite rejoindre Madrid. En 1965, il obtint une bourse espagnole après avoir entamé la rédaction d’une thèse de doctorat sur « la poésie classique andalouse ». Ce travail, brillamment accompli sera suivi par une autre thèse sur la « philologie sémitique ». 

Une nouvelle étape, toute de richesses faite s’ouvre alors à lui. Il la traversa et continue de la traverser telle une météorite et semble ne pas être prêt de s’arrêter. L’ascension fut fulgurante et tous les pays hispaniques, avec leurs élites littéraires l’adoptent comme un passage obligé. Il commença par enseigner comme professeur « d’études arabo-islamiques » à la prestigieuse Université Complutense de Madrid (d’où sortirent jadis Federico Garcia Lorca, Juan Carlos 1er, Jose Maria Aznar, Javier Solana, Luis Buñuel et tant d’autres). De même il enseigna à l’Institut Culturel hispano-arabe et à l’Ecole Diplomatique. Parallèlement, il traduisit, fait invraisemblable, inimaginable et inconcevable, les plus grands poètes arabes d’Andalousie en espagnol et la majorité des  auteurs hispaniques en arabe. Inouï ! Difficilement admissible.

 

Mahmoud SOBH tenant son encyclopédie intitulée « HISTORICA DE LA LITTERATURA  ÀRÀBE CLÀSICA(Histoire de la littérature classique arabe).

Mahmoud fut désigné pour occuper la « Chaire n°1 » des études arabes et islamiques, la même que détenaient  d’abord  l’éminent orientaliste Miguel Asin Palacios (auquel j’ai réservé une bonne place dans divers articles publiés par la presse écrite et le Net), auteur de la meilleure biographie du grand mystique andalou Ibn Arabi (إبن عربي) et ensuite Emilio Garcia Gomez (Voir Annexe 2).

Le 5 janvier 1977, le grand quotidien El-Pais lui consacra, sous la plume d’Antonio Dominguez Rey, un article intitulé « Mahmoud SOBH, un poète palestinien à Madrid ». D’emblée, le journaliste le qualifie de « cœur au milieu des gravats et des éclats de mortier…branche espagnole plantée sur des terres palestiniennes depuis environ douze ans. Ceux qui dominent les médias et l’opinion mondiale confondent ou manipulent les termes : tout palestinien qui tente une action est toujours considéré terroriste alors qu’une action de guerre menée par les sionistes est qualifiée de représailles. Mahmoud SOBH est un homme en bronze, toujours souriant, ami de tous ceux qui le croisent ne fût-ce qu’une seule fois et homme d’une prodigieuse capacité de travail ».

7.1 Qu’est-ce qu’un poète ?

A la question de savoir : « Quelle est la relation, pour vous, entre la poésie et la politique ? Sont-ce les deux faces d’une même pièce ou sont-ce des termes différents ? » Mahmoud SOBH rétorque : « Il y a un parallèle corrélationnel. De nos jours, le poète est investi du rôle tenu dans l’antiquité par les prophètes. Ses pieds sont dans le présent. Il vit dans l’instant et se doit de porter une vision sur l’avenir. S’il est apolitique, sa poésie ne peut y échapper quand on appréhende la politique dans le sens classique du terme car le poète est avant tout un être social. Pour atteindre une certaine notoriété intellectuelle, il est tenu au dépassement des contingences du présent car elles sont éphémères. Il doit saisir la dialectique entre l’être et la nature, l’individu, sa vie et sa mort. Il doit interpréter les éléments et plutôt que de se soumettre à une idéologie, il se laissera guider par sa seule inspiration. Je soutiens dans ma poésie et avertis toujours que mon engagement est pour le peuple palestinien. Pour moi, la Palestine est un Symbole en ce sens que, sur cette terre, se livre une bataille entre la lumière et les ténèbres, le bien et le mal. Ma poésie invite les Palestiniens à ne pas tomber dans les mêmes erreurs que leurs ennemis, erreurs que balaie l’esprit du mot « Palestine » : terre de paix pour tout le monde et située à la racine même de l’homme. La meilleure arme à utiliser contre les Juifs est de les aimer ».

7.2 Religion et humanisme.

« Poésie humanitaire ? Religieuse ? Si l’on considère que la religion va de pair avec l’humanisme, le poète doit être lui-même religieux. Or la religion tient elle-même en des rites et des comportements établis. Non le poète n’est pas un haut-parleur mais un porte-parole. Ses vers doivent être un flux d’images bibliques. Cette tradition est un produit de personnes ayant vécu avant l’avènement de la Bible. « L’Exil des Juifs », écrit à Babel, en est une des preuves. » « Mahmoud Sobh dit lui-même qu’il se fait appeler « Al Cantara » (le pont) parce qu’il estime « prolonger la tradition entre le monde arabe et espagnol ».

J’ai, personnellement, fini par lui reconnaître un seul défaut : il s’est trompé de siècle, le Xème lui aurait mieux convenu pour le niveau époustouflant de son œuvre : pour lui, chaque thème véhicule un message. Tout le reste des règles précises et intransgressibles  qui font souffrir les poètes ne sont, en ce qui le concerne, que simple formalité.

En quittant la péninsule ibérique vers le nord, nous arrivons au pays du poète – chanteur qui écrivait dans la seconde moitié du XXème siècle : «  La poésie contemporaine qui fait de la prose en le sachant, brandit le spectre de l’alexandrin comme une forme pressurée et intouchable. Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s’ils ont leur compte de pieds ne sont pas des poètes : ce sont des dactylographes. Le vers est musique; le vers sans musique est littérature. Le poème en prose c’est de la prose poétique. Le vers libre n’est plus le vers puisque le propre du vers est de n’être point libre. La syntaxe du vers est une syntaxe harmonique – toutes licences comprises. Il n’y a point de fautes d’harmonie en art; il n’y a que des fautes de goût. L’harmonie peut s’apprendre à l’école. Le goût est le sourire de l’âme; il y a des âmes qui ont un vilain rictus, c’est ce qui fait le mauvais goût. » (5). Singulière similitude de « difficultés étrangement communes » à deux poésies différentes mais sous-tendues l’une et l’autre par le même vecteur véhiculaire visant la même finalité : le sublime !

