dimanche, mai 19, 2024

L’histoire de l’Algérie retracée au fil des cartes

Le Mucem propose « Made in Algéria », une vaste exposition qui décrit par le menu, comment la puissance coloniale française s’est emparée des territoires algériens en les redessinant.

Au milieu de la salle, un vaste plan en relief d’Alger, son port, la casbah, les murailles, et en dehors de la ville le cimetière, l’arsenal, le fort, avec au premier plan la jetée. La maquette a été réalisée en 1941, en plâtre, à l’échelle 1/500e, selon les plans dessinés par les officiers du génie du corps expéditionnaire de Napoléon III, à leur arrivée en Algérie, en 1830/31. L’objet de plusieurs mètres d’envergure fut rapatrié en 1962. Ce « plan-relief » souligne à lui seul l’importance donnée à la représentation des lieux, et le trophée colonial que cette même représentation incarne.

Pour autant, « la guerre d’Algérie n’est pas le sujet », tiennent à préciser les initiateurs de cette exposition temporaire, visible au Mucem jusqu’au 2 mai. « Made in Algéria, généalogie d’un territoire » veut rendre compte, « par les images, la cartographie et les relevés de terrain, de ce long et singulier processus qu’a été, à dire vrai, l’impossible conquête de l’Algérie ». Et les deux commissaires de l’exposition, Zahia Rahmani, responsable de l’institut national d’histoire de l’Art, et Jean-Yves Sarazin, le directeur du département des cartes et plans de la BNF, ont réalisé un travail d’orfèvre en mettant en perspective, à travers de précieux témoignages d’époque, l’évolution de ce territoire.

Carte Mucem 3 BNF Lecture seule

Du flou artistique au trait

L’exposition, très didactique, suit un ordre chronologique. L’Algérie est d’abord « un territoire vu de loin » comme en atteste cette perspective de la baie d’Alger (ci-contre), menacée à l’évidence par cette flotte de vaisseaux, une vue qui renseigne peu sur la géographie du territoire ; faut-il que le sujet du plan soit le bastion français du village de La Calle (1788) pour qu’il apparaisse nettement et en détail. Un bastion construit sur un « ancien comptoir (…) qui mettait Marseille en contact économique permanent », déjà à l’époque.

Et les relevés d’espions dont témoignent les cartes réalisées d’après croquis et dessins augurent de la suite. L’Algérie fera l’objet d’un travail cartographique ininterrompu, à partir de 1830 et le début de la colonisation. De la part des militaires, des civils, de l’administration, des scientifiques, au point d’assister à une dissociation. D’un côté, la froideur des côtes et des relevés, de l’autre, les grandes peintures oniriques. A la carte des environs de Philippeville fixant sur le papier « le terrain proposé pour réserve d’indigènes » répond, par exemple, cette peinture de paysage de Jean-Antoine Siméon Fort qui rehausse de tons ocre et bleu, un exploit, « l’itinéraire suivi par le corps expéditionnaire depuis Constantine jusqu’à Alger ».

« Comme s’ils étaient venus donner du pain ! », le commentaire de ce visiteur fuse devant le tableau d’Horace Vernet, qui a « immortalisé » la prise de Bône de 1832, la distribution a lieu sur les remparts, les soldats de l’armée française hissent le drapeau, tandis que le peintre a posé au premier plan, « une figure arabe indolente » voire indifférente. Une figure qui sera répété sans cesse, d’autant que l’impression de cartes en série apparaît en filigrane comme un tournant. De la multiplication des cartes portales éditées en droite ligne des expositions coloniales, montrant une Algérie « pacifiée », touristique et pittoresque à celles accrochées au tableau dans les salles de classe avec ces trois départements et préfectures à apprendre par cœur… avec tout de même ce Sud algérien indéfinissable.

source

Votre Journal Arts et Culturespot_img
error: contenu protégé