Mr. Karim Younes à Algerie Network ; Seuls survivront les pays qui ont su miser sur leurs peuples !

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Entretien de Mr. Karim Younes (KY) avec Jamouli Ouzidane (JO)

Jamouli Ouzidane pour Algerie Network

C’est donc un témoin privilégié des arcanes algériens. Sous sa direction, la formation professionnelle a connu une avancé spectaculaire notamment avec le recrutement de Dr. Boualem Tatah, Dr en génie nucléaire, réalisateur du plus grand projet algérien ; le programme nucléaire de Ain Wessara. Le couple Younes–Tatah allait faire rentrer la formation professionnelle à l’ère de la modernité internationale si ce n’est leur départ qui a ralenti ce projet.

Ce qui fait la politique, c’est un grand politicien et le choix des compétences qui l’entoure. Mr Younes, appelé à la tête de l’APN, toujours avec son adjoint le Dr. Tatah, allait entamer la modernisation et démocratisation de cette assemblé et comme toujours ces projets sont avortés pour des raisons inconnus.

Depuis, Mr Younes s’est consacré à la réflexion sur une meilleure vision du monde. A défaut de Think Tank crédible en Algérie, Mr Younes nous revient donc avec cet ouvrage de vision et de veille géostratégique générale de l’Algérie ; Passé, présent et surtout futur. Un état de l’Art que devrait avoir sa place comme thèses d’état dans nos instituts d’administrations politiques ; Un ouvrage aussi de vulgarisation ludique pour le citoyen algérien qui veut comprendre la complexité au-delà de la réduction primaire de nos médias qui divertissent plus que n’instruisent.

Dans cette première partie de l’entrevue, nous allons directement au futur vue les débats actuels sur les présidentielles et voir si cette prospective futur de Mr Younes , peut constituer une vision politique présidentiable.

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JO 1- Vous parlez de l‘histoire comme une immersion émotionnelle d’un pèlerin qui revisite ses lieux de mémoires et vous l’emmenez donc dans ce voyage initiatique dans ses sources mais Montesquieu voulait découvrir l’esprit des lois, Ibn Khaldoun voulait puiser de l’histoire des lois des 4 générations d’autres historiens y verront des cycles, des invariants, des bifurcations, des extinctions et des mutations profondes … en ce qui vous concerne , qu’es ce que vous avez appris de significatif de ce voyage initiatique ?

KY- Dans le fond, l’Histoire de l’Algérie en est réduite à l’histoire officielle tronquée d’une grande partie de sa véritable identité. Un premier ouvrage, De la Numidie à l’Algérie-Grandeurs et Ruptures, a contribué, même modestement, à l’exhumation d’une bonne partie de notre histoire et remué les cendres du passé.

…Quant à ce second ouvrage, « Aux Portes de l’Avenir- Vingt siècles de Résistance, Cinquante ans d’Indépendance », son intérêt prolonge la réflexion sur le destin et le futur de notre pays, l’Algérie, en puisant des leçons dans son Histoire tumultueuse. Dans ce nouvel ouvrage,  j’aborde les constituants de l’identité nationale et les phases de construction de l’État-nation algérien.

La célébration du cinquantenaire du recouvrement de l’indépendance de  notre pays, l’Algérie, est  une date historique opportune, pour   une immersion dans notre passé lointain et contemporain. (Le livre était prêt à la publication  en 2012). Elle nous aide  à mieux nous connaitre et donc à mieux comprendre notre présent pour enfin oser des regards vers des horizons plus conformes à nos  aspirations. Nous connaître et, donc, nous construire, c’est là notre défi en ce millénaire de l’identité.

C’est aussi le moment de faire une lecture-bilan de 50 ans d’indépendance pour analyser les diverses péripéties et les inaccomplissements de l’histoire algérienne, faite de grandeurs, et de ruptures. L’Algérie, est aujourd’hui ce qu’elle est devenue, et ce  n’est pas le fruit du hasard. Nous devons interroger notre antériorité et analyser les actions couronnées de succès et celles entachées d’échecs. En un mot porter un regard tout à la fois rétrospectif et introspectif sur l’histoire de notre pays.

La question centrale que l’on doit se poser est également de savoir quel rôle géopolitique peut tenir notre Algérie quand on sait que les initiatives internationales prises par les pays qui comptent le sont au nom de la crédibilité acquise par leurs institutions respectives auprès de leurs peuples. Une autre question tout aussi importante : pouvons-nous ignorer le passé colonial et la nécessité d’en modifier les perspectives ?

