L’implication des Chrétiens arabes et des Juifs.
Par Mohamed Senni
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بسم الله الرحمن الرحيم
لَتجِدَنً أَشَدً النَاسِ عَدَاوَةً للذين آمنُوا اليهودَ والذين أَشْرَكُوا وَلَتَجِدَنً أقربَهم مَوَدًة مِنَ الذين آمَنٌوا الذين قالوا إِنا نَصَارَى (سورة المائدة 5-84)
« Vous découvrirez que les Juifs et les idolâtres sont les plus violents ennemis des Croyants et vous trouverez, très proches en affection pour eux, ceux qui disent qu’ils sont Chrétiens. (Sourate La Table, Versets 84/85).
Il y a un peu plus de trois ans, nous avons publié une lettre adressée le 25 juillet 2012 à Monsieur François Hollande par le prêtre Elias Zahlaoui de l’Eglise Notre-Dame de Damas Koussour. Cette lettre magistralement écrite, comme les deux adressées à Monsieur François Juppé en 2011 ainsi qu’à Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, donne froid au dos par sa pertinence, sa clairvoyance, sa lucidité, son incontestable vérité et sa saisissante humanité.
La Première dame de Syrie honorant Monseigneur Zahlaoui du titre de « Fierté de mon Pays ».
L’analyse qu’elle étale de manière inattaquable en fait plus qu’une simple lettre mais plutôt un cinglant avertissement et peut-être considérée, à juste titre et par de nombreux aspects, l’ultime bréviaire salvateur pour tous les arabo-musulmans pour endiguer le plan arrêté au début des années 80 : la dislocation totale par Israël de l’ensemble du Monde arabe d’abord et une partie du monde musulman.
Un simple retour sur les récents événements que certains pays ont connus montre que ce plan, machiavéliquement pensé, réglé comme du papier à musique, a déjà connu ses premiers succès sur le terrain, le plus gros restant à venir et il viendra rapidement et immanquablement tant que la léthargie à laquelle ont succombé tous les dirigeants arabes ne se dissipera pas. Mais enfermés dans leurs bulles respectives et trop préoccupés par compter nos sous, ils ne voient pas venir le tsunami qui les emportera tous. N’étant pas qualifié pour dire comment le conjurer, je m’interroge sur l’aveuglement de ces mêmes dirigeants – dont les nôtres – qui semblent avoir totalement déserté leur rôle en se focalisant, par l’entremise d’un patriotisme destiné à contenir le mécontentement qui sourde, sur d’autres fronts où l’effet de boomerang, faute de maîtrise et de vision saine, ne manquera pas d’avoir raison de beaucoup d’entre eux.
Aussi, dans ce propos nous nous proposons de rappeler le rôle que certains Chrétiens et Juifs ont joué pour la défense de la cause des pays arabo-musulmans et notamment celui, parmi eux, qui constitue un danger pour l’ensemble de l’Humanité : la Palestine, « Terre de tous les messages divins » pour reprendre le titre d’un livre de notre frère Roger Garaudy que le lobby juif a empêché, dans un pays qui se dit de liberté, de respect de tout être humain et de défenseur des causes justes, appréciées à l’aune où il mesure lui-même le degré de justice, d’avoir une sépulture selon les pratiques musulmanes, pour subir inhumainement une crémation, dans un terrible silence coupable et même complice de tous les responsables arabo-musulmans y compris leur classe intellectuelle dite engagée et souvent trop prompte à réagir pour beaucoup moins que çà surtout en caressant l’espoir d’émarger à un strapontin sur un plateau de télévision occidentale.
Aucune organisation des Droits de l’Homme, aucune personnalité qui s’affiche en champion du rapprochement interreligieux n’ont élevé la moindre protestation. Quant à nos hommes de culte, trop occupés à soigner leur docilité vis-à-vis de leurs bienfaiteurs, le temps a du sûrement leur manquer pour s’intéresser à un sujet inintéressant et qu’ils ignoraient et ignorent totalement.
