L’écriture pour le grand public – roman, théâtre, poésie, peinture – ressortit à l’engagement qui doit guider celui qui écrit dans les choix des thèmes abordés et du medium linguistique, pictural ou sonore qui les transportera vers le public.
Pourquoi écrire ?
Cette question nous renvoie, en fait, à poser la problématique de l’intellectuel, de sa place et de son rôle.
Je dirais qu’être un intellectuel, c’est assumer ses responsabilités depuis une posture qui est la sienne mais qu’il n’a pas choisie. On ne décide pas d’être un intellectuel. On l’est à travers nos différentes interventions tant dans son lieu de travail, que lors de manifestations scientifiques et culturelles auxquelles l’on assiste en qualité d’invité ou de simple observateur poussé par la curiosité et la nécessité d’être présent ; parce que l’on considère qu’on est investi d’une mission de tous les jours, de tous les instants et en tous lieux.
Etre intellectuel oblige à ne point l’être pour la recherche d’une hypothétique renommée, ou pour la satisfaction d’un narcissisme, par ailleurs latent en toute personne.
L’intellectuel comme aimait à dire Sartre, c’est quelqu’un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas. Il est condamné à cela car « nous sommes condamnés à être libres ! » donc en perpétuel « être. »
L’intellectuel peut agir en tant que peintre : le meilleur exemple reste Guernica de Picasso . Il est romancier et les exemples sont foison : Horace Mc Coy dans « On achève bien les chevaux » où il propose une critique acerbe du capitalisme et où il démonte The american way of life », sans jamais nommer le capitalisme. Federico Garcia Marquez dans « Cent ans de solitude. » Tayeb Saleh dans « Saison d’émigration vers le nord » L’intellectuel peut agir par le biais du théâtre : Peter Weiss dans « Le chant du fantoche lusitanien » où il fustige le colonialisme portugais – bien avant la Révolution des Œillets de 1974, Marcel Pagnol dans « Topaze » où l’auteur flétrit la concussion, la prévarication et les détournements des deniers publics.
C’est ce sentiment de responsabilité qui est le ressort de toute l’activité de l’intellectuel. Responsabilité à l’endroit de l’humanité. Ainsi, nous pouvons comparer les positions de Jean- Paul Sartre et d’Albert Camus vis-à-vis de la question algérienne. Notons, d’emblée, que les deux se définissent et sont connus comme philosophes. Donc ils agissent depuis la même posture. Mais au moment où Jean- Paul Sartre, et ceux qui partagent ses idées tels Merleau Ponty et Henri Jeanson, condamne le colonialisme français franchement et ouvertement , Albert Camus propose en 1958, une trêve sociale .
Donc, le background qui a généré et orienté mon activité, en sus de l’enfance que j’ai eue est composé de toutes les lectures que j’ai faites d’un nombre de romans assez important tant en arabe qu’en français. Quand on a lu Taha Hussein, Najib Mahfoudh Georgy Zeidan, Émile Zola, Jules Vallès, Romain Rolland, Hervé Bazin et tant d’autres, l’on ne peut qu’être « humain. » et choisir le combat pour une humanité où tous les humains auront les mêmes droits.
Je ne crois pas à l’efficience de l’intellectuel organique tel que défini par Gramsci . Ce qui me gêne, ici, c’est de transposer des idées ou des propositions établies dans une société capitaliste structurée dans notre société qui reste, malgré l’Indépendance, en formation, pour diverses raisons, mais ça c’est une autre histoire.
L’intellectuel chez nous, peut être le porte-parole des couches déshéritées, des ouvriers, et plus généralement de celles et ceux qui créent les richesses, sans qu’il soit un affidé d’un parti politique donné .
Je me suis donc tracé un chemin que j’ai jalonné de quelques écrits qui seront l’objet de ce papier.
J’ai commencé par le théâtre pour Enfants, car nous remarquons que jusqu’à présent, les enfants sont sevrés quant à la chose culturelle.