Nos historiens ont matière à écrire pour les générations futures notre histoire nationale expurgée des relents de sectarisme puéril, d’abus de contre-vérités stériles, de volonté d’hégémonie dérisoire. (J’allais écrire imbécile)

 

JO 2- Je reprends votre interrogation dans votre introduction car j’avais l’impression que c’est un questionnement trop évident auquel vous n’avez pas répondu en termes géostratégiques quantifiés : « Nous, où en sommes-nous ? En retard ou dans les temps ? Ramons-nous en cadence avec le monde, ou, orgueilleux, souquons-nous à contre-courant ? … Quel bilan pouvons-nous en tirer ? Quel avenir nous interpelle ? »

Combien sommes-nous quantitativement en retard en économie et en éducation, une décade, un siècle ou un millénaire en termes scientifiques ? Quels sont réellement les dangers futurs qui nous guettent ; famine, guerre civile, disparition ?

KY- Les clignotants de l’actualité qui s’affolent nous obligent à trouver les solutions les plus urgentes et les plus pérennes pour éviter à notre pays de s’enfoncer davantage dans la régression sociale. Les dangers que vous citez, famine, guerre civile…ne sont jamais  trop loin. Nous sommes dans une région du monde où la guerre à relent néocolonialiste, sans occupation de territoire, mais d’usurpation des biens jusqu’à l’asservissement de la souveraineté est toujours à l’ordre du jour.

Les effets pervers de cette situation, outre qu’ils menacent la stabilité et la cohésion nationale, appauvrissent les esprits, et affament les plus vulnérables. Ce sont des réalités géopolitiques qui s’imposent à nous.

Nous protéger de cette violence imposée par les plus forts et alimentée par le comportement de gredins de plusieurs de nos dirigeants exigent plus  que jamais de nous renseigner sur notre passé, car les mêmes maux ont été vécus. Les solutions qui font appel à l’intelligence nous ont permis de nous en sortir. La médiocrité ajoutée à l’absence de volonté collective ont accentué la descente aux enfers. Une analyse diachronique  pour bien comprendre  un vécu synchronique peut nous aider à relever la tête de l’eau et poursuivre la course dans l’histoire, au moins sur les berges des torrents sans cesse grandissants et menaçants.

Mais revenons à l’essentiel. Aujourd’hui comme hier la conscience nationale aspire à trouver les solutions politiques qui garantiront des modèles de développement plus justes, plus équilibrés et plus équitables. Car voilà bien le défi et l’ouvrage l’évoque : il s’agit  de savoir comment promouvoir l’insertion de l’Algérie dans la géopolitique émergente du XXIème siècle, celle marquée par l’apparition de  nouvelles puissances qui pourraient remettre en cause la domination de l’Occident, d’être présents et actifs afin de se construire une place aux côtés de la Chine et de l’Inde, de  la Russie qui se relève et du Brésil. Ces nations aspirent à devenir des puissances planétaires sur le plan économique et militaire.

Ne pouvons-nous pas avec notre potentiel humain et matériel arracher une place à côté d’elles? Dans ce contexte, il s’agira d’abord de bannir les  discours éculés, qui chloroforment  plus qu’ils n’’éveillent, les combats de coqs d’arrière-garde qui n’intéressent que leurs auteurs.

 

JO 3 – Vous dites que votre ouvrage n ‘est ni un ouvrage universitaire, ni essai d’un historien professionnel et vous laissez le lecteur vaguer a ses propres interprétations. En parlant de tout sans rien affirmer et en encourageant le relativisme du lecteur, ne courez-vous pas le risque de ne pas être pris au sérieux dans votre prospective ? Le lecteur ou l’électorat veut des hommes politiques ayant une vision claire avec de la conviction, de la certitude, et de l’autorité surtout dans une première phase de construction d’un état de droit et de devoir non encore existant.

KY- Je ne peux soutenir un discours antithétique de ce que j’ai écrit. Ce serait faire montre d’escroquerie intellectuelle. Je ne suis ni HISTORIEN ni ne prétends tenir d’un savoir universitaire de référence. Je dirai seulement que le recours à des dizaines de sources historiques, d’auteurs reconnus pour la solidité de leurs thèses, peuvent donner une relative autorité à mon écrit. Les critiques dont vous, M.Jamouli Ouzidane, comptez parmi les rigoureux et les plus impartiaux, feront le reste.

Je reprends ce que j’ai écrit en avant-propos : Je revendique seulement la disposition d’un homme qui est arrivé à un moment de sa vie là où il peut à la fois puiser dans son expérience et nourrir sa vision de l’avenir. Mon écrit est un récit historique orné ou enluminé d’une réflexion délibérément proactive sur notre passé. Il n’est pas un ouvrage de type universitaire, ni essai d’un historien professionnel.

C’est juste le synopsis d’un film des évènements historiques attestés que le lecteur est invité à revisiter avec ses instincts, son intelligence, son choix d’interprétation.

