Mohammed Râcim ; le génie universel de la calligraphie

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(né le 24 juin 1896 à la Casbah d’Alger, mort assassiné le 30 mars 1975)

Cest à la Casbah d’Alger, dans l’atelier de son père et de son oncle que débute la formation de cet artiste exceptionnel. Il apprend de cescorateurs et sculpteurs sur bois, de talent, le maniement du pinceau et lapplication de lor. Il entre à quatorze ans au Cabinet de dessinsde lEnseignement professionnel. Mais c’est en consultant les trésors de la Bibliothèque Nationale quil a la révélation de la miniaturepersane. Il devai< /span>t, comme nous le verrons, lui donner un souffle nouveau.

Il trouvera en Alrie des appuis déterminants, entre autres celui du Recteur Ardaillon. C’est ainsi quil se trouve associé à la décoration de plusieurs ouvrages dont La vie de Mahomet, illustrée par Etienne Dinet.

Il se documente auprès dun lèbre expert en art iranien, à Londres. Il obtient une bourse du Gouvernement néral pour étudier enEspagne, notamment à Cordoue. Désormais les étapes dune carrière brillante s’annoncent avec la décoration des Mille et une nuits, ouvrage illustré par Léon Carré et qui ne demandera pas moins de huit années de travail Il crée alors son propre répertoire, inspidelAlrie ancienne, intégrant dans un style personnel les données de lart occidental.

Il avait obtenu en 1924 la médaille dor de la Société des Peintres orienta– listes français. Mais, après plusieurs expositions remarquées, cest le Grand Prix artistique de l’Alrie qui lui est décerné en 1933. Nommé professeur à l‘Ecole des Beauxarts dAlger l‘année suivante,il dispense un enseignement qui influencera de nombreux élèves, français et algériens. Une lection de ses œuvres est présentée au Pavillon de lAlrie en 1937. Il travaillait en étroite symbiose avec son frère Omar, luimême professeur de calligraphie et denluminure.

Georges Marçais (1876-1962) l’éminent universitaire arabisant, enseignant à la Faculté des Lettres d’Alger et spécialiste de l’art musulman, a publié en 1960 (édition Arts et Métiers graphiques – Paris) un superbe recueil La vie musulmane d’hier vue par Mohammed Racim. C’est de cet ouvrage que nous extrayons les commentaires suivants, ainsi que, succinctement, les notes accompagnant quelques-unes des illustrations.

Georges Marçais précise bien la différence entre enluminure, étroitement liée au Coran et à l’encadrement des sourates du Livre Saint, et miniature. Celle-ci apparaît plusieurs siècles après l’enluminure. Son origine est obscure et remonterait à l’art hellénistique. Au Moyen- Orient, à une production artistique dite Ecole de Bagdad, vont succéder en Perse des peintures fécondées par l’art mongol. Autrement dit la miniature persane laisse deviner l’influence de l’art chinois.

Mais, au contraire du peintre chinois, le miniaturiste persan se soucie peu des éléments naturels. Son monde est élégant mais irréel, les visages figés ne reflètent aucun sentiment et la perspective est déconcertante, ce qui produit une œuvre décorative à la manière d’un tapis ou d’un vitrail. C’est au début du XVIe siècle que se situe l’âge d’or de la miniature persane avec les foyers d’art de Herat et de Tabriz. Ces productions font la gloire des collections privées et publiques et ce sont celles-là que Racim vient étudier à Paris. Le fabuleux  » métier » de Racim, hérité des artistes de sa famille va lui permettre, tout en approchant l’excellence des œuvres de la Perse médiévale, de prouver qu’en tant que miniaturiste il est de son temps et de son pays.

Il va donc produire un art tout à fait rénové où les lois de la perspective, ignorées jusqu’alors, vont faire une entrée discrète et inédite.Tout autant on pourra remarquer de légers modelés sur la figure humaine et la représentation des heures de la journée, jusque-là absente de l’art persan. Racim se trouve par cela même plus proche des Indopersans qui ont intégré eux aussi les apports de l’Occident.

Georges Marçais dit que, pour notre bonheur, Mohammed Racim a cherché ses sources d’inspiration dans un monde que nous connaissons bien, celui de la cité des corsaires et des collines ondulées du Sahel. Si les scènes qu’il compose sont empruntées à l’époque de la Course, ce sont aussi les fêtes et les réunions intimes de l’Algérie que nous connaissons et dont il restitue tout le charme.

Au détour des pages de ce merveilleux album nous admirons entre autres:

BARBEROUSSE: Mohammed Racim dresse ici la mâle effigie de Khair ed-dine qui rattacha la cité des corsaires à la Porte ottomane. C’est une figure de lutteur et de maître, qui sait, au besoin par la terreur, imposer sa volonté souveraine.

 Galère devant Alger

GALERE DEVANT ALGER: Georges Marçais nous fait remarquer, bien sûr, Alger avec ses remparts, les villas blanches qui ponctuent les croupes, mais surtout le soleil qui vient de disparaître, sa lumière qui caresse les nuages et éclaire la crête des mille petites vagues qui dan- sent autour de la galère.

Scène de chasse

SCENES DE CHASSE: C’est une vue panoramique de la campagne nord-africaine, depuis le pays voisin de la mer, où les torrents bondissent sur les rocs et où les fleurs égaient la prairie, jusqu’aux confins du désert, où les montagnes dénudées barrent 1’horizon et où les palmiers élèvent leur panache dans le ciel sans nuage. On remarquera, avec le commentateur admiratif, les trois plans dramatiques où se joue la lutte entre l’homme et les bêtes.

Nuit de Ramadan

NUIT DE RAMADHAN : La lune de Rhamadhan brille sur la baie d’Alger. La traînée d’or de sa lumière s’étend sur la mer calme ; elle inonde de blancheurs les terrasses, les minarets et les coupoles, mettant une sérénité au dessus des agitations de la ville … Tout un monde éveillé est peint par Racim : boutiquiers, femmes, hommes, enfants, notables, religieux, juxtaposés pour notre plus grand bonheur.

AU LENDEMAIN DU MARIAGE :

Ici, nous avons une impression de hiératisme et de rigoureuse symétrie, signifiant le rite traditionnel. Mais Racim lui oppose la vie intense des parentes et amies de l’épousée, venues lui témoigner sympathie et admiration, ce qui ne va pas sans une secrète envie … Les costumes et les étoffes sont somptueux, musiciennes et richesse des plateaux de friandises n’altèrent pas la gravité de la réception.

DANSEUSES ORIENTALES :

Georges Marçais s’interroge sur le pays d’origine de ces almées. Viennent-elles de l’Andalousie ou du Levant ? L’artiste, qui n’avait en vue que son plaisir et le nôtre et se laissait guider par sa seule fantaisie a, sans le vouloir, exprimé l’unité de la civilisation orientale, qui s’étendit avec l’Islam, du Golfe du Bengale aux Pyrénées.

Jardin d’Alger (détail)

JARDIN D’ALGER : Mohammed Racim nous propose une architecture imaginaire d’un jardin d’Islam. L’allée centrale est coupée par des escaliers de marbre qui amènent à une vasque. On remarquera les platanes, les orangers, les arbustes fleuris et le palmier. Les jeunes filles sont bavardes, rieuses ou pensives. Georges Marçais souligne l’impression de sérénité et d’harmonie de cette riche composition qui évoque la familiarité du Paradis terrestre.

Anne-Marie Briat

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