J’ai adapté Blancheneige, le conte des frères Grimm (Jacob 1785-1863 &Wilhelm, 1786-1859), au théâtre. J’ai intitulé la pièce « La Belle et les Sept Vaillants. » J’ai adopté le vernaculaire, car ceux qui ont campé le rôle des Sept Nains sont de petite taille, et ne maîtrisent donc pas l’arabe littéraire. Mais j’ai opéré quelques changements dont le plus important a été la suppression pure et simple du personnage du Prince Charmant qui arrive, à la fin, tel Zorro, pour partir avec la Princesse ! Les Sept Vaillants, dans mon texte sont des travailleurs et se chargent de défendre la Princesse.
J’ai adjoint à la Méchante Marâtre, un valet qu’elle enverra vendre des fruits empoisonnés à la Princesse. Il s’agit là d’un passage assez comique et où les enfants/spectateurs sont mis à contribution. J’ai aussi imaginé que les Vaillants ramènent le Miroir du palais. Et lorsque la Reine/Marâtre se déplace elle-même pour « tuer » la Princesse, les Vaillants avaient déjà tendu le piège dans lequel tombera la méchante. Or, à ce niveau de la pièce, je voulais que les enfants /spectateurs soient associés à la décision des Vaillants : faut-il ou non juger la Reine ? et je mets dans la bouche du « Grand » la nécessité de pardonner – car la Reine a réclamé le pardon – et même proposé à la Princesse de revenir pour vivre en bonne intelligence avec elle. Or la Princesse déclare se trouver en bonne compagnie avec les Vaillants et une fois encore, les enfants décideront si la Princesse reste avec les Vaillants ou si ls Vaillants répondent à l’invitation de la Reine d’aller vivre eux-mêmes, au Palais avec le Belle.
Pour adultes, je suis revenu à Guilherme Figueiredo (1915-1997) dramaturge brésilien. Pour sublimer la Liberté, il est revenu à la vie d’Esope, le célèbre fabuliste grec qui a « fait parler » les animaux . Or Esope (أيسوب ) était esclave et fut acheté par Xanthos, un philosophe célèbre par sa forfanterie. Cette pièce a été adaptée au moment où en Algérie, les discussions sur la démocratie battaient leur plein. C’est ce qui m’a poussé à réécrire complètement les troisième et dernier acte. Durant la pièce Xanthos ne cesse de défier le monde, et Esope de le sauver avec, chaque fois, la promesse qu’il le libérerait ! Mais Esope est resté esclave ! Dans la pièce –autant l’original que l’adaptée – , il est libéré au troisième acte. Mais pour participer au débat sur la démocratie, j’ai décidé de le faire libérer devant le « démos » le peuple ! L’occasion a été un rêve que devait interpréter « le Philosophe de la Ville .» Celui-ci tentera d’avoir « l’explication » d’Esope contre « sa libération » Mais Esope tient là une occasion inrenouvelable pour enfin se libérer ! Il demande donc au Philosophe de la précéder. Esope se présente mais reste silencieux. Le peuple s’impatiente et Xanthos de dire à voix haute que pour un tel problème, son esclave suffisait ! Et l’esclave de rétorquer : si j’étais libre, vous auriez eu la réponse, depuis longtemps déjà ! » Xanthos est acculé, car le peuple lui demande soit de le libérer soit de donner la solution ! Il s’empresse de le libérer ! Á ce niveau, et l’auteur et l’adaptateur ont joué avec le temps ! Dans la vie d’Esope, l’accusation de vol, intervient longtemps après sa libération. Mais pour la bonne cause, nous avons voulu qu’elle intervienne pendant le temps de la pièce.
Pour Guilherme Figuieredo, elle intervient dans la maison de Xanthos mais j’ai préféré la placer durant le même meeting populaire. En effet, alors que les gens ne se sont pas encore dispersés, des gardes ramènent Esope qui se pr »tendait « libre !» Car seul un homme libre avait droit à la peine capitale ! Esope se déclare libre et préfère mourir en homme libre plutôt que de vivre le restant de sa vie en esclave.
Ahmed Hammoumi
[1] Edition Gallimard. Paris .1999 Roman écrit en 1935, et tournée en film par Sydney Pollack en 1969, projeté à Oran en 1972
[1] Edition du Seuil. Paris. Janvier 1968. Montée par le théâtre de l’Atelier de Genève en Mai 1968, et représentée à Oran la même année.
