L’auteur du livre « L’Orient et l’Occident », AMIR NOUR, chercheur en relations internationales, spécialiste de la politique du Moyen-Orient et du Maghreb, rapporte qu’en 1980 déjà, un plan a été soigneusement établi pour désagréger le monde musulman.
L’auteur explique que depuis l’invasion de l’Afghanistan en 2001 et de l’Irak en 2003, un nouveau «Sykes-Picot» s’est mis en place mais d’une façon exactement inverse.
L’architecture territoriale dessinée par les puissances européennes après les accords secrets franco-britanniques de 1916 plus connus sous le nom d’Accord Sykes- Picot et après la Première Guerre mondiale, ne pourra pas résister face aux effets cataclysmiques qui ne manqueront pas de produire la remise en cause par la violence du sacro-saint principe de l’intangibilité des frontières héritées aux indépendances.
La boîte de Pandore est ouverte, elle est annonciatrice de bien de malheurs…
«De l’Afrique du Nord en Chine, en passant par le Sahel, le Proche-Orient et le Moyen-Orient, le Caucase, et l’Asie centrale, le monde musulman est plongé dans un chaos…», écrit l’auteur.
Un chaos qui a jailli d’une éprouvette des laboratoires occidentaux. Des plans concoctés dans des officines étrangères dans le but de servir en premier lieu Israël.
Quelques jours après l’invasion israélienne du Liban, écrit-il, une revue d’étude palestinienne avait publié un article d’Oded Yinon intitulé Stratégie pour Israël dans les années 80.Il y est écrit :
«Si l’Egypte se désagrège, des pays tels que la Libye, le Soudan et même des Etats plus éloignés ne pourront pas survivre sous leur forme actuelle, et accompagneront l’Egypte dans sa chute et sa dissolution. On aura alors un Etat chrétien copte en Haute Egypte, et un certain nombre d’Etats faibles, au pouvoir très circonscrit, au lieu du gouvernement centralisé actuel ; c’est le développement historique logique et inévitable à long terme, retardé seulement par l’accord de paix de 1979»…
L’article conclut : «Tout conflit à l’intérieur du Monde arabe nous est bénéfique à court terme.» Près de 25 ans après sa publication cet article est d’une funeste actualité puisque le plan garde sa terrible pertinence aujourd’hui. Il convient de souligner que le processus de morcellement de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord fut inauguré en janvier 1991 par la guerre en Somalie, Etat qui depuis lors est divisé.
Pour l’auteur, deux faits saillants marquent la fin de la Guerre froide : le confortement des Etats-Unis comme étant la superpuissance politique, économique et militaire majeure et le déplacement du centre de gravité économique et commercial du Vieux Continent vers le Pacifique sous l’effet du progrès spectaculaire du dragon chinois.
S’ensuivent alors les grands bouleversements géostratégiques qui s’expriment par le « printemps arabe », les manœuvres politico-militaires en mer de Chine orientale, la crise en Ukraine.
Des convulsions qui sont loin d’être des épiphénomènes mais des éléments clés d’une recomposition d’un monde tiraillé entre les défenseurs du multipolarisme et les récalcitrants partisans de la domination occidentale symbolisée par les Etats-Unis d’Amérique.
Voilà donc deux tendances, deux mondes et deux idéologies qui s’affrontent. A la faveur de ces spasmes qui agitent le monde, la géographie est en passe de reconquérir ses droits. Ce qui se passe en Ukraine est une revanche de la géographie sur l’histoire.
La Providence a placé le monde musulman au cœur du globe. Sa géographie en a fait de tout temps le point de confluence de toutes convoitises. Dans cette équation, le monde musulman malgré ses asthénies, reste l’ennemi à affaiblir et à diviser.
Les musulmans accusés de poursuivre leur vieux projet de prendre d’assaut la citadelle occidentale, sont le meilleur faire-valoir pour les desseins stratégiques de la nouvelle coalition occidentale.
Ainsi se met en place la théorie de l’ennemi commun et du péril musulman. Et l’on voit apparaître une foisonnante littérature islamophobe sans précédent.
Dans le but d’exalter les passions et d’exacerber les peurs, les idéologues les plus anti-islam n’hésitent pas à faire le parallèle entre la religion musulmane et le nazisme.
Amir Nour a offert à ses lecteurs cette conclusion : si l’expression «civilisation islamo-chrétienne» est sans doute un néologisme, son message, en revanche, n’est pas nouveau ; il fait écho à une pensée identique exprimée en 1850 par l’Emir Abdelkader : «Si les Musulmans et les Chrétiens avaient voulu me prêter leur attention, j’aurais fait cesser leurs querelles ; ils seraient devenus, extérieurement et intérieurement des frères».
Saura-t-on, un jour, prêter une oreille attentive à pareille voix de la sagesse et en faire un credo en vue de construire un monde meilleur ? Mais hélas, la cohabitation des religions et le vivre-ensemble dans un monde apaisé a rejoint le cimetière des utopies, sommes-nous tentés de répondre.
Synthèse de l’article paru au Quotidien l’Expression du 15 Février 2015 signé de Brahim Takheroubt
AMIR NOUR « L’Orient et l’Occident, à l’heure d’un nouveau Sykes-Picot », paru aux Editions Alem El Afkar, septembre 2014, d’Amir Nour,