I. Quelques nécessaires et brefs rappels.
L’Eglise catholique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’est qu’une imparfaite image héritée du message de Jésus. Elle est surtout le produit de réajustements à travers les siècles et ce chaque fois que ses assises fragilement posées subissaient des secousses menaçantes.
Ainsi a-t-elle connu des phases de développement au gré des hommes et des événements avec ce paradoxe que la spiritualité ne tenait pas l’avant de ses préoccupations si ce n’est pour contenir les faibles.
Rappelons que le qualificatif « Chrétien » apparut en l’an 50 chez les habitants d’Antioche -photo ci contre- (ville de Turquie sur l’Oronte, fondée en 300 avant Jésus Christ, qui fut une grande cité de la Chrétienté). Les premiers disciples de Jésus furent dénommés par les Juifs « Nazaréens » ou « Galiléens » en souvenir de la ville et de la région qui furent honorées par l’avènement du Christ, Verbe et Esprit de Dieu selon le Coran qui nous enseigne que :
إنما المسيح عيسى بنٌ مريمَ رسولٌ الله وكلمتٌه ألقاها إلى مَرْيَمَ وروحٌ منه
pendant que les Chrétiens eux-mêmes se nommaient « frères », « fidèles », « saints » ou « élus » entre eux. L’Eglise catholique reconnaît dès ses débuts, l’autorité du Pape – et la papauté siège à Rome depuis Saint Pierre (Simon), avec quelques éclipses notamment à Avignon (deux), Pise (deux). Saint Pierre fut un des douze apôtres du Christ, qui le renia trois fois et qui fut le premier évêque de Rome où il périt en martyr en 64, thèse qui fait l’unanimité chez les Historiens bien que la vérité semble être tout autre.
Volontairement ou involontairement il institua le clergé comme intermédiaire entre Dieu et les humains s’écartant ainsi de l’enseignement des Evangiles écrits du temps du Christ par saint Matthieu (Lévi), saint Marc, saint Luc et saint Jean. Les Evangiles des trois premiers apôtres cités étant scrupuleusement identiques sur la vie du Christ furent dénommés « les Synoptiques ».
L’Eglise connut environ deux – cents – quatre vingts papes – dont certains exercèrent cette fonction suprême plus d’une fois – et antipapes (papes usurpateurs) aussi bien à Rome, Avignon et Pise. Certains de ces papes étaient arabes, d’autres juifs et il y en eut trois berbères.
De même qu’elle connut quatre vacances du Saint Siège allant de deux à quatre ans. Cette absence de régularité dans la désignation des papes laisse penser que le pouvoir temporel avait son mot à dire dans l’exercice du pouvoir spirituel. Seuls les intérêts des premiers peuvent expliquer cette union contre nature. L’Histoire reconnaît de fait, même en termes choisis, ce qui précède au motif d’éviter de fâcheuses répercussions négatives sur les simples croyants.
Je livre ci-après un entretien que j’ai eu en 1991 en Espagne avec une directrice d’entreprise auprès de laquelle j’ai été chargé par mon employeur d’alors de négociations commerciales. En l’attendant, dans le salon d’entrée de l’hôtel où elle devait venir me chercher, j’étais entrain de lire « Les confessions » de Saint Augustin (354-430), Algérien et jugé comme le plus grand des pères de l’Eglise. En arrivant derrière moi, ma partenaire m’interpella, dans une forme interrogative, par mon nom et lui répondis que c’était bien moi.
Après dix heures de travail, nous nous retrouvâmes pour dîner ensemble avec son mari. C’est alors qu’elle me dit : « J’ai remarqué ce matin, en venant vous chercher, que vous étiez entrain de lire les confessions. Je serai franche avec vous : cela m’a surprise ». La discussion tourna autour de l’Evêque de Thagaste (Souk Ahras), de ses confessions, de son « aventure de la grâce », « la Cité de Dieu », sur le christianisme et l’Islam et surtout son volet social, très présent dans notre religion alors que le Christianisme, tel qu’enseigné par l’Eglise, n’effleure à aucun moment ce volet.