 

JO 4- Vous êtes pour une vision méditerranéenne car nous sommes plus ancrés dans un espace historique de civilisation géostratégique méditerranéenne. Vous semblez sous-estimer que de l’autre côté de la rive, l’identité est fondée sur Rome la chrétienne et Athènes la démocratique. Depuis la venue de l’Islam, l’Occident est synonyme de prédation avec ces croisades barbares, ses colonisations inhumaines, ses appuis hypocrites aux dictatures post-indépendance et finalement ses ingérences machiavéliques dans les conflits arabes. Il faut deux pour valser. Comment aller vous gérer les relations internationales dans ce contexte de conflit de civilisations ?

KY- Je ne vais pas m’éloigner de ce que j’ai déjà relevé dans mon écrit que vous avez scrupuleusement décortiqué : Les changements de position sur le grand échiquier qu’est devenu l’espace géopolitique mondialisé donnent lieu à des offensives impitoyables, dont font les frais les pays les plus vulnérables. Il en faut peu pour affaiblir un État. Il suffit que l’ego surdimensionné de ses dirigeants, leur cupidité, leur égoïsme, gouvernent leur quête du pouvoir, pour que se déclenche, parfois à leur insu, le compte à rebours de l’implosion, de la décadence et de la soumission aux nations plus fortes.

Face à ce qu’il convient d’appeler une bourrasque à la fois géopolitique et géoéconomique, il apparaît clairement que seuls survivront les pays qui ont su miser sur leurs peuples, qui ont su bâtir une structure institutionnelle qui réponde à leurs attentes de liberté, d’indépendance et de discipline. Qu’en sera-t-il du nôtre ? À l’heure de la mondialisation, le salut peut résider dans la construction d’une nouvelle union économique maghrébine et, pourquoi pas, politique. Une perspective qui nous permettrait d’intégrer le cours du monde. Le Maghreb est notre maison commune. Il a été notre berceau, il est notre avenir.

 

JO 5- Quel avenir sécuritaire pour l’Algérie sans un ensemble qui peut assurer cette sécurité a l’ère des grands ensembles ; Europe-Amérique du Nord qui va être prochainement signé, Chine, Inde, Amérique latine et BRICKS alors que nous sommes, pays arabes et musulmans, les seules entités qui se divisent encore à l’infini dans des guerres ethniques, civiles et dans un nationalisme primaire archaïque ? On a dernièrement assisté à la régionalisation de l’Irak, la dissection du Soudan en deux en perdant ses réserves pétrolières et la somalisation de notre voisin la Lybie. Quelle vision identitaire géostratégique pour l’Algérie de demain dans cet espace de complexité et Chaos ?

KY- Les désordres imposés au monde de la sphère Moyen-Orientale jusqu’au Maghreb et ses confins sahariens  sont la conséquence d’une combinaison de conditions aussi bien exogènes qu’endogènes. Une autre lecture géopolitique doit être rapidement faite par les dirigeants et les sociétés civiles menées par nos élites imprégnés des enjeux et des défis du siècle  pour appréhender les risques encourus par une déflagration généralisée qui redessinerait la carte du monde au détriment des vaincus, des peuples d’Afrique du Nord donc et du Moyen-Orient, pour l’instant. La dislocation du monde pensé au lendemain de la défaite napoléonienne au Congrès de Berlin en 1815 poursuivie à la suite de la première guerre mondiale et de la seconde, consacrerait une carte géopolitique qui perpétuerait la mainmise de l’occident, les États-Unis en tête, sur toutes les richesses du sol, du sous-sol et des ressources humaines dans cette partie du monde  que la géographie nous a légués ou positionnés..

Ne sous-estimons aucun danger potentiel. La menace rôde autour de nos têtes…La paix sociale est volatile. L’achat des consciences n’est pas la  solution. Plutôt la mobilisation autour d’une gouvernance plus juste, plus attractive car émanation d’institutions crédibles, légitimée par le choix libre et réellement démocratique de la Nation. Le danger d’une atteinte à notre socle identitaire, à notre devenir historique dépend en grande partie des moyens retenus par notre pays pour le doter  d’instruments efficaces afin que son  entrée dans le siècle des innovations, dans celui des luttes pour l’existence, balayant le spectre de la maladie, de la famine, du mépris, de l’injustice et de l’ignorance le mettent à l’abri du statut des peuples « globalisés » face à la coalition des puissants qui rythment le monde au gré de leurs intérêts exclusifs.

 

JO 6-vous semblez encore faire confiance aux algériens quand vous leur dites « Mieux est en nous ! ». Ces algériens qui sont humiliés chaque jour de leur vies par un pouvoir indigne, incompétent, corrompu et méprisant, ces citoyens qui n’ont aucun espoir et aucune confiance dans leur politiciens, politiques, élections, institutions … Comment faire renaitre la confiance, la vie, l’esprit de solidarité et de travail chez ces millions d’Algériens désabusés par une administration médiévale sans aucun contrôle, un système de santé malade, aucun relais démocratique, des affaites de corruptions qui font scandales à l’international, des dépenses pharaoniques au grand bonheur des économies étrangères et non pas du génie algérien … et la suite a dépassé toute criticité tolérable ?