Pour mémoire, nous rappelons que ce Xème siècle fut celui du grand grammairien Ibn Janni (942-1002) du poète El-Mutanabbi (915- 965) que Mahmoud place au-dessus du lot et ne s’est pas gêné pour m’en contaminer, Abou Firas Al-Hamadani (932-968), Al-Maârri (973-1057),  ainsi que des philosophes Al Fârâbî (m. en 950), Ikhwane Es-Safa (les Frères de la Pureté) et Ibn Sina (Avicenne)…Dans « Lettres à un jeune poète », écrivait de Paris, le 17 février 1903, le grand écrivain-poète autrichien Rainer Maria Rilke, âgé alors de 28 ans, à un jeune poète nommé Kappus qui sollicitait des conseils : « Dites vos tristesses et vos désirs, les pensées qui vous viennent, votre foi en une beauté. Dites tout cela avec une sincérité intime, tranquille et humble. Utilisez pour vous exprimer les choses qui vous entourent, les images de vos songes, les objets de vos souvenirs » Curieusement, ainsi fut mon Maître et ainsi il doit avoir toujours demeuré.

Rainer Maria Rilke en 1900.

« Symbole unique de fraternité entre deux cultures, ses œuvres sont le plus souvent écrites dans les deux langues. De même que beaucoup de traductions et de travaux de recherches. A la question de savoir si les étudiants espagnols vouent quelque intérêt à l’étude de la langue arabe, il répond qu’ils s’y intéressent beaucoup et ce, pour trois raisons :

-1/ La langue arabe fut une langue de la péninsule plus que ne le fut le latin et c’est une langue qui a servi utilement durant huit siècles.

-2/ Plus de la moitié des pays méditerranéens la parlent.

-3/ Enfin parce que c’est une langue très riche ». La dernière question que lui pose le journaliste est la suivante : « Est-ce que le Arabes aiment leurs poètes ? » Il eut cette réponse : « Depuis toujours, l’Arabe est un amoureux de la poésie où les œuvres constituent de vrais best-sellers. Le poète est très respecté et aimé surtout parce qu’il veille à la poésie métaphorique, conceptuelle, imaginative et une large part de musicalité est prise en compte. Aujourd’hui domine le goût pour une poésie réaliste. Toute une symbolique. »

 El encuentro casual de dos buenos amigos : Miguel Oscar Menassa y Mahmud Sobh (Rencontre casuelle entre deux bons amis – tous deux poètes – )

Les informations que nous avons données ci-dessus émanent du journal El Pais mais la traduction au français est très discutable, contestable et pose des problèmes ardus d’assimilation ce qui ne permet pas une compréhension aisée. Nous avons apporté, en certains endroits, des retouches sur la forme  pour qu’il y ait homogénéité dans l’écriture afin de ne pas gêner le lecteur. Certains passages doivent être lus au second degré. 

Pour clore l’itinéraire de ce poète hors du commun, nous avons jugé opportun de connaître l’avis d’une revue spécialisée et dont l’édition est assez proche, par la date de sa parution, de notre actualité. Le 18 juin 2014, dans le bimensuel n°3, M.P (Mordere el polvo à traduire par Mordre la poussière), Angès Fernangómes, sous le titre : « Le poète ne doit pas être politique » écrit sur le Docteur Sobh : « Professeur émérite de l’Université Complutense de Madrid, Prix national de traduction en 1983, érudit, amoureux du mot et de sa recherche étymologique, il a, derrière lui, une biographie vaste et intéressante ».

Il est utile de préciser que ce prix lui a été décerné après qu’il eût traduit en arabe l’intégralité de l’œuvre du poète Antonio Machado, considéré comme le plus grand poète espagnol du XXème siècle avec Federico Garcia Lorca.

    

Antonio Machado, républicain, frère du poète Manuel Machado, franquiste), est né le 26 juillet 1875 à Séville. Fuyant à pied l’Espagne  et le franquisme, il meurt   d’épuisement et de froid dans un wagon le 22 février 1939  à Collioure (France), suivi trois jours après par sa mère qui l’accompagnait. Ils reposent dans le cimetière de Collioure.

 Federico Garcia Lorca né le 5 juin 1898 à Fuente Vaqueros. Assassiné le 19 août 1936 à Viznar.

Mahmoud Sobh a également à son actif la traduction des mémoires d’un autre géant du siècle dernier : le Chilien Pablo Neruda qui secoua la planète par un vibrant hommage à ces deux poètes assassinés. Machado fut une victime ciblée du franquisme, Lorca fusillé sur ordres d’El Caudillo, Neruda empoisonné par un expert chimiste à la botte de Pinochet et Mahmoud Sobh, chassé d’un « petit » paradis  où l’Histoire se lit sur chaque pierre,  traînera en silence et dans la douleur, à travers les continents où il est toujours reçu en Idole, tout le malheur de son peuple : est-ce que la malédiction doit-être le lot de ceux qui n’ont nulle autre ambition que de voir « de leurs lèvres s’envoler des colombes » (6), chanter l’Homme, la Vie, la Liberté, la Nature, la Fraternité dans son acception la plus large et tout ce qu’il y a de plus noble sur terre ?

Mais revenons à l’entretien.

Avec Mahmoud Abbès à Ramallah

« Professeur, vous avez récemment revisité votre Palestine natale. Depuis combien de temps vous n’avez pas marché sur ses terres ? »

« Depuis 1948. J’avais alors 12 ans. Il y a quelques semaines, j’ai de nouveau foulé la Terre sainte de Palestine. »

« Quels sentiments -dans les sphères personnelles et sociales –vous a causés cette visite? »

« En fait, quand on m’a donné le prix de l’Association des écrivains et artistes à Madrid, en présence de nombreux ambassadeurs des pays arabes, celui de la Palestine m’a lu la lettre que m’avait envoyée le Président  Mahmoud Abbas me félicitant pour ce prix, alors que je venais d’annoncer que je vais remettre le Prix Étoiles de Jérusalem à Bethléem. Avant de lire cette déclaration, le Président de l’Association des écrivains et artistes, John Van Hallen, surpris, a dit : « Ce sont deux récompenses à la fois ! »

« Je ne voulais pas aller retirer le prix de la Palestine où je ne me suis pas rendu depuis l’expulsion, et je ne voulais pas souffrir, parce que je pensais au garçon que je fus et qui a vécu en Galilée, la terre libre, celle où mon peuple vivait à Nazareth, où a vécu Jésus, bien qu’il soit né à Bethléem.

Voir cette terre sainte et précieuse,  occupée par certains qui se disent sionistes ou  juifs qui la considèrent leur, au point où ma maison est maintenant occupée par un Juif néerlandais qui soutient qu’il est dans la sienne alors que c’est mon père qui l’a construite pendant que moi, encore enfant, l’aidais en lui  apportant les pierres …Tout cela vous fait souffrir atrocement.

