samedi, mai 18, 2024

Edilivre : arnaque ou nouveau modèle de l’édition ?

Avec l’essor des livres électroniques, de l’impression à la demande et de l’autopublication, le net commence à regorger de maisons d’édition « différentes », des structures qui se vantent de se démarquer des dinosaures de la littérature et d’offrir de nouvelles possibilités aux auteurs en mal de publication. Certaines d’entre elles ont des discours pour le moins alléchants. J’ai voulu me pencher un peu sur elles, histoire de savoir si j’avais tort de m’acharner à faire cavalier seul pour la publication de mes propres romans.

La première de ces « maisons d’édition alternatives », comme elle se dénomme elle-même, à m’avoir tapé dans l’œil, c’est Edilivre. Il faut dire que quand on fouille un peu dans le secteur, on s’aperçoit vite qu’ils font beaucoup de publicité. Ils sont par exemple partenaires d’un petit paquet de concours de nouvelles récents, où ils offrent aux gagnants la possibilité d’éditer gratuitement leurs premiers romans.

Étudions donc l’annonce de leur page d’accueil :

Edilivre vous publie gratuitement aux formats papier et numérique.

– Edition généreuse, simple, rapide et gratuite
– Droits d’auteur imbattables jusqu’à 70% dès le 1er exemplaire et un contrat sans engagement.
– Une large distribution papier et numérique auprès des libraires et sur internet, liseuses, tablettes, smartphones…
– Promotion efficace : médias, interviews, liste journalistes, réseaux sociaux, salons du livre, Club Auteurs…

Quand je vous disais que c’était alléchant ! Mais bien sûr, la réalité est rarement aussi belle que les vendeurs voudraient nous le faire avaler.

Creusons un peu l’histoire des « droits d’auteur imbattables », par exemple. En fouillant un peu sur le site (je leur reconnais ça de bonne foi, ils ne cachent pas les informations ; leur site est très clair et bien organisé), les droits d’auteur effectifs sont :

Sur les ventes papier : 20 % quand le livre est vendu sur Edilivre.com, 10 % quand il est vendu sur une autre plate-forme
Sur les ventes numériques : 70 % quand le livre est vendu sur Edilivre.com, 15 % quand il est vendu sur une autre plate-forme

Pour m’être penchée sur le problème depuis un moment déjà, je peux affirmer que ces droits n’ont rien d’extraordinaire.

Pour l’édition papier, Edilivre fait de l’impression à la demande. Dans ces circonstances, 20 % est un bon pourcentage ; 10 %, franchement pas si bon que ça. Quant aux ventes numériques, je suis carrément scandalisée par ce chiffre de 15 %. La plupart des plateformes de vente d’ebooks comme Amazon retiennent environ 30 % du prix de vente, ce qui signifie qu’à moins de frais cachés, Edilivre se met 55 % des revenus dans la poche pour ce type de transaction — bien plus que si l’achat est fait sur leur propre plateforme !

Sans oublier un autre détail de taille : les livres d’Edilivre sont chers, et dans le cas de leurs livres numériques, même atrocement chers. Il suffit d’un coup d’œil dans leur librairie pour s’en assurer. Une nouvelle de 28 pages choisie au hasard sera vendue 8€ en version papier… et 5€ en ebook. Un recueil de 400 pages, 35€ la version papier et 21€ l’ebook. Que l’impression à la demande ait ses frais, passe encore, même si ça me semble un peu fort de café. Mais les ebooks ? Ben voyons ! On continue à prendre les consommateurs de livres numériques pour des abrutis.

Ce qui m’amène à un autre point : le format. Quand Edilivre offre à l’auteur plein d’espoir une publication numérique, ils l’offrent sous format PDF. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de lire un fichier PDF sur liseuse électronique, mais ce n’est pas fait pour ça. Ça fonctionne, mais c’est loin d’être la joie. Il y a des formats spécifiques pour les livres électroniques : les fichiers ePub et Mobi.

Oh, Edilivre propose bien de créer un fichier ePub de votre livre, mais cela fait partie d’une de leurs options payantes : le pack E-book, disponible pour la somme modique de 149 €. Ce pack comprend aussi la diffusion auprès de plateformes comme le Kindle Store d’Amazon, Kobo, Chapitre.com… Qui ne font donc pas partie de l’offre de base. Devoir payer 149 € pour qu’Edilivre puisse se faire 55 % de gains sur les ventes de ces magasins en reversant à l’auteur un petit pécule (parce qu’ils sont généreux)… je trouve ça un peu difficile à avaler.

Bien sûr, ce n’est pas la seule de leurs options. Par exemple, Edilivre offre la couverture… mais seulement si vous voulez une couverture très basique, avec titre, nom de l’auteur et joli logo Edilivre sur fond blanc. Pour quoi que ce soit de plus sophistiqué, il faut payer de 119 € à 345 €, selon vos goûts.

Idem pour la « promotion efficace » : un certain nombre de fonctionnalités sont gratuites, comme la création d’une page web pour le livre, sa présence sur les principaux réseaux sociaux, la possibilité de se rendre au stand Edilivre dans les salons littéraires pour y promouvoir son œuvre (à vos frais, j’imagine)… Par contre, si vous voulez qu’on crée une bande-annonce pour faire connaître votre roman, il faudra débourser 149 €.

En résumé, Edilivre propose une offre intéressante, mais seulement si vous pouvez vous contenter du pack de base gratuit, qui n’est somme toute pas si mal si vous n’avez pas l’intention de faire fortune avec vos écrits. Les livres sont chers, les revenus d’auteur modestes, mais ils s’occupent de tous ces détails fastidieux comme la mise en page, l’ISBN, le dépôt légal, la couverture (basique), l’impression, le référencement auprès des libraires et la publicité (basique). Je reste en revanche persuadée que les options ne sont absolument pas rentables.

Mais libre à vous d’utiliser ces informations à votre guise !

souce

Votre Journal Arts et Culturespot_img
error: contenu protégé