Kacem Moussa: Verrouillage bureaucratique et Projets de Développement Durable

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Entrevue de Kacem Moussa par Jamouli Ouzidane (Algérie Durable)

1- Bonjour Mr Kacem Moussa, pouvez-vous, vous introduire en premier lieu au public algérien en ce qui concerne votre intérêt universitaire et engagé pour les ER (énergies renouvelables) et le DD (développement durable) en Algérie.

Bonjour, en tant qu’universitaire soucieux de l’intérêt de son pays et de la protection de l’environnement dans tous les secteur-clé du domaine socio-économique, je dis que le plus important pour notre pays est d’assurer une véritable transition énergétique basée sur ce qui est alternatif et durable comme les énergies renouvelables et non sur ce qui est fossile et épuisable comme les hydrocarbures qu’elles soient conventionnelles ou non.

Actuellement, nous sommes entrain de militer en vue de créer une conscience énergétique viable qui nous projette à l’avenir et non de regarder sur le présent qui ne tardera pas s’effacer avec l’avènement du pik oil (fin du pétrole) qui propulsera vers les abîmes sombres.

2- Que pensez vous de la politique algérienne dans les ER et le DD d’après le plan gouvernemental. Que devrait faire le gouvernement à part faire de beaux discours devant les médias, de beaux programmes discursifs sur papiers et allouer des milliards à ce secteur s’ils vont être utilisés comme précédemment pour acheter des ordinateurs , recruter du personnel et le payer. Que devrions-nous faire pour mieux gérer, en tant que société civile, et contrôler un programme aussi ambitieux car on à aucun organisme tiers pour le faire ? Faudrait-il créer cet organisme tiers pour prendre en compte les intérêts des citoyens tant économique, scientifique, technologique, industrielle qu’écologique ?

Après un timide départ vers le renouvelable et le durable, l’Algérie est entrain de tourner le dos vers ce qui est vraiment viable et propre, et ce bien entendu à cause de son fléchissement aux pressions des trusts et sociétés multi-nationales qui ne cherchent pour le moment à piller ce qui patrimoine minéral et énergétique en vue de gagner leur bataille géostratégique que mène depuis longtemps suite à la fin de la guerre froide.

Les Etats Unis, en tête, sont entrain de tout faire pour aligner notre pays dans un monde rentier et dévastateur de ses richesses dans l’immédiat afin de pouvoir la mieux dominer et s’en servir dans les prochaines guerres que comptent lancer ça et là en Afrique, dont le Sahel, le Mali etc, ces contrées qui regorgent de richesses comme les terres rares, le lithium etc que comptent utiliser dans leurs futures industries et technologies de pointe.

Ce qui est désolant pour notre gouvernement, c’est qu’il a vraiment réussi en l’espace de quelques décennies à mater sa matière grise qui était constituée par ces talentueux cadres, ingénieurs etc qui se sont trouvés obligés de quitter le pays ou bien restés là, mais vraiment mis en quarantaine et interdits à toute action bénéfique à leur pays et son économie.

A mon avis, le peu de gens consciencieux qui restent éveillés dans ce pays, doivent assumer pleinement leur devoir en prenant en charge réellement ces aspects qui touchent à l’économie, la science, la technologie, l’industrie, l’écologie etc

Multiplier des actions de sensibilisation, d’action et même si nécessaire prendre des initiatives dont vous avez fait référence comme l’organisme tiers, mais à la condition qu’il soit entièrement indépendant et innovateur en termes d’idées et programmes de mobilisation. Les résultats de telles actions ne sont pas attendus dans l’immédiat, mais il faut travailler pour que d’autres trouvent les bonnes bases de lancement de véritables actions salvatrices.

3- Que pensez-vous en générale de l’enseignement, la R&D universitaire ainsi que celle des Centre de recherche dans les champs des ER et du DD. On parle ici d’une liste de 2577 projets nationaux de recherche retenus ?

Effectivement, il existe pas mal de projets et centre de recherches universitaires dans ce domaine, mais le verrouillage bureaucratique et leur isolement par rapport aux secteurs utilisateurs qui sont les grands chantiers d’applications et usines notamment du Sud, rendent ces tentatives inefficaces et sans intérêt. Je dois redire ce que je disais dans plusieurs occasions, nos responsables travaillent toujours pour l’importation de tout ce qui est technologique, et ce soit en banalisant les compétences nationales ou bien les mettre vraiment en quarantaine, l’expérience du DESERTEC est là pour montrer oh combien notre pays fut soumis au chantage et ourdi dans un complot, et ce pour faire favoriser nos voisins, qui maintenant évoluent bien en renouvelable, et ce au détriment de notre pays qui contient le plus d’espace (Sahara) et de stations hybrides.

4- Quel est votre appréciation sur l’industrie Algérienne dans les ER et la DD. Que faut-il faire pour améliorer leurs performances dans un marché mondial concurrentiel car le marché est ouvert.

A mon avis, les algériens doivent se redécouvrir en matière de défis énergétiques et tentent à faire plier leurs gouvernants en vue d’arrêter une véritable stratégie de développement basée sur le plus utile et durable et non sur ce qui est éphémère et si tôt épuisable. Même si l’on compte sur les hydrocarbures non conventionnelles, cela ne va pas gagné plus de 20 ans de plus, mais après on découvrira certainement le vide et l’incapacité technologique, l’exemple indonésien est là pour nous faire inspirer le bon modèle de développement durable basé sur le renouvelable.