Voila pourquoi je ne voulais pas y aller, à tel point que l’ambassadeur palestinien à Madrid était prêt à me remettre le prix en Espagne-même. Mais le Président a insisté pour que j’aille le récupérer. J’ai finalement accepté. J’y suis allé avec mon épouse. Après la visite de Bethléem et de Jérusalem, nous avons traversé le Jourdain.

Commencent alors les contrôles. Près de trois heures pour  une voiture officielle,  beaucoup plus pour un bus. Le chauffeur me fait comprendre que si je descendais, je serais abattu. Nous avons souffert plusieurs heures par 10 km de contrôle. Nous ne voyions, en face de nous, que des Juifs nés en Palestine, ou ce qui est maintenant appelé Israël. Discutant avec une policière juive d’origine argentine, je lui dis : « Vous avez réalisé ici des camps, travaillé le sol, construit les bâtiments sur des terres de la Palestine. » Elle me répondit en disant: «Je n’éprouve aucune culpabilité, ce sont mes parents. »

« Un garçon tué devant moi m’a fait beaucoup souffrir et, en parlant avec ma mère (décédée depuis), ​​je lui dis: «Mère, bien que tu donnes le gâteau et le manger (expression espagnole), je ne resterai pas là » Mais elle répondit en disant: «Fils, tu verras comment les Palestiniens te recevront avec une grande affection, ils t’embrasseront, se réjouiront, réciteront tes poèmes »  Cela m’a réconforté et quand je pensais à ce que je devais faire, je me résolus à accepter de souffrir, pour voir ma terre à nouveau. »

7.3 Le sens de la poésie.

A une longue question sur le poète-que nous avons vue précédemment- et sur l’âme de la poésie, Mahmoud SOBH donne la réponse suivante :

«  La poésie est comme un oiseau avec quatre ailes. Vous avez besoin de ces quatre ailes pour voler. Si l’une d’elles manque, vous ne pouvez le faire, ne pouvez  créer une poésie authentique et originale : la première aile est la langue et l’expression poétique. La deuxième aile englobe le concept, l’idée, la philosophie, la pensée. La troisième allie l’imagination, la métaphore, et la quatrième est la musique. Alors le poète est de fait, tout à la fois : un linguiste, rhéteur au sens primitif, philosophe et musicologue pour peu qu’une aile ne lui manque pas. Ainsi, beaucoup de poésies contemporaines manquent de quelque chose: le contenu, la musicalité, le rythme, nouvelle imagination. »

« Le poète joue même le rôle d’un prophète. Il doit être libre et doit encourager l’humanité, ne   doit pas se décourager même s’il doit  parler dans ses poèmes de tristesse ou de mélancolie. Il se doit de donner l’idée que les êtres humains peuvent résister et survivre à toutes les injustices et ne pense pas seulement au présent ou au passé, mais à l’avenir. Donc, il est comme le prophète, parce que cela a créé des idéologies pour encourager les gens à créer un monde meilleur. »

« Par conséquent, la figure la plus influente dans ma vie est le mystique soufi né à Murcie, Ibn Arabi, parce qu’il soutenait que l’univers est une unité, et l’homme doit croire que l’univers est un pour tous, même pour les animaux, les oiseaux, les plantes, tout. Donc, je suis agnostique, je ne mange pas de viande, j’aime les animaux et tous les jours quand je vais à l’université, je donne pitance aux oiseaux.

Dans ma maison, j’avais un chien. Quand il mourut, je lui ai creusé une tombe, comme pour les êtres humains. Et, chaque fois que je pense à lui, je pleure. Quand je me tourne vers Dieu en tant que Créateur, je Lui demande de le protéger. Cette théorie est d’Ibn Arabi, décédé à Damas où il y a tout un quartier portant son nom.

Quand je suis allé pour donner un récital à Murcia, je l’ai dit au maire de l’époque: «Regardez, le meilleur homme de  Murcia a été le poète soufi Ibn Arabi, et ici il n’y a  même pas une place ou une rue à son nom. Maintenant,  il y en a une.

El Moutanabbi, le plus grand poète arabe qui m’a beaucoup influencé, prétend être un prophète. J’ai obtenu  un prix pour le meilleur poème sur lui, dont j’ai fait don à l’ambassade de la Palestine, mais la meilleure récompense fut quand je me suis retrouvé  à Jérusalem où une personne m’a dit: « J’aime votre poème sur Al-Moutanabbi. »

Dans son « Ouyoun Al Akhbar » (عـيون الأخـبار), Ibn Koutaïba ad-Dinawari (828 – 889 ?) (7), définit ainsi la poésie :

وقلتُ في وصْفِ الشعر : الشعـرُ مَعْدِنُ علم العربِ، وسِـفْـرُ حِـكـمَتِها، وديوانُ أخْـبارِها، ومستودعُ أيامِهَا، والسورُ المضْروبُ علىَ مـآثِرِها، والخَـنْدَقُ المحْجُوزُ على مَفَاخِرِها، والشـاهِـدُ الْعَـدْلُ يومَ الـنِّفارِ، والحجَّة الـقَاطِعَة عند الخِـصَـام، ومـنْ لمْ يَـقـُمْ عندهم على شرفِهِ وما يدعيهِ لسلَفِهِ من المناقبِ الكريمةِ والـفَـعالُ الحميدُ بيتٌ منهُ، شدَّتْ مساعيهِ وإنْ كانتْ مـَشهـُورةَ، ودَرستْ على مرُورِ الأيام وإنْ كانتْ جـِساماَ، ومنْ قيّـدَها بقَوَافي الشعرِ، وأوْثَقَـها بأوْزَانِه، وأشْهرها بالبيت النَّـادر، والمثلِ السائر، والمعنى اللطيفِ، أخْلدها على الدهر، وأخْلَصها منَ الْـجَـحْد، ورفع عنها كيدَ العدوِّ وغَـصَّ عينَ الحَـسود.(من كتاب « عيون الأخبار » لابن قتيبة الدينَوَري ، المجلد الثاني صفحة 154-155 طبعة المكتبة العصرية بصيدا – لبنان سنة 2011

« C’est la mine de la science des Arabes, le livre de leur sagesse, les archives de leur histoire, le trésor de leurs grandes journées, la muraille qui défend leurs traditions, la tranchée qui garde leurs gloires, le témoin impartial du jour où l’on en dispute, l’argument décisif à l’heure du débat. Quiconque n’a point, pour assurer sa propre noblesse, ainsi que les mérites éminents et les actions honorables qu’il attribue à ses ancêtres, un vers à dresser devant les Arabes, ses actions sont négligées même si elles sont illustres, effacées au cours du temps même si elles sont considérables. Celui qui, au contraire, les a enchâssées dans les rimes d’un poème, qui les a renforcées de ses rythmes, qui leur a donné la renommée d’un vers remarquable, d’une formule répandue en proverbe, d’une pensée heureuse, les a éternisées contre le temps et les a sauvées de la possibilité d’un oubli négateur. Il en a écarté les embûches de l’ennemi : il a fait baisser les yeux à l’envie. » Page 36 du « livre de la poésie et des poètes » d’Ibn Koutaïba. Traduction de Gaudefroy-Demombynes. Société d’édition « Les belles lettres ». Paris 1947.

