Omar Mokhtar Chaalal : Le Fugitif

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Auteur : Omar Mokhtar Chaalal.
Titre : Le fugitif.
Genre : roman. XI chapitres titrés.
Editions : Casbah. 2006. 127 pages.

Préambule.
J’informe mes ami/e/s littéraires et mes ami/e/s lecteurs lectrices initié/e/s aux théories littéraires, qu’une certaine terminologie appartient à mes propres théories dont je fais un sage usage assuré de sa pertinence et sans crainte de la profanation de l’orthodoxie du temple académique condamnant à l’hérésie et à la vanité toute innovation.

Ceci est un bref article. J’y présente quelques pistes pour ceux qui souhaitent participer à l’élaboration de l’ouvrage réservé à notre défunt ami. Je suis au travail depuis longtemps.

Ma présentation est brève les redondances qu’elle contient lui sont nécessaires.

« Le fugitif »

Le titre est éloquent est initie par son seuil, – le seuil au sens de Gérard Genette- le lecteur, au double et complémentaire sens du titre : homme traqué ne s’autorisant que des apparitions fugaces afin d’échapper à ses poursuivants.

L’objet de la traque est bien entendu une proie et toute proie connait des prédateurs. Or, dans ce cas précis, la proie en plus d’être un homme, Hocine/Omar, c’est aussi son esprit, ses idées qui doivent être mis à l’écart de la société, au rancart, au quart des matons après avoir été maté/s.

En guise de commentaire à l’illustration en première de couverture, une maison de la casbah d’Alger, certainement la Rue des Vandales, je cite une phrase de la p22 : « Puis nous nous engouffrâmes dans l’étroite ruelle. Une ruelle semblable à la rue des Vandales de Yacine, une ruelle sans image et sans cartes postales. »
Rue anonyme, faite pour les fugitifs : sans images et sans cartes postales l’expression accroît l’atmosphère et l’esprit de la clandestinité. La convocation de Kateb Yacine que Omar Chaalal interpelle plusieurs fois comme il le fait pour son poète d’élection le Prix Nobel Nazim Hikmet sont des références idéologiques certaines, iconographie de la lutte.

Le titre est une porte ouverte sur l’incipit qui mène de plain-pied dans l’action clandestine décrite au premier chapitre. Petit matin gris et pluvieux d’un hiver algérois. Rendez-vous précautionneux entre deux partisans devant aller à un rendez-vous clandestin ayant lieu à El Harrach. Le trajet y est décrit, s’il est loin de l’hypotypose, il propose un aperçu des haltes et des lieux, connaissances indispensables à tout fugitif.

L’exipit quant-à lui, verrouille le texte d’un épisode à haut risque par quelques vers traitant du père de Hocine/Omar, debout sur le quai de la gare de Sétif sous la surveillance de deux policiers. Le père n’a pas l’occasion de rencontrer Hocine/Omar à Sétif, puisque la police est sur les traces du fugitif.

« Deux larmes s’écroulèrent sur les joues du père,
L’une tomba dans le cœur du proscrit,
L’autre inonda le monde de l’oppression… »

Fouillant discrètement du regard le quai de la gare, le fugitif aperçoit son paternel et retient comme un scotome, une empreinte rétinienne indélébile, deux larmes sur les joues du père.

C’est l’hiver, un hiver algérois pluvieux, des militants clandestins du PAGS, dont l’un activement recherché par la police se rencontrent pour aller vers une réunion secrète.

Rendez-vous fixe, rendez-vous de rattrapage, messages codés, tout l’arsenal de la clandestinité y est décrit.

Hocine/Omar, dont l’identité fut révélée sous la torture lors de l’arrestation d’un autre membre du parti dans un commissariat de Sétif est le narrateur de l’hivernale aventure.

Le récit est testimonial. Derrière le prénom de Hocine se tient Omar Mokhtar Chaalal, repérable grâce à ce que je nomme : « les identités identifiantes » autrement dit, les éléments de fiction repérables dans la biographie de l’auteur, éléments faisant passer le vraisemblable fictionnel vers le réel autobiographique, chassant ainsi toute approche par l’autofiction et toute idée d’autofiction.

Si « l’anonymat aspectuel » absence de portrait physique des personnages, est une pratique d’écriture particulière au roman moderne, Chaalal en fait un usage subtile pour mieux présenter l’anonymat si nécessaire à la vie clandestine.

Savoureusement bien écrit, soulagé de toutes surcharges, « Le fugitif » écrit filmique à souhait, procède à une comparaison assez subtile entre les pratiques policières de l’époque coloniale et celles des services de sécurité et policiers de l’Algérie indépendante.
L’épopée narrée inscrit son chronotope en hiver au mois de ramadhan, entre Alger et Sétif et retour vers la capitale.

L’onomastique est régionale, le recours au quolibet ou surnom a pour but de résumer la vie des personnages avant leur engagement dans l’action politique clandestine.

Hocine/Omar, le fugitif, hébergé à la Casbah d’Alger apprend que son frère est malade et hospitalisé. Il contrevient à toutes les règles de sécurité du parti et en compagnie de Youcef le constantinois, il se rend à Sétif sous les trombes de neige que connaissait la région à l’époque du récit.

Sachant les gares surveillées, lui et son compagnon de lutte descendent du train en marche à Mezloug. Ils affrontent le froid, la faim, les chiens et les risques de mauvaises rencontres et ne peuvent compter sur le secours d’un camarade résidant des lieux prénommé Lamri n’ayant pas répondu à leurs appels pour raison d’absence assurément.

Les camarades de lutte luttent aussi contre la neige, le vent, le froid, les fondrières et les flaques d’eau invisibles. La forêt qu’ils traversent n’est pas non plus de tout repos.

Ils arrivent à Sétif où toutes les précautions ne peuvent empêcher la dénonciation. Hocine/Omar fuit l’hôpital dans un précipité catimini.

Pour repartir vers Alger, le fugitif se rend à El Eulma où il est enfermé par un cheminot membre du parti dans un wagon réservé au service et donc fermé à clé.

Les deux récits enchâssés les plus importants servent à la fois à la comparaison entre l’époque coloniale et l’Algérie indépendante et réinscrivent le personnage dans son enfance courageuse et combattive du temps de la même colonisation.

L’importance accordée dans la narration aux évènements du parcours Alger Sétif, viennent au secours de l’anonymat ou du souci de l’anonymat du fugitif. Ils le rendent moins présent dans l’écriture même s’il est lui-même narrateur.

Ceci est une présentation succincte du Fugitif, récit on ne peut plus savoureux de l’hiver ramadanesque d’un clandestin en son propre pays.

Honneur et Gloire à ta mémoire, Omar Mokhtar Chaalal.

— Notes :

Omar Mokhtar Chaalal est né le 13 février 1946 à Sétif et décédé à l’âge de 70 ans. Il a dirigé l’institut de formation professionnelle et la maison de la culture de Sétif.

ses ouvrages :

  • Le proscrit. poésie, Barzakh, Alger 2000.
  • Kateb Yacine, l’homme libre . essai biographique, Casbah- Editions , Alger, 2003.
  • Le fugitif , roman, Casbah-Editions, Alger, 2006.
  • Talghouda, roman, Casbah-Editions, Alger, 2009.
  • L’Entente au coeur, Casbah-Editions, Alger, 2016.

Fateh Boureboune

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