Je lui faisais remarquer qu’en lisant les écrits apocryphes chrétiens – c’est-à-dire ceux qui ont été rendus caducs pour des motifs très discutables- tenaient compte de cet aspect. Alors elle me dit : « Je suis chrétienne, catholique, croyante et pratiquante et lis tous les soirs l’Ave Maria avant de m’endormir. Répondez-moi à une seule question : si on distribuait tous les immenses trésors qui existent dans toutes les Eglises du monde, il n’y aurait plus de pauvres pendant des siècles. Pourquoi ne le fait-on pas ? Je lui répondis : « Questionnez saint Pierre ».
Son regard, intensément soutenu durant une poignée de secondes qui semblaient être des heures, me convainquit qu’il y avait une foule de questions qui tournaient dans sa tête. Elle se leva, me tendit la main en me disant « merci ». « Je n’y suis pour rien Madame » lui répondis-je.
1.L’éclatement de l’Eglise et l’avènement de celles du Moyen-Orient.
L’absence d’une ligne jurisprudentielle dès les trois premiers siècles du Christianisme et l’évolution du monde étant résolument tournée vers des horizons demandeurs de réponses précises à des questions qui surgissaient, l’Eglise décida, pour pallier l’absence de réponses dogmatiques, de tenir des réunions pour traiter de ces problèmes.
Ainsi vint l’ère des conciles. Parmi eux il y avait les conciles généraux qui ne sont commandés que par le pape et où ne siègent que les cardinaux, les évêques et les abbés mitrés (ceux qui portent la mitre). Nos amis chrétiens du Moyen-Orient désignent le concile général par « المَجْمَعٌ المَسْكٌونِي ». Les décisions qui étaient prises s’appellent « décrets » ou « canons » cette dernière appellation correspondant entièrement au mot arabe «قانون ». Tous les évêques qui y participent portent alors le titre de « pères ». Chaque concile débattait d’un thème précis.
L’Eglise catholique reconnaît 21 conciles œcuméniques (universels), celle protestante ne reconnaît que les huit premiers pendant que les Eglises protestante et anglicane ne reconnaissent que les quatre premiers. Soulignons au passage que le 19 ème Concile de Trente (Italie 13 Décembre 1545 – 4 Décembre 1563) nécessita vingt-cinq sessions et dura dix-huit ans !
Le premier eut lieu en 325 à Nicée en Turquie et le dernier, Vatican II en 1962 à Rome. Celui de Nicée devait faire
obstacle à la doctrine d’Arius le libyen, prêtre jugé hérésiarque qui prônait l’arianisme; celui de Vatican II fut consacré à « l’infaillibilité pontificale ». Lorsqu’un problème se pose à une région précise du monde, le concile devient régional et prend l’appellation de synode.
En 451 se tient le quatrième concile en Chalcédoine (aujourd’hui Kadiköy en Turquie sur le Bosphore). Nous sommes alors en pleine période des grands schismes
(divisions) qu’a connus l’Église. Ce concile, qui allait mettre fin à la mainmise de Rome sur le Christianisme, traita du monophysisme. De quoi s’agit-il ?
L’Eglise proclamait alors deux natures du Christ, l’une divine et l’autre humaine ce qui est contre la doctrine des Monophysites (أصحاب الطبيعة الواحدة). En effet le monophysisme ne reconnaît dans le Verbe incarné qu’une seule nature. Ainsi surgirent des Eglises de rite syrien : les Maronites (adeptes de Saint Maron, mort vers 420) , les Sabéens de Bassorah qui se réclamaient de Saint Jean le Baptiste (النبي يحيى ), les Nestoriens en Mésopotamie (fidèles de l’hérésiarque chrétien Nestorius banni par le Concile d’Ephèse – ville turque sur la mer Egée- en 431 pour avoir soutenu la séparation des deux natures, humaine et divine du Christ, les Coptes ( Chrétiens autonomes d’Egypte et d’Ethiopie, depuis le Concile de Chalcédoine, les Jacobites formant l’Eglise syrienne orthodoxe monophysite et, entre autres, les Melkites ou Melchites.
