Auteur : A.Benmohammed
Titre : Omri
Genre : Poésie.
Dounyazad-éditions. 69 pages.
Recueil de poèmes en trois parties titrées en arabe transcription latine, « Omri » est à fois la vie du poète et la vie dans laquelle s’inscrit celle du poète, matrice de ses algies et gisement de ses nostalgies.
Anta Hayati, Ba3id 3anek, Ya Ilahi, ces titres sont des interpellations de chansons de l’étoile orientale, égérie du poète et une euphémisation de sa ville natale, Constantine.
Chaque titre comporte trois sous-titres comme pour signifier une logique de l’état d’âme coextensive d’un parcours de vie que les textes par leur délire poétique mettent en désordre. Un certain désordre, un certain chaos, philosophie privilégié du poète.
Les titres constituent une gradation. La certitude, l’éloignement à l’origine d’un attachement plus fort puis une incantation à l’adresse du divin, de l’infini. Une envolée d’une certitude vers l’infini des certitudes malgré les tribulations et turbulences.
Lorsque l’on sait qui est le poète, titres et sous-titres accrochent par leur aspect méthodique pour mieux inquiéter par le contenu des textes.
Comme pour des lois physiques, simples sous leur aspect familier elles se complexifient dès qu’elles prennent les dimensions des réalités qu’elles représentent.
1/ Désirs et Passions.
Verse-moi ta passion.
[Verse-moi ta passion, clair soleil qui m’enflamme,
Ma terre s’est engloutie et mon ciel s’est pendu.
Verse-moi ta passion, douce étoile qui me charme,
Ma mer s’est assoiffée et ma pluie s’est perdue.][p10]
L’éclatement apocalyptique de notre planète et de son environnement visible n’empêchent point le poète d’adresser son insistante complainte au soleil et à l’étoile lointains, inaccessibles, insaisissables. La terre semble avoir été engloutie par un trou noir alors que la mer tarie ne bénéficie plus de la clémence liquide du ciel.
Le poète veut boire là où aucun humain n’a bu puisqu’il se trouve dans un non-lieu apocalyptique.
Par l’impératif « Verse-moi » le poète nous rappelle la structure du quatrain. L’alternance du vers 2 et du vers 4, par leur initiaux « Ma terre » et « Ma mer » nous rappellent le cycle de l’eau et la soif de celui qui va vers l’infini chercher ce qu’il avait tout près.
Le désordre des sentiments investi dans les métaphores conserve l’idée de l’ordre d’un univers ayant connu le chaos.
Le poète, physicien, philosophe du chaos et de la complexité, inscrit sa poésie dans sa philosophie ou plutôt met en écho, en dialogue, poésie et philosophie.
La ville natale : Cirta, Constantine, les airs musicaux de l’égérie dans l’atmosphère de la ville enivrent le poète sujet à une terrible mais délicieuse addiction.
L’imaginaire poétique alimente la dépendance sans offrir l’indépendance souhaitée.
Confessions.
[ Oui, mon bourreau ! Depuis mille nuits je te désire
Et crois toujours un matin, pouvoir te saisir.][p15]
Reprenant le titre du célèbre « contes des mille et une nuits » , le poète excepte l’unité et la réserve au jour, à un incertain matin. Ainsi, après mille rêves ou mille cauchemars, il croit toujours pouvoir « Je crois toujours pouvoir » saisir le bourreau.
L’adverbe « toujours » glissé entre un verbe exprimant à la fois la certitude et l’incertitude « Je crois » et un verbe de compétence à l’infinitif « pouvoir » signifie bien l’impuissance. « Toujours » signifiant l’entêtement malgré les inutiles tentatives.
Omri est un recueil délicieux, philosophique, subtilement érotique, mêlant la physique au merveilleux, l’historique à l’amoureux. La magique chromatique astrale y est finement introduite. Les lois qui régissent l’univers, ses origines et sa fin sont dépeintes à travers la simple vie de l’humain.
Cosmogénèse de l’humain, cosmogonie et cosmologie, c’est cela « OMRI », l’humain univers, se dilatant tel et autant que lui, vivant, expérimentant et connaissant les lois qui le régissent et le dérèglent.
L’humain est un univers, je le sais, je l’ai vécu, nous dit le Poète.
Fateh Bourboune.
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