Soufiane Djilali, président de Jil Jadid a Algerie Network ; L’Algérie: une nation en chantier !

1- Jamouli Ouzidane (JO):

JO : Bonjour Mr Soufiane Djilali , et merci beaucoup d’avoir accepté cette entrevue avec Algerie Network.
vous avez pris le risque de présenter votre parti à ces élections malgré une histoire répétée d’élections truquées en Algérie. Qu’est ce qui a changé cette fois-ci pour justifier votre décision .

– Sofiane Djilali (SF) : A dire vrai, j’ai senti dans le régime une petite brèche après les événements arabes. J’en ai profité pour lancer la création de Jil Jadid et obtenir du coup l’agrément en même temps que la foultitude de partis créés pour la plupart de façon artificielle pour noyer toute véritable démarche en opposition au régime. Je présente à mes amis l’image de la foule devant une grille qui s’entrouvre et nous nous y sommes glissés un peu par chance. Les élections ont été pour nous une occasion de nous faire connaitre. Deux petites émissions tv, quelques passages radio nous ont permis d’amorcer notre véritable travail.

2- JO : est-ce que les conditions de surveillance des élections sont satisfaisante pour vous . Y.-a t-il suffisamment de garanties de surveillance internationale . La commission de surveillance est-elle crédible avec a sa tête monsieur Seddiki qui a déjà siégé à plusieurs reprises au sein de la Commission nationale de surveillance électorale depuis 1999 !

SF : Les élections et toute leur gestion sont emballées dans une opération de manipulation. Le pouvoir ruse avec le peuple. Ce qui l’importe est de ne pas bouger de là où il est. C’est sa nature.

3- JO: Maintenant que les résultats sont sortis, vous sentez vous trahis ou satisfait ! Pensez vous qu’il y’ aura des répercussions sociales si les élections s’avèrent une mascarade de plus … le seul recours étant le système lui-même. Pensezvous que les évènements que connait actuellement le monde arabe pourraient être exploités par ces nouveaux vampires que sont L’OTAN et leurs supplétifs les pays du Golf afin de déstabiliser l’Algérie

SF: out est possible. Les élections ont été très largement manipulées. Mais les USA, la France, et tous les autres n’y ont vu que du positif. A mon avis, il s’est passé quelque chose. J’imagine que les 200 milliards de dollars de réserve ne sont pas étrangers à cette attitude. Il est d’ailleurs ironique de voir comment l’Algérie a réagit au quitus du Qatar. Le régime algérien avait besoin de l’acquiescement du petit émirat, c’est drôle non?

4- JO: pensez vous que c’est juste de faire de élections sans le FILS dissous qui représente une grande partie du peuple algérien.

SF : Mon sentiment est que le FIS tel qu’il a été ne représente plus grand chose. Les dirigeants du FIS ont une immense responsabilité dans les déboires actuels du pays sans compter la décennie meurtrière. Les dirigeants du FIS sont l’autre face du régime. Ils aiment le pouvoir un point c’est tout. C’est en grande partie leur attitude (spontanée ou téléguidée) qui a permis au régime de se régénérer, d’avoir les arguments pour tuer dans l’oeuf la démocratie naissante. Il ne faut jamais oublier ce que disaient les chefs du FIS. Par contre, la masse qui avait suivi le FIS en est revenue. Je connais beaucoup d’anciens « fissistes ». Ils ont des difficultés à le reconnaitre mais ils savent qu’ils ont été les dindons de la farce.

5- JO: le fait d’autoriser tant de petits partis non encore mature et tant d’indépendants ne participe t-il pas à la neutralisation dela voie du peuple quand on sait que les trois partis de l’alliance et du pouvoir vont récolter la majorité des suffrages et perpétuer légalement le système …car en face il n’y’a aucune alternative … viable.

SF: Les résultats confirment ce que vous dites. La chose positive est que de nouveau il y a eu la possibilité de former des partis politiques. Il faut maintenant un peu de temps pour que cela prenne un sens.

6- JO : pensez-vous que votre parti est suffisamment mure pour prendre en charge le destin de l’Algérie dans un moment critique de son histoire. Pensez vous que des partis de dernière minute, qui manquent de maturité, d’expérience et de ressources (humaine, financière et matérielle) sont capables de rentrer dans le jeu … Ne faudrait-il pas plutôt miser sur le temps pour créer une organisation viable et attendre d’atteindre la taille critique pour rentrer en jeu et non pas dans le jeu !