[1] Ecrite en 1926, éditée dans la collection Le Fallois. Montée dès 1928 en France et partout en Europe. Nous l’avons traduite pour le Théâtre Régional de Sidi Belabbès et le metteur en scène et scénographe Yahya Benammar l’a mise en scène en 2011
[1] Pièce que j’ai adaptée et qui a été réalisée par Yahya Benammar au théâtre régional de Sidi Belabbès, en 2011.
[1] Jeanson sera le chef du Réseau des Porteurs de Valises pour la fédération du FLN en France. Tout comme Claudine Cholet qui facilitera le mouvement des nationalistes algériens au moyen de sa voiture, alors que le Docteur Chollet, soignait les blessés de guerre algériens. Henri Aleg a, dès 1958, dénoncé la torture des civils par les militaires français, dans un brûlot « La Question » qui bouleversé la conscience des Français et des étrangers.
[1] En 1957, lors de la cérémonie de remise du Prix Nobel de Littérature, qu’il avait reçu, il répondra à un Algérien, à propos de la justice et de la démocratie : « si j’avais à choisir entre la démocratie et ma mère, je choisirais ma mère ! »
[1] Et dont j’ai fait une relation dans un roman autobiographique intitulé : « Oujda qui m’habite »
[1]
[1] Dans « les Cahiers de Prison Gramsci affirme : » «Tout groupe social, qui naît sur le terrain originaire d’une fonction essentielle dans le monde de la production économique, se crée, en même temps, de façon organique, une ou plusieurs couches d’intellectuels qui lui apportent homogénéité et conscience de sa propre fonction, non seulement dans le domaine économique, mais également dans le domaine social et politique»
[1] Du reste, les partis politiques dans nos sociétés souffrent de l’absence de base sociale et populaire.
[1] Jean de La Fontaine a écrit ses fables à partir ses des textes d’Esope.
[2] Edition Gallimard. Paris .1999 Roman écrit en 1935, et tournée en film par Sydney Pollack en 1969, projeté à Oran en 1972, Edition du Seuil. Paris. Janvier 1968. Montée par le théâtre de l’Atelier de Genève en Mai 1968, et représentée à Oran la même année.
[3] Ecrite en 1926, éditée dans la collection Le Fallois. Montée dès 1928 en France et partout en Europe. Nous l’avons traduite pour le Théâtre Régional de Sidi Belabbès et le metteur en scène et scénographe Yahya Benammar l’a mise en scène en 2011
[4] Pièce que j’ai adaptée et qui a été réalisée par Yahya Benammar au théâtre régional de Sidi Belabbès, en 2011.
[5] Jeanson sera le chef du Réseau des Porteurs de Valises pour la fédération du FLN en France. Tout comme Claudine Cholet qui facilitera le mouvement des nationalistes algériens au moyen de sa voiture, alors que le Docteur Chollet, soignait les blessés de guerre algériens. Henri Aleg a, dès 1958, dénoncé la torture des civils par les militaires français, dans un brûlot « La Question » qui bouleversé la conscience des Français et des étrangers.
[6] En 1957, lors de la cérémonie de remise du Prix Nobel de Littérature, qu’il avait reçu, il répondra à un Algérien, à propos de la justice et de la démocratie : « si j’avais à choisir entre la démocratie et ma mère, je choisirais ma mère ! »
[7] Et dont j’ai fait une relation dans un roman autobiographique intitulé : « Oujda qui m’habite »
[8]
[9] Dans « les Cahiers de Prison Gramsci affirme : » «Tout groupe social, qui naît sur le terrain originaire d’une fonction essentielle dans le monde de la production économique, se crée, en même temps, de façon organique, une ou plusieurs couches d’intellectuels qui lui apportent homogénéité et conscience de sa propre fonction, non seulement dans le domaine économique, mais également dans le domaine social et politique»
[10] Du reste, les partis politiques dans nos sociétés souffrent de l’absence de base sociale et populaire.
[11] Jean de La Fontaine a écrit ses fables à partir ses des textes d’Esope.
[12] La biographie d’Esope raconte qu’il était à côté d’un autre esclave qui a répondu à Xanthos qu’il savait TOUT faire. Quant à Esope, il répondit : « puisque celui-là sait tout faire, il ne reste rien à faire » C’est ce qui a décidé Xanthos à l’acheter. Bien lui en prit, d’ailleurs !