7.4 Face à Shimon Pérès.

« Quand Shimon Peres, alors ministre des Affaires étrangères, a visité l’École Diplomatique d’Espagne où il a été professeur, je lui ai dit au cours de ce  colloque (je me suis exprimé en anglais, arabe et en hébreu, bien qu’il ne connaisse que peu l’anglais) : quelles sont les frontières d’Israël? Il me répondit qu’elles s’étendent  de  l’Euphrate au Nil (rimes en arabe et en hébreu). Alors, je lui ai demandé : «  pourquoi avoir 180 bombes nucléaires? » Il a répondu de manière ambiguë. Il demanda au directeur qui j’étais. Lorsqu’il  me questionna sur mon origine, je lui dis : «Je suis hébreu à l’envers ». (Il ne comprit rien).

Les Juifs sont les Juifs qui étaient venus d’Egypte en Palestine mais  ils ne pouvaient y entrer car le territoire était occupé par les Philistins qui étaient là bien avant les gens de la Bible. (C’est là que se situe l’origine du nom  Palestine). Ces Juifs se sont dirigés vers Petra et ont essayé de traverser le Jourdain à partir de la Jordanie, ce que nous appelons aujourd’hui la Cisjordanie. D’où le sens de « hébreu » qui signifie « traverser » (عـَـبَرَ) sous-entendue la rivière Jourdain.

 

                                                                                           

                                                                                                                  Le Jourdain

Voilà pourquoi je lui dis que je suis « hébreu à l’envers ». Quand je fus expulsé de Palestine, que  j’ai traversé le Jourdain, dans la direction opposée aux Hébreux, dans le Golan où nous nous installâmes, les juifs nous ont menacés parce qu’ils avaient peur que nous restions proches de la Palestine. Nous sommes allés à Damas et avons vécu dans un camp de réfugiés. Nous louâmes une chambre auprès d’une juive qui voulait que j’épouse sa fille, Esther, car les juives préféraient épouser des Musulmans plutôt que des Chrétiens. Je ne pouvais l’épouser parce qu’entre autres j’étais palestinien et avais contribué à créer et présider également la première organisation clandestine palestinienne. De plus, je suis membre de l’entourage du Président palestinien actuel.

Et tout cela, après avoir travaillé avec un conducteur de bus sans aller à l’école. »

7.5 La Syrie…déjà

« Il y a cinq ans, les Iraniens m’avaient invité à Genève et j’ai accepté leur invitation. Ils étaient  en voyage avec l’ancien Président de l’Iran (Mahmoud Ahmadinejad). Quand je fus en face de lui, je lui dis : «  Président ! S’il vous plaît,  dites au président Assad de démissionner, afin que personne ne  meure en Syrie, parce que cela serait très gênant. » Je le lui ai demandé  il y a cinq ans, soit en 2009. Chaque fois que je mets en marche la télévision j’assiste à la tragédie. J’en souffre. Si  Bachar al-Assad avait quitté ses fonctions pas une goutte de sang n’aurait été versée. »

On peut  aisément comprendre cette louable démarche pour un homme qui a vécu à Damas et fut berger aveugle à Palmyre pour laquelle la planète« entière» tremble actuellement. Ahmadinejad a- t-il cru bon ne pas tenir compte de la prière de Mahmoud Sobh ? A-t-il été incapable de convaincre le dentiste qui « mène » le grand peuple de Syrie ? Ou est-il de ceux pour lesquels un poète doit se cantonner au panégyrique des puissants, et laisser l’avenir de centaines de millions de personnes à l’omnipotence d’une poignée de potentats ? L’avenir, tel qu’il se dessine, et cela se confirme de jour en jour, nous enseignera que seul un poète visionnaire mérite le titre qu’il porte. La foi, le cœur, la sagesse et la raison sont visiblement indissociables chez lui.

   

                                                               Mahmoud SOBH

« Très important pour moi fut mon premier prix en Espagne : le prix Salamanque Alamo. Il a sa petite histoire. A 5 heures du matin, j’entends à la radio les nouvelles suivantes: « Manuel Climb, le poète catalan a obtenu le Prix Alamo ».

Aucun poète arabe n’avait jamais remporté ce prix, l’une des plus hautes distinctions de l’époque. Un peu plus tard, le même jour, je recevais un appel m’informant que j’étais le lauréat. Je compris alors que ce poète catalan nommé Manuel Climb n’était autre que moi, le poète palestinien Mahmoud Sobh ! Quand je suis allé le retirer à l’Université de Salamanque, on m’a demandé de lire un seul poème. Je choisis le poème intitulé  «Élégie à ma grand-mère. » Une fois les lumières rallumées dans la salle, je voyais toute l’assistance et les membres du jury pleurer. Alors je décidai de ne plus lire ce poème pour ne plus voir les gens pleurer. »

« Je vais vous raconter quelque chose de drôle. Un jour, j’ai été appelé par le maire de Madrid  qui deviendra  plus tard Premier ministre à l’époque de Franco. C’était Monsieur Arias Navarro. Il me dit: «Jaime Oliveras a écrit, sur Madrid, un livre intitulé L’homme de Madrid  et nous voulons que vous le présentiez.  Je lui dis: «Monsieur le maire, savez-vous ce que signifie le mot maire? » Il répondit par la négative. Je lui dis : « Alcalde vient de al-Qadi, ce qui signifie également juge – qui rend la justice – et il est en charge de l’entretien public ». Mais il a insisté pour la présentation du livre.

Je venais de boucler mon premier semestre de vie espagnole. Eh oui, je présentais le livre en castillan en disant, face aux caméras de TVE, que c’était mon livre et je le recommande à tout le monde à Madrid.

Quelque temps après, Arias Navarro m’informe que j’ai été retenu comme interprète lors de la visite en Espagne de Saddam Husseïn. Je refusai  parce que je me considérais enseignant et poète, pas interprète. Il me dit qu’effectivement  je ne l’étais pas  mais il tenait à ce que j’accède à sa demande. Je lui donnai mon accord de le faire sur la base de la qualité de nos relations. J’en fis de même avec Franco et le Roi Juan Carlos quand il était encore Prince héritier.

