Mesk el-leïl ou l’enfant prodige d’une famille bien paradoxale, Les solanacées.

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Mesk-el-leïl, Cestrum nocturnum, le galant de minuit, le cestreau, famille des solanacées.

Les veinards qui possèderaient un jardin où trônerait Mesk el-leïl, le galant de minuit pour les français, verront leurs nuits ramadanesques sublimées par les exhalaisons de cet arbuste mythique voire magique.

Arbrisseau à tendance buissonnante, Mesk-el-leïl a une croissance plutôt désordonnée mais qui peut être maîtrisée par une taille raisonnée des branches ayant déjà fleuri. Il peut allègrement atteindre et même dépasser les 3 mètres. Sa floraison s’étale de juillet à octobre (été-automne). Ses fines fleurs en panicules peu denses se présentent sous forme de tubes étroits de 2,5cm environ de longueur avec une corolle à cinq dents d’un jaune verdâtre. La nuit, elles dégagent un puissant parfum suave. Pour ceux que la botanique ne rebute pas, nous rappellerons que les solanacées sont des gamopétales de type cinq. les fleurs isolées ou regroupées en inflorescences ont donc une corolle ou les cinq pétales qui la composent sont soit totalement soudées soit partiellement échancrées. cela donne des fleurs aussi différentes que celle d’une tomate et d’un datura. c’est comme qui dirait l’unité dans la diversité!
Le genre Cestrum compte quelques deux cents espèces. Aux cotés de C. nocturnum, on retrouve souvent, dans nos parcs et jardins en Algérie, deux autres espèces :

  • C. parquii (originaire du chili) dont les feuilles diffusent des exhalaisons fétides alors que les fleurs restent agréablement odorantes, cerise sur le gâteau, sous climat doux, les bouquets de fleurs vert-jaune sont présents toute l’année.
  • C. fasciculatum (originaire du Mexique) reconnaissable à ces fleurs tubuleuses un peu plus dilatées et de couleur violacée.

