Djamila Lachehab-Labiod: Voir Ibiza et mourir

Must Read

Titre : Voir Ibiza et mourir.
Genre roman.

Entre le rêve d’évasion et le canular dramatique en avant dernier chapitre, Mourad, en rade dans sa vie à l’arrêt, permet à l’auteure de revisiter avec lucidité les problèmes saillants non seulement de la jeunesse algérienne mais aussi de l’Algérie.

Le roman s’ouvre sur une décharge publique où se tient Mourad, le personnage principal, faisant des déchets d’autrui son gagne-pain. Il trie les ordures ménagères dans l’espoir d’y trouver quelques objets encore utilisables.

Nous retrouverons le même personnage dans la même décharge publique en dialogue avec un pinceau après avoir échappé à présentation au procureur pour fausse accusation de la part d’un officier de police outré de la défaite de son équipe de foot ball.

Mourad s’entretient avec des objets inanimés alors que dans la digression précédant la scène de la décharge, relative à la visite d’un musée, Mourad fait montre non seulement de désintéressement mais de mépris sarcastique pour les objets anciens qui y sont exposés.

Hautement symbolique le pinceau, puisque le roman est une peinture haute en couleurs de l’Algérie à travers les tribulations de Mourad et que c’est à travers lui que la peinture est réalisée. Le jeune homme conserve le pinceau même durant son sommeil.
La préférence des objets extraits des strates de la décharge quotidienne et le mépris face aux objets extraits des strates du temps par les archéologues, situe la position de Mourad: Les gloires du passé ne lui servant à rien, il préfère le résultat de ses fouilles au présent lui assurant pitance et peut-être même la possibilité d’économiser pour aller à Ibiza.

Son absence de la maison pour raison d’arrestation pendant quarante-huit heures sème la panique dans la famille. Toutes les hypothèses sont émises et la plus importante vécue dans le silence par ses proches et dans le suspens par le lecteur : La traversée clandestine vers Ibiza.

Ibiza, ville espagnole, est le rêve de Mourad, son Eldorado, son évasion, son salut ou, sa lettre à l’ambassadeur du canada dans laquelle il présente son curriculum vitae, retrouvée sous son matelas, alors qu’il avait quitté l’asile où il résida une semaine, nous disent le mal-être et la mal-vie de la jeunesse algérienne.

De la cellule du commissariat de police où il se trouve par la faute d’abus de pouvoir d’un policier, à l’asile où il est emmené pour avoir tenté d’abuser de son pouvoir en menaçant de s’immoler, Mourad porte son prénom comme une malédiction.
Mourad, « ambition », « but » -en langue arabe- ne peut atteindre aucun de ses buts tant les contraintes qui l’emprisonnent semblent incarner sa destinée.

Entre deux scènes en décharge publique, Mourad nous mène de sa famille, à la gargote où il trouve un travail de brève durée, au stade, à l’hôpital, au commissariat pour finir à l’asile.

Famille ayant perdu un membre appartenant à la police dans un attentat terroriste. Au stade où s’affrontent deux adversaires dont Mourad paie le prix de la défaite d’une équipe. A l’hôpital où une voisine est emmenée en lambretta, triporteur de transport de marchandises occasionnellement transformé en ambulance. A l’asile, parce que Mourad avait menacé de s’immoler.

Sur un 4×4 garé, nanti de son jerricane et d’un briquet, Mourad, face à un tribunal exige la présence d’un juge pour ne pas se transformer en torche humaine. La personne qui se présente, après avoir louvoyé avec les lubies de Mourad et que ce dernier ait reconnu que le jerricane ne contenait que de l’eau, avoue qu’elle n’est pas juge mais écrivain.

Deux usurpations authentiques révélant l’authenticité des états des personnages, deux mensonges très proches de la vérité, s’entretiennent. Mourad donne des ordres farfelus au second personnage se faisant passer pour juge mais dont Mourad se gaussait d’avoir vite découvert la supercherie.

L’écrivain ne juge pas nous dit l’auteur, il peint.

Pour peindre et dépeindre, l’auteur multiplie les thèmes par des digressions qui soulagent la narration et l’autorisent à des discours et des questionnements sur de nombreux phénomènes sociologiques, scientifiques, éthiques et souvent par comparaison avec des pays étrangers particulièrement le canada, pays d’asile de Khaled venu pour de brèves vacances en Algérie. Pays bien connu de l’auteure.

Une écriture bien menée, un langage coloré, émaillé d’expressions argotiques pour bien inscrire le récit dans la hiérarchie sociale à laquelle la famille appartient et utiliser les nouveaux langages de la jeunesse.

Écrite dans un style proche des canons classiques, l’histoire mérite d’être publiée et le sera prochainement.

Fateh. Boureboune

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