SF: Il aurait été bien prétentieux de ma part de penser qu’en quelques mois un parti peut devenir apte à diriger un pays. Non, il faut bien plus de temps que cela. Un parti, ce n’est pas un sigle et un agrément officiel. C’est une doctrine, un programme, une vision, une organisation, des moyens matériels et financiers et surtout… un capital humain. Et j’entends par là, une équipe d’hommes et de femmes, compétents, capables d’agir et de travailler en équipe. Tout cela ne tombe pas du ciel. Il faut au moins quelques années de travail!

7-JO ; quel est votre action prioritaire devant un bilan catastrophique social devant tant de défi en même temps. L’Algérie est un gros morceau en défaillance critique : la politique mais aussi la société, la santé, l’éducation, la culture, la justice, la culture … ce n’est pas une renaissance qu’il nous faut mais une entière mutation de toute une génération !

Justement un confit de génération entre la nouvelle génération que vous représentez et l’ancienne (actualisé remixé) qui ne veut et ne voudra jamais partir car elle pense qu’elle n’a pas suffisamment usurpé les ressources de l’Algérie ! le combat est entre votre génération qui veut servir et l’ancienne qui veut se servir … Comment allez vous vous y prendre avec ce défi social qui semble insurmontable si on voit le désespoir de nos jeunes qui ne voit que peu d’options ; émigrer, se suicider, rentrer dans le banditisme ou dans le système pour survivre !

SF: Je n’ai pas meilleure définition de la situation que votre question. Elle est au cœur de nos préoccupations. Je suis très conscient des difficultés que vous citez avec pertinence. Il reste que nous sommes sommés d’agir. Il faut créer et alimenter une dynamique dans la société. Aurions-nous la compétence, l’énergie et aussi un peu la chance pour accomplir une part du travail? Je ne le sais pas.

8-JO: que comptez vous faire comme rénovation politique avec le pouvoir …

SF: Pour le moment, ils tiennent le pouvoir et il serait présomptueux de vouloir les en déloger en un clin d’œil. Notre objectif est plutôt de préparer un mouvement de pensée structuré qui pourra être offert au pays le moment où la situation l’exigera. Ma plus grande crainte est qu’en fait, petit à petit, toute la société continue sa dérive et qu’un jour, dans 5, 10 ou 15 ans, il n’y aura que le vide abyssal. Alors, à ce moment, tout sera définitivement perdu. L’Algérie régressera alors de façon définitive en tant que Nation.

9- JO: que comptez vous faire pour résoudre le problème du statut ambigu de l’armée algérienne héritière de l’armée de libération qui 50 ans après l’indépendance n’est toujours par rentré dans sa caserne. Une armée a qui on reproche de s’immiscer dans la politique et de choisir les politiciens.

SF : C’est une question bien trop lourde pour mes épaules. En fait le rôle de l’armée sera défini en fonction de l’évolution des choses. A mon avis, personne, même pas le Président de la République (actuel ou autre) ne pourra décider de lui-même de la place et du rôle de l’armée. Celle-ci tire sa légitimité du poids de l’histoire et de la force qu’elle possède. Un homme politique n’est pas un prestidigitateur!

10- JO: que comptez vous faire pour résoudre le problème économique avec 90% de ressources pétrolières qui vont se tarir au maximum dans 10 ans : le développement durable, réapprendre le travail aux algérien, la réforme financière, l’aide aux entreprise contre surtout la bureaucratie …

SF : Nous avons une série de propositions. Mais dans l’esprit de notre action, je crois que pour cette période, notre rôle sera plus de faire prendre conscience à nos concitoyens des enjeux à venir et des difficultés que nous aurons à franchir. Il nous servirait à quoi à nous échiner à trouver des solutions pratiques alors que nous sommes très loin des commandes?

11- JO: que comptez vous faire pour résoudre le problème éducatif et culturel avec ces centaines de milliers de doctorants et ingénieurs qui ne trouvent aucun débouché dans l’industrie algérienne dont ils sont complètement déconnectés… la machine à diplôme de l’université ne suit plus la technologie, l’innovation, les brevets … dans le monde …l’éducation politisée et par des décennies de réformes abruties est une vraie catastrophe car on hypothèque ici l’avenir non seulement de nos enfants mais de toute la société ; une société sans éducation est société sans avenir a l’ère des société de savoir où la technologie explose …

SF : Encore une fois, en peu de mots, vous exposez à travers votre question, la brutalité de la réalité. Je prendrai le temps de vous répondre dans l’esprit de votre question si j’avais en face de moi la perspective d’agir. Or, il semble que cela ne soit pas le cas. Mais franchement, lorsque vous avez en tête les questions, c’est que vous avez résolu au moins de moitié le problème. Ce n’est pas tant les décisions qui sont difficiles à prendre mais le temps qui s’écoulera entre l’application d’un choix et les résultats escomptés. Les problèmes algériens sont si importants, complexes et entrelacés qu’il est inutile de croire qu’une action partielle sur tel ou tel domaine peut donner des résultats. Le chômage est lié à la dynamique économique, celle-ci à la bonne gouvernance, elle-même liée au niveau général de la population et surtout de son élite… tout est lié!