Mesk-el-leïl nous est si commun que l’idée qu’il nous vienne des Antilles et de l’Amérique centrale ne nous traverse pas l’esprit, embaumé qu’il est par les effluves nocturnes. Rien qu’à prononcer son nom, notre mémoire se retrouve engorgée de souvenirs de senteurs envoutantes des douces soirées d’été. Lorsque ces parfums se mêlent à l’évocation de quelque été 42, c’est l’émotion indicible pure. Cependant, dans mon fourre-tout, je placerais cet arbuste sur le podium avec, un livre, Nedjma de Kateb Yacine et un pays, l’Australie ! Nedjma, parce que beaucoup d’Algériens en parle doctement sans l’avoir jamais lu entièrement, l’Australie parce que beaucoup en rêve sans y mettre jamais les pieds et tous s’extasient sous l’influence des suaves senteurs de mesk-el-Leïl sans se douter que c’est le cousin de la banale patate !
Ah, quelle famille!
La famille des solanacées est singulièrement paradoxale. Elle renferme autant d’espèces maléfiques que bienfatrices. Une sorcière y trouverait, avec la mandragore, de quoi réaliser quelques funestes desseins.
Beaucoup d’espèces de cette famille recèlent des alcaloïdes toxiques, de la morelle noire, à la jusquiame noire en passant par l’inquiétante pomme de Sodome, toutes bien présentes parmi les plantes rudérales , à Mostaganem et ailleurs. la bryone dioïque des haies n’a certainement pas usurpée son surnom de rave du diable! Même quand elles se proposent de nous apporter quelles réconforts en phytothérapie, il conviendrait de faire preuve d’une extrême prudence comme le datura qui n’est pas en reste quand il s’agit de parfumer des ambiances de jardins, la stramoine ou la bien nommée mais très redoutable belladone, qui avec son atropine, a fait de beaux yeux à bien des dames , pas forcement belles autrement d’où son nom , elle continue à prodiguer ses services en ophtalmologie pour faire dilater les pupilles aux grands et aux petits..
Evidemment on ne passera pas sous silence l’industrie qui, sans doute, après celle de l’armement, fut la plus meurtrière en débauchant le tabac pour faire goûter aux hommes quelques éphémères plaisirs de se faire esclave et chemin faisant, leur distiller la mort à petites doses de nicotine et à petits feux, le jeu de mot est inévitable ! il faut dire qu’avec quelques 5% de nicotine du poids sec des feuilles, le tabac a de quoi donner toutes ses chances à des tumeurs malignes pour s’installer dans des organismes consentants!
D’un autre coté, l’ingratitude n’excuserait pas de passer sous silence le fait historique que la pomme de terre avait fait voler en éclats le spectre de la famine au cœur de l’Europe occidentale, grâce notamment à un grand précurseur de la communication , dont le nom est entrée dans la postérité avec le hachis Parmentier. Il réussi à faire mettre la jolie mais néanmoins modeste fleur de la pomme de terre à la boutonnière du roi soleil, joli coup de publicité ! il eut l’astucieuse voire machiavélique, idée de faire garder sa parcelle expérimentale de pomme de terre avec la ferme consigne de susciter les convoitises et faciliter le chapardages des curieux tubercules pour donner toutes ses chances à l’introduction de cette nouvelle arme anti-famine.
Il fallait bien quelques ingénieuses ressources à François Parmentier pour faire barrage aux disettes cycliques en contournant une interdiction du parlement, issu de la révolution française, de cultiver cette plante venue d’ailleurs. Il eut aussi à vaincre la rumeur publique l’accusant de tous les maux et la coupable de de transmettre la peste. Depuis le succès ne s’est jamais démenti ! Aujourd’hui, on la retrouve en première ligne contre l’insécurité alimentaire la pomme de terre avec les céréales de base des principales civilisations, Riz, blé, maïs ou millet ; elle tient le haut du pavé mais elle les cloue au piloris quand il s’agit de considérer sa productivité à l’hectare en matière sèche avec 85% contre 50 % pour les céréales. et cela en deux deux temps trois mouvements; d’accord en quatre mois! Il n’y a pas photos pour la durée du cycle comparée à celui du blé. J’arrête de ramener ma frite avec la pomme de terre.
On connait tous de prestigieux membres de cette famlille botanique; peut-on imaginer un menu méditerranéen sans tomate ou que la table du ftour se dresse en l’absence du poivron dans la felfefla mechouia nationale ? Vous n’aurez pas tord de me répliquer que la vie manquerait alors de piment ; je vous ferais observer que c’est encore une solanacée ! Je ne vexerai point miss aubergine qui serait dans son bon droit de me reprocher d’omettre de la citer. mais sans chercher à me fâcher avec les amateurs du plat Elbarrania, je rappellerais que la carrière de notre star fut mal engagée puisqu’elle fut d’abord baptisée Mélongène, de Mala insana qui signifie…. Pomme malsaine. et malgré les préjugés auxquels, la famille a fait face, certains ont eu droit à de joli nom comme le pommier …d’amour qui se défend bien parmi les plantes décoratives.
Je reconnais que j’en ai laissé sur le carreau et des belles comme les jolis pétunias, ces fleurs en trompettes parfois merveilleusement ciselées et avec leur profusion de coloris qui nous causent tant d’embarras pour le choix chez les pépiniéristes. Et comme pour incarner l’ambiguité atavique de toute la famille des solanacées, le nom des pétunias leur vient du mot indien d’Amérique latine petun qui désigne le tabac; ce qui laisse clairement comprendre que sous les charmes certains de ces plantes ornementales se cachent quelques alcaloïdes qui ont du tourner la tête à biens des autochtones sud-américains qui ont expérimenté les pétunias dans leur rites.
Pour conclure et pour ma défense, je dirais que j’ai, certes, fait une ratatouille autour de cet arbuste qui nous est si familier et si méconnu à la fois mais que je ne m’adonne tout de même pas, ici, à une séance de dédicace de chanson aux membres la famille des solanacées sur la radio Fm locale où là il convient d’en oublier personne sous peine de crime de lèse-majesté !
 
Abdelouahab Mokhbi 

Références


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