Aziz Cheboub
Le mot « identité » possède assez d’acceptions, en revanche, celles qui nous intéressent sont en nombre de deux, si l’on croit le Littré ; c’est la qualité qui fait qu’une chose est la même qu’une autre, que deux ou plusieurs choses ne sont qu’une. C’est la conscience qu’une personne a d’elle-même. Voltaire a proposé un néologisme non-retenu pour remplacer le terme scientifique qui est « mêmeté ». La question identitaire est loin d’être nouvelle et ne laisse personne indifférent (historien, ethnologue, philosophe…) Les avis sont partagés, le besoin d’appartenances figure à la troisième position dans la pyramide du bonheur, reste à savoir de quelle(s) appartenance(s) il s’agit ? Certains se font les chantres défenseurs d’une vision ethnocentrique, chauviniste et parfois fascisante, d’autres, se font les apôtres d’un relativisme universel voire humaniste.
D’une part, d’aucuns Français ( pas de souche) à l’instar de Alain Finkielkraut qui se dit anti moderne et conservateur, se plaint du caractère multiculturel de la France comme le démontre son essai Les identités malheureuses[1] Le second, Eric Zemmour, qui se présente comme étant un juif israélite défendant les valeurs que la France semble avoir perdu, dans son récent essai : Le suicide Français[2] Il reproche aux Français de confession musulmane leur attachement entêté à la religion qu’à celui de la France, dans le chapitre La France des trois jeunesses il leur attribue une seule identité, celle d’être musulman. En Algérie, la situation est toute autre, Abdennour Ali Yahia, dans son livre intitulé : La crise Berbère de 1949 [3] fait l’éloge de l’identité nationale, celle-ci que Bertrand Russell met de côté des futilités que des grands esprits ont professés dans son essai Fumisterie intellectuelle[4] même Ferhat Mehenni dans son essai Le siècle identitaire[5] où la notion d’identité est intrinsèque à la langue. Terence, Saint Augustin, Apulée et Tertullien, des personnalités Amazighs romanisées grâce à la pax romana et ils ne se sont jamais indignés et ce, malgré leur situation de Rome de seconde zone.
D’autre part, d’innombrables grands esprits connus et reconnus de par le monde soutiennent l’idée selon laquelle, le multiculturalisme est inhérent à toute personne, c’est ce qu’a appelé Edgar Morin dans son essai Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur[6] La « Poly-identité » dans le même ouvrage il invite tout un chacun à la « Symbio-sophie » la sagesse de vivre ensemble. Une optique similaire à celle de Maâlouf développée dans Les identités meurtrières[7]d’après lui toute identité est composée de différentes appartenances, il s’est même intéressé au cas de ceux qu’il nomme les « êtres frontaliers »enfant métis dont les deux appartenances s’affrontent et se rejettent mutuellement, le devoir de tisser des liens s’impose car en eux reposent une responsabilité majeure. Montaigne, d’un esprit rationnel et humaniste, très avancé à son temps, nous apprend au chapitre 13 des Essais[8] « J’estime tous les hommes mes compatriotes » tout en citant Socrate qui se présentait toujours non pas comme citoyen d’Athènes, mais citoyen du monde, une conception à l’antipode des Anti-Lumières de Zeev Sternhell[9] qui, selon lui, propagent le culte de tout ce qui distingue et clive, son essai (Les Anti-Lumières) se veut un réquisitoire apologétique de la philosophie des Lumières galvaudée et déflorée par Heder, Burke et autres. Le philosophe et humaniste indien, Krishnamurti, va jusqu’à qualifier de violent, tout Homme qui se présente comme étant indien, européen, musulman, chrétien ou hindou parce qu’il se sépare du reste de l’humanité.
Somme toute, Shlomo Sand écrit dans Comment j’ai cessé d’être juif [10] à la page 41 : « l’identité n’est ni un chapeau, ni un manteau ! On peut revêtir plusieurs identités simultanées, mais à la différence des chapeaux et des manteaux, il est difficile d’en changer rapidement ».
Aziz Cheboub
[1] Editions Stock, 2014.
[2] Editions Albin Michel, 2014.
[3] Editions Barzakh, 2013.
[4] Editions l’Herne, Paris, 2013.
[5] Editions Albin Michel, 2013.
[6] Editions Seuil, 1999.
[7] Editions Grasset et Fasquelle, 1998.
[8] Editions Larousse, 2013.
[9] Son essai intitulé Les Anti-Lumières publié aux éditions Fayard en 2006.
[10] Editions Flammarion, 2012.