Ces derniers sont des fidèles orthodoxes et catholiques de rite byzantin. Leur langue de liturgie est l’arabe et le grec. Cette Eglise se scinda en deux il y a trois siècles : l’une orthodoxe séparée de Rome, l’autre catholique avec, à sa tête un seul patriarche dont le titre est « Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient, d’Alexandrie et de Jérusalem » avec résidence à Damas ou au Caire. C’est à cette dernière qu’appartient le prêtre Elias Zahlaoui.
III. Le rôle des Eglises du Moyen –Orient dans le devenir du monde arabo-musulman.
Toutes ces Eglises se caractérisent par une excellente maîtrise inégalée de la langue arabe en plus, selon leur obédience religieuse, du syriaque, de l’araméen (qui fut la langue du Christ), le grec, l’arménien en plus des langues parlées dans les divers pays où elles se situent ou où elles exercent leur culte.
En lisant les mémoires de Mikhaïl Nouaïmeh, nous apprenons que les Eglises orthodoxes dispensaient des cours du cycle primaire de leur pays et, à l’issue de ce cycle, tous les élèves connaissaient par cœur la « Alfia » d’Ibn Malik (toute la grammaire arabe en 1002 vers) avec commentaire !! Et ce qui existait du temps de Mikhaïl Nouaïmeh existe plus que jamais de nos jours.
Nous portons à la connaissance des aimables lecteurs que, dans la grammaire arabe enseignée chez nous et dans les pays arabes, ne figurent pas certaines subtilités de cette matière bien qu’elles se retrouvent toutes dans le Coran. Je n’ai jamais rencontré ces subtilités chez les plus grands littéraires ou Oulama musulmans sur cinquante années de lecture. Par contre, je les ai croisées dans des textes écrits par des Arabes chrétiens du Moyen Orient.
A l’exception du poète égyptien Hafidh Ibrahim qui fut l’auteur d’un poème sur la peu reluisante situation de la langue arabe – déjà à son époque-un autre texte écrit à la fin du XIXème siècle à Boston par le libano – syrien Gibran Khalil Gibran, arabe Chrétien originaire de Bechareh (Liban), pose, noir sur blanc, les raisons de la dépréciation de l’arabe et les conditions sociologiques incontournables pour sa renaissance et son évolution.
Le texte était titré « l’avenir de la langue arabe ». Je me rappelle parfaitement de sa douloureuse conclusion où il disait que si les conditions n’étaient pas réunies rapidement pour garantir ce renouveau, l’arabe rejoindra ses deux sœurs : l’hébreu et le syriaque ! La richesse de cette langue est ignorée par ses propres enfants aidés par des bien-pensants du monde occidental et l’incurie de nos dirigeants. Nous donnons trois exemples pour illustrer cette richesse :
- Morphologiquement et pour ne nous intéresser qu’aux verbes, nous rappelons que presque tous ont une origine trilitère, c’est-à-dire qu’ils sont formés de trois consonnes sur le modèle فَعَلَ lequel admet six combinaisons. Et nous savons que le verbe arabe admet, avec des rajouts, autres que les lettres, qui sont au nombre de neuf ce qui nous donne pour un verbe simple de trois lettres 54 verbes avec des sens tous différents les uns des autres ou se rapprochant légèrement. En tenant compte des verbes de base on arrive à répertorier pas moins de 400 000! Ajoutons à ces verbes les substantifs, les adjectifs, les adverbes circonstanciels de temps et de lieux et les dérivés linguistiques et nous serons sidérés par l’étendue de cette langue.
- Si la langue arabe n’était pas riche, jamais la philosophie ancienne n’aurait pu être portée au monde occidental. Le vrai précurseur de la grande période des études arabes fut le deuxième Khalife abbasside, El Mansour, qui, gouvernant de 136 à 157 – 754 à 770, fonda Baghdad en 150 / 763, et mit tout en œuvre pour y faire venir les scientifiques de toutes confessions et de toutes les contrées en s’attelant à acquérir le maximum de supports ramenés, à grand frais, de tous les pays où il pouvait se les procurer.