Lorsque Saddam Husseïn s’apprêta à repartir il me questionna: « Que voulez-vous ?, en référence à l’argent, bien sûr. Je lui dis : «  rien » parce qu’il me suffit d’être un pont  (Al-Cantara) entre le monde arabe et le monde hispanique.  J’ai demandé à  l’ambassadeur de me donner un passeport irakien. »

Le même Arias Navarro m’ a demandé : «Que voulez-vous? » Et là aussi je  répondis : « rien », mais, comme j’avais fait de l’Espagne  ma deuxième demeure,  il m’a accordé la nationalité espagnole. Grâce à mon « travail » d’interprète, j’ai obtenu cette nationalité. »

Pour rappel, Carlos Arias Navarro (1908 – 1989), fut Maire de Madrid de 1965 à 1973 et finira sa carrière comme Premier Ministre sous Franco.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   

                Franco, SOBH et Saddam.                   

Ajoutons qu’un manuscrit sur l’oraison funèbre de Tolède, première ville à être récupérée par les Chrétiens, en 1085, sous la direction d’Alphonse VI, écrit par un auteur inconnu  fut retrouvé, il y a quelques années, dans cette ville. Il fut confié d’office à Mahmoud SOBH qui le traduisit en poème castillan pour être publié le 23 février 2013. Ce poème existe également dans le monumental نفح الطيب (Exhalaison du parfum du rameau vert d’Andalousie d’Ahmed Al- Makarri né à Tlemcen comme déjà cité plus haut) qui confirme que l’auteur était inconnu. Il est disponible pour tout lecteur intéressé.

Il m’est arrivé de parcourir un compte-rendu rédigé à Amman sur Mahmoud SOBH qui s’y trouvait pour des communications en novembre 2004. L’auteur de ce rapport souligne, en citant les prix et les distinctions raflés par notre poète, que figurait également le Prix Juan Carlos Ier, décerné au meilleur poème écrit dans la langue de Cervantès. 1001 poèmes seraient parvenus de l’ensemble du monde hispanique et c’est Mahmoud qui obtint le premier prix.

Enfin je tiens à remercier deux amis de Sidi-Bel-Abbès-qui ont un sens aigu de la Culture- au point de  m’inciter à fixer ces souvenirs, noir sur blanc. Je forme le vœu de ne pas les décevoir. Je remercie particulièrement Si Ahmed Khiat pour la patience qu’il a affichée en passant en revue, dans une totale impartialité, ce texte sous tous les aspects auxquels il faut veiller ainsi que pour ses judicieuses et pertinentes remarques.

Sans fausse modestie, je pense n’être parvenu à restituer qu’assez peu de ce que j’ai reçu de mon Maître et attire l’attention des lecteurs que celui-ci a écrit un livre dans le style de celui de Khalil Ben Ahmed Al-Farahidi – que nous retrouverons dans l’annexe qui suit –  pour mettre à la disposition des lecteurs bilingues un outil qui leur permettra de mieux cerner les secrets de cette irremplaçable matière. Et je conclus par une question qui m’a accompagné pendant toute la rédaction de ce modeste travail : « Mahmoud Sobh n’est-il pas en fin de compte une hirondelle qui fait de toutes les saisons un seul et unique printemps ? »

En un peu moins de huit mois, j’ai vécu avec lui, siècle après siècle, la grande épopée de la poésie classique arabe en particulier et la littérature arabe en général. Mieux encore : quand Mahmoud Sobh quitta Sidi-Bel-Abbès, il me laissa tous les outils pour bien « travailler » cette belle langue, pas celle que ne peut plus enseigner l’école algérienne parce que naufragée mais l’Autre, celle de nos aïeux. Une année après le départ du Maître, je connaissais par cœur quelque 24 000 vers. Trop peu dans le répertoire connu  (un seul poème, intitulé Medh Ennabi, du fondateur des Derviches Tourneurs, Jalal Eddine Er-Roumi de Konya,  compte 40 000 vers  pendant que « La Chute d’un Ange » de Lamartine compte un peu plus de 12 000) mais les 24 000 vers représentaient certainement beaucoup dans le milieu ambiant où j’évoluais.

Peu importe ce qu’il m’en reste mais cet acquis m’a ouvert des horizons nouveaux et une approche particulière sur mes semblables. Mon plus grand acquis fut d’avoir été « choisi » par un génie de cette matière qui me faisait totalement défaut et qui a, j’ose l’espérer, assouvi un pan de sa mission : transmettre un savoir noble et utile.

Il reste un détail qu’il nous appartient de méditer : c’est l’attitude de l’élite espagnole vis-à-vis de la cause palestinienne. Elle est frissonnante par sa constance et incite au respect de ce peuple qui défend le legs des Arabes. Les places et les rues affichent fièrement statues, plaques commémoratives et noms d’une légion  de mystiques, philosophes, poètes, médecins et auteurs arabes. Un répertoire, bien ficelé de mots arabes que Lorca et d’autres ont passés au Castillan, existe. Bien des œuvres littéraires sont jalonnées de références arabes. « Nous remarquons que l’impact de la poésie arabe et andalouse apparaît clairement dans la poésie de Federico Garcia Lorca qui en tire fierté ; il en est de même pour des poètes tels que : Fernando Villalón, Manuel Machado et Antonio Machado, ce dernier étant le plus grand poète espagnol contemporain qui a beaucoup cité les Arabes dans ses poèmes non   sans fierté » soutient Mahmoud Sobh.

                                                                                                

Manuel Machado, né le 29 août                                                                                       Fernando Villalón né le 31 mai  1881               à 1874 à Séville. Franquiste. Décédé                                                                                       à   Séville. Décédé le 8 mars 193      à Madrid                le 19 janvier 1947 à Madrid.

Rappelons qu’après la chute de Grenade, on a jugé bon construire un lieu de culte catholique en démolissant une parcelle de la mosquée de cette perle.

Un Roi, visitant les lieux  et constatant « le massacre », s’éclata  et dit aux auteurs du «crime»: « Malheureux ! Vous avez réalisé ce que tout le monde sait faire en détruisant ce que plus personne ne sait faire. »

Imaginons un petit instant les déclarations – qui figurent plus haut dans le texte –  de Mahmoud SOBH qui auraient pu être exprimées dans le pays des « droits de l’homme ».

Nul doute qu’elles auraient déclenché une levée de boucliers de milliers de BHL et où notre poète verrait, une à une, toutes les portes de l’édition fermées à sa face avec l’absence totale de soutien des Boualem Sansal, de tous ses congénères « intellectuels » arabes avec leurs abjects reniements et un «à plaventrisme » affiché avec de l’allure et du style  oubliant, chloroformés qu’ils sont, que cette posture est accomplie dans le déshonneur et la déchéance morale pour accéder à un strapontin des chaînes de télévision françaises. Mais gare au renvoi futur des images par les miroirs non déformants et au rattrapage de certains par leur passé.