12, JO : finalement une question personnelle : quel est votre secret pour vouloir vous attaquez aux problèmes gigantesques de l’Algérie de demain … y’ a t-il quelque part dans votre biographie une injustice qui vous brûle, une foi dans l’algérien, un devoir de servir, une pensée métaphysique, une vocation de toute une vie …

SF : Je n’ai pas d’explication toute faite. J’ai eu une enfance très heureuse, épanouie et tranquille. Je me suis adonné très tôt à une passion sportive, j’ai poursuivi très longtemps des études, j’ai réalisé mon rêve de faire de la recherche de haut niveau, j’ai enseigné à l’université… J’aurai pu rester tranquillement dans un pays développé… La vie, le destin dirions-nous, auront voulu que j’en vienne à la politique. Maintenant, il y a un mélange de sentiments en moi. Je n’aime pas l’Algérie telle qu’elle est et je n’arrive pas à m’en défaire. Je vois trop combien nos gouvernants sont incapables de gérer le pays. Ensuite, comment expliquer mon attitude? Je pense, qu’au bout du rouleau, il y a une foi qui me dépasse. Ce n’est pas du mysticisme. C’est plutôt un sens du devoir qui s’impose à moi!

13 JO ; C’est si peu comme réponse mais si condensée à cause des lois de la communication moderne, je vous comprend mais nous voulons savoir plus … C’est aussi si riche, si sincère et loin de la langue de bois … une observation sur votre idée de pensée si vous aviez la perspective d’agir ; il faudrait à mon avis en priorité un courant de pensée pour un parti ; je pensais à la révolution française avec ces encyclopédistes, aux communistes avec leur marxisme (et adaptation de Lénine au russes et de Mao au chinois), ou même aux (VRAIS) islamistes avec par exemple Malek Benabi, même Frantz fanon voulait donner un courant de pensée pour la révolution algérienne, on a aussi les Senghor pour l’Afrique et les Tché en Amérique latine…

En Algérie, aucun mouvement politique n’est fondée sur une pensée profonde, complexe et du terroir… car avant de faire, il faut penser faire … on ne peut faire une révolte et dire que c’est une révolution ou participer à des élections (par un acte bureaucratique) et dire que l’on a une réforme. La politique c’est aussi avant tout un art de pensée, un art de guerre, un art du mensonge, un art de l’organisation, une science de la complexité des réseaux de neurones, du Machiavel, du Darwin, ou du Sun Tzu qui nous enseigne comment gagner son combat sans avoir à se battre !

Mais votre remarque est sensée ; auront nous le luxe du temps de préparer tout cette pensée quand les 90% de nos ressources naturelles et non humaines seront taris et que notre système d’éducation n’est pas prêt pour assurer les défis (technologiques) futur … celui de la société de savoir !

SF : En effet, pour qu’un parti politique réussisse, il faut un courant de pensée cohérent et profond. Il faut une réflexion sérieuse sur la société, ses points forts et ses points faibles. Il faut différencier ce travail d’un programme politique ou gouvernemental. Ce n’est pas non plus une idéologie au sens premier. Pour ma part, j’ai essayé d’engager une réflexion endogène à la société algérienne, c’est à dire comprendre la société d’après ses propres prémisses et non pas en fonction d’une grille de lecture importée. C’est dans ce cadre que j’ai rédigé un premier essai: L’Algérie: une nation en chantier.

J’ai eu à préciser ensuite un certain nombre de concepts dans mon second livre: L’Algérie en question, qui est en fait un recueil de textes publiés préalablement dans la presse ou sur le net. je ne prétend pas avoir réussi à créer un courant d’idée mais j’ose croire qu’il y a là matière à réflexion. En tout état de cause, j’essaye d’aller jusqu’au bout de ma logique, de mes convictions en restant ouvert et attentif à ce qui est extérieur à moi. Jil Jadid est donc le prolongement naturel de cette pensée. Car, toute la difficulté est de transformer en réalité vécu une vision de l’action. L’avenir, proche ou plus lointain, nous montrera si la voie choisie est fertile.

Jamouli Ouzidane pour Algerie Network

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