Le septième Khalife abbasside, Al-Mamoun, fondateur en 217 / 832 de Dar El Hikma (Maison de la sagesse), qui gouverna de 197 à 218 – 813 à 833 mena ce travail à son apogée : ce fut une déferlante qui détrôna la suprématie détenue, jusque – là, conjointement par Athènes et Alexandrie.
Il a été écrit que Baghdad fut dénommée à cette époque « la Mecque scientifique ». Nous dirions plutôt, sans parti pris, la capitale mondiale de la Culture, une vraie locomotive qui allait tout tracter derrière elle, en faisant rejaillir une torrentielle lumière culturelle sur l’ensemble du bassin méditerranéen et l’Asie, culture à laquelle contribuèrent, il est important de le souligner, des Arabes non musulmans (Juifs, Chrétiens et Perses) des non Arabes musulmans et des non Arabes non musulmans tous placés au plus haut niveau des pouvoirs en place.
Contrairement au contenu de certains écrits occidentaux, volontairement réducteurs et non dénués d’arrière-pensées, cette culture ne fut pas le monopole des Princes ni destinée exclusivement pour eux : dans chaque maison, chaque mosquée et même dans les lieux publics, elle rivalisait avec celle qui dominait dans les palais.
Dans un long article intitulé « Quand les Arabes étaient les meilleurs », adapté par Raouf Kahak, l’auteur rapporte, entre autres, qu’« un voyageur qui se rend à Baghdad en l’an 981 (Ibn Sina avait alors un an) raconte, à son retour, qu’il a dénombré plus de cent bibliothèques publiques dan la ville. La plus modeste cité d’Orient a la sienne où n’importe qui peut venir consulter les ouvrages. Celle de Nayah, une petite ville d’Irak, comporte 40 000 ouvrages. Dans tout l’Occident, à la même époque, les monastères, seuls à détenir les livres, en ont une vingtaine tout au plus. Et parce qu’ils sont si rares, ils sont enchaînés et gardés jour et nuit ».
Quatre siècles après, en 1386, la faculté de médecine de Paris ne disposait que d’un seul ouvrage pour son enseignement : c’était Al-Haoui fi At-Tib (le réservoir de la médecine) de Razi. Pour rester dans l’esprit de notre propos, signalons que c’est à cette période (qui allait s’étaler sur trois siècles intensément pleins) que s’érigèrent les grandes écoles de traduction. Leurs chefs de file n’étaient pas de simples traducteurs mais des érudits polyglottes dont les travaux propres cumulés à ceux des philosophes arabes allaient relier l’antiquité au Moyen Age et asseoir les socles sur lesquels s’érigera la Renaissance.
- Meilleurs textes, meilleures traductions des chefs-d’œuvre arabes sont incontestablement aujourd’hui l’apanage des arabes Chrétiens du Moyen – Orient. Or il n’y a pas que cela. Il y a plus noble et plus utile que certains Juifs et Chrétiens arabes ont apporté pour la cause arabo-musulmane où les plus concernés sont devenus des larbins à la solde de l’oncle Sam quand ils ne collaborent pas avec les Sionistes. Le père Elias Zahlaoui en parle dans les deux lettres qu’il a adressées en 2011 à Monsieur Alain Juppé et à celle envoyée le à Monsieur François Hollande le 25 juillet 2012 et celle adressée à Sa Sainteté Benoît XVI.
En ce qui concerne les Juifs qui sont farouchement contre l’existence d’un état hébreu nous recommandons aux lecteurs de feuilleter « Les mythes fondateurs du sionisme international » du regretté Roger Garaudy. Restent les Chrétiens. Leur nombre est tel qu’un article comme celui que nous souhaitons livrer sera tellement exigu qu’il nous fera courir le risque de conduire involontairement les lecteurs vers des conclusions contraires à la réalité.
