La Crise Financière et l’Algérie

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Ammar Koroghli
Désormais, chacun sait que nous sommes tributaires des recettes des hydrocarbures dépendant du marché, matière première non renouvelable. Et le pouvoir politique en Algérie, à travers les gouvernements successifs, continue d’ignorer l’évidente nécessité de remettre l’économie sérieusement sur les rails : agriculture en premier afin d’assurer à notre pays la sécurité alimentaire, remettre notre industrialisation à l’ordre du jour, encouragement des PME-PMI par une politique audacieuse, initier une décennie des ressources humaines par l’incitation à la recherche par l’élite algérienne -diaspora y compris-…
Or, non seulement, nous continuons de demeurer des rentiers ad æternam et à importer massivement notre pitance quotidienne (par crainte d’une contagion de la contestation à germe révolutionnaire ?), mais nous nous comportons comme de mauvais élèves face à la crise multidimensionnelle qui frappe les Etats-Unis et l’Europe occidentale en soutenant que nous sommes en bonne santé économique ; ce, alors même qu’il n’y aucune visibilité de la politique économique de l’Etat, encore moins soumise au débat public en vue de sérieuses réformes.
Or, quelle est l’attitude de l’Algérie dans ce contexte à un moment où le monde s’inquiète légitimement face à la crise multidimensionnelle dont celle financière qui annonce une récession à même de ruiner l’économie mondiale ? L’Algérie annonce d’importantes réserves de change (quelques 160-170 milliards de dollars), mais également quelques 100 milliards de dollars ( ?) détenus en bons du trésor américain. De l’avis de nombre d’experts en économie, l’Algérie aurait mieux fait d’investir ces liquidités pour développer le pays. Quoi qu’il en soit, notre Ministre des Finances, Karim Djoudi, a déclaré à l’APS, le13 août 2011, que « les placements des réserves de change de l’Algérie à l’étranger sont sécurisés » dès lors que leur capital est garanti et couvert contre les risques de change et que le gouvernement peut les retirer à tout moment. Que penser de ces déclarations face à la crise financière mondiale actuelle ?
D’aucuns pensent que : « la solution la plus souhaitable est l’utilisation à des fins de développement, de la ressource humaine -ressource bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures- et la valorisation de l’entreprise concurrentielle ». Il ajoute que « le vrai débat qui dépasse largement l’aspect monétaire, est celui de la transformation de cette richesse virtuelle en richesse réelle et relancer la sphère réelle afin de créer des emplois créateurs de valeur ajoutée afin de diminuer les tensions sociales. Et ce, afin de réaliser la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales renvoyant à l’approfondissement de la réforme globale et à une meilleure gouvernance. Sur ce point, débat essentiel et stratégique pour le devenir de l’Algérie, le Ministre des finances a été absent » (Mebtoul).
D’autres économistes algériens font l’amer constat de la situation économique de l’Algérie ; ainsi, il s’avère que « l’industrie algérienne se délite alors même que l’industrialisation du pays était le choix stratégique fait dans les années 60. Si rien n’est entrepris dès l’année 2011, l’Algérie n’aura plus d’industrie d’ici dix ans. La situation économique sera d’autant plus dramatique que nous savons que l’Algérie n’est pas un pays agricole (faible superficie agricole, pluviométrie insuffisante…) » (Bouzidi). Conscient que l’enjeu industriel est vital pour notre pays, il pense qu’il est impératif de renouer avec notre ambition industrielle.
Citant le cas de la Tunisie et du Maroc qui occupent pour l’un des segments d’équipementiers pour les grands avionneurs mondiaux (Airbus, Boeing) et pour l’autre, pour les grands constructeurs automobiles (ainsi que l’Inde qui a fait de sa ville de Bangalore le pôle d’excellence mondial de formation dans la haute technologie, notamment informatique), il estime que c’est à l’Etat de construire les conditions nécessaires pour l’accueil des investisseurs, qu’ils soient étrangers ou nationaux. Et de préconiser une politique audacieuse d’infrastructures de transport et de télécommunications permettant de relier efficacement l’économie nationale au reste du monde ; une législation immobilière assouplie ; un système de formation solide et adapté où l’Etat donne à l’école, à l’université, à la recherche les moyens nécessaires à la formation d’une main-d’œuvre qualifiée, capable d’utiliser, voire de perfectionner les technologies les plus sophistiquées, une administration au service des entreprises (bref, « tous les ingrédients que nous n’avons pas en Algérie ! »).
Nous sommes loin de ce schéma ; ce d’autant plus que notre pays serait au second rang des pays africains en terme d’effort d’armement derrière l’Afrique du Sud, consacrant en moyenne 3% de son PIB par an aux dépenses militaires, soit environ 4,5 milliards d’euros pour 2011. Le budget militaire algérien s’accroîtrait de près de 10% par an (Le Matin DZ). La question demeure donc de savoir comment faire un usage judicieux de nos ressources financières et ménager les ressources en hydrocarbures ? En avons-nous la volonté politique  afin de nous prémunir des aléas de l’économie mondiale soumise aux desiderata des Etats-Unis et de l’Europe occidentale ? In fine, comment réformer notre système économique pour éviter qu’il ne continue de fonctionner au bénéfice de l’oligarchie financière algérienne, héritière du monopole du commerce extérieur que Mohamed Boudiaf dénonça en son temps sous le vocable de « mafia politico-financière » ?
Ammar Koroghli
Algerie Network

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