Youcef MERAHI : « Et l’ombre assassine la lumière »

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Titre : Et l’ombre assassine la lumière !
Casbah éditions /2010.

Ébauche pour une approche éthnocritique du texte.
En guise de prélude je m’autorise une citation dont j’ai supprimé une partie par souci de pertinence, je n’en userai pas. La soustraction opérée n’altère en rien la cohésion de la citation et par contre coup sa cohérence.

« Le personnage liminaire.
Notre hypothèse de travail est qu’il y a une homologie structurelle et fonctionnelle entre le rite de passage (Van Gennep) et le récit littéraire. La trajectoire narrative des personnages serait donc l’histoire d’une mise en marge, qui aurait pour objectif de les faire accéder à un nouveau statut. Mais certains d’entre eux se caractérisent précisément par leur incapacité à quitter l’entre-deux de la phase de marge : nous proposons de leur réserver l’étiquette de « personnage liminaire ». Le personnage liminaire est donc toujours un non ou un mal « initié » (à condition de donner à l’ « initiation » une acception strictement anthropologique).
La fonction première de ce type de personnage est sans doute d’être un personnage-témoin, placé simplement au degré ultime de l’échelle du ratage initiatique qu’empruntent tous les personnages du roman moderne. Mais l’initiation impossible lui confère aussi une ambivalence constitutive qui peut faire de lui un passeur pour les autres. Le moins initié devient alors un sur-initié ; dans certains cas même, le personnage liminaire a tout du trickster. »

DE L’INDIGNATION COMME FACTEUR DÉCLANCHANT DU RITE DE PASSAGE.

J’ai assenti à l’insistant besoin de relire « Et l’ombre assassine la lumière ! ». Impérieuse mission née d’une circonstance particulière éprouvante pour bon nombre. L’auteur de ce texte, Youcef MERAHI, il est vrai , était déjà dans mes chantiers, cependant, Le souvenir de l’assassinat de Tahar Djaout en a déclenché l’extraction du livre de l’étagère.

Le roman se compose de deux parties. Chacune étant réservée au « rite de passage « du personnage principal : Boussad pour la première partie, Farid pour la seconde.
Les titres donnés aux chapitres engagent immédiatement le lecteur non seulement dans un inconditionnel contrat de lecture mais de plus le guident dans les étapes du parcours initiatique des personnages, « leur rite de passage ». Le lecteur se sent investi ou s’investit d’emblée.

Les titres des chapitres de la première partie relèvent du registre existentialiste. Ils mettent précocement le lecteur dans une ambiance impressionniste. Ceux de la seconde partie par contre, évoluent dans une gradation ascensionnelle dont l’aboutissement est la conséquence logique du parcours initiatique de Farid, indigné par l’extrême indigence de sa famille, récupéré, initié et utilisé par un recruteur manipulateur, en d’autres termes « un passeur au second degré» qui le met entre les mains du commanditaire « Passeur au 1er degré ». La gradation accompagne la propension du meneur de jeu et de celui dont il se joue.

L’ascendant du manipulateur « passeur » activant l’ascendant du manipulé « passant » sur son milieu immédiat : sa famille et le milieu scolaire. Le rite de passage relève d’un protocole rigoureux. Dispensé en lieu clos la halaqua et la mosquée, et agissant en milieu clos. Farid, « le passant » devient inévitablement « passeur » Il est le passeur de sa famille.

Le personnage de la première partie, Boussad, de part sa profession, enseignant en littérature comparée, convie le lecteur à une lecture comparée des deux parties du texte. L’auteur se fait pédagogue et « initie » le lecteur à la lecture de son texte.

L’indignation De Boussad, le professeur de littérature comparée le mène à l’indignité et à la précarité tandis que pour Farid, elle le mène vers une forme de dignité que confèrent l’aise et l’appartenance à un clan d’humanisme et de puissance puisque ce dit clan est allé à son secours. Farid, grâce à son rite de passage s’arrache à la précarité de son existence pour un meilleur confort matériel. Il retrouve pour lui et pour sa famille une dignité factice cependant conçue comme valeureuse.

Deux indignations distinctes face à des sorts tragiques : Boussad est révolté par l’assassinat de Tahar Djaout. Farid est révolté par les aveux durs et rudes de sa mère et une existence au-dessous du seuil de l’indigence. Mais Boussad est victime de son indignation : d’une part il devient la cible du terrorisme et d’autre part, il entame une désescalade. Tandis que l’indignation arme le bras de Farid chargé de mettre un terme à la vie d’un autre indigné, en l’occurrence Boussad.

Le premier, Boussad, par instinct de survie quitte Tizi- Ouzou pour Alger. De crainte d’être surpris dans son apparente déchéance, il abandonne Alger pour Oran. A Alger, un chef de gare, nommé H’mida, l’aide à monter à bord d’un wagon de marchandises. Le nom de H’mida, devant servir de sauf conduit a Boussad en cas de difficultés tout au long de son voyage. Nul n’ignore la/les charge/s sémantique/s du nom H’mida dans l’esprit du commun.

Le passager clandestin a son blanc seing, sa patte blanche. H’mida l’aiguilleur se transforme en « passeur ». Boussad, n’est plus « un vagabond du rail ».
A Oran, Boussad au premier jour de son arrivée est défendu, pris en charge, intégré et initié par un autre sdf nommé Kada. Kada, Boussad et Vinou forment un trio soudé. Trois existences assumant avec beaucoup de philosophie leur descente aux enfers. Chacun des trois avait une profession digne. Ils vivent leur indignité en espace ou vert derrière le marché Garguinta.

Boussad reçoit son nom de baptême de Kada. A son prénom vient s’ajouter, pour couronner son adoubement celui de « Laswed ». L’auteur mime par ce procédé l’onomastique de Tahar Djaout, en recourant à l’euphémisation de la destinée, de la qualité ou du connoté par le patronyme ou le prénom.

A Oran, Boussad à un second parcours initiatique, « un rite de retour », de réhabilitation, un désapprentissage et un réapprentissage. Sa rencontre avec Samra change le cours de sa vie. Elle l’aide à réapprendre à vivre, à reprendre pied dans la vie.

Le professeur de littérature comparée, compare aussi les villes.
Tizi-ouzou « est une métropole qui rappelle une femme, jadis belle mais qui se néglige désormais. Elle a le même peignoir depuis les années soixante-dix. [p11] Boussad l’a quittée. Sa mise en marge est double : sa dépréciation de la ville et son statut de victime expiatoire.
Alger est : « comme une femme fardée, semble belle. Mais il n’y a qu’apparence et sortilège.

Si cette ville est propre, elle a oublié de se laver les pieds. » [p33] Boussad l’a quittée. Sa mise en marge est double : sa dépréciation de la ville et se crainte d’y être reconnu.
Oran. Oran la voluptueuse, la jouissive, la mer cap

Fateh Bourboune

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