Aussi avons-nous choisi de parler d’un seul : il s’agit de l’évêque orthodoxe libanais Georges Khodhr, né le 6 juillet 1923 à Tripoli (deuxième ville du Liban), qui poursuivit ses études à l’Université Saint Joseph de Beyrouth. Fidèle à ses convictions, sa vie est un combat pour ses deux patries : le Liban et l’Humanité. N’était-il pas au premier rang le 11 novembre 1943 lors des manifestations anti-françaises ? De ce grand homme, j’ai lu trois livres « l’Espoir en temps de Guerre » « الرجاء في زمن الحرب », « attitudes du dimanche » « مواقف أحد » et Loubnaniates » « لبنانيات ».
- Les Libanais considèrent le deuxième livre comme étant celui « qui brûle les doigts ». Ces trois livres-parmi d’autres du même auteur-ont été écrits en arabe (et quel arabe !) parce que Monseigneur Georges Khodhr considère que c’est la langue qui restitue le mieux les aspects ayant trait à la foi, à la liturgie, au dialogue dénué d’arrière-pensées, à la prière et à la dévotion. Ce n’est pas un hasard si dans le domaine de l’Education, il brilla comme professeur de la Culture Arabe au point où, mondialement, il fut une source incontournable. Mais il se distingua, par un franc-parler qui donna mauvaise conscience à beaucoup de dirigeants arabes,Ses livres que nous avons lus renferment une longue série de thèmes dont les titres, à eux seuls, sous-tendent toute une littérature et, à vouloir chercher tout ce qui pourrait se greffer, nos pensées nous dépasseraient et nous feraient déboucher sur des horizons si vastes qui ont quand même le mérite de nous faire prendre conscience de notre petitesse et de notre nanisme. Commémore-t-il une fête chrétienne, il ne faut pas être surpris de trouver dans ses interventions des versets du Coran, des Hadiths et des noms comme ceux d’Ali Bni Abi Talib, de Abi Houraïra et beaucoup d’autres. Pour donner un aperçu sur sa fécondité spirituelle, nous nous limiterons à citer quelques thèmes abordés-avec leurs dates de parution- dans les livres que nous avons cités : véritables potentats dans leurs pays, par sa volonté de fer à rapprocher les religions abrahamiques, et à déclarer « l’état » sioniste comme l’unique ennemi des arabo-musulmans et des chrétiens et tous ses efforts dans ce noble combat, il le mena en pleine guerre civile qui déchirait son pays, cette guerre, il faut le rappeler étant celle des autres ayant choisi le Liban comme théâtre des opérations.
« L’espoir en temps de guerre » :
Ceux qui sont experts en terrorisme ne peuvent être terrorisés que par la douceur (22/11/1978) ; Le cèdre et le palmier (30/11/1980) ; La gloire et la paix (25/12/1981) ; Le Liban du peuple et le Liban de l’Etat (17/1/1982) ; La Paix Reine (25/7/1982) ; La langue des larmes (21/10/1982) ; Tripoli (7/11/1983) écrite lorsque cette ville connut les premières et terribles meurtrissures de la guerre.