Questionné sur la littérature française d’auteurs maghrébins alors qu’il était à Paris, un autre géant Palestinien, universellement connu, Edward Saïd, fit cette réponse : «  J’ai visité les librairies parisiennes et j’ai constaté que les auteurs maghrébins se complaisent à vouloir rester indigènes. »

8. RENVOIS.

 (1) Ce vers d’Aboul Alaa Al-Maarri, a été placé sous le titre pour deux raisons :

La première est que, de mon point de vue, il fait corps avec le texte.

La seconde est qu’il est attribué à tort, par tous les internautes arabes, à l’Émir Abd-El-Kader, ce qui est hélas faux. Qu’en est-il au juste ?

Lorsque l’Émir arriva en France, des hommes de Lettres lui posèrent la question de savoir ce qui était préférable à ses yeux entre la vie de bédouin et la vie citadine. Il répondit, se basant sur son propre passé, par un poème qui s’est « glissé » à la première place de son œuvre. Dans ce poème, il cite ce vers :

                                    فالحُسْنُ يظـهَرُ فِي بَيْتَيْنِ رَوْنَقُهُ    بَيْتٍ مٍنَ الشِّعْـرِ أوْ بَيْتٍ مِنَ الشَعَرِ  

dont la traduction est la suivante :

« La magnificence de la  beauté apparaît dans deux « cas » : dans un vers de poésie ou dans une tente faite en poils ».

C’est là une traduction approximative car le vers de poésie, la tente et la pièce ou maison se disent tous en arabe « beït ». Et tous les internautes et bien d’autres soutiennent la paternité de l’Émir de ce vers. Comme à son époque l’usage des points, simples ou doubles, des signes de ponctuation et des guillemets ne faisaient pas partie des usages et, l’intégrité étant chez lui une vertu cardinale, il a pris la précaution, dans le vers précédent de l’annoncer en écrivant :

                                         قال الأُلىَ قد مَضَوْا قوْلاَ يُصَدِّقهُ     نَقْلٌ وَعَقْلٌ وَمَا لِلْحَقِّ مِنْ غِيَرِ

L’Émir dit donc, implicitement et explicitement, que ce vers- qui lui est attribué à tort- il le tient « des anciens qui sont passés ». Si le vers qui l’annonce n’avait  pas été écrit par le Père Fondateur de notre Nation,  il aurait été taxé, aujourd’hui, de plagiaire. Or il a dû sentir que les plagiaires allaient foisonner dans son pays et il s’en est démarqué, sagement, honnêtement, bien   avant l’heure. L’auteur originel de ce vers est bien celui dont le nom suit la citation. Aussi un plongeon dans l’œuvre d’Aboul Alaa Al-Maarri est vivement recommandé aux sceptiques et à ceux qui, pour diverses raisons et/ou motivations, ont attenté par leurs écrits à la mémoire de l’Émir. Cependant, celui-ci, pour avoir de nombreuses fois fait référence à Zoheïr Ibn Abi Salma (VIème siècle), connaissait parfaitement le vers de cet auteur de la période antéislamique dans lequel il disait :

 وَمَهْمَا تَكُنْ عِنْدَ امْرِئٍ مِنْ خَلِيقَةٍ    وَلَوْ خَالَهَا تُخْفَى عَلىَ النَّاسِ تُعْلَمِ

vers qui laisse sous-entendre qu’on finit toujours par être rattrapé par son passé…

            (2) : Jacques Berque in « l’Intérieur du Maghreb au XIVème-XIXème siècle».Gallimard. 1978.

            (3) : Traduits par l’auteur de l’article.

           (4) : Traduit par Monsieur Ahmed Khiat, auteur.

           (5)   Léo Ferré (passage figurant dans le texte préliminaire  qui donnera la chanson « Préface »).

           (6)  « Ma France » de Jean Ferrat dans laquelle il dit notamment :

« Des lèvres d’Éluard   s’envolent des colombes ».

           (7)  Quatre livres dits « mères » de la littérature arabe. Dans l’ordre chronologique, celui d’Ibn Koutaïba vient après celui d’Al-Jahiz.

J’ai bien dit en préambule que cette histoire « mérite, dans une certaine mesure, d’être portée à la connaissance de ceux qui pourraient s’y intéresser. » J’ose espérer qu’elle aura  droit à l’attention et la curiosité du plus grand nombre.  Arrivé au soir de ma vie, je  demande à ceux qui y ont été sensibilisés de prier pour que les recherches entamées pour retrouver mon Maître puissent rapidement aboutir. A tous, merci !

Fait à Sidi-Bel-Abbès, mardi 1er Ramadhan 1436 /18 juin 2015.                                                              Contact : mohamedsenni@yahoo.fr

 

  Annexe 1. Les règles de la poésie arabe classique.

Leur connaissance et leur maîtrise n’est pas chose aisée surtout quand on les utilise pour écrire quelque poème. Mais je n’ai jamais senti cela grâce à Mahmoud Sobh qui avait cerné toutes mes aptitudes et senti mon engouement pour ce qu’il s’apprêtait à faire pour moi.

J’ai compris par la suite qu’il s’était attaché à ne me communiquer que les aspects pointus et, pour le reste, il me donnait des titres de livres ou  me recommandait des sources car il savait que j’arriverai à m’en sortir seul. « Le plus grand bien que vous puissiez faire pour autrui ne consiste pas à lui donner de votre richesse mais consiste à lui indiquer la voie pour qu’il trouve lui-même la sienne propre. » nous enseignera deux années plus tard notre professeur de philosophie, Monsieur Vincent. C’est ce que Mahmoud fit pour  moi sans me le dire.

Le livre qu’il a eu la délicatesse spontanée de mettre à ma disposition ne pouvait contenir l’intégrale des œuvres des poètes qui y figuraient. Il me fallait au moins acquérir certaines  surtout celles des poètes qui m’avaient marqué.

