« Qui est Charlie? » d’Emmanuel Todd

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Le Premier ministre a vivement réagi au livre d’Emmanuel Todd Qui est Charlie? Sociologie d’une crise religieuse, sur les manifestations du 11 janvier. Le point sur les arguments-clé de cet ouvrage.

Esprit du 11 janvier, es-tu là? Manuel Valls s’est emporté, ce jeudi, contre les thèses défendues par Emmanuel Todd dans sans ouvrage Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse (Seuil), paru le 7 mai. Au lieu du magnifique sursaut collectif salué par la plupart des observateurs, le démographe perçoit dans les manifestations du 11 janvier, quatre jours après l’attentat qui a décimé Charlie Hebdo, un « flash totalitaire ». Quels sont les points forts de son argumentaire?

Un rassemblement pour « le droit de caricaturer les plus faibles »

Au lieu de « l’élan magnifique » presque unanimement salué, selon Emmanuel Todd, le rassemblement du 11 janvier traduit « une perte de sang-froid ». « Lorsqu’on se réunit à 4 millions pour dire que caricaturer la religion des autres est un droit absolu – et même un devoir! -, et lorsque ces autres sont les gens les plus faibles de la société, on est parfaitement libre de penser qu’on est dans le bien, dans le droit, qu’on est un grand pays formidable. Mais ce n’est pas le cas, expliquait-il à L’Obs. Se moquer de soi-même ou de la religion d’un ancêtre est une chose, dit-il, mais insulter la religion d’un autre est une histoire différente ». Blasphémer l’islam, c’est « humilier les faibles de la société que sont ces immigrants », juge le démographe.

Un rassemblement dont étaient exclus les classes populaires

Ces quatre millions de Français ne sont pas représentatifs de la société française: « Beaucoup appartiennent à la classe moyenne, mais les jeunes de banlieue (dont beaucoup d’origine immigrée) et les classes ouvrières, eux, n’y étaient pas », constate Emmanuel Todd.

Une géographies des manifestations qui dessine deux Frances

La cartographie des manifestations réalisée par le démographe révèle une mobilisation du simple au double entre les régions historiquement républicaines et les régions de tradition catholique.

Paradoxalement, « ce sont les régions les moins républicaines par le passé qui ont le plus manifesté pour la laïcité », constate-t-il: les manifestants ont été en effet nettement plus nombreux dans la « France périphérique, historiquement antirépublicaine », celle des « catholiques zombies*« , soit l’Ouest, une partie du Massif central, la région Rhône-Alpes, la Lorraine, la Franche-Comté. Ils sont bien moins nombreux dans « la France de tradition athée et révolutionnaire », le Bassin parisien et la façade méditerranéenne.

La fracture de la France des classes moyennes et celles des quartiers populaires

Le politologue fait également le constat d’une autre fracture, celle qui naît d’une « néo-République » qui n’aspire à fédérer que « sa moitié supérieure éduquée, les classes moyennes et les gens âgés ». Le démographe déplore une double exclusion: celles des électeurs du FN, qui, en termes sociologiques signifie désormais l’exclusion des ouvriers, et celle des Français issus de l’immigration.

La crise religieuse des classes moyennes et le rejet de l’islam

Sur la relation de la France avec l’islam, Todd part du principe que la France des classes moyennes centristes est en état de crise religieuse. Elle se trouve « dans un état de vide métaphysique abyssal », qui explique en partie son « jeu pervers avec les musulmans pour se trouver des boucs émissaires. » Paradoxalement, dans cette ambiance de reflux du religieux, la France est « obsédée par les symboliques religieuses ».

La relégation des jeunes issus de l’immigration, à l’origine de l’attrait pour le radicalisme d’une minorité

Les inégalités dont sont victimes les immigrés et leurs enfants, « qui ne peuvent recevoir un enseignement suffisant et ne trouvent pas de travail en période actuelle de crise économique contribuent à l’attrait, pour une partie d’entre eux, du radicalisme du groupe Etat islamique« . « L’absence de perspective d’avenir est une des causes de l’aliénation de ces jeunes », analyse Emmanuel Todd. L’islam est devenu « le support moral des immigrés de banlieue dépourvus de travail. »

La montée de l’antisémitisme

Dans le contexte d’une « société dominée par des classes moyennes qui ne croient plus à rien » et d’une économie à la dérive, dans laquelle on s’accommode d’un chômage à 10%, « on lance les minorités les unes contre les autres ». « Les ouvriers ‘de souche’ marginalisés et maltraités s’en prennent aux milieux populaires arabes, les jeunes Maghrébins s’en prennent aux juifs et réciproquement ».

L’historien est particulièrement inquiet de « l’antisémitisme des banlieues, « un fait nouveau et indiscutable. » Selon lui, « la montée d’une passion religieuse islamophobe, dirigée contre une minorité, ne peut que raviver, inévitablement, toutes les passions religieuses et finalement cibler la religion des autres minorités, conduire donc à l’antisémitisme ».

* Catholiques zombies: dans les anciens bastions catholiques, une pratique religieuse forte a perduré jusque vers 1960. Elle a tardivement disparu, mais a laissé subsister une forte aptitude à la coopération – des communes, des groupes professionnels, par exemple- une forte intégration locale. « Aujourd’hui, les régions « catholiques zombies » ont de meilleurs résultats éducatifs, des taux de chômage plus faibles, une meilleure résistance à la crise économique », expliquait Emmanuel Todd à Marianne en 2013.

source

https://www.youtube.com/watch?v=Kl9PDFamAHQ

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