dimanche, mai 19, 2024

Édition en Algérie : Nous ne voulons pas que nos livres soient des harragas

La culture dans notre pays est le parent pauvre de toutes les disciplines. Nous avons besoin d’alimenter également nos esprits. Nous sommes en droit de demander à qui de droit : Pourquoi ? Le livre, le support indétrônable dans tous les pays du monde, est presque inexistant chez nous. Aucune politique d’édition, aucune maison d’édition, raisonnable et animée par une volonté d’aller toujours plus haut pour accomplir son travail pour l’intérêt public. Il y a certes, plusieurs maisons d’édition, étatiques et privées, mais aucune ne prend en charge l’édition des travaux, dans de bonnes conditions, des écrivains et des poètes qui se tuent à la tache sans se décourager pour présenter publiquement leurs produits, prisés ailleurs, aux lecteurs.

Très souvent on m’a avancé l’argument que l’Algérien ne lit pas et qu’il n’a jamais lu, même avant l’avènement des smartphones et des ordinaires. L’internet n’a jamais tué la lecture des livres en Europe et en Amérique pourtant ils sont les maitres du numérique et les fondateurs des réseaux sociaux. Le livre chez eux est indétrônable et l’éducation de leurs enfants pour la lecture se fait à l’école grâce à une politique de l’éducation, sérieuse, quasi-totale et complète.

J’ai été étonné lorsque j’ai publié dans les réseaux sociaux en disant que je suis atteint d’une éditolite ou victime d’une éditophobie, par la réaction des lecteurs. Je n’ai jamais été partagé comme je l’ai été avant ce cri du cœur ou je dénonçais, en disant que tous mes ouvrages sont publiés en France et vendus même en Belgique et en Suisse. Les stocks de mes livres sont épuisés. On s’attend à une seconde édition outre-mer. Mais j’ai mal au cœur lorsque je sens que j’écris pour les Algériens et lorsque je vois que je suis plus connu en France que dans mon pays. Je ne traite que les sujets de mon pays et j’écris pour mon peuple pourquoi mes livres ne sont ni vendus ni édités ici. Je n’ai pas besoin de devises et de leurs droits d’auteur. J’ai besoin de dialoguer avec les miens.

Les maisons d’édition préfèrent vendre les livres mille fois réédités de ibn Sérine traduits dans toutes les langues pour expliquer les rêves ou les annales des examens qui sont le résultat du copier collé et vendus à des prix exorbitants aux candidats du baccalauréat et du Brevet. Lorsqu’un écrivain se présente chez eux, il faut qu’il se laisse arnaquer. S’il n’est pas pistonné il ne serait jamais édité. Mais s’il est pistonné que vaut-il son ouvrage ? Il est édité parce qu’il est envoyé par quelqu’un pas parce qu’il a une valeur littéraire. S’il se fait éditer à compte d’auteur, c’est l’arnaque la plus abjecte car si son ouvrage ne vaut rien, il suffit qu’il paye et le tour est joué. On est en droit de nous demander si ces éditeurs sont livrés à eux-mêmes et qu’ils mènent une politique de la jungle sans rendre compte à une institution de la république. Y a-t-il au moins des textes et des lois ?

Au lieu de nous battre dans divers endroits pour donner envie à nos enfants et nos jeunes de lire, actuellement nous nous débâtons pour se faire éditer, pour nous exprimer et dire ce qu’il y a à dire enfin. Nous voudrions aider le ministère de l’éducation à imposer la lecture dans toutes les classes et mettre en œuvre une véritable politique des bibliothèques vertes de notre jeunesse et nos bibliothèques roses. Nous n’acceptons pas une campagne médiatique ou professionnelle, mais une mise en œuvre d’un calendrier annuel de la lecture, grâce à des éducateurs chevronnés. Nous espérons que nos responsables ont entendu nos cris comme ceux de la base qui nous soutiennent et qui veulent murmurer un petit cri au creux de l’oreille de ceux qui peuvent faire quelque chose pour le livre et la lecture. Nous ne voulons pas que nos livres soient des harragas et aillent ailleurs se faire et s’ignorer ici. Ils renferment des textes qui pourront être des sources de l’histoire de notre pays.

Ahmed Guitt

 

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