Et les choses allaient se précipiter d’elles-mêmes à mon immense satisfaction : à l’angle d’une rue qui descend de la rue de Mostaganem vers  la rue d’Arzew à Oran et à trois-cents mètres des Galeries, venait d’ouvrir la célèbre maison d’édition égyptienne « Dar Al-Maarif » (دارالمعارف  ) J’acquis chez eux, grâce à l’aîné de mes trois oncles maternels, toutes les intégrales d’une pléiade d’auteurs : Les Sept Mouallaqat (المعلقات السبع ) Zoheïr Ibn Abi Salma (زهير بن أبي سلمى), Imrou’oul Kaïss  ( امرؤالقيس),  Antar Ibn Chaddad ( عنتـرة بن شداد), Nabigha Eddhoubiani (النابغة الذبياني), Tarafa Bnoul-Abd (طرفة بن العبد), tous de la période antéislamique. Suivirent ceux qui vécurent à cheval sur les deux périodes (antéislamique et de l’Islam naissant) surnommés « El Mokhadhramine » « المخضرمين » et parmi eux Kaab ibn Zoheïr (كعب بن زهير) et Hassan Ben Thabet (حسان بن ثابت الأنصاري) entre autres.

Ensuite ceux des périodes omeyyade, abbasside, andalouse et, après le déclin (عصر الانحطاط) engendré par la disparition des premiers penseurs de l’Islam auxquels se rattachent de brillants auteurs, je m’intéressai aux auteurs de la fin du XIXème et du début du XXème siècle.

Ainsi après Al-Moutanabbi (المـتنبي), Jarir (جـرير), Al-Akhtal (الأخـطل), Omar Bnou Abi Robaï’a (عمر بن أبي ربيعة), Oubeïd Allah Bnou Kaïss Roukiyyate (عبيد الله بن قيس الرقيات), Ibn Roumi (إبن الـرومي), Al-Bouhtouri (البحــتري), Aboul-‘Atahiyya (أبو العتاهية), Al-Maari (أبو العلاء المعري), Abou Firas  (أبو فـراس الحمداني), Ibn Zaïdoun (إبن زيـدون), Ibn Hani’e (إبن هانئ الأندلسي), Lissane Eddine (لسان الدين بن الخـطيب), Ibn Sahl (إبن سهـل الأندلسي), Aboul Bakaa Er-Roundi (أبـو الـبقاء الرندي), et tant et tant d’autres, je fus transporté par les poètes syro-libanais Gibran Khalil Gibran (جبران خليل جبران) (peintre, auteur traduit dans plus de cent langues et poète) et son ami Ilya Abou Madhi (إليا أبـو ماضي) qui déversèrent leurs œuvres à partir de… Boston auxquels je n’omettrai pas d’adjoindre Hafidh Ibrahim (حـافظ إبراهيم), Ahmed Chawki (أحمد شوقي) et Maarouf Roussafi (معروف الرصافي) pour ne m’en tenir qu’à ceux-là.

Ma plus belle acquisition à Dar Al-Maarif fut le commentaire de l’œuvre des poètes الهذليين en cinq volumes, celui de  سقط الزند    en trois tomes d’Al-Maarri et الإشارات والتنبيهات d’Ibn Sina en quatre volumes.

Pour en revenir aux seize mètres, je souhaite apporter au préalable  quelques précisions incontournables pour la compréhension : ces mètres sont conçus à partir de mots composés exclusivement d’un certain nombre de lettres parmi dix, celles-ci étant puisées parmi ceux qu’une méthode mnémotechnique a permis de regrouper dans l’expression suivante : « لمعت سيوفنا  ». Ces lettres  sont donc :

ا

ن 

ف

و

ي

س

ت

ع

م

ل

 

A partir de ces lettres ont été découvertes dix scansions (تفاعيلqui garantissent la façon de scander un vers, de le diviser et surtout de le rythmer. Ces scansions au nombre de dix sont :

 ـ فاعِ لاتـُنْ –فَـَعُـولُـنْ ـ مَفـاَعِـيـلُنْ ـ مُفَاعَـلـَتُنْ ـ فاَعِـلُـنْ ـ فـاَعِـلاتُنْ ـ مُتَـفَاعِـلُـنْ ـ مُـسْـتَفْعِلُنْ ـ مَفْعُولاَتُ  مُسْتَفْعِ لُنْ

Ces dix mots, avec quelques variations soumises à des règles strictes pour certains d’entre eux, sont utilisés pour composer des « moules » sur lesquels prendront forme les seize  mètres de notre belle poésie.

Parmi ces mètres, qu’en arabe on désigne aussi par « mers » comme avancé plus haut, trois ont été particulièrement très utilisés. Ce sont ceux qui sont placés en premiers dans la liste qui suit :

1/  Ettaouil (الطـويل: qui, comme son nom l’indique est le plus « long » vers de notre poésie puisqu’il compte 48 lettres. Il se compose sur le schème suivant :

فعولن مفاعيلن فعولن مغاعيلن                        فعولن مفاعيلن فعولن مغاعيلن                   

2/ Al-Kamil (الكامل: qui se construit par les scansions qui suivent :

متفاعلن متفاعلن متفاعلن                               متفاعلن متفاعلن متفاعلن                    

3/ Al-Bassit (البسيط) : dont la structure se présente comme suit :

مستفعلن فاعلن مستفعلن فاعلن                               مستفعلن فاعلن مستفعلن فاعلن           

4/ Al-Ouafir (الوافر) : dont la forme du mètre est :

مفاعلتن مفاعلتن مفاعلتن                                    مفاعلتن مفاعلتن مفاعلتن ( 2)5/

Al-Madid (المديـد: dont la métrique répond à :

فاعلاتن فاعلن فاعلاتن فاعلن                                      فاعلاتن فاعلن فاعلاتن فاعلن

6/ Al-Hajez (الهـجز) : dont la métrique répond à six fois à la scansion : مفاعيلن , trois dans    chaque hémistiche (moitié d’un vers).

7/ Ar-Rajez (الرجز: comme pour le précédent il est formé six fois par la scansion : مستفعلن

8/ Ar-Ramel (الرمـل: également formé par six scansions identiques : فــاعلاتن

9/ Es-Sari’ (الــسريع: chacun de ses deux hémistiches se compose ainsi :

مستفعـلن مستفعـلن مفعولات

10/ Al-Khafif (الخــفيف: chacun de ses deux hémistiches se compose ainsi :

فاعلاتن مستفع لن فاعلاتن

11/  Al-  Moudhara’ (المضارع: chacun de ses deux hémistiches se compose ainsi :

مفاعيلن فاع لاتن مفاعيلن

12/ Al-Mouktadhab (الــمقتضب: ses deux hémistiches répondent, chacun, à cette structure :

مفعولات مستفعلن مستفعلن

13/ Al-Moujtath (المجــتـث: les deux hémistiches ont la même structure qui suit :

مستفع لن فاعلاتن فاعلاتن

14/ Al-Moutakarib (المــتقارب: le vers se moule huit fois sur la scansion : فــعـولن

15/ Al-Mounsarih (المنــسرح: chaque hémistiche se structure sur le modèle suivant :

مستفعلن مفعولات مستفعلن

Remarque générale.