KY- De ce poste d’observation tranquille, en apparence, qu’est  mon retrait de la responsabilité exécutive, j’ai observé le temps. Celui de mon pays, celui  de mon peuple. Celui du temps présent et de ses bouleversements parfois dramatiques, le temps d’une jeunesse innombrable angoissée, désabusée mais encore disponible. Celui d’une économie en perpétuelle désintégration, celui d’une citoyenneté en éternelle décrépitude. Celui de nos institutions devenues désuètes, archaïques et archaïsantes, celui de la pulvérisation de nos valeurs de fraternité, de solidarité, d’urbanité qui avait cimenté par le passé les règles de notre vie dans le temps et l’espace de cette maison commune que fut notre Algérie. Il est grand temps avant qu’il ne soit trop tard, (mais n’est-il pas déjà trop tard)  d’une réflexion  profonde et d’un courage civique pour traduire  nos espérances en une formule nouvelle, dynamique et performante qui réponde à l’intérêt de  notre collectivité et à son ancrage dans la réalité du monde qui avance mais qui voudra encore de nous.

 

JO 7- vous donnez pourtant un scénario tragique shakespearien qui attend toute notre région ; La région se déploie comme sur un volcan qui roulerait un grondement sourd. Les composants du désastre sont là. Le casting des acteurs du drame a été effectué. La pièce n’attend que celui qui donnera les trois coups de brigadier. Puis ce sera le lever-de-rideau sur une nouvelle tragédie, arabo-africaine celle-là.

Ma question sera ici pour l’homme politique visionnaire que vous êtes ; que comptez-vous faire avec votre expérience humaine, politique, rare et précieuse en Algérie ? Allez-vous laisser l’Algérie dans ces moments de bifurcations qui peuvent aller aux chaos a des malades mentaux du pouvoir, des corrompus qui se servent de l’Algérie au lieu de la servir et de la réveiller à la réalité tragique ; la réalité des nanotechnologies, des sociétés de savoir et l’Art de la guerre qui se dessine aujourd’hui pour le prochain millénaire, l’art de survivre la prédation machiniste bestiale humanitaire ?

Marx disait qu’il ne faut pas seulement penser le monde, mais il faut le changer ; vous, vous en penser quoi ? Mais surtout, allez-vous rester dans votre confort intellectuel de penseur ou prendre vos responsabilités historiques politiques ? Quel courant politique allez-vous encourager ou bien allez-vous créer votre propre parti politique et quelles sont alors les priorités géostratégiques que vous allez implémenter en première phase pour la scission avec l’ancien régime et la construction d’une nouvelle république algérienne ?

Peut-on penser qu’avec la publication de votre livre, l’ancien président de l’APN qui fait aussi des propositions de sortie de crise, signe son retour à la politique ?

KY- Je cultive un esprit libre, libéré des carcans organiques et mon seul souci est le  devenir de notre pays et de sa place stratégique dans la géopolitique régionale et mondiale. Vous savez, dans toute trajectoire politique il y a une logique des évènements. Il suffit simplement de faire la lecture adéquate et en tirer les enseignements. Le temps de l’écriture est venu pour moi. C’est un cadre d’expression stratégique, qui me permet de dire ce que je sais, ce que je pense, de faire de mon discours un apport de pédagogie politique. J’y ai élu domicile.

S’enfermer dans un parti ? Plus jamais, du moins je l’espère, mais je contribuerai de toutes mes forces pour l’avènement d’un cadre d’organisation de toutes bonnes volontés autour d’un objectif commun qui tracerait les contours d’une Algérie, plus apaisée, en conformité avec les espérances d’un pays en orbite sur le millénaire en cours. Sur ce plan et plus prosaïquement, je voudrais ajouter ceci : La connaissance de notre passé lointain ou récent du point de vue politique et moral est fondamental car  on ne bâtit pas une vision politique sans l’inscrire dans l’histoire.

Et l’histoire doit se réécrire maintenant par les plumes, sans exclusive, des Algériens où qu’ils se trouvent, pour contrarier les lâchetés imbéciles, les hypocrisies puériles, les mensonges stériles, les suspicions démentielles, les déchirements cruels, les opportunismes rituels, la répugnance des comportements de crétins, la fréquentation de gredinsréduits au rang de prédateurs, de charlatans et autres troubadours, qui ne trouveront pas place dans les pages dorées de notre mouvement vers un meilleur avenir.

Algerie Network