5- Quels sont les points importants critiques dans le dossier du gaz de schiste en Algérie qui apparemment avance bien vu le lobby fortement constitué (politiques, universitaires , chercheurs, industriels et même médiatiques) en toute discrétion puisque nous avons vu dans les médias des ‘experts’ ou des lapins que nos magiciens ont sorti de leur chapeau nous vanter le gaz de schiste alors qu’il est en forte opposition dans ces mêmes pays qui veulent profiter du marché algérien.

Ce que ces responsables et ces « experts » magiciens occultent, c’est qu’avec le gaz de schiste, et ce même, s’il n’est pas polluant et couteux, on ne fera que retarder l’échéance, et ce au détriment d’une véritable politique énergétique qui assurera à notre pays une véritable transition énergétique. Une toute dernière étude russe au profit de la SONATRACH ayant conclu comme nous le disions déjà au moins depuis le mois novembre 2012, que le territoire de notre Sahara n’ayant pas été prospecté de plus de 40%, et encore plus de ça, même les actuels Hassi (Messaoud et R’mel) regorgent plus profondément des gisements plus importants que ceux actuellement exploités.

Comme nous l’avons dit incessamment que les solutions faciles engrangent notre pays dans des perspectives sombres et incertaines, alors faisons confiance à nos cadres soucieux de l’avenir de leur pays et le sors de leur peuple, nous avons encore devant nous du temps, des moyens et des hommes pour fonder de bonnes bases à une véritable politique de développement durable et protectrice de l’environnement.

6- Un autre dossier très lourd est en forte suspicion ; celui de Desertec, ici aussi le lobby francophile est très actif. Quels sont les dangers d’un pareil partenariat avec les allemands, ici les français ne sont que des intermédiaires car ils ont un bon réseau en Algérie semble t-il.

Les quelques sorties à l’étranger que j’ai faites ces dernières années m’ont permis au moins de m’enquérir réellement des ficelles du complot tramé à l’encontre de notre pays, et ce en avantageant beaucoup plus les blocs des pays voisins qui sont très fonctionnels par rapport à celui de notre pays qui est pratiquement maintenant à l’arrêt, les français comme vous le dites ont pu convaincre le gouvernement allemand afin de tout faire pour retirer sept sociétés allemandes qui travaillaient dans la réalisation du bloc algérien. A mon avis, tout a été cousu en vue de rendre service aux Etats Unis qui voyaient de mauvais une Algérie orientée vers les énergies renouvelables (ER).

Certains de nous responsables, il faut le noter aussi, se sont permis aussi de rentrer dans le jeu en lançant la campagne d’exploration et d’exploitation de gaz de schiste qui contribuerait à inonder le marché en gaz, ce qui affecterait les prix et les économies de certains pays comme l’Algérie et la Russie qu’ils comptent, géostratégiquement parlant, mettre hors course dans l’arène énergétique, et ce pour pouvoir mieux les dominer. N’assistons pas ces derniers temps à certains renoncements de la part de certains pays comme l’Espagne et l’Italie à certaines quantités de gaz déjà commandées auparavant ?

7- un autre projet pointé du doigt ; le dessalement de l’eau de mer ; On nous parle une fois avec l’énergie nucléaire et une autre fois avec l’Énergie solaire. la technologie est en stade de l’expérimentation ; ceci constitue un vrai scandale et pourtant le projet semble être dans les dossiers prioritaires du gouvernement. Qu’en pensez-vous ?

Pour le moment, les quelques expériences menées ça et là sur les unes de nos plages de notre littoral fonctionnent sur la base de l’énergie hydro-élèctrique et contribuent relativement assez bien dans l’augmentation des quantités d’eau potable décernée à la population, mais certains inconvénients commencent à apparaitre c’est l’absence de tout travail d’entretien et de maintenance, ce qui fait que certaines stations qui sont tombées en panne, restent plusieurs années à l’arrêt.

D’autres méfaits ont été mis en évidence, mais cette fois-ci écologique, il s’agit des rejets d’huiles usagées et excavations répétées au niveau du fond sous-marin, ces effets sont apparemment dus au siphonnage des grands volumes d’eau de mer à dessaler. Le résultat de tout ça, c’est un grand déséquilibre pour la vie faunistique sous-marine, et on commence à dénombrer plusieurs hécatombes de poissons pour le moment.

8- L’Algérie continue d’être un champ et un marché fertile d’exploitations de ses énergies, hier le pétrole et aujourd’hui le vent, le soleil et même les airs avec les télécommunications. Qu’est-ce qui fait que les algériens demeurent encore sous tutelle de développement 50 ans après l’indépendance dans des secteurs d’industrie pourtant primaire … Ou sont nos chercheurs, universitaire, ingénieurs, thésards, industriel, entrepreneurs … Une grande responsabilité de cette élite universitaire d’assistés incapables de se prendre en charge scientifiquement et économiquement !

Comme je l’ai dit en haut, nos différents gouvernants passés et actuels ont travaillé beaucoup pour museler toute politique de recherche viable et bénéfique à notre pays, et tout ça c’est à l’avantage des pays étrangers qui vont trouvé à chaque fois un chantier libre et une main-d’œuvre moins couteuse, et ce même pour l’importation de cailloux et de sables servant de nettoyage des rails du métro, donc en un mot tout doit provenir de l’étranger afin de mieux s’en servir et servir ses enfants.

Alors pour les cadres et chercheurs formés par l’université algérienne, même s’ils sont compétents n’ont guère le droit de s’y impliquer, et pour le faire ils doivent voir ailleurs et comme on dit, ils doivent vivre sous d’autres cieux. Pour ceux qui préfèrent rester ici, n’ont le droit qu’au silence ou au suivisme.

Dr MOUSSA Kacem
Maître de Conférences à
l’université d’Oran(Algérie)
Expert en Environnement
Expert en mines et carrières

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