Les quinze mers dont nous venons de donner les diverses morphologies ci-avant sont celles qui existaient depuis l’apparition de la poésie quelque trois siècles- si ce n’est plus-  avant que n’apparût le premier livre codifiant cette discipline.

Et c’est le grand érudit Al-Akhfach Al-Aouset (الأخــفش الأوســط), mou’tazilite, mort en 215/830 qui, suite à ses recherches très pointues, a fini par conclure qu’une morphologie d’un vers avait existé et n’apparaissait plus. Son travail, considéré à juste titre comme œuvre de rattrapage, l’amena à ajouter la seizième « mer » aux quinze qui existaient.

Il la désigna par le nom d’Al-Moustadrak. Ce nom est composé de la même racine que celle du mot signifiant rattrapage. Rappelons au passage qu’il fut élève de Sibaouaïh (سيبويه), (148-180/ 765-796), Al- Kissa’i (الكســائي) (119-189 / 737-895), Al-Mazini (المازني) (mort en 249 / 863) ainsi que d’autres.

Enfin, il est nécessaire de rappeler que le premier livre écrit sur la poétique l’a été par Al-Khalil Ben Ahmed Al-Farahidi (خليل بن أحمد الفــراهيدي) de Bassorah, mort entre 160 et 175 (775 et 790) selon nos sources. Ce livre connut quelques commentaires en vue de sa vulgarisation parmi lesquels quatre tiennent le haut du pavé : ce sont ceux du Kurde Ibn Al-Hajib (Isna, Haute Egypte 570-2 Chawwal 646 / 1174-18 février 1249), Ibn Al-Athir (558-637/1163-1239) à ne pas confondre avec son célèbre frère cadet qui est l’historien qui nous a légué « Le Parfait en Histoire » ( الكـامل في التاريخ), Abou Hilal Al-Askari (310-395) et Ahmed Al-Hachimi (1295-1361 / 1878-1943).

Ayant constaté que beaucoup d’égratignures étaient apportées à la rythmique par des pseudo poètes ou par des inadvertances, il s’engagea dans une œuvre de salubrité pour rendre à la poésie l’image fidèle de son originalité en mettant à la disposition d’un nombre incalculable de générations un outil sûr, inusable et figé ce qu’un simple envol des écrits de nos grands poètes à travers les siècles corrobore magistralement. Terminons avec les mers en ajoutant la seizième :

16/ Al-Moutadarik (المتدارك) : Sa structure est composée huit fois par la scansion : فــاعـــلـنCe vers est désigné par certains auteurs par Al-Mohdath (المحدث),  Al-Mokhtara’ (المخترع), Al-Mouttasik (المتسق) et Al-Chakik (الشقيق).

(2) : S’agissant du vers Al-Ouafir, dans la majeure partie des poèmes où il est utilisé, la fin de chaque hémistiche se termine par فعـولُ  ou فعولن  ce qui m’amène à redire que les dix scansions citées plus haut peuvent subir des variations en plus ou en moins mais dans des conditions rigoureusement cernées.

ANNEXE 2

 

Miguel Asin Palacios (Saragosse le 5/7/1871 – Saint Sébastien le 12/8/1944)

 Considéré, à juste titre, comme le plus grand spécialiste non seulement d’Ibn Arabi mais également d’Ibn Hazm dont il a traduit et interprété presque toute l’œuvre ainsi que celles d’El Ghazali, Ibn Massarra (883 – 931), Ibn Bajja (mort en 1138) – connu en Occident sous « Avempace » – un génie en philosophie mort à 27 ans, plus connu en Espagne que dans tous les pays arabes réunis – et tant d’autres.

Né  le 5 juillet 1871 à Saragosse et mort à Saint Sébastien le 12 août 1944, il fit une carrière comme prêtre catholique où il fut une figure particulière du néothomisme. Historien et islamologue, destiné à une carrière ecclésiastique, il découvrit le monde de l’Islam qui le passionna. Le philosophe et polyglotte Abderrahmane Badaoui, dans sa remarquable introduction à la traduction de l’étude de Palacios sur Ibn Arabi, nous apprend qu’à l’occasion de son intronisation à l’Académie Royale d’Espagne (et il sera membre de deux autres), le 26 janvier 1919, il fit  une communication, considérée comme « une bombe scientifique mondiale », ayant pour thème : «  La vie future en Islam dans la Divine Comédie de Dante ».

 

Ce fut  une véritable onde de choc qui souleva un tollé à l’échelle planétaire. En 1914 déjà, poursuivant ses recherches sur l’influence de l’Islam sur le Christianisme et la pensée européenne, il découvre que le Franciscain Turmeda (Mayorque 1326 – Tunis 1423), qui se rendit en 1387 / 1385 ? dans l’ancienne Ifriqiya, se convertit à l’Islam à l’époque du Sultan Hafside El Moustansir.

Il  n’écrivit qu’en arabe et en catalan et composa un livre intitulé « La dispute de l’âne» « Mounazaa’t Himar » (منازعة حمار). Asin Palacios apporta la preuve que ce livre n’était qu’un plagiat des « Lettres » d’Ikhwane Es Safa (philosophes des 3 ème/10 ème siècles).

En 1920, le même orientaliste publia une étude intitulée «les antécédents islamiques du Pari de Pascal » qui lui valut, en dépit de son éclatante démonstration, l’opprobre de ses pairs. Quant à Emilio Garcia Gomez (Madrid, 1905 id 1995), arabisant espagnol, il a fondé avec Asin et Ribera, dont il avait été un disciple, les écoles arabes à Madrid et Grenade et publia le magazine Al-Andalus. Il a servi comme professeur de langue et littérature arabe à l’Université de Madrid et comme ambassadeur à Bagdad, Beyrouth et Ankara. Il est l’auteur de traductions d’auteurs arabes (Ibn Hazm, Ben Guzman-إبن قزمانAbentofail –إبن طفيل -) et fut auteur d’essais majeurs. Prix ​​National Historique en 1989.

Emilio Garcia Gomez (Madrid 4/6/1905 – Ib. 31/5/1995).

En 1975, il reçut le prix ALAMO de poésie et, trois années plus tard celui de Vicente Aleixandre Merlo (Séville, le 26/4/1898 – Madrid, le 13/ 12/ 1984), poète espagnol de la génération 27, lauréat du Prix National de Poésie en 1934, membre de l’Académie Royale Espagnole à partir de 1949 et Prix Nobel de littérature en 1977.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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