L’auteur écrit : « Où sont les Arabes ? Sont-ils spectateurs de la deuxième capitale livrée à un grand incendie après avoir été spectateurs de la première capitale alors qu’ils excellent par leurs plumes dans les oraisons funèbres comme si les décombres étaient plus proches des paradis que ne l’est la poésie ? Les thèmes de la poésie chez nous sont la poésie d’amour, le panégyrique (المدح), la diatribe et la guerre c’est-à-dire tout ce qui peut blesser celui qui les dit ou celui à qui ils sont destinés comme si l’élégie était la seule expression des sentiments arabes. Quant à bâtir et être joyeux qui les chantera ?… Comment un frère combattant peut-il concevoir que par la mort de Tripoli il pourra occuper Jérusalem ? Dans une déclaration, Monsieur Yasser Arafat a dit qu’il tenait d’une main un fusil et de l’autre un rameau d’olivier. Aba Ammar ! Ceux qui te financent et tes adversaires ne voient-ils pas que le fusil palestinien est sur le point de brûler tous les oliviers du Nord, cet arbre par lequel Allah a juré dans son Livre (Coran) ? ; 1984 (1/1/1984) ; Il lance : « Aucune chose n’est utile dans ce monde si elle n’est pas partagée entre tous les humains, partage qui commence par une confiance puis s’épanouit jusqu’à devenir toute la confiance » ; Réflexions au temps de la mort (27/5/1984) ; L’animal politique (12/8/1984) ; L’auteur cite ce passage qui va comme un gant à tous les pays qui vivent dans le mépris de leurs dirigeants : « Le Liban est une forêt d’animaux politiques qui ont « dévoré » Dieu. S’Il revient à ces animaux pour en faire des humains, alors apparaîtra un nouveau pays et la catastrophe prendra fin » ; etc.
« Attitudes du dimanche ».
Il s’agit là de thèmes qui paraissaient chaque dimanche dans le plus grand quotidien en langue arabe du XXème siècle : An-Nahar. Une Cause plus énorme qu’elle-même (3 mars 1970) ; L’homme de Jérusalem (13 avril 1971) ; Ton jour ô Gaza! Le Ramadhan et la paix. Plusieurs articles sont consacrés à ce mois de jeûne. Dans l’un d’eux, Monseigneur Georges Khodhr écrit : « Nous acceptons les Musulmans parce que Dieu les accepte dans leur culte. Il n’est pas juste pour un musulman de pratiquer son ascétisme et pour nous de ne pas le soutenir par la prière ». Témoignage de Taïf (1/2/1981) ; Mériem (15/08/1980) ; Mériem et El Hallaj (11/08/1985) qui mérite une étude à part puisqu’étant un pur article de mystique.
« Loubnaniates ».
Sur les 132 thèmes traités dans ce livre nous n’en retiendrons qu’un ayant pour titre « Le grand danger ». L’idéal eût été de traduire le texte en entier mais, conscient de la difficulté de la tâche nous nous limiterons à livrer quelques passages : « Les penseurs chrétiens tels le docteur Khalil Saâda et Youssef El Hadj ont été ceux qui se sont dressés contre le sionisme dès son apparition. Et si nous revenons aux années que nous avons vécues nous- mêmes, nous constaterons que les littératures sionistes nous ont fait découvrir que ce qu’ont écrit les Chrétiens arabes (qui représentent le dixième du monde arabe) équivaut-en quantité- à ce qu’ont écrit les Musulmans, en d’autres termes les chrétiens ont été plus fermes dans le combat face à la colonisation juive… Et puis pourquoi cette assertion : l’importance du Liban émane du fait qu’il soit un espace de présence chrétienne ? Celui qui soutient cela aujourd’hui alors que la conviction dominante est que, quoiqu’il en soit du problème des Chrétiens arabes, ceux qui se précipitent aujourd’hui pour aplanir leurs rapports avec Israël ne sont pas eux… Nos âmes croient que nous avons avec Israël une cause de vie ou de mort ».
Où sont passés les arabes ? Leur reste-t-il quelques atomes de dignité ? Ne seraient-ils pas mieux en harmonie avec eux-mêmes et envers les autres à dissoudre la Ligue Arabe dont seule l’Egypte profite pour son seul intérêt ? Moubarak a servi les USA et Israël : c’est une vérité consacrée. Que feront ceux qui ne s’expriment que par le Coran alors que certains actes sont plus éloquents que les paroles ? De quelle substance est composé le qualificatif « Arabo-musulman » ? Le dernier mot revient à Dieu :
إن الله لا يغير ما بقوم حتى يغيروا ما بأنفسهم
La plus grosse difficulté consiste à s’y conformer, ce qui n’est pas évident.
N.B. Toutes les citations ont été traduites de l’arabe au français par l’auteur de cet article.